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samedi 11 juin 2022

L’interdiction du langage inclusif à l’école fait beaucoup causer [Actu]

"Interdit d'interdire", dit le gros titre sur le tableau
En haut, la condamnation de l'ex-présidente non élue
de la Bolivie à plusieurs années de prison pour putsch
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Depuis quelques années, les Argentins connaissent un phénomène de langage inclusif qui introduit un genre neutre dans une langue espagnole qui jusque là l’ignorait. Il y avait un masculin avec des terminaisons généralement en -o au singulier et en -os au pluriel et des terminaisons généralement en -a au singulier et en -as au pluriel. Quelques substantifs et adjectifs ont une terminaison en consonne au singulier, ce qui donne une désinence en -es au pluriel : par exemple joven / jovenes (jeune).

Au début, le neutre, inventé par des militants LGBTI pour répondre aux besoins de reconnaissance linguistique et grammaticale des personnes non-binaires, était marqué par un -x ou un @ qui prenait la place du -o ou du -a précédents. Ce qui était imprononçable, comme le langage inclusif français. Avec la pratique, les Argentins sont donc passés au -e. Ce qui, comme m’a dit un jour une de mes amies assez hostile au phénomène, revient à « parler français ». Et maintenant, ce langage peut passer à l’oral.

Clarín traite le sujet très discrètement : en bas à droite
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Progressivement, ce courant linguistique s’est ainsi étendu dans les milieux intellectuels, la presse et la littérature de gauche. On en trouve assez souvent la trace dans les colonnes de Página/12 et dans les autres périodiques du groupe Octubre. Le gouvernement de l’actuel président, qui est personnellement concerné dans sa proche famille par le phénomène (il a un enfant non binaire qui milite dans ce sens), pratique assez souvent ces innovations dans les discours officiels et les communiqués.

Avant-hier, le ministère de l’Éducation de la Ville Autonome de Buenos Aires a annoncé qu’il interdisait l’application du langage inclusif dans les écoles publiques de son ressort. L’argument de la ministre est assez simple et pas entièrement faux (mais pas entièrement vrai non plus) : la langue espagnole disposerait de tout ce qu’il faut pour respecter les exigences de reconnaissance et de bienveillance envers les personnes non-binaires. C’est un peu faux parce que la règle, qui vaut aussi en français, selon laquelle au pluriel le masculin l’emporte sur le féminin est encore plus rigoureuse qu’en français, où elle est déjà très forte. Il n’existe par exemple aucun mot pour désigner ensemble le père et la mère. On dit padres (père au pluriel). Même chose pour les enfants qui sont los hijos (hijo = fils). Idem pour les frères et sœurs qui sont los hermanos. Cela est vrai aussi pour un couple royal : ils sont « los reyes », les rois. En Espagne, jusqu’à il y a peu, le duché d’Albe était aux mains d’une femme, la Duquesa de Alba. Lorsqu’elle était mariée et qu’on parlait du couple, on les désignait comme « los duques de Alba », ce qui montre bien à quel point l’espagnol est grammaticalement peu adapté à toutes ces situations dont la société reconnaît peu à peu la légitimité !

Un peu moins discret ici : à gauche, à mi-hauteur
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Le gouvernement de Buenos Aires et la droite en général affichent un argument qui convainc beaucoup de gens, comme il convainc en France : cela complique l’apprentissage de la langue qui a déjà suffisamment à faire avec deux genres. En fait, il existe de nombreuses langues indo-européennes qui ont conservé les trois genres, masculin, féminin et neutre. C’est le cas de l’allemand ou de l’ukrainien, pour en prendre deux. Il est vrai que les langues latines ont généralement réduit le phénomène. Et l’espagnol est bel et bien une langue latine mais en Argentine, il a absorbé tant et tant de matériel linguistique venant de toute l’Europe et au-delà qu’il n’est pas à un enrichissement près.

