mardi 30 avril 2013

Emission philatélique conjointe Cité du Vatican-République Argentine [Actu]

Photo Communication du Saint Siège

Les deux Etats ont conclu un accord en vue d'émettre une série de timbres pour célébrer l'accession au Trône de saint Pierre du Pape François.

Au Vatican, l'émission prendra la forme de quatre timbres ayant des valeurs d'affranchissement pour l'Italie (0,70 €), pour l'Europe et les pays méditerranéens (0,85 €), pour l'Amérique, l'Afrique et l'Asie (2 €) et pour l'Océanie (2,50 €).

Le tirage de la planche sera limité à 250 000 exemplaires.


Cette émission a été présentée au Pape ce matin dans la Bibliothèque pontificale (photo en haut à gauche). Le timbre à 0,70 euros est déjà sorti dans la foulée de l'installation de la Saint-Joseph (19 mars 2013).

Par ailleurs, l'Office Philatélique et Numismatique du Vatican accompagnera cette émission conjointe d'une carte de présentation vendue avec une plaque de timbres et une médaille frappée spécialement à cet effet. La carte reproduira la première page de l'édition extraordinaire de l'Osservatore Romano du 13 mars 2013 au soir (ci-dessous).


Côté argentin, les quatre timbres auront seulement trois valeurs distinctes : 3,5 $, 10 $ et 14 $, soit une valeur faciale de la plaque de 31 $. Le tirage de la série sera limité à 120 000 exemplaires. Et il est prévu que la République italienne soit de l'opération. Les timbres seront en vente simultanément dans les bureaux des trois Postes étatiques jeudi 2 mai 2013. Correo Argentino devancera l'appel sur son stand de la Feria del Libro demain.


Je vous donne la reproduction des deux plaques, au cas où vous voudriez jouer au jeu des sept erreurs demain en effeuillant vos brins de muguet.

Pour en savoir plus :
lire l'article de News Va (en italien)
lire l'article de News Va (en espagnol)
lire la dépêche de la salle de presse du Gouvernement national argentin (en espagnol).

La version francophone de l'information sur News Va est très, très, très succincte.
Rien sur le site Internet de Correo Argentino mais il est partiellement en travaux. Ceci explique peut-être cela.

Extrait de l'édition d'aujourd'hui de l'Osservatore Romano

Les bavures de la Metropolitana et les jérémiades de Macri revues et corrigées par Miguel Rep [Actu]


Depuis vendredi soir, Buenos Aires est secouée par ce scandale du déchaînement gratuit des violences de la Police Métropolitaine qui a chargé des citoyens désarmés, parmi lesquels des malades, des médecins, des infirmiers et des journalistes, avec ou sans caméra, qui attendaient juste que soit respecté un avis de justice protégeant d'une opération immobilière inconstitutionnelle une grande institution thérapeutique et sociale (voir mon article de samedi et celui de dimanche).

Mauricio Macri a justifié l'opération policière en prétendant qu'il s'agissait d'une réplique proportionnée à la violence de dits manifestants qui avaient été les premiers à jeter des pierres sur les forces de l'ordre et qu'il n'était pas question que le Gouvernement laisse prospérer un tel déchaînement. Les photos des événements et les témoignages démentent facilement cette énième fiction du Chef du Gouvernement portègne.

Comme on pouvait s'y attendre, Miguel Rep y est allé ce matin de son dessin, l'humour étant l'arme des pacifiques.

Les flics : Ne tirez pas ! Assassins !
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Mariel Martínez et La Porteña Trio en tournée en Argentine [à l'affiche]



Après un mois de mars passé à arpenter la vaste République russe avec son troisième disque sorti chez Melopea, Perfume de Tango, la chanteuse Mariel Martínez accompagnée de son fidèle guitariste, arrangeur et directeur musical Alejandro Picciano, au sein de La Porteña tango Trío, sera en Argentine au mois de mai (avec des séances d'enregistrements pour un quatrième album ? On devrait avoir un début de réponse à la rentrée septentrionale. En général, Mariel et Alejandro profitent du séjour dans leur pays natal pour enregistrer dans le studio de Melopea).


Ce séjour argentin de l'automne est désormais une habitude pour les deux artistes.

Au programme : Buenos Aires, dans une salle du Complejo San Martín sur avenida Corrientes, les 10 et 11 mai, puis cap vers le sud avec Rio Negro et Neuquén... Ils sont accompagnés par un couple de danseurs.

Ici, tout le groupe le 8 mars 2013 pendant la tournée en Russie

Tournée des popotes proposée par le supplément touristique de Clarín [Coutumes]

L'une des spécialités de la région de Cuyo (Provinces de Mendoza, San Luis et San Juan)

Ces jours-ci, dans un article assez développé de ses pages touristiques, Clarín propose à ses lecteurs un tour d'horizon des différentes traditions culinaires du pays, en intégrant les influences de l'histoire, de la colonisation, les répartitions géographiques des divers groupes d'immigrants qui ont marqué les cuisines régionales jusqu'à aujourd'hui, en soulignant ce qui commence à se présenter comme des héritages agricoles comme le mate du littoral (Entre Ríos, Corrientes et surtout Misiones), les olives des Provinces de Mendoza, San Juan et San Luis (qui ont hérité les traditions paysannes de l'Espagne méridionale), leurs huiles, leurs vins et leurs fruits et légumes (1), la légende du dulce de leche (ou plus exactement l'une de ses légendes, la moins crédible, celle qui le fait naître d'un ratage génial d'une cuisinière de Juan Manuel de Rosas effarée par l'apparition du général Urquiza, l'ennemi juré du premier) (2), et les différentes façons de réaliser certains plats nationaux qui varient selon les lieux : empanadas, locros, asado et puchero...

L'empanada est de toute l'Argentine
mais elle est particulièrement représentative
des Provinces de Tucumán, Santiago del Estiero et Salta
(une recette est disponible dans ce blog, voir le moteur de recherche interne en haut à gauche)
L'article est joliment illustré, comme vous pouvez le constater avec les quelques photos que j'ai moi-même retenues. Une invitation au voyage qui nous change des catalogues en papier glacé sur les safaris photo proposés par les tours opérateurs de l'hémisphère nord.

Locro : plat servi de préférence lors des fêtes patriotiques qui tombent toutes en hiver
(25 mai, 20 juin, 9 juillet et 17 août)
Il en existe une recette portègne dans Barrio de Tango (voir moteur de recherche)
Avec la musique, la gastronomie est l'un des vecteurs de ce phénomène en pleine mutation qu'est la construction de l'identité argentine, dans sa dimension nationale et ses dimensions régionales, pour les deux cents ans qu'il faudra encore pour aboutir à un patrimoine partagé par toutes les classes sociales et toutes les Provinces.

Pour aller plus loin :
Vous pouvez également retrouver dans Barrio de Tango les quelques recettes argentines que j'ai déjà publiées en cliquant sur le mot-clé Gastronomie dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.

