jeudi 16 mai 2024

Des largesses pour la UBA et elle seule [Actu]

"La liberté haineuse", dit le gros titre
sur cette photo d'une lettre de menace anonyme :
"La prison ou une balle. Nous savons où te trouver. VLLC"
Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution


Le gouvernement a lâché du lest pour maintenir en activité l’Université de Buenos Aires (UBA), la première université argentine dans les classements internationaux. Son budget pour cette année vient d’être réévalué de 300 %, ce qui devrait lui permettre de reconduire ses activités de l’année dernière (c’est à peu près le taux de l’inflation annuelle).

En photo : l'attentat contre Robert Fico en Slovaquie
En bas, à droite : "Des fonds sont envoyés à la seule UBA.
Les autres universités vont s'adresser à la justice"
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Dans le but à peine dissimulé de diviser pour mieux régner, le gouvernement n’accorde rien aux autres universités nationales. Sans doute espère-t-il ainsi casser l’unité syndicale et extra-syndicale qui relie entre eux la grande majorité des universitaires et des étudiants du pays pour réclamer des fonds de fonctionnement pour leurs établissements.

La une de Página/12 porte sur un nouveau revers
politique de Mileí. Son "Pacte de Mai" qu'il voulait
signer avec les gouverneurs le 25 mai, jour de la fête nationale,
à Córdoba (là où est planté la pointe), ne reçoit l'appui de personne.
D'où ce titre : "Une cérémonie sans pacte"
Notons que le choix de Córdoba pour cette première fête
nationale, en souvenir de la révolution contre l'Ancien Régime,
est symboliquement lourd de sens : Córdoba est la ville d'où est partie
la tentative de contre-révolution dès le début de juin 1810.
En haut à droite : "Il y a de l'argent, mais seulement pour la UBA"
une reprise de la réponse répétitive du gouvernement pour tout refuser :
"No hay plata - Il n'y a pas d'argent"
Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution

Pour l’instant, cette manœuvre ne marche pas : la UBA lève les mesures prises quand son budget 2024 a été épuisé il y a quelques semaines mais ses autorités disent haut et fort qu’elles resteront solidaires des autres universités nationales du pays.

En bas, à gauche : Fin du conflit à la UBA
La photo principale est destinée à appuyer
la complainte de la rédaction qui se plaint
de l'état de sa rue la nuit (ce serait un coupe-gorge)
Je connais  très bien l'endroit mais de jour.
Vu de nuit ainsi, ce n'est en effet pas très rassurant
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Toute la presse se fait l’écho ce matin de cette entourloupe et personne n’en est dupe. Cette analyse s’affiche même à la une de Clarín, dans un des titres secondaires.

En bas à droite : La UBA met fin à
son état d'urgence budgétaire
La principale photo est aussi pour
la terrible actualité slovaque
La une a été bouclée très tôt dans la nuit
car il y a un bon moment maintenant
que l'on sait que Fico survivra à l'attentat
or le titre le dit encore "agonisant"
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Prochain chapitre : le CIN, l’organisme qui rassemble les universités nationales, se porte en référé devant les tribunaux contre le ministère.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Rosario/12 sur des menaces de mort reçues par des étudiants et des enseignants du supérieur et signées LLAC (initiales du grossier slogan de campagne de Mileí qui reste son cri de ralliement qu’il inscrit dans les livres d’or, en Argentine comme à l’étranger). Le signataire de ces missives semble vouloir intimider les destinataires et leur faire renoncer à leurs revendications

mercredi 15 mai 2024

Mileí se rêve en réincarnation de Menem [Actu]

Zulemita Menem pose à côté du président Mileí
devant le buste de son père
Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Il n’est pas rare qu’un président installe dans la salle des bustes de la Casa Rosada une effigie de l’un de ses prédécesseurs. Cristina Kirchner avait ainsi inauguré un buste de Raúl Alfonsín, un président radical (donc adversaire traditionnel des péronistes à l’intérieur du camp des nationalistes à dimension sociale), le président du retour à la démocratie en 1983, puis un autre de son mari, qui l’avait précédée à la magistrature suprême et qui est décédé quelques mois après lui avoir transmis le pouvoir.

