jeudi 22 mai 2025

Le droit de grève en peau de chagrin [Actu]

"Le droit de grève, au feu !", dit le gros titre
Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution


D’un trait de plume, par un simple décret, Javier Mileí vient de limiter de façon draconienne le droit de grève pourtant inscrit dans la constitution.

Certes l’exercice de ce droit se traduit presque toujours par une gêne considérable (mais éphémère, un jour, deux au pire) pour le public général : absence de transport public, annulation de vol, non diffusion des émissions ordinaires à la radio ou à la télévision, guichets fermés dans les services publics ou privés, notamment dans les banques, dans les cas les plus graves, raréfaction de certains produits dans le commerce quand l’activité est paralysée chez les producteurs, dans les abattoirs ou les laiteries, etc. Sans oublier le chaos automobile en ville à cause des manifestations des grévistes, qui font, de surcroît, un bruit terrible avec leurs slogans et leurs tambours. Cependant, cette gêne ne saurait aboutir à une suppression du droit de grève, un droit que les travailleurs qui dépendent d’un patron, pas toujours ni généreux ni juste, ont mis si longtemps à obtenir et à institutionnaliser. Notamment à travers une inscription dans la constitution de tradition latine ou dans la jurisprudence de tradition anglo-saxonne, et ce dans la plupart des démocraties.

"Mileí va limiter les grèves dans les activités essentielles",
dit le gros titre en taisant une moitié de la vérité
Cliquez sur l'image pour une haute résolution


C’est à ce droit, souvent le seul outil dont disposent les salariés pour défendre ou faire avancer leur situation collective, que Javier Mileí s’est attaqué à travers ce nouveau décret, après une première tentative du même ordre qui a échoué : les tribunaux ont déclaré le décret précédent inconstitutionnel et on attend encore l’analyse de la Cour suprême à ce sujet (elle ne semble pas pressée de se prononcer). Mileí continue donc d’avancer, comme Donald Trump, en faisant fi des décisions de justice.

Ce nouveau décret répartit toute l’activité économique ou presque en deux catégories : les activités essentielles et les activités « transcendantes ». Dans les entreprises, privées ou publiques, de la premières catégorie, les jours de grève, il faudrait désormais que 75 % du service ou de la production soit assuré. Dans les entreprises de la seconde catégorie, ce service minimum obligatoire correspondrait à 50 % de l’activité.

"Avancée contre les syndicats : les grèves seront limitées
et les négociations paritaires plafonnées", dit le gros titre
Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Bien entendu, les syndicats sont bien décidés à défendre le droit fondamental acquis depuis longtemps et confirmé au cours des quarante années de démocratie continue depuis le retour à la Constitution en décembre 1983. Ils vont faire des recours devant les tribunaux.

"Le droit de grève sera limité et un plus grand
nombre de secteurs devront proposer un service
minimum les jours de grève", dit le gros titre
Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Par ailleurs, j’ai aussi appris aujourd’hui qu’un certain nombre d’instituts nationaux culturels disparaissent, toujours par décret, les uns tout simplement rayés de la carte, les autres fusionnés avec d’autres ou transformés en musée, ce qui n’a ni queue ni tête. Leurs politiques culturelles dépendront désormais d’une commission globale dont les membres, nommés à cet effet, siégeront gratuitement, en lieu et place des muséologues de carrière et des directeurs nommés sur concours qui président actuellement à la définition de ces activités. J’attends d’en parler de vive voix avec mes contacts sur place pour vous en entretenir plus avant. L’histoire, le théâtre, le spectacle en général, les beaux-arts sont les premiers visés. Et pour ce qui est de l’histoire, ce sont surtout les figures inspiratrices de la gauche argentine ou revendiquées par elle qui font les frais de cette réforme scandaleuse qui n’a pour objectif que des faire des économies de bouts de chandelle.

Bizarre, bizarre… Comme c’est bizarre !
Vous avez dit bizarre ?
Moi, j’ai dit « bizarre » ? Comme c’est bizarre !