Pour se désaltérer la vue, cette plantation d'arbustes à yerba mate
appartenant au géant du produit : les Establecimientos Las Marías
Paysage typique de ce qu'en Argentine on appelle el litoral (nord-ouest)

(1) Le développement de l'agriculture dans l'ancienne Province de Cuyo (aujourd'hui subdivisée en trois provinces plus petites) au pied des Andes, à l'opposé de Buenos Aires sur la carte argentine, a été lancé en 1814 par le général José de San Martín, qui en fut pendant deux ans le très charismatique et très efficace gouverneur.
(2) Il semblerait que le dulce de leche ait été inventé en fait dans les anciennes Missions jésuites (territoire immense qui couvrait le nord de l'Argentine, le nord de l'Uruguay, l'actuel Paraguay et le sud de la Bolivie) : cela aurait été une technique de conservation du lait dans ce terroir subtropical au climat peu propice à la fabrication du fromage. Par conséquent le dulce de leche daterait de la fin du XVIIème ou du début du XVIIIème siècle, ce qui précède de loin l'époque de Rosas (1829-1852).

lundi 29 avril 2013

Un stage intensif en style de Villa Urquiza [ici]



Objectifs comme personne, les Urquisenses, qui sont nés, vous l'aviez deviné, dans le quartier portègne de Villa Urquiza, dont j'ai l'honneur d'avoir été faite Visitante Ilustre en septembre 2010 (et j'en suis fière !), vous diront que le tango authentique se danse dans le style Villa Urquiza (voir mon article du 17 septembre 2010). Je ne me permettrais pas de mettre en doute cette fière affirmation...

Toujours est-il que dans la bonne ville de Paris, le week-end de Pentecôte, deux maîtres nous arrivent de ce quartier des antipodes pour initier quelques happy few Hexagonaux aux arcanes de la chose... Carlos Pérez et Rosa Forte sont deux maîtres dont la modestie de l'annonce vous dit d'emblée qu'ils sont bien et de Buenos Aires et de Villa Urquiza. Allez-y en confiance : ce sont de vrais témoins historiques du tango de derrière les fagots.

Et si la flamboyante modestie de leur présentation vous laisse pantois, réprimez tout sourire irréfléchi, allez lire mon article du 20 mars 2013 : vous trouverez dans le dessin de Daniel Paz toutes les clés de lecture pour ne pas faire d'impair !

Au programme de ces deux somptueuses journées :

Le 18 mai 2013 : de 14h30 à 16h, posture et marche, de 16h15 à 17h45 : les figures.
Le 19 mai 2013 : de 14h30 à 16h, la musicalité (important !), de 16h15 à 17h45, pratique dirigée pour tout mettre en œuvre, d'abord avec un travail individuel puis une libre improvisation en couple avec les conseils personnalisés des maestros.

Les tarifs sont dégressifs en fonction du nombre de cours que vous prendrez, de 20 € le cours seul à 70 l'ensemble des quatre cours.

Rendez-vous au Chantier, 51 rue Edouard Vaillant, à Montreuil (M° Croix de Chavaux).
Inscriptions préalables obligatoires pour constituer des groupes de 20 couples maximum (les danseurs, hommes et femmes, sans partenaire peuvent prendre contact avant de s'inscrire pour assurer l'équilibre du cours).
Contacter Cécile et Rémi : 06 10 54 28 42 / cecileyremi@yahoo.com

Le photographe de Clarín blessé à Barracas reste à l'hôpital [Actu]

José (Pepe) Mateos photographié ce week-end à l'hôpital britannique
où il est soigné à Buenos Aires

Vendredi dernier, Pepe Mateos, photographe de Clarín, a été blessé pendant l'opération de maintien de l'ordre qu'a menée la Police Métropolitaine aux abords de l'hôpital Borda (voir mon article d'avant-hier et celui d'hier). Il faisait son travail de journaliste. Il a été frappé, visiblement assez sérieusement blessé puisqu'on le voit porter une minerve, maintenu allongé au sol et menotté puis arrêté en public, ce qu'un confrère de La Nación n'a pas hésité à fixer sur son appareil photo.

Le journaliste a été hospitalisé à l'Hôpital Britannique où il est suivi car on craint une détérioration de son état, notamment un risque de déshydratation, ce qui, si c'est vrai, indiquerait que les organes internes ont peut-être souffert du traitement de choc qui lui a été infligé.

Ce qui est remarquable, c'est que l'information vient de Clarín dont la rédaction n'est donc pas prête à passer l'éponge sur les violences organisées ou autorisées par le ministre macriste de la sécurité à Buenos Aires. Certes, il faut compter sur le corporatisme des journalistes, qui font toujours bloc dès que leurs conditions de travail et la liberté d'exercice de leur métier sont menacées mais tout de même, de la part de ce quotidien-là, cette persévérance dans la contestation du gouvernement de Mauricio Macri est à marquer d'une pierre blanche.

Pour aller plus loin :

Mafalda à l'honneur à la Feria del Libro [à l'affiche]



La Feria del Libro, qui s'est ouverte jeudi dernier, semble bien partie pour être cette année un succès qui dépassera les statistiques de fréquentation de l'édition 2012. Et ce public achète, ce qui est donc une bonne nouvelle pour le monde du livre en Argentine et singulièrement dans sa capitale. Página/12 est allé traîner ses guêtres dans les allées de la manifestation pour tâter le pouls du chaland...

Samedi, une table-ronde rendait en sa présence hommage à Quino, 80 ans, l'auteur de ce petit mythe argentin qu'est Mafalda, fillette insolente du quartier de San Telmo. Rep, le dessinateur de presse de Página/12, lui-même aussi auteur et peintre, était de la fête.

Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 sur la Feria et sa fréquentation
lire l'article de Página/12 sur Quino et la table-ronde.

L'évêché de Quilmes condamné en appel pour un cas d'abus sur mineur [Actu]


Ce serait la première fois en Argentine qu'un diocèse se trouve condamné par un tribunal civil à payer des dommages et intérêts à une victime d'abus sexuel sur mineur. L'affaire, qui date de 2002, concerne sur le plan pénal un prêtre qui n'a jamais été condamné (la cause est éteinte) et, sur le plan civil, peut-être en compensation de l'extinction de la cause pénale, le diocèse où il exerçait son ministère au moment des faits, celui de Quilmes, dans la banlieue proche de Buenos Aires, au sud de la capitale (dont vous savez qu'elle est la zone populaire du Gran Buenos Aires). La condamnation s'élève à 155 600 pesos (c'est très lourd), couvrant les dommages psychologiques et la prise en charge des soins post-traumatiques que la victime a dû suivre, à quoi s'ajouteront les intérêts calculés sur les dix ans qu'a duré la procédure.