Ni Mauricio Macri (cancre en histoire) ni Alberto Fernández (qui n’a pas eu le temps) n’avaient enrichi cette galerie. Mileí vient de le faire avec un buste [assez laid, il faut bien avouer] de Carlos Menem, le président de la décennie 1990-1999, qui mena, sans solution de continuité, une politique économique délirante, ultra-libérale au-delà du pensable alors (Mileí le dépasse maintenant). C’est lui qui décréta l’intenable parité entre le dollar US et le peso argentin, laquelle a tout droit conduit l’Argentine dans la faillite générale de décembre 2001 dont le pays se relevait à peine à la fin du second mandat de Cristina Kirchner, juste avant que Macri casse tout avec sa politique aussi favorable au grand patronat que défavorable aux secteurs vulnérables de la population. Ensuite, cela a été le cercle vicieux : la dette démesurée contractée sous Macri auprès du FMI puis, sous Alberto Fernández, le Covid qui a donné le coup de grâce à une économie déjà très fragilisée.

"La pire réjouissance", dit le gros titre
Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution

Côté droits de l’homme, Menem a aussi laissé le souvenir d’une indulgence pour le moins ambiguë envers les bourreaux de la dictature militaire qui, sous son mandat, ont bénéficié de grâces incompréhensibles qui ont, de plus, compliqué les poursuites ultérieures, lorsque Néstor Kirchner a fait repartir, en 2003, les procédures judiciaires contre les responsables des crimes contre l’humanité et relancé la recherche des bébés volés, aujourd’hui quarantenaires. Mileí marche dans le pas de Menem et il en est fier.

Enfin, et c’est la plus énorme des contradictions chez Mileí, Menem est mort sous le coup d’une accusation grave : il était poursuivi pour complicité active avec le commando syro-libanais (pour autant qu’on ait pu reconstituer sa composition) qui aurait commis l’attentat contre l’AMIA, une institution majeure qui rend les services à la fois d’une mutuelle confessionnelle et d’un consistoire israélite national. En plein hiver, l’attentat avait fait 300 blessés et 85 morts dans la rue Pasteur, à Buenos Aires, en plein centre-ville. Bien entendu, la mort de Menem, alors que l’instruction n’était pas close, a éteint l’action publique. Juridiquement, il reste donc à jamais innocent. Cette admiration pour un tel bonhomme n’en reste pas moins très étonnante de la part du pro-israélien inconditionnel qu’est Javier Mileí, lui qui vient faire voter à l’ONU contre l’attribution d’un siège à l’État palestinien (État en devenir puisqu’il n’a encore ni territoire unifié ni pouvoirs publics reconnus par ses propres ressortissants), contre une très longue tradition argentine plutôt favorable aux Palestiniens et méfiante envers la politique de la droite israélienne. Mileín qui prétend couler sa diplomatie dans celle de Netanyahu et celle de l’Oncle San (ce qui constitue déjà un sacré grand écart), ne voit rien à redire à l’indulgence que semblait nourir Menem pour les formations politiques islamistes qui foisonnaient déjà en 1994 dans le pays de ses ancêtres (les Menem sont des Turcos, un terme qui en Argentine désigne des descendants d’arabes, musulmans ou chrétiens, originaires de la côte orientale de la Méditerranée, appartenant alors à l’empire ottoman). Cela nous en dit long sur son absence totale de considération pour quoi que ce soit d’autre que l’économie et le profit sonnant et trébuchant.

En haut : Retour [au taux d'inflation] à un chiffre
En bas : Carlos le Grand
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Devant une Zulema rayonnante, la fille chérie de Carlos Menem, Mileí a prononcé l’éloge de son lointain prédécesseur et déclaré qu’il avait été « le meilleur président que l’Argentine ait connu au cours des quarante dernières années ». On voit donc où il veut mener son pays et il semble en bonne voie d’y parvenir. Le pays flirte déjà avec la catastrophe et ne se relèvera pas de sitôt de l’abandon de tout le secteur non-marchand : éducation, recherche, culture, santé.

Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Or il y a là une chose qui différencie Mileí et Menem : ce dernier avait en effet soutenu, à tort et à raison, le secteur de la culture et notamment le spectacle vivant (le tango sous toutes ses formes s’en souvient encore !). Menem avait mené une intelligente stratégie de soft-power et de rayonnement à l’étranger, un domaine de la diplomatie où l’Argentine n’a jamais vraiment su briller malgré son capital considérable en la matière. La faute de Menem aura été d’avoir financé tout _ça en faisant de la cavalerie, ce dont les Argentins ont fini par payer le prix exorbitant à partir de Noël 2001.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

L’inflation est revenue à son niveau d’octobre mais sans consommation [Actu

Synthèse générale des données sur l'inflation en avril
Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Hier, l’INDEC a publié ses deux rapports mensuels, sur l’inflation du mois mesurée à l’aide d’un relevé de prix très large effectué dans tout le pays sur les dépenses courantes des ménages et sur les seuils de pauvreté et d’indigence, mesurés à Buenos Aires et dans sa région, à travers deux paniers, l’un composé de produits alimentaires et de services de base, l’autre sans les services.

Synthèse des variations géographiques
et temporelles de l'inflation
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Depuis trois mois, on constate que l’inflation ralentit. Elle frôle toujours les 300 % l’an mais les taux mensuels baissent bel et bien de mois en mois. Le gouvernement s’en félicite non sans cynisme puisque cette baisse des taux ne s’expliquent que par la chute cosidérable de la demande : les gens n’ont plus de sous, ils ne consomment donc plus et par conséquent, les commerçants baissent leurs prix pour arriver à travailler. Quand l’inflation d’avril serait, en moyenne générale nationale, de 8,8 % (contre 8,2 % en octobre, au moment du second tour de la présidentielle), la consommation des ménages aurait baissé d’environ 40 % depuis le début de l’année !

Synthèse des variations régionales
pour l'inflation du mois d'avril
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Quant au seuil de pauvreté, il faut maintenant des revenus de près d’un million de pesos (828 158 $ ARG) pour qu’une famille de quatre personnes s’en sorte. Il y a beaucoup de gouvernements qui garderaient un profil bas devant des résultats aussi catastrophiques pour leur population et l’équilibre social dans leur pays. Mileí n’a pas cette décence.

Synthèse des données d'avril
sur les seuils de pauvreté et d'indigence
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de La Nación
consulter le rapport complet de l’INDEC (téléchargeable en format pdf)
sur le seuil de pauvreté :

Ajout du 16 mai 2024 :
lire cet article de La Nación sur la baisse spectaculaire de la consommation de viande, vue du point de vue des producteurs de bœufs.

mardi 14 mai 2024

A Cannes, Thierry Frémaux déplore la situation du cinéma en Argentine [ici]

Du bruit sur la Croisette, dit le gros titre
Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution


Ce matin, toute la presse argentine se fait l’écho des propos du délégué-général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, qui, hier, s’est publiquement solidarisé avec le secteur cinématographique argentin, privé de soutien institutionnel et de subvention publique.

En substance, le Français a déclaré que cette politique constituait une erreur parce que le cinéma, l’art, la culture sont des armes patriotiques, des armes de défense, des armes qui mettent en valeur l’esprit d’un pays et d’un peuple et enfin qu’ils constituent aussi une arme économique.

Página/12 appuie fortement sur cette déclaration qu’il cite avec gourmandise tandis que les journaux de droite sont plus discrets sur cette question, préférant s’étendre sur le programme du festival et mentionner les rumeurs peu ragoûtantes qui, depuis ce week-end, annoncent des scandales retentissants sur fond d’enquête que le journal concerné dément.

Cette déclaration de Thierry Frémaux est d’autant plus appréciée par le monde de la culture qui s’oppose à la politique de Mileí que le délégué général du festival souligne par ailleurs le retour en forme du 7e Art au Brésil alors que la politique de gauche de Lula commence à donner ses fruits après la destruction du secteur culturel sous la présidence violente, mensongère et ignare de Bolsonaro.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :


Ajout du 15 mai 2024 :

Ventes en berne à la Feria del Libro [Actu]


D’après la presse, la Feria del Libro a souffert cette année d’une chute sensible de l’affluence (l’entrée était payante la plupart du temps) et d’une chute non moins spectaculaire des ventes. Les différents exposants reconnaissent une baisse de 15 à 40 % de leurs ventes pendant le salon et l’imputent sans une seconde d’hésitation à l’appauvrissement général des classes moyennes, qui forment le gros de la clientèle des librairies et de la manifestation.