Ces décisions font en outre la preuve chez les décideurs d’une ignorance crasse de la réalité historique qui n’est pas sans rappeler les âneries dont Trump et ses affidés nous abreuvent à longueur de conférences de presse et d’audiences au Congrès.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
Pour une fois, tous les journaux mettent l'info à la Une, même à droite (et dans ce cas, pour s'en féliciter) !
lire l’article principal de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación

mercredi 21 mai 2025

L’argent n’a pas d’odeur, disait Vespasien [Actu]

"Blanchir la blanche", dit le gros titre
Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution

L’Argentine manquant de devises étrangères, notamment de dollars US, le gouvernement de Mileí, copiant encore une fois son ami Trump, est en train de détricoter méticuleusement la législation de contrôle des flux financiers mise en place pour lutter contre les trafiquants en tout genre, la corruption et pour respecter les engagements internationaux du pays.

"Investis maintenant", dit le gros titre
Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Dernière mesure en date dans ce domaine : les transferts de fonds pourront désormais s’opérer sans qu’à aucune étape, les personnes les effectuant, personnes physiques ou morales, n’aient à justifier de la provenance des sommes en jeu. Il y en a qui se frottent déjà les mains : ce sont les narco-trafiquants, dont ceux qui font régner la terreur à Rosario, par exemple, et dont Mileí prétend débarrasser définitivement le pays à coup d’opérations policières spectaculaires menées par sa ministre de la Sécurité, Patricia Bullrich, devant les caméras de télé et les objectifs des photo-journalistes. De la poudre aux yeux !

D’un autre côté, Mileí appelle les entrepreneurs à investir en Argentine ! Ben voyons !

A droite, à mi-hauteur : "Par décret, le gouvernement
supprime le cabinet d'instructin qui enquêtait
sur le scandale crypto", dit le titre secondaire
Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Enfin, le président vient de supprimer purement et simplement le cabinet d’instruction judiciaire qu’il avait lui-même fait mettre sur pied pour enquêter spécifiquement sur le scandale de la crypto-monnaie qu’il avait promue sur ses propres réseaux sociaux un vendredi soir, dont la valeur a monté en flèche pendant quelques heures avant de s’effondrer à minuit le même jour, entraînant dans sa chute de nombreux épargnants mis en confiance par la recommandation du chef de l’État. Comme ce cabinet d’instruction fonctionnait à l’intérieur du ministère de la Justice, il était de fait pieds et poings liés à Mileí et à sa sœur, elle aussi impliquée dans le scandale. Autrement dit, ce cabinet et le procureur qui le conduisait étaient juge et partie. Sa disparition ne change donc à peu près rien à la lenteur de l’enquête et des suites judiciaires qu’encourent les promoteurs et les auteurs de l’escroquerie.

L’argent n’a décidément pas d’odeur. Il n’a rien à voir avec l’honneur non plus.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
sur les facilités accordées aux opérations de blanchiment d’argent
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
sur la fin de l’unité d’enquête sur la crypto-monnaie
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación

La Legislatura de la Province de Buenos Aires rend hommage à Haroldo Conti [Actu]

"L'écrivain des gens ordinaires qui résistent", dit le gros titre
de cette Union de l'édition locale de Página/12


Haroldo Conti était écrivain. Il a disparu pendant la dictature militaire de 1976-1983. Il était né à Chacabuco dans la province de Buenos Aires, il y a cent ans.

Son nom avait été donné au centre culturel du ministère de la Justice installé dans le domaine de l’ex-ESMA, un vaste campus culturel et artistique consacré aux droits de l’homme et placé sous le parrainage de l’UNESCO, là où pendant la dictature se trouvait un centre de détention clandestin, de torture et d’exécutions extra-judiciaires. Le gouvernement Mileí a supprimé ce Centro Cultural Haroldo Conti.

La Legislatura de La Plata, dominée par les péronistes, donc la gauche de gouvernement, a donc mis en scène avec solennité ce centenaire d’une personnalité mise au banc de la mémoire nationale par ce gouvernement fédéral trumpo-fasciste.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12 (édition de la Province)

lundi 19 mai 2025

Après quarante ans de démocratie, les Argentins capitulent [Actu]

Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution


Mauvaise journée pour la démocratie en Argentine : les élections législatives de mi-mandat dans la Ville Autonome de Buenos Aires a consacré la victoire de LLA, le mouvement pourtant ultra-minoritaire de Javier Mileí, avec un très faible taux de participation, à peine supérieur à la moitié des inscrits.

Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Le parti jusqu’à présent majoritaire et qui tient la ville depuis 5 mandats, le PRO, les ultra-libéraux capitalistes intégrés à la démocratie, s’effondre en n’obtenant que la troisième place de la nouvelle Legislatura. Est-ce la fin de la carrière de Mauricio Macri, qui avait quasiment créé ce parti ? C’est possible même si l’homme a de la ressource et l’a démontré plusieurs fois au cours de sa vie, tant politique que personnelle.

Après les scrutins peu encourageants de quatre provinces qui ont déjà voté pour les législatives locales, San Luis, Chaco, Salta et Jujuy, où l’on avait déjà enregistré des taux de participation d’autant plus inquiétants qu’ils étaient faibles et révélaient l’apathie des citoyens, cette élection dans la capitale fédérale montrent que citadins comme ruraux abandonnent le cours de leur démocratie pourtant chèrement conquise il y a quarante ans.

Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Pourtant ailleurs dans le monde, ce modèle trumpien qui n’a pas le triomphe modeste aujourd’hui à Buenos Aires a été défait ailleurs par une forte mobilisation des électeurs : en Australie, au Canada, en Allemagne, hier encore en Roumanie avec éclat et peut-être aussi en Pologne pour laquelle il faut encore attendre un second tour de scrutin présidentiel. Même la Hongrie et la Turquie semblent bouger puisque leurs leaders actuels ont peur.

Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Hier à Buenos Aires, l’opposition péroniste a conservé sa place de seconde force politique locale. Les candidats espéraient mieux au regard des dégâts entraînés par la politique de Mileí. La carte des résultats est instructive : LLA l’a emporté dans le nord traditionnellement bourgeois et patriciens et dans une moindre mesure dans l’ouest, où vit une classe moyenne tranquille qui dispose souvent de maisons particulières avec jardinet. Le sud et le centre de la ville, que le gouvernement municipal de droite néglige et abandonne davantage que les autres quartiers, ont plutôt voté pour les péronistes.

L'homme à gauche : Pour finir, je ne suis pas allé voter
L'autre : OK, mais tu n'es pas allé voter pour Santoro
ou tu n'es pas allé voter pour Adorni ?
Traduction © Denise Anne Clavilier
Dessin de Une de Página/12 ce matin
Cliquez sur l'image pour une haute résolution


LLA a emporté 30 % des votes, les péronistes 27 % et le PRO 16 %, relégué à la condition de force d’appoint et il y a des chances que toute honte bue, les élus rejoignent LLA lors des votes en séance. Le reste des groupes se partage les miettes.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article principal de Página/12
lire l’article principal de La Prensa
lire l’article principal de Clarín
lire l’article principal de La Nación

vendredi 16 mai 2025

La situation politique passe avant le nouveau pape [Actu]

Vignette de ce matin à la Une de Página/12
L'homme debout : Vous avez traité Macri [le leader de
la droite libérale démocratique]
de "voleur", de "médiocre" et de "raté"
Mileí : Et qu'est-ce que tu voudrais ?
Que je le traite de gauchiste ?
(Traduction © Denise Anne Clavilier)


Eu égard aux tensions électorales qui existent à Buenos Aires, où Mileí souhaite la victoire d’un de ses ministres favoris dimanche prochain, le président argentin a décidé de ne pas se rendre à Rome pour l’inauguration du nouveau pontificat. Après tout, Léon XIV est péruvien et en plus, c’est un progressiste,un zurdo, comme il les vomit. Mileí n’en est plus à une goujaterie près !