Seul quotidien national à évoquer ce verdict ce matin, un lundi, après deux jours pendant lesquels les tribunaux n'ont pas fonctionné (l'information ne vient donc pas de tomber sur les téléscripteurs de la rédaction), Página/12 dont vous avez pu constater, depuis l'élection du Pape (et même bien avant pour mes lecteurs les plus anciens), qu'il nourrit beaucoup d'animosité contre l'Eglise (et les religions en général) et qu'il n'hésite pas à utiliser contre elle les procès d'intention, la calomnie (accusations sans preuve, culture de rumeurs malveillantes et approximations dont on peut se demander s'il ne s'agit pas purement et simplement de mensonges délibérés) et des interprétations de ses décisions qui indiquent surtout chez les rédacteurs un abîme d'ignorance sur ce qu'est l'Eglise et son fonctionnement (comme je l'ai montré dans plusieurs articles dont celui du 23 avril 2013). Sur l'affaire d'aujourd'hui, je n'ai rien trouvé ni sur Clarín ni sur La Nación (éditions du jour) et pas plus sur le site Internet du diocèse de Quilmes, dont j'ai remonté l'actualité jusqu'à la convocation du conclave (1).

D'après Página/12, qui est donc la seule source de la présente entrée, le dépôt de plainte date d'il y a dix ans, alors que la victime, un adolescent prénommé Gabriel, avait quatorze ans... Les faits se sont produits (j'employe l'indicatif à cause de l'autorité de la chose jugée) à Berazategui, le 15 août 2002, le jour de l'Assomption (non férié en Argentine, où, hors du monde pratiquant, on ne fait plus le lien avec la solennité catholique mais il n'en reste pas moins que ce n'est pas n'importe quel jour), après une vacance de dix mois du siège épiscopal, suite au décès de l'évêque du lieu en juillet de l'année précédente.
Quand le crime est perpétré, l'évêque de Quilmes se trouve être Mgr Luis Stöckler (toujours en vie, il a 76 ans). En mai, il a pris la succession de son défunt prédécesseur, un prélat au passé très honorable en matière de droits de l'homme, Mgr Jorge Novak : né en 1928, Jorge Novak est l'un des évêques argentins, pas très nombreux, qui ont ouvertement tenu tête à la Junte militaire, ce qui lui valut d'être calomnié par les putschistes qui ont tenté jusqu'au bout de le faire passer pour un communiste (comme ils l'ont fait avec tous leurs opposants, de quelque bord qu'ils soient). Après la Dictature, Mgr Novak a fondé et présidé le mouvement œcuménique pour les Droits de l'homme en Argentine (un mouvement liant donc toutes les confessions chrétiennes mais rien qu'elles). Il est mort le 9 juillet 2001 d'un cancer, alors qu'il était déjà atteint depuis 1986 du syndrome de Guillen Barré. Une très belle vie pastorale, marquées par de nombreuses épreuves physiques, morales et spirituelles. Les faits ont donc été commis dans un contexte ecclésial assez exceptionnel, ce qui n'excuse rien bien entendu mais éclaire un peu le fait que Luis Stöckler ait eu des scrupules à faire du bruit autour de cette affaire, à une époque où le pays traversait une crise économique épouvantable qui a sinistré cette banlieue populaire (faillite du système bancaire à Noël 2001).

Le prêtre qui a commis le crime (autorité de la chose jugée) n'a cependant jamais été condamné puisqu'il est mort en 2005 (du sida d'après Página/12 – sur ce point, je suis très réservée. Comment ont-ils connaissance un détail aussi intime ?). Ce qui a arrêté les poursuites et l'enquête. En Argentine comme dans n'importe quelle démocratie, on ne juge pas les morts. Là où Página/12 s'en donne à cœur joie, c'est que l'homme, privé de sa charge pastorale après une condamnation en droit canon qui l'a éloigné de Berazategui, a fini ses jours à Buenos Aires, dans un foyer de prêtres, sans plus exercer aucune mission, sous l'autorité locale du cardinal Jorge Bergoglio, qui ne l'a pas livré aux tribunaux de la République (ce n'était toutefois pas à lui de le faire, les actes ayant été perpétrés dans le département et le diocèce de Quilmes et non ceux de Buenos Aires) et puis si le type était mourant...

La victime a aujourd'hui 25 ans et le jeune homme a choisi de sortir de l'anonymat en donnant une interview à Página/12. Ce qui donne à ce quotidien l'occasion de faire mousser l'affaire ce matin. L'interview, où intervient aussi la mère du jeune homme, présentée comme une ancienne catéchiste (2), est épouvantable, et tel est toujours le cas de ces témoignages tragiques (que l'agresseur soit religieux ou laïc n'y change rien).


Après mûre réflexion, j'ai décidé ce matin de faire écho à cette une d'un journal que je cite souvent dans les colonnes de ce blog et que j'aime bien (je ne m'en cache pas), car je ne veux pas que mon lecteur puisse croire que je lui dissimule les informations qui me dérangeraient ou me déplairaient. Mais qu'à son tour, ce lecteur me fasse le crédit d'accepter mes réserves sur le dit article et la pertinence de sa publication aujourd'hui. Je le prends à témoin de la photo choisie par la rédaction pour construire la une (après les violences du Borda et en pleine réforme de la justice, le sujet méritait-il ce traitement-là dans un journal national ?) : dans une affaire qui touche Quilmes, que vient faire cette perspective de la Via della Conziliazione à Rome, avec le dôme de Saint-Pierre dans le flou de l'arrière-plan, et ces manifestants contre la pédophilie, certes hispanophones mais dont rien ne nous dit qu'ils soient argentins ? Tout un chacun peut répondre à cette question comme il lui paraîtra juste (3).

Une fois de plus, Página/12 vise sa tête de turc habituelle dans ce registre, le cardinal Bergoglio (4)... Et, pour faire d'une pierre deux coups (tant qu'on y est), il prend à parti un évêque, l'actuel pasteur de Quilmes, qui n'est en fonction que depuis 2011 et n'a rien à voir avec cette affaire scabreuse, le tout sous prétexte de donner la parole aux victimes (et nous voilà embarqués dans la victimologie et le compassionnel).
Je vous laisse juges de la légitimité de la méthode.

