mercredi 31 mai 2023

Le nouvel archevêque de Buenos Aires a déjà la droite contre lui [Actu]

L'évêque de Río Gallegos à Rome, avec le pape
à la fin d'une audience publique du mercredi
place Saint-Pierre (photo AICA)


Au lendemain du 25 mai, où le cardinal Mario Poli, actuel archevêque de Buenos Aires démissionnaire parce qu’il a atteint la limite d’âge, a prononcé, devant les représentants des pouvoirs publics fédéraux, son dernier sermon du Te Deum national, le Vatican a fait connaître le nom de son successeur : l’actuel évêque de Río Gallegos, la ville dont le président de gauche Néstor Kirchner était originaire et où il est enterré depuis sa mort en octobre 2010.

L'info traitée en titre secondaire, en haut, sur la gauche
"Un archevêque qui a des airs du Sud", dit le titre
La vedette est tenue par un scandale de fausses factures
qui impliquent des membres de la haute magistrature
et des ministres provinciaux qui ont bénéficié d'un séjour
fort agréable dans une station lacustre de Patagonie.
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A droite, ce choix a tout de suite fait grincer des dents : le prochain archevêque, Jorge Ignacio García Cuerva, qui a 55 ans et va donc gouverner le premier diocèse d’Argentine durant les vingt prochaines années, si Dieu lui prête vie, est avocat et théologien. Il a engrangé une grande expérience auprès des plus pauvres qu’il a toujours défendus avec courage et cohérence. Dans la très chic et très élégante ville de Tigre, au nord-ouest de Buenos Aires, il a été en mission dans un bidonville au début de son ministère et c’est à ce titre qu’il a noué des relations amicales et confiantes avec l’actuel ministre de l’Economie, Sergio Massa, qui était à la même époque le maire de Tigre, un maire dont tout le monde reconnaissait alors qu’il faisait du bon travail.

Le nouvel archevêque a droit à la vedette sur la une
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Il est clair que García Cuerva exerce son ministère d’une manière innovante et qu’il est proche des périphéries : il est favorable à l’accueil des couples homosexuels dans les communautés paroissiales, il accorde en particulier le baptême aux enfants de ces couples ; il innove dans sa pastorale pour parler à tout le monde, syndicats et coopératives ouvrières compris. Il s’intéresse au sort des prisonniers. Bref, tout ce que la droite politique argentine attribue à une Église qu’elle estime de gauche. Ajoutez à cela qu’on l’accuse (car il s’agit bien d’une accusation) d’être péroniste (et alors ? Il est aussi un citoyen et dispose de sa liberté de pensée).


Le jour de la Pentecôte, a filtré un discours incendiaire qu’un ancien aumônier militaire, qui exerce maintenant son ministère dans la province de Buenos Aires, a tenu dans un groupe Whatsapp, dont un membre l’a publié. Ce prêtre prétend connaître très bien le nouvel archevêque pour avoir étudié à ses côtés dans le même séminaire. Il l’accuse d’être lui-même efféminé et homosexuel et, ô crime impardonnable, d’être amis avec Madres et Abuelas de Plaza de Mayo, les deux associations les plus emblématiques de la lutte des droits de l’homme contre la défunte dernière dictature militaire. Dans sa rage, ce prêtre a aussi craché son rance venin idéologique sur l’archevêque de La Plata, autre prélat nommé par François pour remplacer cette fois-là un épouvantable réactionnaire, Héctor Aguer, qui trouve encore à s’exprimer dans le quotidien La Prensa.

La photo principale illustre la tragédie de la sécheresse
Au-dessus : la photo du nouvel élu et le gros titre
"Pour succéder au cardinal Poli, le Pape a choisi
un évêque qui critique le gouvernement"
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Le prêtre colérique a dû présenter des excuses publiques. Il semblerait que sa hiérarchie a trouvé le propos irrévérencieux ou indiscipliné.

"Le Pape a choisi le pire du pire", une citation
tirée de la diatribe tenue pour un groupe privé Whatsapp
et rendue publique par l'un des destinataires
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En observant le ton général dans la presse, entre l’enthousiasme de Página/12 et la prudence, entre embarrassée et hostile, des trois autres quotidiens, tous trois de droite, on peut d’ores et déjà imaginer que le nouvel archevêque va avoir du fil à retordre pour imposer son autorité dans son diocèse et que l’Église catholique s’approche dangereusement de la fracture pour des motifs politiques et non pas religieux.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

les 26 et 27 mai, l’annonce de la nomination et le premier portrait du nouvel archevêque
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación
les 29 et 30 mai, les déclarations incendiaires whatsappiennes et leurs suites
lire l’article de Página/12 qui en a fait sa une (en pleine campagne électorale, ne l’oublions pas)
lire l’article de La Prensa
lire l’article de La Nación
les 29 et 31 mai, quelques éditoriaux sur les divers aspects du sujet
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Nación avant-hier
lire l’article de La Nación ce matin
Clarín a publié plusieurs opinions mais, même en ligne, elles sont réservées aux abonnés (d’où leur absence dans les références ici).