"Sans secret", dit le gros titre
Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution


Par ailleurs, sa situation judiciaire se complique : en conséquence du scandale de la promotion d’une crypto-monnaie qui s’est effondrée quelques heures après ses messages sur les réseaux sociaux et a entraîné la ruine de nombreux épargnants alléchés par ce produit trop beau pour être vrai, une juge fédérale vient d’exiger que le Banco Central lève le secret bancaire sur les comptes de Mileí et de sa sœur pour savoir la part financière qu’ils ont pris dans cette opération scabreuse. Des déclarations d’acteurs de ladite opération font en effet apparaître que tous les deux auraient touché des pots-de-vin avant les faits, notamment pour accorder des audiences aux inventeurs du produit.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 sur la demande d’informations envoyée par la juge fédérale
lire l’article de Página/12 sur la décision de Mileí concernant le voyage à Rome et la situation électorale à Buenos Aires.

mercredi 14 mai 2025

Le guerrier a enfin trouvé le repos – Pepe Mujica n’est plus [Actu]

Dans mon pays, quelle tristesse, titre Página/12
sur ce dessin de Daniel Paz
Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution


Il y a un an, Pepe Mujica apprenait qu’il était atteint d’un cancer difficile à soigner dans les conditions de santé qui étaient les siennes. Il avait alors 88 ans. En janvier, il avait annoncé à des journalistes qu’il ne donnerait plus aucune interview et qu’il était mourant (il avait alors fait arrêter ses soins thérapeutiques, devenus inutiles et douloureux). Il avait dit ce jour-là que « le guerrier méritait son repos ». Dimanche, les Uruguayens se sont rendus aux urnes pour élire leurs maires. Seule sa femme a pu aller voter. Il était trop malade pour se déplacer. Le président Orsi, son successeur indirect et ami de militance, est alors allé le visiter chez lui. Ce soir-là, Orsi a annoncé qu’il avait trouvé Mujica au plus mal et bien entouré. Le lendemain, sa femme espérait publiquement qu’il allait pouvoir tenir jusqu’au 20 mai, le jour de son 90e anniversaire.

Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Pepe Mujica n’aura pas pu aller jusque là. Il est décédé dans la nuit d’avant-hier à hier. L’Uruguay pleure depuis hier matin l’un de ses trois présidents de gauche, l’un des leaders moraux de la gauche sud-américaine, lui qui n’a jamais cessé ses activités d’horticulteur dans sa petite exploitation près de Montevideo et qui a mené sans discontinuer une vie très modeste, dans une maison minuscule, avec un pot-de-yaourt en guise de voiture.

Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution

Il n’aura fait qu’un seul mandat, coincé entre les deux exercés par son compagnon Tabaré Vázquez, lui aussi décédé d’un cancer il y a quelques années. Venu de la lutte armée contre la dictature sous la guerre froide et de la prison politique pendant des années, Pepe Mujica aura été l’un des plus puissants champions de la démocratie et de l’État de droit dans sa pratique politique au pouvoir puis après la fin de son mandat. Une dignité exceptionnelle. Et c’est bien pour cela que les Uruguayens lui rendent hommage aujourd’hui.

Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Son corps repose au Parlement. On attend l’arrivée de Lula qui rentre précipitamment de Pékin où il est allé rencontrer Xi après l’avoir croisé à Moscou près de son ami Vladimir…

Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Après cette veillée funèbre d’État, Pepe Mujica sera inhumé dans son jardin, près de sa chienne Manuela, une bête qui fut plus qu’un animal de compagnie pour lui. L’Uruguay a mis ses drapeaux en berne.

Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Mileí a failli ne pas réagir à ce décès. Il a fini par présenter des condoléances et il s’est contenté du minimum syndical. Un comportement grossier comme d’habitude.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
dans la presse uruguayenne :
lire le premier article de El País
lire le premier article de El Observador
lire le premier article de LR 21
lire le premier article de Grupo R Multimedio, du groupe La República
dans la presse argentine :
lire l’article principal de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article principal de Clarín
lire l’article principal de La Nación

mardi 13 mai 2025

Réédition du premier livre consacré à Piazzolla [Disques & Livres]


La semaine dernière, il a fait l’objet d’un Plenario de la Academia Nacional del Tango au Palacio Carlos Gardel, siège de l’institution. Hier, il faisait l’objet d’un long article très approfondi dans les pages d’un supplément culturel hebdomadaire de Página/12, Яadar.