Pour aller plus loin :
lire l'entrefilet qui analyse la jurisprudence de ce jugement quant à la responsabilité civile de l'évêque en cas de faits délictueux ou criminels dans le chef des curés et des vicaires qu'il nomme dans son diocèse : c'est factuel, et même si c'est très court, c'est intéressant parce que ça pose la question de la responsabilité de "l'employeur" (en l'occurrence le diocèse, personne morale, et non l'évêque, personne physique) considéré comme solidaire en quelque sorte de ses "salariés" lorsque ceux-ci commettent des faits délictueux qu'il ne dénonce pas devant la justice de l'Etat, cette interprétation articulant, comme c'est théoriquement possible dans un Etat concordataire, le droit canon et le droit républicain (une situation inconcevable en France, hors Alsace et Lorraine, et encore !). Mais c'est tout de même extraordinaire de faire porter la responsabilité à une personne morale... en France, à ma connaissance, pour un cas similaire, c'est l'évêque qui avait été condamné et ça avait en son temps fait un beau scandale, parce qu'il était dépositaire de l'information par confession, qui est couverte par le respect du secret le plus rigoureux (comme c'est le cas des informations détenues par un médecin ou un avocat dans l'exercice de sa profession).
lire la biographie de Mgr Luis Stöckler telle qu'elle est présentée sur le site Internet du diocèse de Quilmes


(1) Le diocèse peut sans doute encore faire valoir des recours (cassation puis Cour Suprême), le verdict datant semble-t-il, selon le journal même, de moins de dix jours. Le silence qu'observe le site du diocèse peut donc s'expliquer par ce délai de réflexion que la loi laisse au condamné. D'ailleurs Página/12 n'indique pas la date du jugement qui semble être intervenu dans un délai très court par rapport au verdict de première instance qui ne daterait que de décembre dernier (en ce cas, la justice argentine est beaucoup plus rapide que son homologue française, ce à quoi  je ne suis guère habituée). Ceci veut dire que le diocèse, qui est à l'initiative de l'appel, n'a pas joué la montre pour se défendre alors que Página/12 laisse entendre qu'il a tout fait pour allonger la procédure à l'infini. C'est peut-être aussi l'actuel évêque, arrivé en 2011, qui a permis que les choses s'accélèrent ces derniers mois.
(2) Il est très fréquent que ces actes soient perpétrés sur les enfants de catholiques très engagés dans la vie de leur paroisse ou de leur communauté, les criminels comptent en effet sur l'engagement et la force des convictions de ces parents pour limiter le crédit qu'ils pourront accorder à leurs enfants s'ils se confient un jour à eux malgré leurs précautions et pour les faire hésiter à dénoncer les faits de peur que le scandale salisse l'institution. Et bien entendu quand ces adultes surmontent ces scrupules et des interdits si profondément intériorisés, leurs réactions sont on ne peut plus vigoureuses et leur animosité s'exprime selon une courbe exponentielle. C'est le cas chez cette maman.
(3) En ce qui me concerne, je ne ferai plus écho par la suite à ces montages en épingle de faits divers qui restent de l'ordre de la faute lourde et atroce mais individuelle. Toutes les institutions humaines ont leurs brebis galeuses, l'Eglise comme les autres (malgré tout ce qui, au regard de la foi, la distingue des institutions humaines ordinaires). Il n'en reste pas moins bon qu'une décision de justice ait mis fin à l'impunité républicaine de crimes qui sont des crimes de droit commun (comme le soutient avec juste raison Página/12), mais en l'occurrence, cette décision est civile et non pas pénale. Le verdict pénal, on verra à quoi il pourra ressembler avec l'autre affaire, celle du Père Grassi, qui est en passe de retourner en prison pour ne pas avoir respecté les conditions de sa liberté surveillée (voir mon article du 14 avril 2013 à ce sujet) et il est bon qu'il en soit ainsi en Argentine comme ailleurs.
(4) Qui de longue date a pris des positions très fermes sans connivence avec les attitudes malsaines qui peuvent exister dans le clergé et opposé à l'indulgence que certains évêques peuvent avoir tendance à montrer dans ces situations très délicates. Le Pape François est tout sauf un ravi de la crèche indécis et iréniste façon "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil", il n'est pas non plus quelqu'un qui veut couvrir d'un voile pudique les atrocités ou les dérives des personnes placées sous son autorité et le scandale des abus contre les mineurs a fait l'objet d'une de ses toutes premières directives pontificales (voir mon article du 6 avril 2013).

dimanche 28 avril 2013

La Feria del Libro a commencé à Buenos Aires [à l'affiche]



Jeudi dernier s'est ouverte à Buenos Aires, dans le parc de La Rural (Predio de la Rural), à Palermo, la 39e Feria del Libro qui accueillera cette année jusqu'au 13 mai prochain soixante-et-onze écrivains du monde entier, dont un poète néerlandais. L'invité d'honneur est en effet cette fois-ci la ville d'Amsterdam, qui verra mardi prochain l'avènement de Willem Alexander et de son épouse argentine, la princesse Máxima.

Au cours de ce Salon du Livre qui est l'une des plus grosses manifestations du genre sur le sol de l'Amérique du Sud, une opération de solidarité avec les bibliothèques sinistrées de La Plata, à la suite des inondations catastrophiques du 2 et 3 avril dernier (voir mes articles sur le sujet), une collecte de livre : chaque visiteur est invité à offrir un ouvrage et l'ensemble ainsi constitué sera réparti dans les fonds à reconstituer. Les livres sont à remettre au Hall Central, au stand partagé par le Colectivo Imaginario, Red Solidaria et Fundación El Libro.

Et au premier plan, c'était à prévoir, un livre de celui
que ce mécréant de Miguel Rep appelle, avec beaucoup d'humour,
le super yo (le surmoi) des Argentins 
Le Président de la Fondación El Libro, qui organise la Feria, Gustavo Canevaro, a été reçu la semaine dernière dans l'émission Mañana Más, de Carlos Ulanovsky, sur Radio Nacional.

Pour en savoir plus :
rendez-vous sur le site Internet de El Libro, sur la proposition du collectif solidaire pour La Plata.

Interpellation parlementaire pour Montenegro toute la journée hier [Actu]

Slogan officiel de Buenos Aires pour sa police métropolitaine
"Nous nous formons aux valeurs humaines
avec les connaissances techniques du plus haut niveau"

Ce matin, Página/12 présente une étude approfondie des dysfonctionnements graves qui entachent le travail de la Police Métropolitaine, mise en place en 2010 par Mauricio Macri, son ancien directeur de la sécurité, Jorge Fino (1) Palacios, actuellement inculpé dans un méga-scandale d'écoutes illégales mais en liberté surveillée après une période de prison préventive (2), et le ministre Guillermo Montenegro, qui répondait hier à l'interpellation de la Legislatura Porteña pour les violents incidents intervenus vendredi aux alentours de l'hôpital psychiatrique Borda, fondé il y a 150 ans dans le quartier populaire de Barracas (pour traiter alors surtout les hommes arrivés au dernier stade de la syphilis) (3) : 50 blessés au moins, dont certains dans un état grave, et 36 d'entre eux, semble-t-il, parmi des opposants à une mesure de force, dont des médecins, des infirmiers, des patients de l'hôpital (des gens particulièrement fragiles), des élus portègnes (de gauche) et des journalistes de tous bords dans l'exercice de leur métier. Sur ce point, voir mon article d'hier.

