mercredi 2 juillet 2025

L’affaire YPF relance le débat public en Argentine [Actu]

Un "aigle" à deux têtes : celle de ce vautour (carancho)
et de la juge new-yorkaise Preska
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Le discours quelque peu discordant du président Javier Mileí (1), qui interjette appel du jugement exigeant de l’Argentine l’abandon à un plaignant institutionnel de 51 % du capital de YPF, laisse dubitatifs les juristes, les observateurs et de nombreux acteurs politiques : en effet, Mileí fait porter à un gouvernement précédent, celui de Cristina Kirchner, la responsabilité, voire la faute originelle. Ce qui revient à l’attribuer au pays lui-même et par conséquent à fragiliser la position en défense que les avocats de l’Argentine vont devoir développer devant la cour d’appel. Le chef de l’État devrait au contraire avoir à cœur de montrer la continuité de l’action publique argentine et l’unité de la nation dans la défense de sa souveraineté, de sa liberté d’action économique et du respect de ses lois démocratiquement établies.

Qui plus est, on découvre que l’un des avocats qui représente les intérêts de l’Argentine est aussi l’un de ceux qui travaillent pour Donald Trump ! Sans parler des honoraires exorbitants qu’il facture (jusqu’à 1 796 dollars de l’heure, selon Clarín).

"Le gouvernement ne cède pas devant Preska", dit le gros titre
avec cette photo de la juge, cette fois de face
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Répondant aux insultes du président, le gouverneur de la Province de Buenos Aires, Axel Kiciloff, qui était ministre de l’Économie lors de la nationalisation de YPF en 2012, a répliqué fortement : il annonce lancer un enquête sur les conflits d’intérêts probables de Mileí dans cette histoire. En effet, il soupçonne le président d’avoir des liens avec la société bénéficiaire de l’absurde décision de la juge new-yorkaise, en paiement d’une condamnation elle-même très discutable. On ne prête qu’aux riches et Mileí a déjà démontré qu’il avait conservé dans l’exercice de son mandat présidentiel des intérêts contraires à ceux du pays.

Tout le monde a désormais compris en Argentine que, par les temps qui courent, maîtriser l’extraction, le raffinage et la distribution des combustibles fossiles avantage le pays et sa population, même si à la pompe, le carburant reste trop cher à cause de l’inflation qui ne cède pas (contrairement à ce que Mileí veut faire croire au monde entier avec la complicité de journalistes qui ne connaissent pas l’Argentine). A peu près tous les Argentins conviennent maintenant qu’il s’agit de faire respecter la souveraineté nationale. Et ils ont tous un exemple en tête : il y a plusieurs années, toujours sous la présidence de Cristina Kirchner, des créanciers, qui ne parvenaient pas à obtenir satisfaction devant les tribunaux, avaient exigé du Ghana la saisie du navire-école de la Marine argentine, qui venait de faire escale dans un port de ce pays, au cours d’un voyage de formation de son équipage. Christina Kirchner avait porté l’affaire devant la justice internationale et obtenu que celle-ci ordonne au Ghana de libérer la frégate, un outil de souveraineté insaisissable par nature.

"YPF : le gouvernement demande à la juge Preska
de suspendre son arrêt et dit qu'il ne négociera pas",
dit le gros titre, sans photo cette fois-ci
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Cette fois-ci, c’est la justice d’un État fédéré, dépourvu de compétences régaliennes, qui s’en prend à un autre bien argentin, dont le caractère souverain sera plus difficile à argumenter dans le droit new-yorkais et washingtonien (et non pas encore devant la justice internationale).

"Le gouvernement demande la suspension de l'arrêt Y.PF :
C'est inapplicable", dit le gros titre
En-dessous : le même fait divers affreux
(une famille est morte cette nuit à Villa Devoto,
à Buenos Aires, à cause d'une fuite de monoxyde de carbone
alors qu'un froid polaire règne sur la région depuis plusieurs jours
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L’intrication des affaires judiciaires lancées par de multiples investisseurs institutionnels et racheteurs sériels de dettes publiques ou privées, autour des nationalisations et des renégociations successives de la dette argentine, permet de faire porter une accusation grave contre Cristina dont la condamnation définitive et la mise en résidence surveillée il y a quelques semaines n’ont en rien diminué le prestige, la popularité et l’influence politique, contrairement à ce que la droite espérait. Il faut donc lui taper dessus encore et encore, devoir dont un éditorialiste de La Nación s’acquitte ce matin avec une perversité écœurante. Comme Mileí, il s’efforce en effet de démontrer que Cristina porte la responsabilité ultime de la décision de la juge new-yorkaise, qui, de toute évidence, a pourtant outrepassé ses compétences territoriales en traitant un pays souverain en simple justiciable qui aurait le devoir de répondre de ses actes devant la justice de l’État de New-York.