Con Piazzolla est le premier livre publié sur le grand compositeur et bandonéoniste auquel on doit la deuxième grande révolution du tango, celle de 1955, qu’il avait lancée en rentrant de son année d’études en France, à la Cité Internationale des Arts. La première avait eu lieu au cours des années 1910 quand la musique du tango s’était professionnalisée sous l’impulsion d’artistes comme les frères De Caro.


Con Piazzolla est paru en Argentine, aux Éditions Galerna, disparues depuis, en 1969, juste après le tonitruant succès de l’été 1968, Balada para un loco, sur des vers de Horacio Ferrer, chantés successivement par Amelita Baltar puis quelques semaines plus tard enregistrés par Roberto El Polaco Goyeneche avec un texte adapté et encore plus délirant (1) ! Pour les deux compères, Piazzolla et Ferrer, toujours accompagnés de l’épouse du premier, Amelita Baltar, 1969 fut une autre année pivot, celle de la création du premier opéra-tango, María de Buenos Aires. Avec un texte encore plus onirique, à la limite du compréhensible, et c’est en partie ce qui fit le succès de l’œuvre. Con Piazzolla est la synthèse des entretiens que l’auteur, un journaliste, a eus avec le musicien pendant l’hiver et le printemps 1968.


Voilà donc qu’on réédite, toujours en Argentine et en espagnol, ce livre de Arturo Speratti, avec une nouvelle couverture, chez Vademecum. Avec la parution originale, Piazzolla a fondé sa légende. Un certain nombre d’informations qu’il contient et que le journaliste a tirées de ses confidences sont donc historiquement fausses. Grâce à cet ouvrage, elles appartiennent désormais au mythe Astor Piazzolla et on les retrouve encore aujourd’hui un peu partout dans la presse, les promotions des disques lorsqu’ils sont réédités un peu partout dans le monde, les documentaires et autres biographies écrites à la va-vite. Un phénomène similaire existe avec Gardel… Rien de nouveau sous le soleil !

La réédition de l’ouvrage coïncide avec la Feria del Libro de Buenos Aires.

Son prix est d’environ 19 000 pesos argentins. Le prix du livre étant entièrement libre en Argentine, certaines librairies physiques ou en ligne accordent des rabais intéressants.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12



(1) Ce tango phare fait bien entendu partie du corpus que j'ai publié aux Editions du Jasmin, Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins. En 2007, lors de mon premier voyage à Buenos Aires, j'avais eu la chance d'en soumettre la traduction à Horacio Ferrer lui-même qui m'en avait remerciée.

lundi 12 mai 2025

Le Festival de Cannes en Une de Cultura & Espectáculos [ici]

Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution


Le festival de Cannes qui ouvre ses portes demain tient dans Página/12 la vedette du supplément culturel quotidien du journal, Cultura & Espectáculos.

Le lien avec les manifestations culturelles en France continue d’être cultivé par le journal de la gauche de gouvernement.

© Denise Anne Clavilier


Pour en savoir plus :

Élections de mi-mandat : résultats mitigés et sujets à interprétations divergentes des tout premiers scrutins [Actu]

"Les gouverneurs en fête", titre Página/12
Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution


Les élections de mi-mandat vont s’échelonner en plusieurs salves d’ici au mois d’octobre, sans élections primaires préalables (la loi sur les PASO, primaires obligatoires et systématiques, a été abrogée sous le présent mandat national).

Hier, ces élections se tenaient dans quatre provinces en vue de renouveler les chambres locales : Salta, San Luis, Chaco et Jujuy, toutes situées dans le nord-est du pays.


"Super-dimanche électoral : le Gouvernement fédéral
se réjouit", dit La Prensa
Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Avec une participation affreusement faible, surtout pour un pays où le vote est théoriquement obligatoire, et avec un dépouillement encore inachevé en cours d’après-midi (heure de Paris), ce qui en dit long sur la difficulté d’organisation des scrutins, on obtient les résultats suivants :

"Les majorités en place ont gagné et le PJ
s'en sort mal dans les quatre provinces qui ont voté",
dit Clarín
Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Dans les provinces de Salta et de Chaco, La Libertad Avanza (Mileí) arrive en tête, seule à Salta (+ 6 points sur le suivant) et en alliance avec la droite libérale du gouverneur à Chaco (+ 12 points sur le deuxième). Avec des taux de participation respectifs de 59,7 % et 52,2 %.

