mardi 6 juillet 2021

L’étau se resserre autour de Mauricio Macri [Actu]

Le gros titre consiste en un simple participe passé
qui fait jeu de mot : "failli" en espagnol veut aussi dire "cassé"


Lui est en vacances en Espagne. Soi-disant en tournée de promotion de son livre où il raconte son mandat présidentiel. De Madrid, dans une lettre ouverte, il s’est déclaré ce week-end victime d’une opération de lawfare, d’une justice partisane, aux ordres du gouvernement, qui tenterait de l’abattre et de nuire à ses enfants pour des raisons de basse politique. Un peu comme le fit Patrick Balkany quand il évoqua un « procès politique » dans les couloirs du palais de justice alors qu’il comparaissait devant la justice financière.

"Décision polémique de la justice : le Correo de Macri
est déclaré en faillite"
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Hier en fin d’après-midi, le tribunal du commerce a refusé le plan de restructuration proposée par la gouvernance de Correo Argentino qui ne parvient pas à honorer ses échéances tant envers l’État argentin qu’envers ses créanciers privés. Correo Argentino, poste nationale de service public, organe officiel qui édite aussi les timbres commémoratifs comme celui, tout récent, du bicentenaire de la mort de Güemes présenté à Salta par le président lui-même, a été confié, il y a une vingtaine d’années, en concession au groupe privé Socma, la holding familiale fondée par le défunt père de Mauricio Macri et dirigée aujourd’hui par les frères de ce dernier. Au cours de ces vingt années, le groupe concessionnaire n’a jamais payé ses redevances à l’État ni aux autres créanciers et il a accumulé une dette globale que les juges estiment à plus de 6 milliards de pesos.

Où est donc passé tout cet argent ? Le spectre de la faillite frauduleuse se dresse déjà devant tous, y compris ceux qui à droite ne veulent pas le voir.

De plus, depuis de nombreuses années, on soupçonne la Socma (voire le président lui-même) de chercher à rendre Correo Argentino insolvable peut-être pour en faire une coquille vide où loger, par la suite, l’une ou l’autre de ses activités existantes ou à venir (travaux publics, construction immobilière, services financiers, transports et téléphonie). Depuis plusieurs mois, l’ex-président et les membres de sa famille se démenaient pour monter un plan de sauvetage à présenter au tribunal qui vient donc de juger qu’il n’était pas réaliste.

"La faillite de Correo Argentino SA a été déclarée"
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On s’attend à ce que très vite la Socma fasse appel de ce jugement. D’ici là, les dirigeants de l’entreprise n’ont plus le droit de sortir du territoire et doivent remettre sous 24 heures à la justice tous les instruments comptables de Correo Argentino, dont les biens ont été placés ipso facto sous séquestre. Afin de payer les dettes ainsi accumulées, il est possible que la justice aille chercher les fonds dans les actifs et les réserves de la Socma et des autres sociétés dont elle est l’actionnaire majoritaire. C’est donc tout ce sur quoi est fondée la fortune personnelle de Mauricio Macri et de ses frères qui se trouve menacé. On comprend que l’ex-président, déjà inquiété au pénal pour des opérations personnelles d’évasion fiscale et de capitaux, se débatte comme un beau diable. Qui plus est, dans un pays étranger à partir duquel il peut se déplacer comme il veut dans tout l’espace Schengen (il dispose d’un passeport italien).

Cette fois-ci, l’étau se resserre donc très fort sur l’ancien chef d’État. L’affaire est en effet beaucoup plus sérieuse que les causes ouvertes sous sa présidence contre Cristina Kirchner puisque les faits qu’on lui reproche ne sont même pas encore établis. Cette fois-ci, les victimes des manipulations financières sont une entreprise de service public des plus en vue et des investisseurs privés qui veulent rentrer dans leurs frais. Il est peu probable qu’ils lâchent la piste aux gros sous pour les beaux yeux d’un homme politique qui vient de perdre, de façon durable semble-t-il, le leadership sur son propre parti, comme Sarkozy l’avait perdu lors de la primaire.

"La justice a déclaré en faillite Correo, du groupe Macri"
(en haut à droite sous le titre du journal)
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Toute la presse en parle ce matin. Clarín s’aligne carrément sur la thèse fumeuse émise par Macri depuis Madrid. Página/12 pavoise (cela faisait des années que le quotidien de gauche dénonçait de grosses magouilles à Correo). La Prensa, qui déteste le néolibéralisme autant que le péronisme, n’est guère portée à la compassion. Quant à La Nación, journal de la bourgeoisie d’affaire, elle se contente d’un petit titre très discret à la une.

Le tout se produit à deux mois des PASO, le pré-premier tour des élections de mi-mandat. Cela tombe donc on ne peut plus mal pour la droite.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :


Ajouts du 7 juillet 2021 :
Le procureur du Trésor public,
le responsable politique nommé pour ester en justice au nom de l’État fédéral sur les questions fiscales et budgétaires, envisage de faire appel de la décision pour que la Socma soit comprise dans la déclaration de faillite. Il avance en effet qu’il est à craindre que l’actionnariat familial organise l’insolvabilité de la holding, puisque les Macri ont déjà montré leur habilité dans ce domaine. Or ce procureur du Trésor est un kirchneriste dur. Il n’est donc pas interdit de penser qu’il a aussi une arrière-pensée de basse politique en cette année électorale. Aujourd’hui, c’est La Nación qui en fait le plus sur le sujet avec un éditorial sur-vitaminé, illustré par une caricature du procureur signée Alfredo Sábat et annoncé en une par un encart qui attire beaucoup moins l’œil à côté d’un gros titre qui annonce, quant à lui, une simple analyse des suites du verdict d’hier.

'Le Gouvernement a annoncé qu'il envisage
maintenant de se porter contre la holding de Macri"
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Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’éditorial de La Nación

Ajout du 14 juillet 2021 :
Un audit commandé par la Cour suprême a mis en évidence que le plan de restructuration de la dette de Correo Argentino présenté par la Socma au tribunal de commerce aurait privé l’
État de la presque totalité de la dette de redevance accumulée en vingt ans de concession publique.
Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12