Hier, pour la dernière journée d’ouverture des portes, certains stands proposaient jusqu’à 25 % de réduction sur les livres restants.

Un certain nombre d’observateurs attribuent d’ailleurs à cet écroulement du pouvoir d’achat le ralentissement de l’inflation qui depuis trois mois est revenue aux alentours des 10 % mensuels. Devant les signes de faiblesse de la demande, les commerçants baissent leurs prix pour écouler la marchandise et faire rentrer de l’argent dans la caisse. Le gouvernement se vante d’être sur le point de vaincre l’inflation mais ces rodomontades ne convainquent pas ni les analystes ni les journalistes. En revanche, il est possible qu’une partie de l’opinion publique y soit sensible puisque les sondages montrent encore une popularité certaine pour le président Mileí, ce qui laissent bouche bée les éditorialistes et les politologues, même de droite, eu égard aux dégâts sociaux que l’espace public laisse apparents, dans les commerces, dans la rue, dans les files d’attente des services sociaux survivants, dans le succès des manifestations, etc.

Dans la journée, l’INDEC doit publier ses données pour le mois d’avril. Avec le décalage horaire, je regarderai cela demain matin.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lundi 13 mai 2024

L’Argentine commémore le cinquantième anniversaire de l’assassinat du Padre Mugica [Actu]

Au second plan, en noir et blanc,
une photo du père Mugica en prière
Au premier plan, l'archevêque de Buenos Aires
en pleine homélie
"L'option pour les pauvres", dit le gros titre
Cette option caractérise toute une mouvance
sacerdotale en Argentine
Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution


C’était hier le cinquantième anniversaire de la mort d’une figure solaire de la lutte sociale en Argentine : le père Carlos Mugica, un prêtre diocésain qui considéra que sa mission était auprès des plus pauvres, qui lutta contre le système de corruption et de privilège de classe qui entretenait et entretient toujours la misère dans le pays et qui paya de sa vie cet engagement dans les valeurs sociales de l’Evangile, en tournant le dos à la bienfaisance dans laquelle quelques riches, peut-être généreux, pensent faire leur salut individuel. Lui avait aussi une conscience politique qui guidait son analyse du monde qui l’entourait et c’est sans doute ce qui ne lui a pas été pardonné.

Hier, l’archevêque de Buenos Aires et une grande suite de prêtres et d’évêques ont célébré à sa mémoire une grande messe au Luna Park, le palais des sports de Buenos Aires dont l’Église catholique est justement la propriétaire (peut-être pas pour longtemps encore puisque des rumeurs de vente circulent). La cathédrale, qui n’est pas loin, est une petite église, bâtie à la taille de la Buenos Aires du 18e siècle : elle ne saurait accueillir la grande foule d’hier.

A peu près la même photo en une de La Prensa
avec ce gros titre : "en terminer avec la division"
En bas la version moscovite de l'effondrement
d'un immeuble à Belgorod
(les analystes qui travaillent en OSINT analysent
que l'explosion s'est produite à l'intérieur du bâtiment,
elle ne peut donc pas être attribuée aux Ukrainiens,
ni directement ni indirectement,
comme le prétend le Kremlin).
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Le primat d’Argentine, qui avait reçu le soutien du pape dont il a lu la missive en chaire, a fait une homélie très dure envers la société argentine incapable de se sortir des bourbiers dans lesquels elle se débattait déjà il y un demi-siècle et contre les gouvernements successifs qui déconstruisent systématiquement les politiques sociales mises en place par leurs prédécesseurs, ce qui ne permet jamais aux pauvres de bénéficier d’un effet cumulatif de long terme. Sans parler de la stratégie de la haine que déploie l’actuel président pour cacher sans doute l’inanité ou la perversité de ses projets.

Et il est vrai que cette capacité qu’a l’Argentine à reproduire sans cesse les mêmes erreurs est assez peu encourageant...

