samedi 28 juin 2025

Il y aura bien un procès de l’attentat contre l’AMIA. Ce n’est pas trop tôt ! [Actu]

Hier, La Prensa a divisé sa une en deux :
en haut, les attaques électoralistes de Mileí et consorts
contre Axel Kiciloff, le gouverneur de la province de Buenos Aires,
traité de "Bébé Staline", parce qu'il mène une politique sociale
en bas : quelques photos des victimes de l'attentat de l'AMIA
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85 morts et environ 300 blessés dont 151 atteints à vie, devant l’AMIA, rue Pasteur, dans le centre de Buenos Aires, le 18 juillet 1994, sous la présidence de Carlos Menem, qui fut un temps soupçonné d’avoir personnellement aidé les terroristes (1). C’était la plus grande institution juive d’Argentine qui était visée : l’AMIA est certes d’abord une mutuelle mais elle fait aussi office de consistoire et d’instance représentative de la religion juive face aux pouvoirs publics (la AMIA administre en effet, entre autres, l’abattage rituel et les cimetières juifs dans tout le pays). L’explosion du 18 juillet 1994 reste à ce jour l’attentat antisémite le plus meurtrier de l’histoire, en dehors du territoire d’Israël puisque les assaillants du 7 octobre ont tué plus de monde encore.

L’instruction, longtemps erratique, avait permis, sous Néstor Kirchner, de faire apparaître des commanditaires au sein du Hezbollah, un proxy de la République islamique d’Iran au Liban, récemment écrasé par Tsahal.

C’est le juge fédéral Daniel Rafecas (2) qui a décidé d’audiencer le procès sous la forme du jugement par contumace, qui est entré tout récemment dans le code de procédure pénale argentin.

Les accusés principaux, dont la plupart seront donc jugés en leur absence, sont sept Iraniens, dont plusieurs étaient les uns ministres en Iran, les autres diplomates en poste à Buenos Aires, trois Libanais, les deux exécutants dont la présence sur les lieux est attestée, et leur supérieur, tous trois susceptibles d’avoir bénéficié de la protection active du président Carlos Menem, dit el Turquito (ce qui veut dire « l’Arabe » en bon argentin, puisque, dans les années du pic du flux migratoire, 1880-1920, les immigrants arabes détenaient un passeport de l’Empire ottoman. De même, « El Rusito » est un terme affectueux qui désigne un juif, parce que, dans ces mêmes années, la quasi-totalité de l’immigration juive, fuyant les pogroms, arrivait de l’Empire tsariste). On pense que Menem aurait pu cacher personnellement et en toute connaissance de cause au moins deux et peut-être les trois auteurs de l’attentat dans une résidence officielle dans les heures et les jours qui ont suivi l’explosion qui venait de détruire le siège de l’AMIA.

"Première institutionnelle : il y aura un procès
en absence contre les accusés de l'explosion de l'AMIA",
dit le gros titre
(La photo principale porte sur une assez sordide histoire
d'héritage dans l'entourage d'une grande intellectuelle de droite)
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A côté de ces commanditaires et de ces exécutants, il existe aussi des accusés secondaires qui devront répondre d’actes commis après l’attentat : les uns sont accusés d’avoir, aussitôt après l’explosion, délibérément protégé, avec ou sans la complicité du président en place, les auteurs ; les autres ont agi sur le long terme en faisant dérailler l’instruction, en l’orientant sur des fausses pistes et en l’installant dans des impasses, ce qui a largement donné aux trois Libanais le loisir de se réfugier à l’étranger, en Iran ou au Liban, d’où il s’est avéré impossible de les extrader mais dont ils ne peuvent pas sortir puisqu’une notice rouge d’Interpol reste en vigueur contre eux. Ces accusés secondaires sont tous argentins. Ils devraient donc comparaître. Ils sont six : trois anciens magistrats (le premier juge d’instruction et deux procureurs), deux anciens responsables de la SIDE (le renseignement extérieur), très haut placés, ainsi qu’un particulier qui a vendu aux terroristes le véhicule qu’ils sont accusés d’avoir piégé puis garé devant l’AMIA où il a explosé. S’il était encore en vie, Carlos Menem aurait donc dû comparaître aux côtés de ces hommes.

Ce procès très attendu sera probablement très suivi !

L'info n'a droit qu'à un titre très secondaire
à droite, au-dessus de la photo de Lalo Schifrin
L'info people des mariés de Venise semble plus importante
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Rappelons que l’Argentine est le pays d’Amérique latine qui compte le plus grand nombre de citoyens se réclamant du judaïsme ou de la judéïté.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article d’hier de Página/12
lire l’article d’hier de La Prensa
lire l’article d’hier de Clarín
lire l’article d’hier de La Nación
Par respect pour Lalo Schifrin, dont on a appris la mort hier et comme j’en ai l’habitude en pareilles circonstances, j’ai retardé d’un jour la publication des autres informations sur Barrio de Tango.




(1) La mort de Carlos Menem a éteint les poursuites engagées contre lui. Toute sa vie, il aura gardé des liens forts avec la Syrie de ses ancêtres au point qu’il a été enterré dans un cimetière musulman, lui qui avait renoncé à sa religion de naissance puisqu’elle l’aurait empêché d’accéder aux fonctions suprêmes de la République argentine (depuis, la constitution a changé. Elle n’exige plus du chef de l’État qu’il soit catholique).
(2) Ce juge a longtemps eu la réputation d’être kirchneriste mais pendant plusieurs mois, il a passé pour être le candidat que Mileí aurait voulu nommer à la Cour suprême, où les magistrats en fonction ne sont plus que trois, ce qui est intenable. Cette nomination gaguesque a tourné en rond pendant des mois et on en a depuis perdu la trace !!!!