C’est la loi de la jungle qui règne désormais un peu partout et certaines personnalités en Argentine en profitent pour se faire mousser. Or ce sont des dirigeants comme Mileí, Trump et Poutine qui permettent que cela existe.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Une de Página/12
lire cet article de Página/12 sur les déclarations de Kiciloff
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de Clarín sur les propos de Kiciloff
lire l’éditorial ultra-partisan de La Nación



(1) Mileí vient de se faire publiquement renier par son « copain » Elon Musk à qui il avait offert une « magnifique » tronçonneuse plaquée en métal précieux (qui a payé ?) lors d’une rencontre du CPAC (le forum des droites) aux États-Unis. Menacé de se faire expulser du pays par Donald Trump, Musk, qui, on l’a vu, ne respecte aucun principe éthique, vient de jeter Mileí sous le bus, comme on dit en anglais, en reconnaissant avoir fait preuve d’un « manque d’empathie » lorsque, sur scène, il avait brandi le cadeau que le président argentin, qu’il traitait en faire-valoir, venait de lui remettre. Musk était alors à la tête du DOGE, que tout le monde vomit chez l’Oncle Sam, à part quelques MAGA irrécupérables, et qu’un Mileí mégalomane prétendait tout droit inspiré de sa propre politique de destruction du budget de l’État en Argentine.

mardi 1 juillet 2025

El Tango pide pista de retour à Pista Urbana [à l’affiche]


El Tango pide pista (le tango demande la piste) est un festival alternatif qui se tient tous les ans, depuis dix ans, dans un très sympa et très typique modeste café du quartier de San Telmo, dans la rue Chacabuco, dénommé Pista Urbana. Pista Urbana est une institution sans but lucratif, gérée par une association, et qui s’est donné pour mission d’accueillir tous les musiciens et tout le public, indépendamment de la taille du portefeuille.

Pendant tout le mois de juillet, en plein hiver austral, Pista Urbana proposera trente spectacles différents dans à peu près toutes les disciplines du tango, avec des chanteurs, des compositeurs, des instrumentistes, des danseurs, du cinéma. Le café ouvre sa piste et sa scène à des artistes authentiques qui ont bien souvent beaucoup de mal à se produire, en particulier depuis l’arrivée de Javier Mileí au pouvoir.

L’entrée est libre. La participation aussi et le programme est somptueux, même s’il est très difficile maintenant de rassembler du public en soirée, notamment dans cette petite rue secondaire, qui ne bénéficie pas de l’éclairage public abondant qui existe dans les avenues du voisinage. Sans parler des difficultés pour se garer si vous venez d’un peu loin... Les gens ont peu d’argent à consacrer aux loisirs et ils ont très peur de la violence qui monte très concrètement dans les quartiers même les plus paisibles depuis que le gouvernement a fait le choix de bannir toute politique sociale et de lui préférer la violence institutionnelle et économique. Et en plus, il fait un froid de canard en ce moment sur toute l’Argentine !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12, qui donne la parole aux organisateurs du festival
lire l’article de Fractura Expuesta, le média spécialisé dans le tango alternatif, qui détaille le programme jour après jour
visiter le site Internet de Pista Urbana

YPF ferait l’union sacrée ? On rêve ! [Actu]

"Ordre est donné de livrer 51% de YPF
à cause de l'expropriation kirchneriste", dit le gros titre
La Nación jette sur la Une ce ce qui ressemble à
une authentique colère et donne aussi un petit coup
de griffe pour faire bonne mesure !
Il ne faudrait pas que le lecteur les croit acquis à Cristina...
En-dessous : une image rare, la neige
sur la plage de Miramar, dans la Province de Buenos Aires
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YPF est la société pétrolière nationale argentine qui exploite les gisements (yacimientos) de pétrole découverts en Patagonie en 1907, depuis l’extraction jusqu’à la distribution aux clients finaux des produits raffinés. Sa création comme société nationale date de 1922, sous la première présidence de gauche de l’histoire du pays, celle de Hipólito Yirigoyen (1852-1933).

En 1991, dans la grande et catastrophique vague de privatisation voulue par Carlos Menem, le président préféré de Javier Mileí, son modèle vénéré, YPF a été livré au marché et tous les profits de cette part considérable du sous-sol argentin ont fini par partir en Espagne, dans les caisses de Repsol, qui avait intégré l’entreprise argentine dans le périmètre de sa holding. En 2012, la présidente Cristina Kirchner a renationalisé l’entreprise. Axel Kiciloff, qui est aujourd’hui le très combatif gouverneur de la Province de Buenos Aires, était son ministre de l’Économie et c’est sous sa direction que l’opération technique a été menée de bout en bout, avec un vote conforme au Congrès. Depuis 2012, les anciens détenteurs privés du capital de YPF poursuivent l’Argentine sous toutes les formes possibles.

"L'héritage maudit du kirchnerisme", dit le gros titre
méchant, mais consterné lui aussi !
A gauche, le journal de l'extrême-droite catholique
choisit de clouer au pilori les socialistes espagnols.
Cela doit leur faire du bien de taper sur la gauche...
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Aujourd’hui, l’État argentin détient 51 % du capital de YPF et il n’y a plus de différent avec Repsol depuis longtemps. Le pétrolier espagnol a signé avec la République Argentine un accord qui n’a jamais été contesté depuis.

Cependant, deux sociétés d’investissement privé, qui ne réalisent en fait que des achats spéculatifs, notamment sur les titres de dette d’autres sociétés, sans aucun égard pour les enjeux industriels des entreprises dont ils se font les prédateurs, se sont tournées vers la justice de l’État de New York, aux États-Unis, où elles sont enregistrées, pour faire rendre gorge à l’Argentine, pays souverain, que les deux juges locaux successifs traitent comme n’importe quel acteur économique privé, déniant à ce pays étranger et démocratique sa liberté de disposer de son sous-sol selon les règles de sa constitution. La gauche argentine, alors encore au pouvoir, a surnommé ces deux sociétés les fonds vautours (fondos buitre), une expression qui a fait florès dans toute la gauche occidentale. Ce qui est intéressant, c’est de constater que ce terme s’est maintenant imposé dans toute la presse argentine, y compris très loin à droite.