Cette commémoration a été amplement suivie par Página/12, qui en a fait sa une du jour, tandis que les trois titres de droite font le minimum syndical, y compris et surtout La Prensa qui semble s’être pincé le nez pour produire ce petit entrefilet indigent, tout à fait indigne de la figure du martyr que fut Carlos Mugica.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

samedi 11 mai 2024

Les Argentins mis en danger par leur gouvernement : grave accident ferroviaire à Buenos Aires [Actu]

"C'est un miracle que nous soyons en vie",
dit le gros titre
Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution


Un grave accident de chemin de fer s’est produit hier peu après 10h du matin sur un pont qui traverse une importante artère du quartier de Palermo, dans le nord de Buenos Aires. Selon les premières informations, l’accident est dû à un vol de câbles qui ne date pas d’hier et au fait que ces câbles n’ont pas été remplacés, faute de budget (le gouvernement a presque complètement arrêté de financier les services publics de transport, en vue de tout privatiser). Depuis ce vol, il n’y a plus de signalisation automatique et les ordres de circulation sont donnés manuellement et oralement. Au moment de la collision, il y avait sur la voie un wagon technique dont la vitesse a peut-être été mal évaluée par le contrôleur en charge du secteur.

Le choc a fait une centaine de blessés (les chiffres varient selon les journaux) et il y a eu 53 hospitalisations, pour des blessures qu’on dit « légères » mais il y aurait tout de même au moins une fracture crânienne (ce qui n’est pas vraiment léger). La justice a ouvert une enquête.

"Vol de câbles et panne de signalisation : les causes
de la collision ferroviaire", dit le gros titre
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Au début du mandat, Mileí a jeté à la rue 150 salariés des chemins de fer nationaux qui avaient alors alerté sur la grave détérioration de la sécurité que ces départs faisaient peser sur le système ferroviaire.

Aujourd’hui, le gouvernement profite cyniquement de l’accident pour dénoncer la mauvaise gestion de l’État, qui serait de toute manière un mauvais administrateur d’entreprise (son credo tatcherien), et fait la promotion du projet de privatisation contenu dans le nouveau méga-projet de loi que le Sénat vient de rejeter. Un peu comme Poutine qui provoque la guerre partout à ses frontières et qui fait mine de s’étonner de l’hostilité des pays limitrophes contre lui et contre la Russie.

"On soupçonne une panne de la signalisation :
90 blessés dans la collision ferroviaire à Palermo"',
dit le gros titre
Au-dessus : des nouvelles de M'Bappé !
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Même les journaux de droite évitent de tomber dans le piège ce matin à Buenos Aires. Il se peut que tout le monde ait gardé en mémoire le fait qu’en Grande-Bretagne, la privatisation du train par Margaret Thatcher avait entraîné une importante détérioration du service, avec une cascade d’accidents et de retards en série, le tout accompagné d’une forte augmentation des tarifs.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

vendredi 10 mai 2024

Tango + Tango, trois jours à fond à Hasta Trilce [à l’affiche]

L'affiche générale avec tous les soutiens économiques
Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Dans le quartier de Almagro, dans le centre de Buenos Aires, le café Hasta Trilce, Maza 177, propose du 10 au 12 mai 2024 trois jours d’une programmation tango très complète et centrée sur le tango contemporain, underground, et ses problématiques actuelles.

Présentation du festival pour les candidats musiciens
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Il y aura de tout : danse, musique, tables-rondes et beaucoup de politique pour défense le secteur du tango et au-delà, la vie culturelle du pays, sérieusement menacée par les annonces du gouvernement, bien décidé à abandonner dans les grandes largeurs le financement de cette partie du secteur non-marchand. Les artistes participant ont présenté leur candidature au comité organisateur sur la base d’un cahier des charges.

Présentation du festival côté danse
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Ce soir, le festival commence à 18h et se termine largement après minuit, comme demain. Dimanche, on commence à 17h.

On peut boire un verre et dîner à partir de 18h sur place.

© Denise Anne Clavilier
www.barrio-de-tango.blogspot.com


Pour aller plus loin :

visiter le site Internet de Hasta Trilce

Le succès incontestable de la grève générale laisse le gouvernement de marbre [Actu]

Le pays à l'arrêt, dit le gros titre
sur cette photo de la 9 de Julio, la plus grosse artère de Buenos Aires,
d'ordinaire la circulation y est infernale !
Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution


Hier, la plupart des transports en commun était à l’arrêt partout dans le pays et la majorité des commerce et des entreprises est resté fermée. La presse de droite fait des pieds et des mains pour éviter de le reconnaître.