Sur cette photo de l'agence Télam
on aperçoit très bien des hommes tombés à terre au pied des policiers, dont un infirmier (en vert)
un civil en train de jeter un objet, sans doute une pierre, contre les forces de l'ordre
(visiblement il ne s'agit pas d'un provocateur :
il n'est pas protégé, ne porte ni gants ni casque ni capuche pour se cacher)
et un cameraman en pleine action très proche de la charge policière

L'interpellation, procédure parlementaire dans laquelle une Chambre législative convoque un membre de l'Exécutif pour l'interroger sur son action gouvernementale, a duré huit heures (c'est beaucoup), au cours d'une séance exceptionnelle (on était samedi).
De tous les côtés de l'opposition, qui forme un spectre très large et très dispersé à Buenos Aires, où les efforts d'union ont tous lamentablement échoué, on a exigé la démission du ministre qui, après avoir esquissé un mea culpa sur la violence de l'opération dans les premiers heures de son audition, est vite revenu à une attitude intransigeante et hautaine (cela se voit sur le cliché), déclarant entre autres qu'il ne démissionnerait pas, si ce n'est à la demande de Mauricio Macri, demande qui a peu de chance d'advenir un jour, puisque Macri est lié à Montenegro pour d'autres affaires encore plus troubles (la répression à Villa Soldati en décembre 2010 qui a fait deux morts et le scandale des écoutes téléphoniques illégales contre des personnes supposées appartenir à l'opposition municipale, pour ne citer que ceux-là).

Titre de une : "nés pour tirer".
Le quotidien de gauche (opposition à Macri et majorité nationale) dressait ce matin un bilan désastreux des actions de maintien de l'ordre par la police métropolitaine : quatre opérations en deux ans et demi d'existence et des blessés à la clé à chaque fois, sans oublier les deux morts de décembre 2010 (voir mes articles sur les événements du quartier prolétarien de Villa Soldati). Il rappelle aussi comment Mauricio Macri et son Gouvernement ont monté ce corps à la va-vite, grâce à un premier noyau de 900 hommes, issus de la Police Fédérale (4) comme leur chef d'alors, Fino Palacios, avec parmi eux un certain nombre d'officiers révoqués de la Fédérale pour ce qu'on appelle en France des "bavures" (parce que somme toute c'est assez rare) et qu'on appelle en Argentine des "violences policières" parce que la tradition est loin d'en être éteinte, officiers toujours en service actif aujourd'hui à la Métropolitaine, dont trente-trois sont poursuivis pour les incidents de Villa Soldati (le procès est toujours à l'instruction). Le journaliste fait alors le compte des opérations qui ont mal tourné et démontre que ce corps est fondé sur une tradition de répression de l'opposition qui vient tout droit de la Dictature. L'un des enquêteurs de la rédaction a donc pris la peine d'aller aussi regarder les écarts entre le discours officiel tenu à l'Institut Supérieur de Sécurité Publique, qui forme les cadres et les hommes de rang de la Métropolitaine, dont je vous donne en illustration deux slogans de derrière les fagots, et la réalité sur le terrain que l'on peut observer depuis l'entrée en fonction de ces forces municipales.

"Nous sommes là pour le strict respect de la loi
pour le respect de tous les droits du citoyen"

Un dossier instructif qui montre qu'il faut que les choses évoluent et vite dans cette capitale...

Hier, Daniel Paz et Rudy nous régalaient d'un nouveau croquis bien méchant pour Macri mais c'est le jeu de la démocratie et il est bon que ces deux-là existent pour que les méthodes en vogue au Gouvernement portègne n'aient pas le dernier mot (sur la distance entre discours et action chez Macri, allez aussi regarder l'article que j'avais consacré à sa manière, bien particulière, de fêter la Semaine Sainte cette année).


Le collaborateur : Comment avez-vous vécu ce qui s'est passé dans cette répression au Borda ?
Macri (assis) : Quelle découverte ça a été ! Avant, moi je croyais que le seul stimulant dans le rôle de ministre, c'était de procéder à des augmentations (5). Mais non...
(Traduction Denise Anne Clavilier)

A comparer avec les manières de Tartuffe arborées par Macri à la fin de la Semaine Sainte.

Pour aller plus loin :
Lire l'article de Página/12 sur l'audition parlementaire de Montenegro hier
Lire la dépêche de Télam sur le même sujet (refus de démissionner du ministre)
Lire l'article de Página/12 sur la formation de la Métropolitaine
Lire l'article de Página/12 sur les écarts entre le discours officiel et la pratique du maintien de l'ordre
Lire l'interview du charpentier qui enseigne dans l'atelier protégé que les forces de police ont commencé à démanteler hier alors qu'il est placé sous protection de la justice qui interdit la démolition des locaux et y maintient une activité qui visent à rétablir la vie sociale et économique des malades traités dans l'hôpital. L'homme est arrivé vendredi à 7 h du matin et la police était déjà à l'action. L'outil de travail n'est plus opérationnel, le matériel a été démonté. Tout est à reconstruire.
Lire l'article sur les réactions ulcérées de la Présidente Cristina de Kirchner, elle-même sœur de médecin dans le service public. Elle a écourté une rencontre avec la Présidente brésilienne, Dilma Roussef, pour se rendre disponible devant la gravité de la situation.
Lire l'article sur les condamnations émises par les différentes ONG des droits de l'homme, CELS en tête (l'organisme dirigé par le journaliste Horacio Verbitsky, dont je vous ai beaucoup parlé ces derniers temps à cause de ses articles sur le cardinal Bergoglio, aujourd'hui pape).
Ecouter l'interview de Fabio Basteiro, député de Proyecto Sur à la Legislatura, et blessé à l'épaule et à la jambe lors de l'opération de maintien de l'ordre, sur les ondes de Radio Nacional.
Se connecter au site Internet de l'Institut Supérieur de Sécurité Publique (bien lisse, bien communiquant, tout propre)
Voir également mon article du 30 septembre 2009 (sur la démission, déjà, du tout premier chef de cette police municipale avant même son entrée en fonction) et mon article du 28 janvier 2010 sur la mise en place de la Métropolitaine et le cortège de scandales que l'institution traînait déjà derrière elle.
Pour vous aider dans la consultation des documents écrits en espagnol, vous pouvez utiliser le traducteur en ligne Reverso dont vous trouverez le lien dans la rubrique Cambalache casi ordenado, dans la partie basse de la Colonne de droite.