"Aux Etats-Unis, on ordonne que YPF cède
51% de ses actions", dit le gros titre
au-dessus d'une autre photo de plage enneigée
au sud de Buenos Aires
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En première instance, il y a deux ans, la justice new-yorkaise a prétendu imposer à l’Argentine le paiement de compensations faramineuses aux « propriétaires lésés » par la nationalisation et hier, la juge a décidé que ces compensations seraient réglées sous la forme d’une cession de 51 % du capital aux deux sociétés plaignantes.

Et ô miracle !, Mileí, qui veut pourtant tout livré au marché, vient d’annoncer son intention de faire appel de ce jugement, tout en prenant soin de rejeter la faute, comme une partie de la presse de droite, sur Kiciloff, qu’il appelle le « soviétique de La Plata ». On est en campagne électorale et à La Plata, l’actuel président ne parvient pas à bien se placer pour le scrutin d’octobre, or la Province de Buenos Aires est la plus peuplée du pays.

Malgré ces tartarinades électoralistes, une certaine unanimité semble se dessiner dans la presse contre ce jugement grossier qui bafoue une nouvelle fois la souveraineté argentine. On n’en était vraiment pas là il y a un peu plus de dix ans lorsque cette bataille judiciaire interminable s’est engagée !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article principal de Página/12
lire l’article principal de La Prensa
lire l’article de Clarín qui réserve à ses abonnés son article de Une
lire l’article principal de La Nación

lundi 30 juin 2025

Ce soir, Gobbi de Oro à Walter Piazza [à l’affiche]

Jolie photo de Walter Piazza (à droite) avec Horacio Ferrer
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Ce soir, la Academia Nacional del Tango fête ses 35 ans d’existence. Elle a été fondée par le poète et essayiste Horacio Ferrer et une poignée d’autres personnes le 28 juin 1990 au sous-sol du Gran Café Tortoni, au-dessus duquel elle a maintenant un magnifique siège sur trois étages dans un ancien hôtel particulier alvearien de la capitale argentine, baptisé par Horacio Ferrer Palacio Carlos Gardel.

A cette occasion, le Plenario de ce soir, lundi 30 juin 2025, à 18h, l’un de ces co-fondateurs, Walter Piazza, se verra remettre le Gobbi de Oro, une distinction créée par Horacio Ferrer pour les grands représentants du genre.

Or, depuis le début, fidèle au poste, Walter est la véritable cheville ouvrière de l’institution. Les deux présidents successifs, Horacio Ferrer, jusqu’à sa mort en 2014, puis Gabriel Soria, aujourd’hui, et nous aussi, les académiciens correspondants dans le monde entier, savons pouvoir nous appuyer sur lui en tout temps et en toutes circonstances. C’est lui qui fait marcher toute la maison. Il y met une discrétion à toute épreuve et une rondeur, une bonhomie, une chaleur humaine et une cordialité tout à fait contagieuses ! Pour moi, personnellement, il est un véritable ami depuis 2007 et je suis donc très heureuse de cet honneur qui lui sera fait ce soir.

Walter est un puits de science sur le tango, il en connaît l’histoire jusqu’au moindre détail et il a un vécu d’une richesse exceptionnelle dans tout le milieu et toutes les disciplines du genre. Qui plus est, c’est un ami loyal !

Bravo à lui.



La chaîne de télé locale de Pehuajo, sa ville natale, au nord-ouest de la Province de Buenos Aires (45 000 hab.), l’a fièrement interviewé à cette occasion. Le petit entretien, joliment mis en scène dans les locaux du Museo Mundial del Tango, au premier étage du Palais Carlos Gardel, est disponible sur la chaîne You Tube de Noticias Pehuajo (ci-dessus).

© Denise Anne Clavilier

Entrée libre et gratuite, avenida de Mayo, 83 (juste à côté du Tortoni qui occupe le rez-de-chaussée), premier étage.

La gauche reprend des couleurs aux élections locales de Formosa et Santa Fe [Actu]

"Rosario a toujours été près"
(comprenez comme vous voulez près de la victoire
ou près de Cristina)
En photo principale : le discours de victoire
du principal opposant municipal
Au-dessus : dans un rapport confidentiel, la banque JP. Morgan
déconseille à ses clients d'investir en Argentine
Pour aller plus loin sur ce point :
lire l'article de Página/12
lire l'article de Clarín
lire l'article de La Nación
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Avec une participation plus élevée que dans les précédentes élections provinciales où elle était autour de 50 % seulement, des élections de mi-mandat se sont tenues localement, en avance du calendrier national, dans les provinces de Formosa, à l’extrême nord de l’Argentine, et Santa Fe, au nord-ouest de Buenos Aires. Dans les deux cas, la gauche péroniste, sans aucun doute galvanisée par la condamnation définitive et la résidence surveillée imposée à Cristina Kirchner, fait de bons résultats, devançant même et, dans ce cas, assez largement le PRO, la droite libérale de Mauricio Macri (ou ce qu’il en reste après les raids opérés sur elle par Javier Mileí et consorts) et LLA (La Libertad Avanza, la mal-nommée mileíste).