La décision, hautement politique, de la ministre portègne de l’Éducation provoque donc bien du chahut dans le paysage pédagogique et idéologique du pays. A gauche, elle est vue comme une régression, un refus de la politique orientée vers l’égalité entre les sexes et l’accueil des personnes LGBTI développée par le gouvernement national pour secouer des traditions qui ont la vie dure. La ministre agit à dessein : dans un an et demi, ce sera les élections présidentielle et législatives. Et la droite s’apprête à partir à l’assaut du pouvoir au niveau national. La faible cote de popularité et de confiance du président actuel ainsi que les divisions partisanes à l’intérieur de la majorité lui laissent en effet beaucoup d’espoir.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire le communiqué officiel du gouvernement de Buenos Aires

Ajout du 13 juin 2022 :
La ministre a menacé de sanctions disciplinaires les enseignants qui continueraient à utiliser le langage inclusif.

A ce propos :

Ajout du 15 juin 2022 :
Telle le petit village irréductible gaulois, une professeure d’histoire, elle-même trans, résiste encore et toujours à la répression ministérielle à Buenos Aires.
Pour en savoir plus :
lire l’article de Página/12

mercredi 29 septembre 2021

Leo vaut bien un gros titre. Et même plusieurs ! [ici]

Un gros titre en forme de mot-valise
qui mêle gol (but) et cocodrilo (crocodile)
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Voilà, c’est fait ! Hier, à Paris, au Parc des Princes, le meilleur butteur du monde a donné un point à son nouveau club, un but que le monde entier attendait et d’abord, les Argentins.

Un titre secondaire en haut à gauche
"Il est guéri"
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Et Leo Messi s’est montré généreux : il a régalé son monde. D’abord avec un but d’anthologie, ensuite avec cette tactique de défense lorsqu’il s’est couché derrière ses coéquipiers pour que la balle ne passe pas entre leurs jambes. Comme n’importe lequel d’entre eux, ce qu’on appelle en Argentine « faire le crocodile ». Le geste a été fort apprécié des connaisseurs, comme la courtoisie envers Kylian Mbappé !

"Avec un but d'anthologie, la magie de Messi a brillé à Paris"
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Les titreurs s’en sont donc donné à cœur-joie à l’heure du bouclage et se partagent entre deux photos.

"Premier cri de Messi à Paris"
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© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire l’article de La Nación
lire l’article de Olé, le quotidien sportif du groupe Clarín

dimanche 5 septembre 2021

Premier congrès international de Lunfardo en ligne [Jactance & Pinta]

Le programme du premier jour d'échanges scientifiques
après une journée d'accueil et de teasing sur la Toile
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Tout ce week-end se tient, en ligne avec retransmission en direct sur Facebook, le premier congrès international de Lunfardo, organisé par la Academia Porteña del Lunfardo (Buenos Aires).

Participent outre des Argentins deux Françaises, deux Italiens, deux Polonais et au moins un Espagnol.

Cette première édition de la manifestation, qui a vocation à se renouveler les années qui viennent, rend hommage à José Gobello, l’un des plus actifs membres de l’Académie, disparu nonagénaire il y a déjà quelques années. Il était l’auteur d’un dictionnaire très complet unique en son genre.

Des phénomènes contemporains comme les néologismes nés de la pandémie et des situations inhabituelles qu’elle a fait naître ainsi que les questions d’écriture inclusive (et dans le cas de l’Argentine, ce thème s’étend à l’oralité) sont au programme. L’organisateur, l’auteur Oscar Conde, a aussi tablé sur l’intérêt pour le lunfardo qu’a fait naître chez les traducteurs son emploi assez fréquent et sans aucune affectation dans les digressions du Pape François lorsqu’il s’exprime spontanément dans sa langue maternelle.

Le programme d'aujourd'hui

Aujourd’hui, le 5 septembre, est le Día del Lunfardo en Argentine (la fête du Lunfardo).