"Des pertes énormes à cause de la grève sauvage", dit le gros tire
Cette grève générale n'avait rien de sauvage.
Le préavis a été publié il y a plusieurs semaines
La Prensa, fidèle à sa tradition de droite,
se tient toujours prête à considérer
l'abolition du droit de grève.
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Pour Mileí et son gouvernement, c’est business as usual. Comme si de rien n’était, sauf pour Patricia Bullrich qui s’efforce de menacer le plus de monde possible de rétorsions en tout genre.

"La grève s'est fait fortement ressentir mais
des commerces ont ouvert et il y avait beaucoup
de monde dans la rue", dit le gros titre
qui préfère montrer le sauvetage d'un cheval
menacé par les inondations au sud du Brésil
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Quant à la sœur du président, Karina Mileí, qui n’est pas élue, elle est en train de prendre le pouvoir. C’est elle qui a présidé la dernière réunion du gouvernement alors qu’elle est secrétaire-générale de la Présidence, ce qui est déjà une entorse aux bonnes mœurs démocratiques puisqu’il existait avant la prise de fonction de Mileí un décret interdisant aux élus de nommer les membres de leur famille à ces postes de l’appareil gouvernemental. Pourtant, le gouvernement vient d’échouer à faire voter par le Sénat sa loi dite de Bases, la nouvelle tentative de tout casser dans le pays.

"La grève a été très suivie à en croire
le manque de transport mais il y a eu de l'activité",
dit le gros titre sur cette double photo
de la gare principale de Buenos Aires en haut
et l'entrée d'une petite galerie commerciale en banlieue sud
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Les photos ne laissent aucun doute quant à la paralysie du pays. Les reportages des journalistes étrangers sont sur la même ligne.

Comme c’est de plus en plus souvent le cas, Clarín réserve à ses abonnés l’accès en ligne aux articles sur ce sujet primordial de l’actualité du jour.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de La Prensa
lire l’article de La Nación (l’article de une n’est pas disponible en ligne).

Le musée de paléontologie propose tous les vendredis une soirée de tango [à l’affiche]

Les deux jeunes femmes portent des T-shirts aux effigies
de la chanteuse et comédienne Tita Merello
et du pianiste et compostieur Osvaldo Pugliese
Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Le Museo Argentino de Ciencias Naturales Bernardino Rivadavia, le principal centre de paléontologie du CONICET (le centre national de recherche scientifique et technologique), propose tous les vendredis une soirée tango à partir d’aujourd’hui, vendredi 10 mai 2024.

Programme de ce soir : après la danse, le récital
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Au programme : un cours de danse, une milonga et un concert pour favoriser les échanges entre le public et les chercheurs, spécialistes des dinosaures.

L'affiche pour la semaine prochaine !
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

On dansera donc au milieu des fossiles géants exposés dans ce lieu emblématique de la discipline ! Les chercheurs seront présents pendant la soirée et lorsqu’ils auront des compétences en matière de tango, ils les exerceront : musique et danse au programme.

La proposition vaut jusqu’à la fin du mois de juin.

Entrée : 2 800 $ ARG en vente au guichet du musée.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

jeudi 9 mai 2024

La recherche argentine est mal barrée : la Terre est plate ! [Actu]

Manifestation de chercheurs et de techniciens de recherche,
devant un laboratoire contre les menaces sur l'existence
du Centre national de recherche scientifique et technologique (CONICET)
prononcées il y a quelques mois par le gouvernement Mileí


Une députée, élue sous l’étiquette Mileí (La Libertad Avanza, ou LLA), vient d’être nommée première secrétaire de la Commission Recherche de la Chambre des Députés.

Lilia Lemoine, c’est son nom, croit dur comme fer que la Terre est plate. En effet, prétend-elle, il n’y a pas de route aérienne commerciale qui traverse le Pacifique (où est-elle allée pêcher une ânerie pareille?), et, à ses yeux, c’est une preuve formelle.

De la même manière, on n’est jamais allé sur la Lune… La Nasa a en effet déclaré qu’elle ne pouvait répéter l’opération parce qu’elle « avait perdu la technique » qui avait rendu l'exploit possible. C’est bien la preuve, toujours selon Dame Lemoine, que la technique en question n’a en fait jamais existé alors que, dans les faits, une fois que la Nasa a gagné la compétition spatiale au détriment de l’Union soviétique en déposant à plusieurs reprises quelques astronautes à la surface de notre satellite naturel, les États-Unis ont tout simplement abandonné la production des lanceurs et des modules lunaires, une technique qui est désormais tout à fait archaïque et qui mettrait les équipages en danger si elle était ressuscitée. En soi, la conquête de la Lune n’avait alors aucun intérêt scientifique. Elle n’était qu’une confrontation symbolique et plutôt pacifique, pour une fois, au cœur de la Guerre froide.