Pratiquement rien sur les élections,
sauf cette photo de la soirée électorale
du gouverneur de Sante Fe qui fait silence sur Rosario
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C’est dans les élections municipales de Rosario, la seconde ville argentine, capitale culturelle et économique de la province de Sante Fe, que le résultat est le plus spectaculaire : il y avait 52 ans que le péronisme attendait d’y gagner un scrutin. C’est fait : la liste kirchnériste remporte 30,60 % des suffrages exprimés dans le cadre du renouvellement partiel du conseil municipal (assemblée élue qui exerce le pouvoir législatif pour la ville, tandis que le maire, dont le mandat n’était pas en jeu, exerce le pouvoir exécutif), devant la majorité provinciale (LLA), qui atteint 28,8 %, et la droite libérale de l’actuel maire (25,6%). Et pourtant, le taux de participation à Rosario a été très faible, de l’ordre de 50 % (les taux varient selon les sources). Ce qui veut sans doute dire que les électeurs de la gauche de gouvernement se sont mobilisés contrairement à ceux qui votent à droite (libéraux et libertariens) et qui n’ont pas sans doute pas vu venir les bons résultats de leurs opposants. Dans le reste de la province, c’est plutôt la droite libérale qui l’a emporté, selon une tradition qui ne se dément donc que très difficilement. Les résultats sont donc moins satisfaisants pour la gauche mais comme ils concernent une population beaucoup plus clairsemée, c’est la victoire à Rosario qui s’impose dans les esprits et dans les analyses partisanes, en vue des élections nationales de mi-mandat où la gauche espère casser l’actuelle majorité dont l’incohérence et la volatilité profitent à la politique libertarienne, anti-sociale et anti-étatique de Mileí.

"A Formosa, [le gouverneur] Insfrán faisait
passer en force sa réélection ;
A Rosario, la victoire du péronisme est une surprise"
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A Formosa, province très pauvre et assez peu connue des Argentins eux-mêmes, c’est la gauche kirchneriste qui l’emporte sans que cela constitue une surprise. Formosa est un bastion du péronisme depuis le retour à la démocratie. Il le reste. La majorité vient de remporter 68 % des suffrages exprimés pour le renouvellement complet de la Legislatura provinciale, le tout avec une participation plutôt haute par les temps qui courent de 64,34 %. En comparaison, LLA obtient 11 % des voix et arrive troisième du scrutin.

"Large victoire de Insfrán pour défier la Cour [suprême]
et aller chercher une nouvelle réélection", dit le gros titre
au-dessus d'une image de Messi,
dont l'équipe a été défaite par le PSG... aux Etats-Unis !
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Dans cette province, les têtes changent très peu souvent. L’actuel gouverneur en est à son septième mandat (après avoir été le vice-gouverneur de son prédécesseur) et la Cour suprême de la Nation commence à froncer les sourcils, estimant que l’article de la constitution provinciale qui autorise cette candidature perpétuelle doit être révisé. Les observateurs pensent que, fort de cette nouvelle majorité incontestable, le gouverneur va lancer une réforme constitutionnelle dans le sens inverse : pour rendre plus difficile à attaquer l’article récemment visé par la Cour. Et sans doute lancer une huitième candidature pour un huitième mandat (tant qu’on a la santé…). Tout cela entraîne bien entendu l’expression rageuse de la part de l’opposition de ses soupçons quant à la sincérité de ce scrutin et des précédents, cette opposition qui sans doute se comporterait de la même manière si elle en avait les moyens.

"Le futur est déjà là", proclame la Une de
l'édition rosarine de Página/12
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Les élections nationales et les autres scrutins provinciaux que les gouverneurs ont laissées calés sur une date unique se tiendront en octobre et définiront la suite du mandat de Mileí, qui a déjà annoncé qu’il comptait se représenter dans deux ans.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12 sur Rosario (Santa Fe)
lire l’article de Página/12 sur Formosa
lire l’article de La Prensa sur Santa Fe
lire l’article de La Prensa sur Formosa
lire l’article de Clarín sur Formosa (l’article sur Rosario est réservé aux abonnés. Tiens, tiens ! Et pourquoi donc ?)
lire l’article de La Nación sur Santa Fe
lire l’article de La Nación sur Formosa

samedi 28 juin 2025

Il y aura bien un procès de l’attentat contre l’AMIA. Ce n’est pas trop tôt ! [Actu]

Hier, La Prensa a divisé sa une en deux :
en haut, les attaques électoralistes de Mileí et consorts
contre Axel Kiciloff, le gouverneur de la province de Buenos Aires,
traité de "Bébé Staline", parce qu'il mène une politique sociale
en bas : quelques photos des victimes de l'attentat de l'AMIA
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85 morts et environ 300 blessés dont 151 atteints à vie, devant l’AMIA, rue Pasteur, dans le centre de Buenos Aires, le 18 juillet 1994, sous la présidence de Carlos Menem, qui fut un temps soupçonné d’avoir personnellement aidé les terroristes (1). C’était la plus grande institution juive d’Argentine qui était visée : l’AMIA est certes d’abord une mutuelle mais elle fait aussi office de consistoire et d’instance représentative de la religion juive face aux pouvoirs publics (la AMIA administre en effet, entre autres, l’abattage rituel et les cimetières juifs dans tout le pays). L’explosion du 18 juillet 1994 reste à ce jour l’attentat antisémite le plus meurtrier de l’histoire, en dehors du territoire d’Israël puisque les assaillants du 7 octobre ont tué plus de monde encore.