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

jeudi 22 juillet 2021

Les personnes non binaires ont désormais des papiers à leur goût [Actu]

"Pour tous", clame le gros titre en langage inclusif
Le président est au centre du X
Tout autour, les vestiges en briques roses de l'ancien fort


L’Argentine vient de créer un précédent à l’échelle planétaire : elle commence à émettre des papiers d’identité où les personnes non-binaires disposent d’une troisième option à l’heure de déclarer leur sexe. En plus d’homme ou femme, elles auront maintenant la possibilité d’inscrire le symbole X sur leur carte d’identité et leur passeport.

Cette décision fait suite à différentes demandes en justice de plusieurs personnes, contraintes à choisir entre identité masculine ou féminine. Le gouvernement répond à un fort militantisme qui dure depuis des années. Et puis, ça fait plaisir à son électorat.

La première personne à bénéficier de la nouvelle mesure habite dans la province de Mendoza.

L'information est traité tout en bas, sous la photo
Le gros titre est pour une critique de Washington
contre la politique économique du gouvernement argentin
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Le gouvernement national, qui entend être aux avant-postes de ces questions, comme le président l’avait promis pendant sa campagne et dans les premiers jours de son mandat, a tenu à faire les choses en grand : l’annonce a été faite dans le Museo del Bicentenario, qui est attenant à la Casa Rosada (il est installé dans le vestiges du fort San Miguel, la forteresse coloniale qui protégeait la ville en guettant l’arrivée des navires portugais ou anglais sur le Río de la Plata).

© Denise Anne Clavilier

Pour en savoir plus :


Ajout du 23 juillet 2021 :
Dyzhy (c’est son nom d’artiste), l’enfant unique du président argentin, n’aura pas tardé à réagir à la mesure. Il va lui aussi refaire faire ses papiers d’identité très vite puisque, né avec un corps masculin, il « ne se sent pas homme » (désolée, en français, on n’a pas encore inventé le pronom personnel non binaire). A la pointe sur la question, Página/12 parle du « hije » du président, compromis entre hijo (masculin) et hija (féminin).
Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12

dimanche 2 août 2020

La crise sanitaire pour les nuls, par Miguel Rep [Jactance & Pinta]

En ce dimanche matin, la page d’accueil de Página/12 affiche un éditorial dont la synthèse est un dessin signé Miguel Rep, désormais bien connu de mes fidèles lecteurs (mot-clé Rep, dans le bloc Pour chercher para buscar, to search).

Petit détail pour mieux goûter son humour et son sens de la formule : en Argentine, quand quelqu’un éternue, on lui souhaite « Santé » (salud) (1) comme en France on répond « à tes souhaits ! » sans plus comprendre d’ailleurs le sens de ces quatre phonèmes qui, dans notre esprit, en sont venus à ne plus former qu’un seul mot.

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En bleu : Atchoum !
Dans la bulle : Économie !
Commentaire : Non, c’est pas ça qu’on dit.
En rouge : Atchoum !
Commentaire : Quand ça arrive, on dit :
Dans la bulle : Santé !
Traduction @ Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :



(1) Pour corser le tout et pénétrer tous les degrés de lecture de cette alternative qui anime actuellement tant de nos débats à nous aussi, en Europe, à la télévision, à la radio, dans les journaux et au comptoir là au moins où les cafés sont ouverts, il faut savoir que ce terme « salud », dans son sens fort désormais vieilli de « salut », figure en bonne place dans le texte de l’hymne national (1813), dont la droite argentine a un peu trop souvent oublié le sens : Y los libres del mundo responden | Al gran pueblo argentino salud (et les hommes libres du monde répondent : « Au grand peuple argentin, salut »).
Un peu comme si, dans un dessin français, on évoquait de « féroces soldats » ou des « fils et des compagnes ». Ce qui bien sûr est impossible pour nous pour illustrer cette idée. La citation la rend d’autant plus forte au moment où un ancien chef de l’État argentin vient baguenauder à Paris, en méprisant les épreuves du pays qu’il a gouverné.

jeudi 18 juillet 2019

Réédition du dictionnaire des argentinismes [Jactance & Pinta]


La Academia Argentina de Letras a publié hier une nouvelle édition de son dictionnaire de la langue de l’Argentine, qu’elle avait déjà présenté en avril à la Feria del Libro.

