vendredi 10 avril 2009

Semaine Sainte... en terre francophone d’Europe [Coutumes]

Le Vendredi Saint n’est un jour férié ni en Belgique, ni en France (à l’exception d’une seule région française, l’Alsace, hors DOM-TOM, dont le régime des jours fériés est un peu différent de celui de la France continentale). Peu de chemins de croix en plein air par conséquent par chez nous. La plupart des rites ont lieu à l’intérieur des églises. Le Vendredi Saint est néanmoins férié en Suisse. Le lundi de Pâques (Lunes de Resurección es espagnol) est férié dans les trois pays.

A Paris toutefois, le Chemin de croix diocésain a lieu tous les ans le Vendredi Saint à 15h dans le jardin public, le square Willette, qui descend de la Basilique du Sacré-Coeur de Montmartre, un quartier parisien que le tango a souvent chanté, parce que c’est un coin qui a inspiré beaucoup de peintres (la vue sur Paris y est somptueuse) et parce que les cabarets argentins établis dans la capitale française dans les années 1920 et 1930 étaient tous installés au pied de la colline montmartroise.

La célébration est toujours présidée par l’Archevêque de Paris en personne, qui préside ensuite l’Office de la Croix, à la Cathédrale, plus tard dans la soirée. La procession religieuse, Archevêque en tête (avec meute de journalistes grimpant les escaliers à reculons face à lui, caméra à l’épaule et de préférence dans la bousculade, ce qui fait partie des plaisirs du métier), démarre donc à mi-colline et monte jusqu’à la Basilique, sans gêner outre mesure la circulation automobile, la police se contentant de condamner la petite rue, fort peu fréquentée, mais qu’emprunte le petit train touristique, qui passe entre le haut du funiculaire de Montmartre et l’entrée du square et l’autre, plus haut, qui ceinture la Basilique.

A Bruxelles, le Chemin de Croix diocésain se tient aussi dans l’après-midi, à 15 h, à l’intérieur de la Cathédrale Saints Michel et Gudule, elle aussi en surplomb de la ville. Ce chemin de croix est célébré dans les deux langues principales du pays, le français et le flamand (bien que la Belgique compte en fait une troisième langue officielle, l’allemand, puisqu’il existe une petite communauté germanophone à l’est du pays).

En France, la génération des moins de 10 ans est définitivement en train d’oublier jusqu’à la dimension religieuse de la fête. Celle des parents sait encore, mais tout juste, que cette dimension existe grâce aux journaux télévisés, qui passent tous les ans la même inaltérable phrase du Pape en français : "bonnes et saintes fêtes de Pâques dans la joie du Christ Sauveur". Quant à savoir ce que ça veut dire, c’est une autre paire de manche ! (1) Tous les ans, les journalistes interviewent des anonymes dans la rue pour leur demander ce qu’on célèbre à Pâques et les passants sont de moins en moins capables de faire une réponse juste...


Pourtant, tous les ans depuis 1932, au théâtre de Ménilmontant, un quartier du nord de Paris, des comédiens amateurs, habitants de Paris, continuent, contre vents et marées et de génération en génération, à représenter un vrai mystère comme au Moyen Age ou presque, connu comme La Passion de Ménilmontant. Toute l’année, 80 Parisiens des deux sexes et de tous âges travaillent pour ces quelques semaines de Carême où ils montent sur scène. Le spectacle dure 2h15 et se donne presque tous les week-ends du Carême (cette année depuis le samedi 14 mars). Chacun tient son rôle plusieurs années durant avec fidélité (quelqu’un a même été Judas pendant 39 ans), avant de le céder à quelqu’un d’autre qui recueille le rôle avec respect et foi... Ainsi la nièce du tout premier Jésus, celui de 1932, incarne aujourd’hui la Vierge Marie... On peut aussi changer de rôle. L’acteur qui interprète le Christ cette année a tenu auparavant le rôle d’un des Douze Apôtres. Depuis son origine, la Passion de Ménilmontant a eu 19 metteurs en scène... Cette année, le récitant est un grand monsieur de la scène nationale, Laurent Terzieff, un comédien né en 1935 qui a mené une carrière exigeante et tenu des rôles difficiles dans des pièces complexes, par exemple le Christophe Colomb de Paul Claudel (Le livre de Christophe Colomb, écrit en 1933).

Un site foisonnant et enthousiaste présente cette manifestation théâtrale et religieuse, qui est sans doute la plus durable en France (le lien vous y mène et l'affiche qui illustre cet article en est extraite, cliquez dessus pour une meilleure résolution). Le spectacle rassemble 80 participants dont la moitié sont des comédiens (amateurs) et l’autre des figurants.

Le prix des places est de 22 € en tarif plein mais il existe plusieurs conditions de réduction, jusqu’au prix de 11 € pour les enfants de moins de 12 ans.

(1) "c’est une autre paire de manche" : es mucho más difícil (francés popular).