L’instruction, longtemps erratique, avait permis, sous Néstor Kirchner, de faire apparaître des commanditaires au sein du Hezbollah, un proxy de la République islamique d’Iran au Liban, récemment écrasé par Tsahal.

C’est le juge fédéral Daniel Rafecas (2) qui a décidé d’audiencer le procès sous la forme du jugement par contumace, qui est entré tout récemment dans le code de procédure pénale argentin.

Les accusés principaux, dont la plupart seront donc jugés en leur absence, sont sept Iraniens, dont plusieurs étaient les uns ministres en Iran, les autres diplomates en poste à Buenos Aires, trois Libanais, les deux exécutants dont la présence sur les lieux est attestée, et leur supérieur, tous trois susceptibles d’avoir bénéficié de la protection active du président Carlos Menem, dit el Turquito (ce qui veut dire « l’Arabe » en bon argentin, puisque, dans les années du pic du flux migratoire, 1880-1920, les immigrants arabes détenaient un passeport de l’Empire ottoman. De même, « El Rusito » est un terme affectueux qui désigne un juif, parce que, dans ces mêmes années, la quasi-totalité de l’immigration juive, fuyant les pogroms, arrivait de l’Empire tsariste). On pense que Menem aurait pu cacher personnellement et en toute connaissance de cause au moins deux et peut-être les trois auteurs de l’attentat dans une résidence officielle dans les heures et les jours qui ont suivi l’explosion qui venait de détruire le siège de l’AMIA.

"Première institutionnelle : il y aura un procès
en absence contre les accusés de l'explosion de l'AMIA",
dit le gros titre
(La photo principale porte sur une assez sordide histoire
d'héritage dans l'entourage d'une grande intellectuelle de droite)
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A côté de ces commanditaires et de ces exécutants, il existe aussi des accusés secondaires qui devront répondre d’actes commis après l’attentat : les uns sont accusés d’avoir, aussitôt après l’explosion, délibérément protégé, avec ou sans la complicité du président en place, les auteurs ; les autres ont agi sur le long terme en faisant dérailler l’instruction, en l’orientant sur des fausses pistes et en l’installant dans des impasses, ce qui a largement donné aux trois Libanais le loisir de se réfugier à l’étranger, en Iran ou au Liban, d’où il s’est avéré impossible de les extrader mais dont ils ne peuvent pas sortir puisqu’une notice rouge d’Interpol reste en vigueur contre eux. Ces accusés secondaires sont tous argentins. Ils devraient donc comparaître. Ils sont six : trois anciens magistrats (le premier juge d’instruction et deux procureurs), deux anciens responsables de la SIDE (le renseignement extérieur), très haut placés, ainsi qu’un particulier qui a vendu aux terroristes le véhicule qu’ils sont accusés d’avoir piégé puis garé devant l’AMIA où il a explosé. S’il était encore en vie, Carlos Menem aurait donc dû comparaître aux côtés de ces hommes.

Ce procès très attendu sera probablement très suivi !

L'info n'a droit qu'à un titre très secondaire
à droite, au-dessus de la photo de Lalo Schifrin
L'info people des mariés de Venise semble plus importante
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Rappelons que l’Argentine est le pays d’Amérique latine qui compte le plus grand nombre de citoyens se réclamant du judaïsme ou de la judéïté.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article d’hier de Página/12
lire l’article d’hier de La Prensa
lire l’article d’hier de Clarín
lire l’article d’hier de La Nación
Par respect pour Lalo Schifrin, dont on a appris la mort hier et comme j’en ai l’habitude en pareilles circonstances, j’ai retardé d’un jour la publication des autres informations sur Barrio de Tango.




(1) La mort de Carlos Menem a éteint les poursuites engagées contre lui. Toute sa vie, il aura gardé des liens forts avec la Syrie de ses ancêtres au point qu’il a été enterré dans un cimetière musulman, lui qui avait renoncé à sa religion de naissance puisqu’elle l’aurait empêché d’accéder aux fonctions suprêmes de la République argentine (depuis, la constitution a changé. Elle n’exige plus du chef de l’État qu’il soit catholique).
(2) Ce juge a longtemps eu la réputation d’être kirchneriste mais pendant plusieurs mois, il a passé pour être le candidat que Mileí aurait voulu nommer à la Cour suprême, où les magistrats en fonction ne sont plus que trois, ce qui est intenable. Cette nomination gaguesque a tourné en rond pendant des mois et on en a depuis perdu la trace !!!!

La Empoderada à la Ciudad Cultural Konex ce soir [à l’affiche]

Ce soir, samedi 28 juin 2025, à la Ciudad Cultural Konex, un complexe militant à Buenos Aires, l’ensemble féminin tanguero la orquesta atípica La Empoderada se produira pour présenter un nouveau spectacle, intitulé Manifiesta.

Le placement est libre, sans numérotation mais en deux catégories de prix : 13 000 et 18 000 pesos argentins.

Le tango reste dominé par les hommes dans le domaine de la composition et des instruments. La mixité est plus visible dans le chant et les ensembles féminins se font de plus en plus nombreux mais restent une exception.

Il faut donc découvrir la musique de La Empoderada (celle qui peut) en allant visiter leur site et leur chaîne You Tube.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12

Les universités battent le pavé [Actu]

"Merci pour le feu", dit le gros titre
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Les universitaires manifestaient en cette fin de semaine contre les coupes budgétaires qui affectent leurs établissements et les privent de travail comme chercheurs et comme enseignants.