Allez donc découvrir par vous-même dans l’article ci-dessous la recette que cette femme préconisait pour réaliser un test de dépistage Covid à moindre frais. Cela vaut l’ingestion d’eau de Javel en guise de désinfectant préconisée en son temps par Trump, au grand dam d’une de ses conseillères médicales qui ne savait plus où se mettre et dont la gêne a fait rigoler la planète entière encore plus peut-être que les inepties, pourtant énormes, de son patron.

Bref, cette fille est aussi toquée que ses homologues trumpistes du Congrès à Washington. Hélas, en Argentine, elle va avoir un peu de pouvoir sur l’architecture de la recherche publique, la seule qui existe dans le pays. Une authentique catastrophe ! Seul espoir : c’est un député Unión por la Patria (péroniste) qui est président de commission : il faut espérer qu’il a gardé les pieds sur la terre, bien ronde, lui…

Aux États-Unis au moins, comme la recherche est financée par le privé et que le secteur privé est très généreux (mais non pas désintéressé) dans ce domaine revêtu aux yeux des super-riches d’un immense prestige, les universités et les sciences ne se portent pas trop mal, même si ce système fait perdre aux chercheurs eux-mêmes un temps fou qu’il leur faut consacrer à convaincre des milliardaires de financer leurs travaux, mais en Argentine, la recherche est publique et il n’existe aucune tradition de mécénat et encore moins dans ce domaine que, parce qu’ils sont souvent eux-mêmes d’une ignorance crasse, les milliardaires locaux méprisent à un degré dont on ne peut pas avoir la moindre idée en Europe.

Pire même : celui qui aurait l’intention saugrenue de s’occuper de ce genre de chose y serait regardé par l'immense majorité de ses pairs comme un pur imbécile. Le seul investissement qui vaille en Argentine, c’est la terre agricole, l’élevage pour le lait et la viande, les haras pour le polo, les champs de course et les régiments à cheval et un peu la vigne, à condition de payer un œnologue pour vous fabriquer des vins aux faux airs français dans une cave à l’architecture et au nom prétentieux, le tout, notez bien, en anglais !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire cet article de Página/12, le seul quotidien à se pencher sur le sujet (voir ce que j’en dis plus haut) en ce jour de grève générale dans toute l’Argentine. L’article en ligne a intégré plusieurs déclarations vidéo de la dame en question. C’est atterrant !

mardi 7 mai 2024

Au gouvernement, tout est bon pour vanter la « gâchette facile » [Actu]

Tout en bas : "Annulation de la condamnation
de Chocobar : [la Cour] le renvoi devant une nouvelle
juridiction de jugement", dit le titre


Sous la présidence de Mauricio Macri (ça ne nous rajeunit pas), Luis Chocobar, un policier de la province de Buenos Aires, a tué un jeune criminel d’un peu plus de 17 ans d’une balle tirée dans le dos sur le territoire du quartier de La Boca, dans le sud de la Ville Autonome de Buenos Aires. Or Chocobar n’était pas en exercice (et d’un) ; il n’en a pas moins utilisé son arme de service (et de deux) pour tirer sur la silhouette qui s’enfuyait (et de trois) après plusieurs coups de couteau assénés à un homme qui gisait à présent sur le sol et qui a survécu. Le policier n’était pas non plus dans sa juridiction (et de quatre), une ville limitrophe, au sud de Buenos Aires, Avellaneda.

Sans la moindre considération pour l’enquête et l’instruction et donc pour l’indépendance de la justice, dans les jours qui ont suivi, le président Macri et sa ministre de la sécurité, Patricia Bullrich, qui a retrouvé ce poste sous Mileí il y a six mois, ont reçu le policier pour lui manifester publiquement leur soutien et clamer haut et fort qu’il avait agi comme son devoir le lui commandait. Ce qui est faux puisque le garçon, qui n’était certes pas un enfant de chœur, a reçu le projectile qui l’a tué dans le dos (or pour se défendre, Chocobar a prétendu qu’il avait perdu son sang-froid parce qu’il avait eu peur d’être lui-même attaqué alors qu’il se trouvait très loin de l’agresseur).