(1) "Fino" est son surnom. Il le doit à son élégance vestimentaire. On pourrait traduire par le coquet. Cela se dit de personnes à l'élégance raffinée et trop recherchée, obsédées ou dépendantes de leur apparence. C'est un ex-commissaire de la Police Fédérale.
(2) Dans lequel Mauricio Macri et Guillermo Montenegro, son ministre de la Sécurité, sont mouillés jusqu'au cou mais auquel ils ont jusqu'à présent réussi à échapper.
(3) C'est de cet hôpital que s'est échappé le fou de Balada para un loco, le célèbre tango du duo Piazzolla-Ferrer. Mais à cette époque, 1969, on le connaît encore sous son surnom de Vieytes, du nom de la rue qui le dessert et dont cette section s'appelle maintenant Dr. Ramón Castillo (un ministre de la Santé du gouvernement de Perón). A Buenos Aires pendant longtemps, "être bon pour Vieytes" a sonné comme en France "être bon pour Sainte-Anne" et pour les mêmes raisons. Aujourd'hui, l'évolution des mentalités par rapport aux maladies psychiques a changé et on désigne donc cet établissement par son nom officiel et plus rien ne sonne ni moqueur ni méprisant chez les Portègnes normalement constitués. Balada para un loco est traduit dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins (ed. du Jasmin), à la page 316.
(4) Ce qui n'est pas en soi un gage de mesure dans le maintien de l'ordre. La Fédérale a derrière elle une longue suite de scandales pour violences diverses, même si un effort soutenu est fait par l'actuel Gouvernement national pour lui faire adopter des mœurs plus civilisées. La Police argentine qui garde la pire réputation reste tout de même la Bonaerense, celle de la Province de Buenos Aires, qui s'est illustrée par sa brutalité avant, pendant et après la Dictature (1976-1983).
(5) Tous les services publics payants augmentent à Buenos Aires dans des proportions inquiétantes et exagérées, la dernière hausse étant celle, démentielle, du ticket de métro (voir mes articles des derniers mois sur le métro à Buenos Aires)

samedi 27 avril 2013

Mauricio Macri passe outre une décision de justice à Barracas et ça casse [Actu]

Le civil en bleu ciel au second plan est un médecin
Gros titre : jeu de mot entre Macri et Métro (la police s'appelle la Metropolitana)
En manchette, le dessin de Paz et Rudy (sur la violence policière)
et une interview de Raúl Zaffaroni,
l'unique juge de la Cour Suprême ouvertement favorable à la réforme judiciaire.

Il n'est pas facile de savoir exactement ce qu'il s'est passé et qui a commencé les hostilités. La Police ou les manifestants du Partido Obrero. A en croire les photos que montrent la presse, y compris Clarín et La Nación, peu susceptibles de noircir le tableau contre les intérêts politiques de Mauricio Macri, il semblerait que la police métropolitaine, qui dépend du Gouvernement portègne, lourdement équipée, pour une partie au moins des effectifs (1), ait chargé des manifestants en jeans et T-shirts, voire en blouse médicale ou para-médicale (comme ci-dessus).

Selon les journaux, il y a 32, 36 ou 50 blessés à coup de matraques ou de projectiles de caoutchouc et il a été procédé à huit arrestations, dont une majorité de médecins et d'infirmiers (hommes et femmes) qui ont tenté de s'interposer entre les forces de l'ordre et les patients pris dans la rixe. Un policier est aussi dans un état grave, avec une fracture du crâne après un impact de pierre, et un autre souffre d'un décollement de la rétine. Le gaz lacrymogène a été utilisé par les forces de l'ordre indistinctement, y compris contre les médecins et les patients.

Cette scène d'une rare violence urbaine a eu lieu hier matin sur le campus de l'hôpital Borda, dans le quartier de Barracas, où Mauricio Macri tente de donner les premiers coups de pioche de son projet pharaonique de futur siège du gouvernement de la Ville (voir mon article du 8 septembre 2011), malgré l'arrêt du tribunal qui gèle l'ouverture du chantier jusqu'à ce que l'ensemble de la procédure respecte les dispositions constitutionnelles de consultation des citoyens et des élus parlementaires (voir mon article du 29 octobre 2012). On en est loin, le Gouvernement portègne n'a pas fait une seule démarche en ce sens depuis novembre l'année dernière.

Hier matin, Mauricio Macri a envoyé des engins de chantier pour détruire les locaux d'un atelier protégé qui fonctionne sur le domaine de l'hôpital au bénéfice des patients, qui sont atteints de différentes pathologiques psychiatriques et traités en ambulatoire. Or cet atelier bénéficie des mesures conservatoires prises par la justice en octobre dernier. Devant l'arrivée des engins, on a donc vu des militants syndicaux du personnel de l'hôpital, des militants du Partido Obrero (extrême-gauche anti-capitaliste), des malades, des membres de leurs familles ainsi que des parlementaires de l'opposition municipale intervenir pour empêcher l'avancée des bulldozers. Il semblerait que quelques opposants à la destruction aient jeté des pierres contre les forces de l'ordre, on parle aussi de personnes armées de bâtons. Résultat des opérations : des blessés, des détenus et parmi eux quelques journalistes venus là faire leur métier, avec leurs micros, leurs appareils photo et leurs caméras, ce qui a le don de faire l'unanimité de la presse contre Macri et son gouvernement, ce qui n'est pas fréquent en Argentine.

Dans l'après-midi, Maurico Macri a osé expliquer devant la presse que l'opération était légitime, qu'elle visait à faire respecter la loi et que la réaction policière était proportionnée eu égard au niveau de violence manifestée par les opposants devant lequel il n'était pas question que son Gouvernement cède mais ce matin, convoqué par la Legislatura en séance exceptionnelle organisée en urgence, le ministre de la Sécurité portègne, Guillermo Montenegro, a reconnu que le Gouvernement allait devoir faire une autocritique claire sur le déroulé des événéments et qu'une enquête administrative était lancée contre les agissements de la police (et c'est encore les lampistes qui vont payer).

La justice quant à elle a réagi dans l'après-midi même en infligeant aussitôt à Mauricio Macri et plusieurs de ses ministres une amende de 20 000 pesos par personne pour mise en péril d'un arrêt pris par la justice et toujours valide pour la préservation du lieu en l'état. L'équivalent du Procureur de Buenos Aires entamera en plus tout prochainement des poursuites pénales contre ces mêmes responsables politiques pour non-respect des obligations publiques liés à leur mandat ministériel et remise en cause d'une décision de justice.

Sous cette affaire, une juteuse opération immobilière, le domaine des entreprises dont Macri est l'héritier, qui consistera à racheter à bas prix les terrains, bâtis ou non, de ce quartier populaire pour y installer des infrastructures résidentielles ou des bureaux à haut profit.

Quant à Juan Cabandié, tout juste rentré de Rome (il était avec Estela de Carlotto à l'Audience générale du Pape mercredi passé), en sa qualité de président du groupe Frente para la Victoria a la Legislatura (kirchneriste), il a réclamé la démission du ministre de la Sécurité. Il est fort peu probable qu'il l'obtienne mais avoir fait avouer au ministre que l'opération était contestable, c'est déjà une grande victoire contre Macri, qui ne manque jamais d'aplomb pour tenir tête, avec le plus profond cynisme, aux deux autres pouvoirs constitutionnels locaux que sont la Justice et l'assemblée législative.