Avant l’arrivée de Mileí au pouvoir, l’Argentine était en Amérique du Sud l’un des pays les plus développés en la matière. Ce qui se traduit par une belle présence des chercheurs argentins, travaillant dans leur pays, dans les revues scientifiques internationales. De plus, contrairement aux États-Unis mais comme à peu près partout en Europe, la recherche et l’enseignement universitaire appartiennent au secteur public. Les universités privées ne comptent pas dans le paysage scientifique.

L’effondrement des budgets publics sous Mileí et le mépris affiché par l’ensemble de l’exécutif à l’égard de ce secteur promet des lendemains qui déchantent en Argentine avec un effondrement des cadres formés et de la construction du savoir, sans parler de celui des applications dans à peu près tous les domaines et notamment dans la santé et la lutte contre le réchauffement climatique.

Il faut aussi savoir qu’historiquement, il a été très difficile dans ce qui est aujourd’hui l’Argentine de faire ouvrir des universités pendant toute la période coloniale. La UBA, l’université de Buenos Aires, récemment classée parmi les 100 meilleures du monde, est une indéniable conquête de l’Indépendance. Or on le voit bien, Mileí vend l’indépendance de son pays à l’encan. Il n’a déjà plus de diplomatie propre (il suit Trump en tout ce qu’il dit et fait), la justice est brinquebalante, l’économie est au plus bas, la consommation ralentit de mois en mois, le FMI est redevenu le créancier principal du pays...

"L'Université se noie et lutte", dit le gros titre
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Les universitaires sont donc dans la rue avec marche aux flambeaux à Buenos Aires pour que ce soit plus théâtral et qu’on en cause dans les gazettes ! En presque pure perte hélas. Seul Página/12 s’en fait l’écho...

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article d'hier de Página/12
lire l’article d'hier de Rosario/12, l’édition santafesine du quotidien portègne.

vendredi 27 juin 2025

L’Argentine salue Lalo Schifrin, mort à Hollywood [Actu]

"La vie en musique", dit le gros titre
du supplément culturel de Página/12
La rédaction a choisi une photo prise à Paris, en 2016,
lorsque le compositeur a été commandeur des Arts et des Lettres
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Le célèbre compositeur de cinéma n’appartenait plus à l’Argentine depuis longtemps mais au monde entier. Il vient de mourir à Los Angeles à l’âge respectable de 93 ans.

C’est Dizzy Gillespie, alors en tournée, qui l’avait remarqué dans un café de Buenos Aires où il jouait avec son groupe. Il l’avait aussitôt emmené aux États-Unis où Lalo Schifrin n’a pas tardé à briller de mille feux.

On lui doit les bandes-son de nombreux classiques d’Hollywood et de la télévision américaine (dont la série originale de Mission impossible en 1966 ou Starsky et Hutch) et c’est cette carrière remarquable que la presse argentine salue ce matin non sans fierté. Pourtant, à peu près tout le monde avait oublié qu’il était argentin !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación

mercredi 25 juin 2025

Semana Gardeliana à Buenos Aires [à l’affiche]

Carlos Gardel
11 décembre 1890, Toulouse, France
24 juin 1935, Medellín, Colombie


Hier, c’était le 90e anniversaire de la disparition de Carlos Gardel, qui a trouvé la mort à Medellín, lors d’une collision de son avion au sol, alors qu’il allait décoller pour l’une des toutes dernières d’une grande tournée en Europe et en Amérique. Il avait 45 ans et il était au sommet de son art.

Sa voix a été classée au patrimoine de l’UNESCO. Il est considéré comme un trésor national par les Argentins.

Pourtant, cet anniversaire qui aurait dû revêtir quelque solennité, passe presque inaperçu. La ville de Buenos Aires (gouverné à droite et qui utilise le tango comme un atout économique plus que comme un patrimoine culturel) a mis en place une riche semaine d’événements en tout genre dans de nombreux espaces qu’elle contrôle, en particulier le réseau des théâtres municipaux. Le ministère portègne de la culture ne s’est toutefois même pas donner la peine de publier une affiche pour cette manifestation. Sur le site de la ville, une simple photo de l’artiste… Elle est dans le domaine public. Cela évite les frais, n’est-ce pas ? Ils n’ont aucune honte !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12 sur l’ensemble des propositions de la semaine
lire l’article de Página/12 sur le spectacle qui s’est donné hier au CCK (rebaptisé aujourd’hui Palacio Libertad, parce que Mileí ne supporte pas que quoi que ce soit porte le nom de l’ancien président Néstor Kirchner)
lire l’article de La Prensa, par le président de la Fondation Gardel, un homme qui n’est pas à sa place dans cet univers gardélien, qui n’a guère de liens avec l’univers du tango et ses institutions, et qui présente ici un ouvrage complotiste qu’il a signé sur l’accident du 24 juin 1935 (cela fait 90ans que toutes sortes de théories fantaisistes et absurdes circulent sur cet accident, comme il y en avait beaucoup dans ces premiers temps de l’aviation)
lire l’article de Clarín

Mileí met son veto à la loi d’aide aux sinistrés de Bahía Blanca [Actu]

Le gros titre est un calembour :
"Noyés par ma loi"
(Mileí et Mi ley se prononcent de la même manière)
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Le 7 mars (voir photo ci-dessus), la ville balnéaire de Bahía Blanca, tout au sud de la Province de Buenos Aires, était victime d’une inondation très soudaine et monstrueuse qui a fait plusieurs morts, dont deux bébés, et des dégâts matériels très importants : l’eau recouvrait les voitures ou les avaient emportées vers l’océan. De nombreuses maisons ont été détruites ou tenaient encore debout mais étaient pour toujours inhabitables, des commerces ont disparu sous les eaux, la voirie a été défoncée, etc.