Dans son élan droitier, Bullrich a sorti une doctrine d’emploi de l’arme aussitôt baptisée Doctrina Chocobar selon laquelle les policiers faisant usage de leurs armes seraient désormais présumés avoir agi en légitime défense, à moins qu’une partie fasse la preuve du contraire. Cette doctrine avait été vertement critiquée par tous les tenants des droits de l’homme étant donné qu’elle est contraire à tous les principes du droit : les policiers, représentant de la force publique, ce pour quoi la collectivité leur confie une arme, doivent rester maîtres d’eux-mêmes et doivent donc rendre compte lorsqu’ils tuent ou blessent un citoyen, fût-il délinquant ou criminel, a fortiori lorsque l’homicide se produit dans l’exercice de leurs fonctions.

A droite, au centre : "La condamnation de l'ex-policier
Chocobar envoyée cul par-dessus tête"
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Un ancien juge à la Cour suprême, Raúl Zaffaroni, connu pour ses positions progressistes, reconnu dans les démocraties européennes et hispanophones pour sa grande compétence et de surcroît personnalité médiatique brillantissime, aujourd’hui octogénaire et récemment éclaboussé par un scandale lié à sa vie privée (1), avait alors pris fait et cause contre cette doctrine qui n’a jamais pu se traduire en loi, le Congrès ayant rejeté toute les tentatives de Patricia Bullrich.

Hier, la Cour de cassation a annulé le jugement qui avait condamné Luis Chocobar à deux ans de prison avec sursis pour « avoir agi au-delà de l’accomplissement de son devoir », un grief très léger au regard des faits. La Cour estime en effet que dans les attendus du jugement, les magistrats se sont contredits à de nombreuses reprises, ce qui rend difficile la compréhension du verdict et donc la jurisprudence qui en aurait découlé sans cette déclaration de nullité. La Cour renvoie l’affaire en audience devant un autre tribunal des enfants (car la victime était un mineur). En aucun cas, elle ne s’est prononcée sur les faits.

Néanmoins, l’avocat du l’ancien agent de police, aujourd’hui directeur de département auprès de Patricia Bullrich (vous voyez d’ici le potentiel conflit d’intérêts), puis la ministre et enfin le président Mileí lui-même, qui se trouve en déplacement à Los Angeles (sans aucune dimension diplomatique) ont sauté sur l’occasion pour célébrer, sur les réseaux sociaux, le bien-fondé des agissements de l’ancien policier et prétendre qu’il avait été blanchi par la Cour (ce qui est un mensonge pur et simple). Plusieurs rédactions, toutes conscientes de l’instrumentalisation idéologiques que les gouvernants font de l’arrêt, profitent toutefois de l’occasion pour faire un reportage sur Chocobar, difficilement reconnaissable (il a un visage assez passe-partout, il a minci et il a changé de coiffure). Il tient maintenant un commerce de mercerie et de lingerie sur les marchés (il aurait donc mieux fait de rester discrète) et étudie le droit en travaillant aussi chez son avocat.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :




(1) Il y a quelques mois, on a retrouvé chez lui le corps sans vie d’un homme beaucoup plus jeune que lui, décédé de mort violente. Le bruit s’est aussitôt répandu qu’il s’agissait de son amant. Le juge n’a pas été inquiété par l’enquête. Zaffaroni n’est donc mêlé ni de près ni de loin à ce qui ressemblait à un meurtre et qui n’a eu aucune suite dans les journaux. Mort reconnue comme suicide donnant lieu à classement sans suite ? Probablement. Toujours est-il que la presse a cessé de suivre l’affaire, une preuve en creux qu’il n’y avait rien à la charge de l’ancien magistrat parce que la droite a trop de haine pour lui pour ne pas l’accabler s’il y a le moindre prétexte à le faire. En revanche, côté Mileí et consorts, c’est du pain béni pour taper sur tout ce qui peut ressembler de près ou de loin à la gauche d’une part et aux sexualités minoritaires d’autre part.