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 sur les mesures pénales infligées par la justice (seront-elles suivies d'effet ?)
lire l'article de Página/12 sur les explications données par Mauricio Macri à la presse
lire l'article de Página/12 sur les condamnations émises par l'opposition portègne et la majorité nationale
lire l'article principal de Clarín, dont un photographe a été frappé, blessé et menoté lors d'une arrestation musclée et publique dont son collègue de La Nación a pris des clichés très compromettants pour les forces de l'ordre
lire l'article de Clarín sur les déclarations publiques de Macri hier soir
lire l'article de Clarín sur les agissements de la Métropolitaine
lire l'article de Clarín sur les déclarations de Montenegro devant la Legislatura
lire l'article de La Nación sur les incidents
lire l'article de La Nación sur le plaidoyer pro domo de Mauricio Macri


(1) Les autres arboraient la casquette ordinaire et le gilet jaune des simples gardiens de la paix. La Métropolitaine arbore la couleur jaune et la Police Fédérale porte le même gilet mais de couleur orange. Parmi ces forces en tenue ordinaire, sur les photos publiées par la presse, de tout camp, on distingue nettement qu'il y a des femmes. Alors que les colosses en combinaison d'assaut qu'on voit épauler leur arme de service semblent bien être tous des hommes...

Tous feux sur Máxima mais Willem-Alexander reste inconnu au bataillon [Actu]

La Nación


Clarín et La Nación se préparent dare-dare au "couronnement", mardi prochain aux Pays-Bas, de la princesse Máxima qu'il désigne déjà comme reine en s'emmêlant les pinceaux dans le protocole royal du Vieux Continent... C'est neu-neu au possible mais ça occupe tout de même deux dossiers complets dans chacun de ces deux journaux qui se présentent, à l'étranger, comme les deux quotidiens majeurs du pays.

En revanche, le Prince d'Orange reste désespérément inconnu. On sait qu'il s'appelle "Guillermo" (les Argentins continuent obstinément de traduire les prénoms, ce que les Français ont abandonné depuis longtemps) mais pour le reste, c'est le black-out.

En revanche, les deux journaux rappellent le caractère de personae non gratae de la famille Zorreguieta aux Pays-Bas pour tous les événements officiels autour de la future reine, du fait de l'appartenance au gouvernement Videla du père de la princesse.

Clarín

Si ça vous dit de voir ce que donne l'actualité people creuse dans la langue de Baires, plongez-vous dans ces deux dossiers aussi bling bling l'un que l'autre:

vendredi 26 avril 2013

Litto Nebbia, 65 ans, 140 disques [Disques & Livres]


Gros titre : A bon entendeur...

Litto Nebbia, vous le connaissez déjà un peu si vous suivez ce blog et encore plus si vous avez acheté mon tout premier livre, Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins (Ed. du Jasmin). C'est lui qui a produit le disque qui accompagne le livre et on l'y entend chanter ce chef d'œuvre du répertoire qu'est Fuimos et y interpréter Los Nocturnos, un instrumental de sa composition.

Litto Nebbia, c'est un grand de la musique populaire contemporaine de l'Argentine (1) : premier rockeur à avoir chanté du rock à texte dans la langue de Cervantes (La Balsa, 1967), musicien prolifique (plus de 1300 titres différents à son actif) et artiste multi-genre qui a roulé sa bosse dans le rock, le tango, le folclore, la musique de film et de théâtre...

Jusqu'à novembre, le voilà occupé, à bientôt 65 ans, à rééditer chez Melopea Discos, le label indépendant qu'il a fondé en 1990 à Buenos Aires, l'ensemble ou presque de ses 140 disques déjà sortis. Seuls 5 albums, les cinq premiers, ceux de son tout premier groupe, Los Gatos (entendez les petits gars de rien du tout) échapperont à cette grande rétrospective. Ils sont malheureusement toujours placés sous les contrats léonins signés avec des grosses firmes qui conservent les droits ad vitam eternam...

Página/12 en profitait avant-hier, mercredi 25 avril 2013, pour faire sur lui la une de ses pages culturelles (ci-dessus), avec une interview à la clé, comme presque toujours...

Extraits :

“Me lo impiden los contratos leoninos que firmé de adolescente, la necedad y el desinterés de los actuales directivos. Los contratos de la mayoría de estas compañías, y mucho más en esa época, son tramposos, usan mucho la ‘letra chica’ y abusan de la ignorancia que generalmente el músico tiene sobre lo que es un contrato. Por cualquier lugar que se lean biografías de músicos de rock de todos los tiempos y estilos se encuentran anécdotas de que los han estafado: sea The Kinks de Inglaterra, The Byrds en Estados Unidos, Los Shakers de Uruguay o Los Gatos y Almendra en Argentina”, sentencia el principio motor –a tracción humana– del rock argentino.
Litto Nebbia, in Página/12

Le journaliste l'interroge sur l'absence des 5 disques des Gatos dans la future édition de la discographie complète :

Ce sont les contrats léonins que j'ai signé adolescent, l'imbécilité et le désintérêt des dirigeants actuels [de ses premiers labels] qui m'empêchent [de le faire]. Les contrats de la majorité de ces sociétés et encore plus à cette époque-là sont trompeurs, ils recourent beaucoup aux petits caractères et ils abusent de l'ignorance du musicien en général sur ce qu'est un contrat. Partout où on lit une biographie de musicien de rocks de tous les temps et tous les styles, on trouve des anecdotes sur les escroqueries dont ils ont été victimes, que ce soit The Kings en Angleterre, The Byrds aux Etats-Unis, Los Shakers en Uruguay ou Los Gatos et Almendra en Argentine, lance la première locomotive -à traction humaine (2)- du rock argentin.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–El yo, no el otro, del Señor Negocios...
–(Risas.) Los otros días leí una nota que le hicieron a uno de estos perversos y no lo podía creer. El tipo decía algo así como “mis artistas nunca ganan menos que el sello discográfico”. Increíble, porque esos contratos están hechos de tal manera que no vencen nunca... y eso ya es ilegal, mucho más cuando el sello no argumenta qué es lo que va a hacer por vos. Estos contratos ni siquiera dicen que los álbumes deben estar publicados todo el tiempo, porque si los discos no se publican, esto perjudica la carrera y la obra del artista. El artista, al no tener su disco a la venta, pierde promoción de su imagen, de su música y de sus derechos autorales por todos lados. Siendo más claro: las ventas de discos son las que movilizan la actuación en vivo de un artista y, junto con los derechos autorales y regalías por discos, son la entrada salarial de cualquier músico. La última vez que aparecieron los discos de Los Gatos fue aquella edición que realizó Página/12 hace unos años (2002). Esa vez se vendieron aproximadamente 60 mil CD y el sello me pagó 0,03 centavos por disco. No es mucho, ¿no? (risas), es raro tener un socio que se lleva el 98 por ciento y a vos te da el 2 por ciento... así se manejan las discográficas, en general.
Litto Nebbia, in Página/12