Le Congrès a donc voté ces derniers jours une loi d’urgence pour venir en aide aux sinistrés et reconstruire la ville grâce à une participation financière nationale.

Or la Province de Buenos Aires est gouverné par Axel Kiciloff, un ancien ministre de Cristina Kirchner, donc un homme de gauche, que le gouvernement actuel traite de « communiste », voire de « soviétique », montrant par là que comme les MAGA qui ont élu Trump, ils ne savent pas de quoi ils parlent.

La Une de l'édition provinciale joue elle aussi avec les mots
Cette fois-ci, il s'agit d'une expression idiomatique :
Llover sobre mojado, littéralement "pleuvoir sur [sol] mouillé"
ce qui signifie "Quand c'est fini, ça recommence"
ou "de Charybde en Scylla"
Ici, mojado (mouillé) est remplacé par "llovido" (il a plu)
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Javier Mileí vient donc de mettre son veto à cette loi, ce qui oblige le Sénat à en débattre une seconde fois, pour passer outre les caprices de « Monsieur Veto », alors que des élus LLA (Mileí) avaient voté pour. On voit mal d’ailleurs comment on peut voter contre quand on regarde la situation effective à Bahía Blanca !

Il va s’entendre chanter La Carmagnole dans pas longtemps s’il continue comme ça ! (1)

C’est tellement scandaleux que même la presse de droite en parle...

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12, édition nationale
lire l’article de Buenos Aires/12 (édition locale de La Plata de Página/12)
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación



(1) Pour mes lecteurs argentins, par exemple les amis des Alliances françaises, qui ne connaîtraient pas cet épisode de l’histoire de France, lorsque celle-ci était, pour quelques mois encore, une monarchie constitutionnelle :

I. Madame Veto [Marie-Antoinette] avait promis (bis)
De faire égorger tout Paris (bis) [à la différence de l’Argentine actuelle, c’était faux, mais ce qui a fait l’histoire, c’est que le peuple de Paris le croyait]
Mais son coup a manqué
Grâce à nos canonniers
Refrain : Dansons la carmagnole
Vive le son, vive le son
Dansons la carmagnole
Vive le son du canon

II. Monsieur Veto [Louis XVI] avait promis (bis)
D’être fidèle à son pays (bis)
Mais il y a manqué
Ne faisons plus d’quartier !
Refrain : Dansons la carmagnole, etc

A écouter, par exemple, sur Youtube dans la collection Chants et Musiques de France - Chants du Patrimoine

La juge démissionne avant d’être révoquée [Actu]

Copie de la lettre de démission
de la juge, remise au conseil de discipline
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La juge Julieta Makintach, qui faisait partie du collège des magistrats en train de juger les huit accusés de la mort de Diego Maradona et s’était permis de signer avec un producteur sa participation rémunérée à un documentaire illégal et clandestin sur le procès dont le scénario prévoyait déjà les peines prononcées, vient de démissionner de ses fonctions dans la magistrature de la Province de Buenos Aires.

Par les mains de son avocat, elle a fait parvenir au tribunal constitué pour juger sa conduite professionnelle une copie certifiée de sa lettre de démission, adressée au gouverneur de la province de Buenos Aires, autorité qui nomme les juges provinciaux, alors qu’au cours de la première audience de ce qui fonctionne comme un conseil de discipline, le jury avait déjà répondu qu’elle devait passer en jugement pour malversations et manquements graves aux devoirs de sa charge.

Cette démission met fin au procès administratif qui s’ouvrait et lui évite le déshonneur d’être chassée de la magistrature par ses pairs, qui plus est dans le district huppé où elle exerçait, à San Isidro, dans la très chic banlieue nord de Buenos Aires. Cependant, puisqu’elle est démissionnaire, elle perd l’immunité professionnelle qui la protégeait en tant que juge en activité ainsi tous les revenus correspondants, en particulier ce demi-salaire qu’elle continuait de toucher pendant sa mise à pied à titre conservatoire, et ce jusqu’à la décision administrative définitive.

L’avocat des filles de Maradona, qui se sont parties civiles dans le procès en cours contre les médecins, infirmiers et psychologues de leur père, saisit donc l’occasion pour demander au procureur l’incarcération immédiate de l’ex-magistrate puisque plus rien ne s’y oppose. Si cette demande est acceptée, l’intéressée sera placée en détention provisoire pendant l’instruction d’un procès pénal et non plus administratif.

Julieta Makintach s’était vue en reine du box-office. La ravissante jeune femme à la cervelle de moineau risque de finir à l’ombre derrière les barreaux !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación

vendredi 20 juin 2025

Las 12 célèbre Cristina [Disques & Livres]

"Du haut du balcon", dit le gros titre
"Est-ce le début de la grosse résistance au gouvernement de Mileí ?"
interroge le sous-titre
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Le supplément que Página/12 consacre toutes les semaines aux enjeux de l’émancipation des femmes, Las 12, est consacré cette semaine à soutenir Cristina Fernández de Kirchner (CFK pour ses partisans), qui a fait la démonstration de sa popularité intacte parmi les Argentins, y compris au-delà des frontières du pays.