Ce must de la linguistique hispanique fait 800 pages, représente plus de 8.000 relevés lexicographiques et coûte 1.250 pesos ARG (ce n’est pas à la portée de tout le monde dans ces temps de crise).


Hier, La Nación a salué la sortie.

vendredi 4 janvier 2019

La bête à Bon Dieu pour porter chance en 2019 [Humour]

Miguel Rep a réjouit la première édition 2019 de Página/12 avec cette vignette qui fait la part belle à la coccinelle, surnommée en Argentine bichito de la suerte (bestiole porte-bonheur). Un insecte de saison, puisqu’on est en plein été.

Cette année, à la suite du #MeToo argentin dont je vous ai parlé en décembre, l’artiste a choisi de féminiser l’expression en y ajoutant un petit pléonasme des familles (bichita de la buena suerte).

Miguel Rep, dans Página/12, daté du 2 janvier 2019
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Et comme dit Rep dans sa légende : "Les petites bêtes porte-bonheur, pour l’année qui commence.
Parce qu’on va en avoir sacrément besoin, c’est moi qui te le dis !"
Traduction © Denise Anne Clavilier

De toute évidence, il pense à la situation économique de l’Argentine, aux prochaines élections générales qui désigneront le prochain président et à ce qu’il se passait le même jour au Brésil, où Bolsonaro venait d'inaugurer son mandat (et prenait, dès le lendemain, des décrets scandaleux, pour placer les terres réservées aux peuples premiers sous la tutelle du ministère de l’agriculture, baisser le montant du salaire minimum et exclure la population LGTB de la politique des droits de l’homme). Et c’est dans ce beau pays que Juan Darthès, la vedette du cinéma et de la chanson poursuivie pour viols au Nicaragua et en Argentine, vient de se réfugier…

Allez, bonne année malgré tout !

mardi 26 juin 2018

Une grève générale très suivie hier [Actu]

La photo montre la gare de bus devant l'une des grandes gares ferroviaires
un nœud de transports en commun

Le succès de cette grève générale ne laissait guère de doute dans la situation actuelle particulièrement lourde pour les couches populaires de la population argentine, qui craignent en plus qu'elle empire avec l'emprunt au FMI et les conditions draconiennes que l'organisme a l'habitude d'imposer aux pays fragilisés qui font appel à lui. Mais les photos d'une avenida 9 de Julio déserte, alors que ce centre névralgique de la capitale argentine est d'habitude noire de monde et grouillante de voitures, de camions et de bus, restent impressionnantes. Elles disent plus que tous les discours que vraiment, la vie économique s'est bel et bien arrêtée hier en Argentine.

Un gros titre sur la grève d'hier et une photo sur le Mundial
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Página/12 se régale avec une référence très péroniste. "Ni el loro" (pas même le perroquet). Une expression idiomatique typiquement argentine, qui viendrait d'une loi prise après le renversement par coup d'Etat de Juan Domingo Perón en septembre 1955. Il a été interdit de même prononcer le nom de Perón et de Evita. Et la population est allée jusqu'à prétendre que même les perroquets étaient soumis à cette interdiction si stupide et absurde qu'elle a, bien entendu, été abondamment contournée avec beaucoup d'insolence et d'imagination.
L'expression est devenue proverbiale et pourrait se traduire : "il ne reste rien, même pas un radis, même pas une miette" (selon le contexte). Ou ici : "pas un chat dehors".

La photo du haut représente la avenida 9 de julio
Impressionnant, non ? 140 m. de large et pas une voiture à l'horizon
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Le président Mauricio Macri a cru bon de lancer une provocation en twittant une photo à la Casa Rosada légendée : ici, on travaille... Mais il y a six jours, il a osé ne pas se rendre à Rosario pour honorer le drapeau et la mémoire d'un des pères fondateurs du pays, le général Manuel Belgrano (1770-1820) ! (cf. mon article du 20 juin 2018)

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De son côté, La Prensa a monté une une particulièrement méprisante, et même insultante, pour les syndicats en titrant, en titre secondaire "L'Argentine improductive" à droite d'une photo des dirigeants ouvriers réunis en conférence de presse, tandis qu'au-dessus, le journal met l'accent sur les enjeux du Mundial ("c'est tout ou rien").

Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 sur les activités de Mauricio Macri dans la province de Buenos Aires pendant cette journée de mobilisation sociale
lire l'article de La Prensa, qui se focalise sur l'activité de Macri et ses critiques contre les syndicats
lire l'article de La Nación qui reconnaît que la mobilisation a été réussie
lire l'article de Clarín qui préfère parler de Mauricio Macri tout en choisissant pour sa une une photo de l'équipe nationale qui va faire tout son possible pour briller ce soir à Saint-Pétersbourg.

samedi 14 avril 2018

L'inflation tient la forme. Rep, Paz et Rudy aussi ! [Humour]

A gauche : Hier. Qu'ils s'en aillent tous*
A droite : Aujourd'hui. Ils sont tous revenus. Et ils ont fait des petits !

* Slogan des anarchistes et de la gauche révolutionnaire
très à la mode dans les années 1990 et 2000 dans toute l'Amérique Latine
Página/12, 14 avril 2018
Traduction © Denise Anne Clavilier

A la fin de cette semaine, les chiffres définitifs de l'inflation pour le mois de mars ont été publiés et ils sont mauvais : ils atteignent les 2,3% en moyenne pour l'ensemble du mois. Ce qui met à coup sûr hors de portée l'objectif-mantra du gouvernement, qui est de 15% sur l'année.

Légende :
"L'oursin* dans la poche du ministre révèle
les nouvelles tendances salariales de la saison :
des salaires plus bas [petits], qui font le grand écart
et qui sont marrants"
Le crocodile : "la nouveauté, ce qui déboule en force,
ce sont les salaires modèle bonzaï"**

* là où, en français, on parle d'"avoir des oursins dans les poches" pour signaler l'avarice, en Argentine on parle d'un crocodile dans la poche. C'est encore pire ! En Amérique du Sud, il n'y a pas de crocodile mais des caïmans. Ceci dit, les premiers Espagnols qui ont découvert la faune du nouveau continent ne faisaient pas la différence entre les deux animaux, d'où la confusion des noms.
** Le terme utilisé fait référence aux tomates cerise qui se disent cherry, comme aux Etats-Unis.
Página/12, 13 avril 2018
Traduction © Denise Anne Clavilier

Tout s'en ressent. Le panier de la ménagère augmente. De plus en plus d'Argentins taillent dans leurs dépenses, ce qui entraîne une crise de la demande et par conséquent une crise chez les producteurs, qui sont obligés de réduire leur personnel, etc.

La journaliste : Pourquoi avez-vous mis le PJ sous tutelle ? *
Mauricio Macri : pour le faire rentrer dans la norme.
La journaliste : Chouette ! Quand est-ce que vous mettez l'inflation sous tutelle ?
Página/12, 13 avril 2018
Traduction © Denise Anne Clavilier

Cela n'empêche pas les humoristes de Página/12 de retrouver tout leur punch d'antan. Dans la première phase du mandat de Mauricio Macri, j'avais l'impression que si le duo Daniel Paz et Rudy d'une part et le dessinateur et peintre Miguel Rep d'autre part n'avaient rien perdu de leur agressivité contre la droite néolibérale, qu'ils détestent, leurs dessins ne reposaient plus sur le même humour, sur la même acuité dans l'analyse et dans la trouvaille scénaristique et graphique.
Mais les voilà qui sortent du creux de la vague. Ils sont en grande forme, tous les trois !