- Le moi (3), pas l'autre, de Monsieur Business...
- (Rires) L'autre jour, j'ai lu un article qu'on a fait sur l'un de ces tordus et je n'arrivais à en croire mes yeux. Le type disait quelque chose dans le genre : "Mes artistes n'ont jamais gagné moins que le label discographique". Incroyable, parce que ces contrats sont faits de telle sorte qu'ils n'ont jamais de fin... Et ça, d'abord c'est illégal, encore plus quand le label ne donne aucun argument sur ce qu'il va faire pour toi. Ces contrats ne disent même pas que les albums doivent être disponibles tout le temps parce que si les disques ne sont pas disponibles, ça fait du tort à la carrière et à l'œuvre de l'artiste. L'artiste, s'il n'a pas son disque sur le marché, manque la promotion de son image, de sa musique, de ses droits d'auteur sur tous les plans. Soyons plus clair : la vente de disques, c'est ce qui mobilise les prestations publiques d'un artiste et, avec les droits d'auteur et les royalties des disques, c'est le revenu salarial de n'importe quel musicien. La dernière fois que sont sortis les disques de Los Gatos, c'est cette édition qu'a réalisée Página/12 il y a quelques années (2002). Cette fois-là, on a vendu approximativement soixante mille CD et le label m'a payé 0,03 centimes de peso le disque. C'est pas terrible, hein ? C'est bizarre d'avoir un partenaire qui se prend 98% et à toi, il te donne 2%... C'est comme ça que les discographies sont gérées, en général.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

[...]

–La edición irá acompañada de un librito, algo que naturalmente se incorpora a la necesidad de registrar todo...
–Sí, lo del libro fue un “invento” mío, algo que siempre quiero agregarles a los discos: escritos, detalles o cualquier cosa que los transforme en un elemento más comunicativo. En el libro original había algunos dibujitos míos acompañando una sección de acordes para guitarra para tocar las canciones, pero la editorial que lo publicó hizo un par de reediciones y luego lo dejó anclado. Hay cosas graciosas y extrañas con este librito: hablo del estado de la música popular y parece que lo hubiera escrito hoy (risas). Muerte en la Catedral pasó a ser un álbum clásico de mi carrera, nunca paró de venderse y ciertos temas han pasado a la eternidad.
Litto Nebbia, in Página/12

- L'édition sera accompagnée d'un livret, quelque chose qui naturellement se joint à la nécessité de repasser tout en détail...
- Oui, le truc du livre, c'est une invention à moi, quelque chose que j'aime toujours ajouter aux disques : des écrits, des détails ou n'importe quoi qui en font un élément plus communicatif. Dans le livre original, il y avait des petits dessins à moi pour accompagner une suite d'accords pour guitare pour jouer les chansons, mais la maison d'édition que l'a publié a fait une ou deux rééditions et après elle a tout laissé tomber. Il y a des choses drôles et bizarres dans ce livret : j'y parle de la situation de la musique populaire et on croirait que j'ai écrit ça aujourd'hui (rires). Muerte en la Catedral est devenu un album classique dans ma carrière, il n'a jamais cessé de se vendre et certains thèmes sont devenus immortels.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

[...]

Mientras estaba haciendo la banda sonora de Flop, estaba produciendo ya algunos discos para Melopea. Entonces me venía a ver Adriana Varela para ver si podía grabar. Yo tenía el primer casete que me había enviado, donde cantaba temas de Fito, Silvio, Spinetta y algunos míos... pero claro, ya tenía esa voz bien climática de tango que le conocemos. Entonces, entre las “rarezas” que tenía que escribir y ambientar para la película, que transcurre tipo en los años ‘20, tenía que hacer una especie de zarzuela (que canta Pinti en el film), y también necesitábamos una mujer que cantara un tanguito bien arrabalero, en una especie de vaudeville de la época. Inmediatamente se me ocurrió que Adriana daba perfecto para esto. Aceptó, pero el problema fue que yo, el día que se filmaba, no podía tocar porque andaba por el interior. Así fue que lo metí a tocar al guitarrista del grupo Nuevos Aires, Fernando Egozcue, que recién habían grabado en Melopea... cosas que pasan (risas).
Litto Nebbia, in Página/12

Pendant que je travaillais sur la musique de Flop (4), je produisais déjà quelques disques pour Melopea. Et Adriana Varela (5) venait me voir alors pour voir si elle pouvait faire des enregistrements. Moi j'avais la première cassette qu'elle m'avait envoyée où elle chantait des morceaux de Fito, Silvio, Spinetta (6) et quelques uns de moi... mais bon, elle avait déjà cette voix bien acclimatée au tango que nous lui connaissons. Alors entre les bizarreries que je devais écrire et mettre en atmosphère pour le film, qui se passe vers les années 20, il fallait que je fasse une espèce de zarzuela (que chante Pinti dans le film) et nous avions aussi besoin d'une femme pour chanter un petit tango des familles, bien faubourien, dans une espèce de vaudeville de l'époque. Immédiatement, j'ai eu l'idée que Adriana allait être parfaite là-dedans. Et c'est comme ça que j'ai lancé dans l'aventure le guitariste du groupe Nuevos Aires, Fernando Egozcue, qui venait d'enregistrer à Melopea... c'est des trucs qui arrivent, ça (rires).
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Lire l'interview intégrale sur Página/12 en cliquant sur ce lien.

Litto Nebbia chantant La Balsa en mai 2012
dans l'un des auditoriums de Radio Nacional (Buenos Aires)

(1) C'est à ce titre que j'ai introduit plusieurs de ses chansons dans mon autre anthologie bilingue, Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango (Tarabuste Editions), parmi lesquelles La Balsa qui est un incontournable en Argentine aujourd'hui...
(2) En Argentine, pour la traction animale, on parle de tracción a sangre. Mais c'est vraiment réservé aux chevaux et aux bœufs. Le journaliste, Cristián Vitale, a trop de respect pour oser l'expression. Donc il la transforme.
(3) Toute la rédaction de Página/12 biberonne à la psychanalyse pur sucre, version Freud ou version Lacan selon les cas.
(4) Un film. Litto Nebbia a composé beaucoup de musique de film, pour le grand écran mais aussi pour la télévision.
(5) Une des grandes voix féminines du tango aujourd'hui. Son style d'interprétation a ses admirateurs et ses détracteurs. Litto Nebbia fait partie des premiers. C'est même lui qui lui a mis le pied à l'étrier en matière de tango et lui a permis de travailler avec Enrique Cadícamo d'une part et avec Roberto Goyeneche d'autre part.
(6) Différents grands du rock argentin (rock nacional).