LLA a emporté la majorité dans la ville de Salta, la capitale de la province homonyme.

A Jujuy, LLA arrive en deuxième position (il n’y avait qu’un seul scrutin), le parti présidentiel est 17 points derrière le leader. Le taux de participation y reste pour l’heure inconnu.

C’est à San Luis que LLA fait son pire score : 5 % des voix pour la chambre basse (4e position tout de même) et 12 % pour la chambre haute (3e position). Avec une participation de près de 60 % des inscrits.


Ces résultats conservent une majorité gouvernable à chacun des quatre gouverneurs. Ils peuvent donc s’estimer vainqueurs du scrutin.

A Buenos Aires, Mileí, fidèle au modèle Trump, considère que les résultats obtenus sont un succès puisque la force d’opposition principale, le parti justicialiste (péronistes), ne parvient pas à prendre la tête électorale, au moins dans ces quatre provinces. Le président a d’ores et déjà fait savoir qu’il ne remplirait pas son devoir électoral dimanche prochain à Buenos Aires : il sera en visite officielle à Rome pour l’installation du pape Léon XIV.

Les provinces qui ont voté hier ont en commun d’être très rurales avec un habitat très dispersé dès qu’on est à la campagne. Salta, Jujuy et San Luis bénéficient d’un flot touristique national assez important. Chaco en revanche peine à se faire connaître : c’est une province très pauvre et peu aidée au niveau fédéral.

"Les gouverneurs ont confirmé leur pouvoir
dans quatre districts et les libertaires
ont connu des avancées", dit La Nación
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Dimanche prochain, c’est la Ville autonome de Buenos Aires (CABA) qui se rendra aux urnes pour renouveler sa Legislatura (une seule chambre, il n’y aura donc qu’un seul scrutin). La majorité actuelle (confortable) est détenue par la droite libérale, tantôt en concurrence ouverte, tantôt en partenariat avec LLA.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article principal de Página/12
lire l’article principal de Clarín
lire l’article principal de La Nación

En ligne, La Prensa traite l’info en quatre entrefilets indigents.

vendredi 9 mai 2025

Le Nouveau Monde habite la fumée blanche [ici]

"Le chemin de François" dit le gros titre
Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution


Chicago, Chiclavo, Rome !

Le nouveau pape est binational : il est né aux États-Unis, il en porte donc la nationalité, et sa vocation l’a conduit au Pérou, où il a gouverné le diocèse de Chiclavo et où il s’est fait naturaliser, avant d’être appelé à Rome par son prédécesseur pour y diriger le dicastère qui administre les parcours des évêques.

"Par le même chemin", dit le gros titre
Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Ce qui a frappé les commentateurs dans la presse argentine, c’est d’abord et avant tout la double continuité avec François : une continuité d’origine géographique, le continent américain, et une continuité pastorale et spirituelle, que Léon XIV a rendu manifeste par le choix de son nom, une référence au pape Léon XIII qui inventa la doctrine sociale de l’Église (et, soit dit en passant, invita les catholiques français à rallier la République alors qu’ils soutenaient jusqu’alors diverses formes de monarchie).

"Un progressiste proche de François qui a conquis
l'aile conservatrice", dit le gros titre
Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Fâché de n’être pas à la une de l’actualité hier, Mileí a choisi de faire scandale pour se rappeler au bon souvenir du monde entier. Misérable imitateur de Trump, il a osé s’impliquer dans le choix du nouveau pontife en se représentant sur les réseaux sociaux sous la figure d’un lion (il adore s’identifier à cet animal) doté de la mitre et de la grande étole des bénédictions Urbi et Orbi. Dans son commentaire posté sur X pour expliquer ce montage hideux, il laisse entendre que l’élection d’hier est en lien avec la sienne et qu’il y a entre les deux une relation logique et symbolique voulue par Dieu lui-même.