"Cristina Kirchner est déjà sous le contrôle
d'un bracelet électronique mais elle peut sortir
sur son balcon", dit le gros titre
sur cette photo qui date d'hier
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Dans cette semaine encadrée par deux jours fériés, pour célébrer la mémoire de deux héros de la guerre d’indépendance, qui se sont distingués par une multitude d’exploits et de surcroît par la présence à leurs côtés de femmes exceptionnelles, le général Güemes, le 16 juin, au jour anniversaire de son assassinat à Salta par un traître vendu à la cause coloniale, et le général Belgrano, aujourd’hui même, à la date anniversaire de son décès à Buenos Aires des suites d’une maladie dont on ne connaît pas la nature exacte, la gigantesque manifestation qui s’est tenue mercredi a donné ses fruits : le juge d’application des peines a fait marche arrière !!!

Clarín titre à peu près la même chose mais sans photo
En revanche, il est bie question de photo en-dessous
Un gouverneur était en train de faire un selfie avec un groupe
quand une personne lui a dérobé son portable.
L'insécurité règne décidément en Argentine
C'est sans doute la faute à Cristina !
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Cristina est désormais autorisée à utiliser son balcon autant qu’elle le veut, dans la mesure où ses « apparitions ne troubleront pas la tranquillité du quartier », ce qui est laissé à son appréciation, à sa bonne foi et à son bon sens. Or la presse de droite avait, il y a plusieurs jours, commencé à publier des articles laissant entendre que les habitants du coin se plaignaient déjà de toutes ces manifestations de soutien et réclamaient qu’on respecte leur « repos ». Ce à quoi Página/12 répond ce matin, en pied-de-nez, par un billet de dernière page où un habitant du quartier dit exactement l’inverse :

Vecino

Tomé la decisión de empezar a sacar esas fotos y a subirlas como un impulso de dejar una huella trascendental por lo que estaba pasando, porque es realmente impresionante”, dijo a La 750 el @vecinodecristina quien, reservando su identidad, armó un registro cotidiano en la redes de la movida en San José 1111. “Es un evento histórico que mis hijos van a estudiar en la secundaria, y está pasando en la puerta de mi casa, así que yo lo estoy tomando como un privilegio, como una oportunidad que pasó. Salgo a la puerta de mi casa y está sucediendo la historia”, comentó.


Habitant du quartier

J’ai pris la décision de commencer à prendre ces photos et de les mettre en ligne comme une envie de laisser une trace essentielle de ce qui est en train de se passer, parce que c’est réellement impressionnant, dit sur La 750 le @voisindecristina qui, en gardant l’anonymat, a mis en place un enregistrement au jour le jour sur les réseaux de ce qui bouge au 1111 rue San José [adresse de Cristina]. C’est un événement historique que mes enfants étudieront au lycée et ça se passe à la porte de chez moi. Alors je prends ça comme un privilège, comme une opportunité à ma portée. Je sors sur le pas de ma porte et l’histoire est en train de se faire, a-t-il commenté.
(© Traduction Denise Anne Clavilier)


Comme le magistrat recule et assouplit les conditions de vie de Cristina pour les six ans à venir, une députée du PRO (parti de la droite libérale que mène encore l’ancien président Mauricio Macri mais peut-être plus pour très longtemps) vient de déposer une proposition de loi qui assimile les délits de corruption aux crimes contre l’humanité, ceci afin qu’ils soient imprescriptibles et que laisser Cristina en résidence surveillée, comme le fait le juge d’application des peines, devienne suspect. Il faut la mettre à l’ombre, cette femme dangereuse, n’est-ce pas ?

Et pendant ce temps-là, une partie de cette même droite fait tout ce qu’elle peut pour élargir les vrais criminels condamnés au terme de procès équitables et au titre des crimes contre l’humanité qu’ils ont commis sous la dictature militaire, ces sbires du régime de Videla qui ont écopé de la perpétuité et dont certains purgent encore leur peine derrière les barreaux.

Tout cela démontre assez clairement l’intention politique qui se cachait derrière la condamnation et sa lourdeur et met en lumière le poids politique que conserve l’ancienne mandataire dans la vie du pays. Et tout se passe comme si la droite en avait vraiment très peur !

Au cri de "L'amie ! Balcon, balcon !"
Corazón (cœur) est une expression de tendresse et d'affection
(pas nécessairement amoureuse)
Cela se dit aux membres de la famille et aux amis très chers...
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Politiquement, son plan a échoué, même si ces gens ne peuvent ni ne veulent le reconnaître.

Lula a annoncé cette semaine son intention de rendre visite à Cristina dans la première semaine de juillet. Lula, le président de gauche, mis en prison sans aucune raison valable par la droite, et réhabilité par la justice, au Brésil, avant de retrouver l’ensemble de ses droits civiques et d’être réélu pour un troisième mandat !!!!

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Une de Las 12 sur la figure de Cristina Kirchner, martyre de la démocratie et de la lutte pour l’égalité femmes-hommes
lire le billet de dernière page de Página/12
lire l’article de Une de Página/12 sur l’assouplissement des conditions de résidence surveillée
lire l’article de Página/12 sur la présentation de cette proposition de loi délirante, qui révèle le peu de considération de cette élue pour le concept de crime contre l’humanité
lire l’article de La Prensa sur l’assouplissement des conditions de vie de Cristina
lire l’article de Clarín sur ce sujet
lire l’article de La Nación sur le sujet