Le grand : Il a fait de l'évasion fiscale, il a blanchi de l'argent
et on l'a nommé ministre
Le petit : Tu vois ? Après on dit que c'est pas possible...
Página/12, 14 avril 2018
Traduction © Denise Anne Clavilier

Légende :
"L'oursin dans la poche du ministre sort de temps en temps
une de ces métaphores qui fichent la frousse"
Le crocodile : "Les profs et les bas salaires
sont comme deux amants qui se retrouvent".*

* Voir mon article du 9 avril 2018 sur les propos du Président Macri
au sujet de la relation bilatérale entre l'Argentine et l'Espagne
Página/12, 10 avril 2018
Traduction © Denise Anne Clavilier

Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 sur les chiffres de l'inflation
lire l'article de La Nación d'aujourd'hui sur la baisse de consommation dans les foyers argentins
lire l'éditorial de La Nación d'aujourd'hui sur l'objectif des 15% d'inflation à la fin de l'année 2018.

Ajouts du 18 avril 2018 :
lire l'article de La Prensa sur les pronostics optimistes de Christine Lagarde concernant l'inflation en Argentine (19,2% l'an d'ici la fin de l'année)
lire l'article de Clarín sur le même sujet
lire le billet d'opinion dans La Prensa qui reflète ce que pense la classe moyenne de droite anti-péroniste de la politique actuelle et de l'inefficacité de la politique gouvernementale

lundi 2 avril 2018

Interview du poète et essayiste langagier Oscar Conde [Jactance & Pinta]

La couverture du livre emprunte
à la très emblématique signalétique urbaine de Buenos Aires

L'écrivain, poète et essayiste, Oscar Conde, membre de la Academia Porteña del Lunfardo, répond ce matin à un interview de Página/12 et donne son analyse de ce phénomène linguistique qu'est le lunfardo, la langue née dans les couches populaires de Buenos Aires (et de Montevideo) dès le début de la grande immigration, dans les années 1880.

Cette langue, très longtemps méprisée par les gens qui prétendaient appartenir à la société honorable, a nourri le répertoire du tango avec plusieurs grands poètes, dont les deux plus saillants sont sans doute Celedonio Flores et Enrique Discepolo, repérés par Carlos Gardel dès que celui-ci a versé dans le tango-canción en 1917, grâce à cet autre poète du lunfardo qu'était Pascual Contursi.

Autre grand symbole de la réalité sociale du lunfardo
les vieux pavés des quartiers du centre-ville
qui disparaissent progressivement

Aujourd'hui, le lunfardo a gagné toutes les classes sociales au point d'être en train de devenir la langue ordinaire de Buenos Aires et il se répand peu à peu dans tout le pays, dont elle est encore loin d'effacer la diversité idiomatique.

Pour en savoir plus :
lire la fiche de Oscar Conde sur le site de la Academia Porteña del Lunfardo, institution privée installée dans le quartier de Constitución.

vendredi 2 mars 2018

Les chants de stade politisés vus par Rudy et Daniel Paz [Actu]

Le scénariste et humoriste Rudy et le dessinateur de presse Daniel Paz se sont amusés ce matin, à la une de Página/12 avec les chants de supporters qui huent le président Mauricio Macri, depuis quelques semaines, dans les stades argentins.

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L'arbitre, debout : Les groupes de supporters reconnaissent que le chant contre Macri est discriminatoire.
Le dirigeant de club : Et alors ?
L'arbitre : Maintenant ils chantent "Tout le gouvernement, NTM"
Traduction © Denise Anne Clavilier

La question du caractère discriminatoire des chants relève des arguments d'avocat. S'il était avéré, alors les chants tombaient sous le coup de la loi et le gouvernement pouvait (s'il avait le goût du ridicule) les faire interdire. Cela a été évoqué dans la majorité mais pour être aussitôt écarté.
Quant au mystérieux et très vulgaire sigle de la fin, ce sont les initiales de l'insulte la plus commune en Argentine : la puta que te parió, que l'on peut traduire, dans le même registre de langage fleuri, et en conservant le sens premier de la phrase, par "Nique ta mère". A ceci près que l'expression française appartient à une classe sociale donnée, elle n'est pas partagée par toute la société. Alors que l'expression argentine est employée par tout le monde, sans aucune distinction sociale.
Il faudrait donc traduire par "Qu'ils aillent se faire f. !"

mardi 31 mai 2016

Exposition sur les afro-porteños à la BNA Mariano Moreno [à l'affiche]


Depuis le début du mois, la Biblioteca Nacional Mariano Moreno propose une exposition sur l'apport africain à la culture populaire portègne où le commissaire d'exposition a intégré le manifeste que Juan Carlos Cáceres avait publié chez Planeta Argentina en 2010 sur cet apport dans l'histoire musicale et chorégraphique du tango : Tango Negro.

Il aurait été sans doute très flatté de voir cela (1).

La présentation de la manifestation sur le site Internet de la BNA vous en propose une courte description rédigée et un rapide survol vidéo qui permet de se faire une idée. Juste assez pour vous donner l'envie de vous précipiter sur place si vous êtes à Buenos Aires en ce moment.

L'exposition se tient dans le musée que la BNA consacre aux livres et à la langue : elle a surtout pour objectif de relever l'empreinte linguistique de ce passé négrier et esclavagiste, longtemps nié en Argentine mais qui revient peu à peu en mémoire au fur et à mesure que la démocratie se renforce dans le pays.

Depuis quelques années, peu à peu, la Biblioteca Nacional Mariano Moreno met en ligne et en accès libre l'ensemble de son fonds. L'arborescence, organisée en différentes collections, est maintenant presque complète et la plupart des collections, mise à part celle des dessins et caricatures, proposent un vrai choix sans répéter le matériel que la BNE a déjà rendu accessible à Madrid (il y a bien entendu des doublons entre les différentes bibliothèques nationales et d'autres fonds documentaires présents sur le Web, avec quelques ouvrages imprimés que l'on retrouve un peu partout, avec des reliures et des exlibris pour seules variantes) : livres, relevés cartographiques anciens, cartes scolaires, photographies, périodiques, brochures, manuscrits, partitions, enregistrements audio, vidéos...

L'internaute commence à pouvoir se faire une belle idée de ce que sera cette source documentaire d'ici quelques années lorsque la digitalisation aura progressé en quantité (la qualité est, quand à elle, très élevée). D'ores et déjà, le fonds de cartes anciennes est passionnant, il est même assez émouvant puisqu'on y trouve plusieurs magnifiques cartes d'Amérique dues à un cartographe français qui vivait à la fin du XVIIIème siècle et sous l'Empire.

Le site Web de la BNA donne également accès à ses propres publications ainsi qu'à des archives sonores mêlant conférences, discours et interviews. Dans cette catégorie, il faut souligner entre autres une série de conférences et de lectures données par des spécialistes dans le cadre d'une exposition de 2013, San Martín y los libros, que je vous invite à aller écouter. C'est accessible en ligne facilement sur la plate-forme Trapalanda pour autant bien entendu que vous parliez l'espagnol, mais c'est là une condition sine qua non, pour presque tout Internet en Argentine. Bien entendu, le travail de digitalisation ayant été lancé par Horacio González, il existe d'ores et déjà un important fonds documentaire concernant Juan Domingo Perón et Evita (mieux servis pour le moment que les révolutionnaires majeurs que sont José de San Martín et Manuel Belgrano) mais on ne trouve encore que peu de choses sur le tango ou le folklore, encore que le peu en question soit vraiment passionnant (des arrangements de Horacio Salgán par exemple).

De leur côté, les archives nationales (Archivo General de la Nación) font elles aussi ce travail de digitalisation qu'elles diffusent sur leur site Internet et sur leur page Facebook.



(1) J'ai eu la chance de publier en France une version de ce livre dans notre langue, dans une édition entièrement en français, comprenant la traduction du livre presque sans modification et une importante collection de commentaires, pour éclairer les nombreux sous-entendus et non-dits dont a usé Cáceres lorsqu'il s'adressait au public argentin (Tango Negro, Editions du Jasmin). Le livre est disponible en commande dans toutes les librairies françaises et au-delà des frontières de l'Hexagone ainsi que ce week-end, au salon du livre du Festival del'Histoire de l'Art du Château de Fontainebleau, sur le stand de l'éditeur.