"Un pape dans les pas de François", dit le gros titre
Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Ignoble, comme d’habitude. Ce triste sire ne sait pas se comporter autrement.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article principal de Página/12
lire l’article principal de La Prensa
lire l’article principal de Clarín
lire l’article principal de La Nación

jeudi 8 mai 2025

Un projet pour le Museo Casa Carlos Gardel et tout le quartier ? [Troesmas]


Walter Santoro est un homme d’affaires à succès qui s’est pris de passion pour Carlos Gardel, son œuvre et son histoire. Les deux héritières de Armando Delfino, l’impresario et l’homme de confiance de Gardel, qui s’est occupé de sa succession, dans la seconde moitié des années 1930, puis de celle de sa mère, Berthes Gardés, décédée en 1943, qui l’a institué son héritier, lui ont remis tout ce qui reste de son patrimoine : meubles, photos, manuscrits, partitions, disques, vêtements...

Pour conserver ce précieux dépôt, au lieu de se l’approprier sans autre forme de procès, il a créé la Fondation Carlos Gardel qui en est propriétaire (dit-il) et dont il est le président. Dans La Prensa, il décrit aujourd’hui un projet très cohérent et plutôt séduisant pour restaurer la maison où Gardel a vécu ses dernières années à Buenos Aires dans l’état où le chanteur l’a connue et déployer des projets gardeliens dans l’ensemble du quartier, qui est celui qui a vu grandir Gardel et où son talent artistique a percé. La maison est devenue un musée public qui dépend du ministère de la Culture de la Ville Autonome de Buenos Aires. Il y a quelques années, cette tutelle a procédé à une pseudo-amélioration muséographique qui a détruit tout ce qu’il restait entre ces murs de la présence de Gardel et de sa mère : la maison est devenue un endroit sans aucune âme, aux espaces aseptisés et fonctionnels entre des murs uniformément blanchis, avec, unique atout du musée si l’on peut utiliser ce terme flatteur, des postes d’écoute à la demande. Un atout d’une faiblesse insigne puisque n’importe qui peut écouter les mêmes enregistrements n’importe où et même chez soi grâce à Internet où tout est répertorié. Ces travaux ruineux, qui ont bien dû faire la fortune de quelqu’un, ont donc abouti à un appauvrissement spectaculaire du musée qui n’a plus rien d’un domicile ni d’un creuset artistique alors qu’avant cette catastrophe institutionnelle, Gardel restait fortement présent dans cette maison qu’il avait habitée. J’en sais quelque chose : j’y ai fait une présentation de mon premier livre, Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins. En 2010, c’était un lieu magique !

Santoro voudrait donc revenir en arrière et reconstituer avec la plus grande exactitude ce qui a été ainsi détruit : remettre les papiers peints tels qu’ils sont attestés sur les photos et remettre à leur place dans la bonne pièce les meubles qui permettront aux visiteurs de se figurer le mode de vie finalement très simple de ce grand artiste qui avait pourtant fait une fortune légendaire.

Malheureusement pour ses projets, Santoro ne s’exprime presque jamais ailleurs que dans les colonnes de La Prensa, ce qui l’écarte radicalement du monde tanguero, qui s’inscrit plutôt à gauche (péroniste) tandis que ce journal a pour lectorat l’aile la plus réactionnaire de la droite catholique pour laquelle il n’hésite pas à verser, assez souvent qui plus est, dans les théories complotistes les plus rances (sur le covid, sur les vaccins, sur le climat, sur le pape François, sur les personnalités de gauche, etc.). Or Gardel se situait à l’opposé de tout cela… Pourtant, dans cette interview, Santoro se plaint aussi de ne pas avoir l’oreille des élus de droite qui font la pluie et le bon temps depuis plusieurs mandats à la tête de la Ville et qui ne répondent même pas à ses propositions. Celles-ci ne sont donc accueillies et soutenues ni à droite ni à gauche !

Et pourtant ce qu’il propose est loin d’être idiot. Sa stratégie quant à elle est très probablement erronée et le public qu’il touche ne doit pas non plus être le bon !

