![]() |
Un "aigle" à deux têtes : celle de ce vautour (carancho) et de la juge new-yorkaise Preska Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution |
Le discours quelque peu discordant du président Javier Mileí (1), qui interjette appel du jugement exigeant de l’Argentine l’abandon à un plaignant institutionnel de 51 % du capital de YPF, laisse dubitatifs les juristes, les observateurs et de nombreux acteurs politiques : en effet, Mileí fait porter à un gouvernement précédent, celui de Cristina Kirchner, la responsabilité, voire la faute originelle. Ce qui revient à l’attribuer au pays lui-même et par conséquent à fragiliser la position en défense que les avocats de l’Argentine vont devoir développer devant la cour d’appel. Le chef de l’État devrait au contraire avoir à cœur de montrer la continuité de l’action publique argentine et l’unité de la nation dans la défense de sa souveraineté, de sa liberté d’action économique et du respect de ses lois démocratiquement établies.
Qui
plus est, on découvre que l’un des avocats qui représente les
intérêts de l’Argentine est aussi l’un de ceux qui travaillent
pour Donald Trump ! Sans parler des honoraires exorbitants qu’il
facture (jusqu’à 1 796 dollars de l’heure, selon Clarín).
![]() |
"Le gouvernement ne cède pas devant Preska", dit le gros titre avec cette photo de la juge, cette fois de face Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Répondant aux insultes du président, le gouverneur de la Province de Buenos Aires, Axel Kiciloff, qui était ministre de l’Économie lors de la nationalisation de YPF en 2012, a répliqué fortement : il annonce lancer un enquête sur les conflits d’intérêts probables de Mileí dans cette histoire. En effet, il soupçonne le président d’avoir des liens avec la société bénéficiaire de l’absurde décision de la juge new-yorkaise, en paiement d’une condamnation elle-même très discutable. On ne prête qu’aux riches et Mileí a déjà démontré qu’il avait conservé dans l’exercice de son mandat présidentiel des intérêts contraires à ceux du pays.
Tout
le monde a désormais compris en Argentine que, par les temps qui
courent, maîtriser l’extraction, le raffinage et la distribution
des combustibles fossiles avantage le pays et sa population, même si
à la pompe, le carburant reste trop cher à cause de l’inflation
qui ne cède pas (contrairement à ce que Mileí veut faire croire au
monde entier avec la complicité de journalistes qui ne connaissent
pas l’Argentine). A peu près tous les Argentins conviennent
maintenant qu’il s’agit de faire respecter la souveraineté
nationale. Et ils ont tous un exemple en tête : il y a
plusieurs années, toujours sous la présidence de Cristina Kirchner,
des créanciers, qui ne parvenaient pas à obtenir satisfaction
devant les tribunaux, avaient exigé du Ghana la saisie du
navire-école de la Marine argentine, qui venait de faire escale dans
un port de ce pays, au cours d’un voyage de formation de son
équipage. Christina Kirchner avait porté l’affaire devant la
justice internationale et obtenu que celle-ci ordonne au Ghana de
libérer la frégate, un outil de souveraineté insaisissable par
nature.
![]() |
"YPF : le gouvernement demande à la juge Preska de suspendre son arrêt et dit qu'il ne négociera pas", dit le gros titre, sans photo cette fois-ci Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Cette
fois-ci, c’est la justice d’un État
fédéré, dépourvu de compétences régaliennes, qui s’en prend à
un autre bien argentin, dont le caractère souverain sera plus
difficile à argumenter dans le droit new-yorkais et washingtonien
(et non pas encore devant la justice internationale).
L’intrication des affaires judiciaires lancées par de multiples investisseurs institutionnels et racheteurs sériels de dettes publiques ou privées, autour des nationalisations et des renégociations successives de la dette argentine, permet de faire porter une accusation grave contre Cristina dont la condamnation définitive et la mise en résidence surveillée il y a quelques semaines n’ont en rien diminué le prestige, la popularité et l’influence politique, contrairement à ce que la droite espérait. Il faut donc lui taper dessus encore et encore, devoir dont un éditorialiste de La Nación s’acquitte ce matin avec une perversité écœurante. Comme Mileí, il s’efforce en effet de démontrer que Cristina porte la responsabilité ultime de la décision de la juge new-yorkaise, qui, de toute évidence, a pourtant outrepassé ses compétences territoriales en traitant un pays souverain en simple justiciable qui aurait le devoir de répondre de ses actes devant la justice de l’État de New-York.
C’est la loi de la jungle qui règne désormais un peu partout et certaines personnalités en Argentine en profitent pour se faire mousser. Or ce sont des dirigeants comme Mileí, Trump et Poutine qui permettent que cela existe.
Pour
aller plus loin :
lire
l’article
de Une de Página/12
lire
cet
article de Página/12
sur les déclarations de Kiciloff
lire
l’article
de La
Prensa
lire
l’article
de Clarín
lire
l’article
de Clarín
sur les propos de Kiciloff
lire
l’éditorial
ultra-partisan de La
Nación
(1) Mileí vient de se faire publiquement renier par son « copain » Elon Musk à qui il avait offert une « magnifique » tronçonneuse plaquée en métal précieux (qui a payé ?) lors d’une rencontre du CPAC (le forum des droites) aux États-Unis. Menacé de se faire expulser du pays par Donald Trump, Musk, qui, on l’a vu, ne respecte aucun principe éthique, vient de jeter Mileí sous le bus, comme on dit en anglais, en reconnaissant avoir fait preuve d’un « manque d’empathie » lorsque, sur scène, il avait brandi le cadeau que le président argentin, qu’il traitait en faire-valoir, venait de lui remettre. Musk était alors à la tête du DOGE, que tout le monde vomit chez l’Oncle Sam, à part quelques MAGA irrécupérables, et qu’un Mileí mégalomane prétendait tout droit inspiré de sa propre politique de destruction du budget de l’État en Argentine.