lundi 19 avril 2010

Alan Haksten et son Grupp repassent par les colonnes de Página/12 [à l'affiche]

Alan Haksten Grupp au Festival de Tango Indépendant, esquina San Juan y Boedo
Photo extraite de leur page Myspace

C'est à la suite du Festival de Tango Independiente dont je vous ai parlé dans Barrio de Tango au début du mois de mars 2010 que Alan Haksten a rencontré un nouveau public. Je vous avais déjà parlé pour la première fois de ce groupe de huit musiciens à l'occasion de la Noche de los Museos, en octobre dernier, puisqu'il avait été l'un des invités de la nuit à la Academia Nacional del Tango (voir le raccourci consacré à la Noche de los Museos, dans la rubrique Grands Rendez-vous du Tango, dans la Colonne de droite, partie supérieure).

Hier, c'est le journaliste Carlos Bevilacqua (1), qui l'a interviewé à l'occasion du concert qu'il donnait ce dimanche à 22h à El Fino (l'élégant), un nouvel espace culturel situé dans la rue Paraná à quelques encablures de la Avenida Corrientes.

Alan Haksten a choisi de prendre pour nom de scène son deuxième patronyme, celui de sa mère d'origine suédoise, et de nommer son groupe dans cette lointaine langue scandinave qui n'est pas sans lien avec les origines du tango : l'un de ses berceaux fut le Café de Hansen, dans le quartier de Palermo, ce Lo de Hansen (chez Hansen) ou Antiguo Hansen dans les dernières années (2). Hansen était un immigrant danois ou suédois, on ne sait pas très bien à l'heure actuelle.

Alan Haksten est donc un jeune guitariste et compositeur argentin de 25 ans (le tango a toujours été une affaire de jeunes gens), passionné de cinéma argentin (il se sert d'une réplique cinématographique comme message sur son répondeur téléphonique). Il a fondé et dirige un ensemble de huit musiciens qui joue une musique originale qui a beaucoup plu et surpris en mars dernier. Lui-même gagne sa vie comme professeur de guitare et en coulisse, comme salarié de production artistique. Il est le programmateur artistique de El Fino et celui du cercle La Paila qui organise des fêtes les 1ers et 3èmes mardis de chaque mois.

“Hoy en día tocar tangos nuevos requiere creer mucho en lo que uno hace, porque muchas veces no te pagan o te pagan poco y, si te pagan un poco mejor, como somos muchos igual es poco lo que queda para cada uno [...] En enero, preocupado, me suelo plantear: ‘Tengo que conseguirme un laburo fijo’, pero después encuentro la manera de seguir dedicándome sólo a la música”
Página/12

De nos jours, jouer des tangos nouveaux demande de croire beaucoup en ce qu'on fait, parce que souvent on ne te paye pas ou de paye mal et si on te paye un peu mieux, comme nous sommes beaucoup, de toute façon, ça fait peu pour chacun. [...] En janvier, inquiet, je me suis dit : il faut que je trouve un boulot fixe. Mais après j'ai trouvé la façon de continuer à me consacrer uniquement à la musique.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

En plus de Alan Haksten lui-même, le groupe rassemble Aldana Bozzo et Andrés Kozak au bandonéon, Hernán Díaz Kárich et Florencia Prieto au violon, Juan Borjas au piano, Alejandro Abbonizio à la contrebasse y Agustín Uriburu au violoncelle.
Alan Haksten reconnaît des influences de Osvaldo Pugliese, Eduardo Rovira et Aníbal Troilo et il apprécie les grands orchestres typiques des années 30 et 40 qui ont disparu maintenant. Et il faut en effet qu'il les aime pour s'être lancé si jeune dans une aventure aussi périlleuse que d'animer un orchestre aussi important pour des artistes dans cette tranche d'âge. Les ensembles au dessus de 6 musiciens sont généralement le fait de musiciens installés et déjà reconnus, pas de jeunes débutants inconnus.

Se dice que el tango nos espera a todos, pero a Haksten lo cooptó temprano. “El primer tango que me enseñaron siendo adolescente fue ‘La última curda’, en un arreglo para guitarra solista. Fue lo que más me emocionó de todo lo que había aprendido. Es que dentro del tango hay mucha tela para cortar. Si primero te interesás por los cantores y te aburrís, te podés meter con las orquestas. ¿Te volvés a aburrir? Podés ir a bucear entre los tríos...”, celebra. Sólo le faltó exclamar, como el personaje de Alterio, “¡La puta que vale la pena estar vivo!”.
Página/12

On dit que le tango nous attend tous [un jour ou l'autre] mais Haksten, il l'a coopté très tôt : Le premier tango qu'on m'a appris quand j'étais adolescent, c'est La última curda (3), dans un arrangement pour guitare seule. C'est ce qui m'a le plus touché de tout ce que j'avais appris. C'est que dans le tango tu as l'embarras du choix. Si tu commences par t'intéresser aux chanteurs et que tu t'ennuies, tu peux aller fourrer ton nez dans les orchestre. Tu t'ennuies encore ? Tu peux plonger au milieu des trios... s'enthousiasme-t-il. Il ne lui manque plus que de s'exclamer, comme le personnage d'Alterio : "Putain, ça vaut la peine d'être en vie !" (4)
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Il ne vous reste plus qu'à aller lire l'article au complet sur le site de Página/12 et à écouter la musique originale de ce groupe sur sa page Myspace.

(1) Je vous ai signalé récemment son superbe blog sur l'actualité de la musique populaire argentine, Melografías, dont vous trouverez le lien dans la rubrique Cambalache (casi ordenado) en bas de la la Colonne de droite. Lire mon article de présentation de Melografías.
(2) Le Café de Hansen, fondé dans les années 1850, a disparu en 1910, il y a un siècle cette année. Le propriétaire de l'époque, qui n'était plus Hansen depuis belle lurette, s'est fait exproprier pour libérer de l'espace dans le Parque del 3 de Febrero. Il y a un peu plus d'un an, les archéologues ont retrouvé et identifié le sol du rez-de-chaussée (lire
mon article du 27 décembre 2008 à ce propos). Lo de Hansen est souvent cité dans les tangos des années 20, 30 et 40. Borges l'a connu, Gardel aussi et Eduardo Arolas qui a dû y jouer, et Juan Carlos Cobián aussi, à ce que l'on dit.
(3) un tango devenu un classique, de Cátulo Castillo et Aníbal Troilo, et intégré à ce titre dans le corpus présenté dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, à paraître aux Ed. du Jasmin (France), à la toute fin avril.
(4) Une réplique culte du cinéma argentin, prononcée par le très populaire et très célèbre acteur argentin Héctor Alterio, né le 21 septembre 1929, à Buenos Aires, et qui tenait le premier rôle dans un film intitulé Caballos salvajes (les chevaux sauvages), realisé par Marcelo Piñeyro et sorti en salle en août 1995.