© Denise Anne Clavilier


Pour en savoir plus :
lire l’article de La Prensa

Spectaculaire défaite de Mileí au Sénat [Actu]

"Le domino propre est tombé : les condamnés
pour corruption pourront être candidats", dit le gros titre
Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Hier, la loi dite de Ficha Limpia (domino propre) a été rejetée par le Sénat à une voix près alors qu’on pensait qu’elle allait passer avec une voix d’avance : elle avait pour objectif d’interdire aux personnes condamnées pour corruption de se présenter aux élections.

Cette loi, dont, dans l’absolu, l’existence ne ferait pas de mal pour nettoyer les écuries d’Augias en Argentine, n’avait en fait qu’un seul but, non avoué bien entendu, celui d’écarter définitivement Cristina Kirchner de la vie politique. Et c’est la raison qui met ce résultat à la Une de tous les journaux ce matin !

"Le domino leur a échappé", dit le gros titre
sur cette photo du tableau de vote de la Chambre haute
Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution


Dans tout le spectre politique du pays, Cristina Kirchner est la personne qui conserve, et de loin, le plus gros capital électoral. En intentions de vote, elle bat tout le monde. A gauche, c’est certain et à droite, c’est assez loin d’être improbable. Elle a un bilan et bon an mal an, sur le plan socio-économique, ce bilan se défend assez bien, eu égard à la catastrophe provoquée par la dérégulation opérée par son successeur immédiat, Mauricio Macri, suivie par la stagnation de l’économie due en partie à la pandémie, en partie à la politique brouillonne, velléitaire et combattue par elle-même de son successeur, Alberto Fernández, dont elle fut une vice-présidente particulièrement déloyale.

Il y a quelques mois, en première instance et elle a fait appel, Cristina Kirchner a été condamnée, au terme de plusieurs années de procédure, à une lourde peine de prison ferme pour des faits de corruption que sa défense déconstruit régulièrement, non sans succès auprès d’une bonne partie de l’opinion publique qui y voit un coup monté de la droite. En outre, l’ancienne sénatrice, Première dame, présidente et vice-présidente, plutôt élégante, bénéficie d’une personnalité forte, très charismatique, assistée d’un talent oratoire à toute épreuve.

"Avec l'aide des [sénateurs] de Missiones,
Cristina s'en sort [bien]", dit le gros titre
au-dessus d'une image d'une fumée d'incendie
qui a été prise, paraît-il, pour une autre fumée
hier soir au crépuscule
(Ah bon ? il suffit de regarder dans la bonne direction, pourtant !)
Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Elle représente donc un vrai danger tant pour Javier Mileí que pour Mauricio Macri, probable champion de la droite à peu près démocratique, ancien président qui a gouverné au profit des possédants, gros propriétaires agricoles et magnats du secteur tertiaire, au détriment du patronat industriel, des PME, de la classe moyenne et des défavorisés. Même si, l’année dernière, Macri a fait au dernier moment un refus d’obstacle devant les élections présidentielles et législatives générales, sans doute parce que les sondages lui promettaient une nouvelle débâcle, l’homme n’a en rien renoncé à dominer la vie politique de son pays.

Le vote intervenu hier est donc un petit tremblement de terre dans le paysage politique argentin, très instable depuis les dernières élections, il y a dix-huit mois, car Mileí se retrouve tout nu. Ce n’est certes pas le premier échec de ce président sans majorité tant au Congrès que dans les provinces fédérées, mais c’est celui qui remet les pendules à l’heure : malgré toutes ses manœuvres et les nombreuses tentatives de corruption des élus de plus en plus visibles, et à cause des soupçons graves qui pèsent sur lui depuis le scandale du Libragate (une crypto-monnaie qui s’est effondrée à peine quelques heures après qu’il l’avait promue sur les réseaux sociaux, un vendredi soir), Mileí et sa clique restent largement minoritaires au parlement et dans le pays. Il ne peut donc pas faire ce qu’il veut.

Or comme son maître Trump, Mileí a horreur d’être limité dans ses délires politiques !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación