lundi 31 janvier 2022

La petite-fille de Mercedes Sosa entame une carrière artistique [Disques & Livres]

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Araceli Matus aujourd'hui
(photo issue de la promotion du disque)


Elle ressemble à sa grand-mère comme deux gouttes d’eau et préside la fondation qui porte son nom, Fundación Mercedes Sosa, consacrée au souvenir de la grande artiste du folklore du nord-ouest argentin.

Après une carrière de thérapeute (elle enseignait la musicothérapie à l’université), Araceli Matus vient de publier son premier disque conçu après un divorce survenu il y a cinq ans, à la quarantaine. Ce n’est donc pas une jeunette qui fait un caprice pour suivre un chemin risqué. Dans ce premier disque de soliste (elle a été choriste dans son adolescence et sa jeunesse), elle chante de la musique latino-américaine et rend ainsi hommage à ses deux grands-parents paternels : Mercedes Sosa et son compagnon, le guitariste et producteur Oscar Matus.

Araceli Matus dans les bras de sa grand-mère

Le talent n’est pas héréditaire mais il faut écouter l’album pour en juger. Celui-ci est disponible sur toutes les plateformes spécialisées.

Jaquette du disque

Página/12 consacre à la nouvelle artiste une chronique dans ses pages culturelles de ce lundi : le journal la présente à l’intersection entre son héritage artistique et une voie personnelle qu’elle n’a pas encore pleinement ouverte.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 qui a interviewé Araceli Matus

Au milieu de l’été, la nouvelle campagne de Abuelas s’ébauche [Actu]

"Absences", dit le gros titre
sur cette image du foulard des Grands-Mères
sur lequel est écrit : Nous continuerons à vous chercher
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Malgré l’été qui calme l’actualité en dépit de la pandémie, Página/12 choisit de soutenir la démarche de Abuelas de Plaza de Mayo dont les membres, toutes plus qu’octogénaires à présent, persistent à rechercher les enfants nés sous la dictature militaire (1976-1983) et arrachés à leurs familles pour être confiés à des institutions ou à des couples, complices ou non du régime.

Dans cette perspective, le quotidien propose en une de ce 31 janvier 2022 une interview de la très dynamique et vaillante présidente de l’association, désormais nonagénaire, Estela de Carlotto. Elle y expose les projets de l’association pour renouveler à partir de la rentrée prochaine les vecteurs de sensibilisation du public à ce problème de l’identité de naissance à rétablir pour environ 300 personnes désormais adultes et qui ignorent encore leur histoire.

Cette année, 800 personnes se sont présentées auprès de l’association ou d’autres institutions en charge de la même quête pour les faire part de leurs doutes mais ces 800 tests ADN n’ont pas fait apparaître de relation avec les profils des familles qui recherchent quelqu’un. Il faut donc ne pas lâcher l’affaire et continuer à en appeler à la conscience des quarantenaires actuels, qu’ils vivent en Argentine ou dans n’importe quel autre pays.

Rappelons à cette occasion que les ambassades d’Argentine relaient elles aussi la démarche de Abuelas et que les personnes concernées peuvent s’adresser à elles pour entreprendre les démarches officielles d’identification.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

dimanche 30 janvier 2022

Une expo sur le rock argentin comme témoin de l’histoire [à l’affiche]

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Le Museo Histórico Nacional de Buenos Aires, installé dans une ancienne et superbe demeure patricienne du Parque Lezama, à San Telmo propose en ce moment une exposition sur le rock argentin dans les années 1980 (de 1982 à 1991 pour être plus précise, c’est-à-dire à la sortie de la dictature et de la guerre des Malouines, qui a eu lieu en avril et mai 1982).

Il s’agit d’une exposition gratuite puisqu’au retour de la gauche au pouvoir, la gratuité publique des musées nationaux a été rétablie (elle avait été abolie par le gouvernement ultra-libéral de Mauricio Macri).

L’exposition présente plus de 800 objets et documents, qui vont d’instruments de musique à des affiches, des disques vinyle ou des affiches de spectacle en passant par des vêtements de scène. Deux panneaux sont même consacrés au rock underground et contestataire de ces années de revanche sur la bien-pensance militaro-dictatoriale.

Les deux panneaux consacrés au rock contestataire
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Cette exposition temporaire ne fermera ses portes qu’à la fin du mois de mai, après la fête nationale du 25 mai.

Du mercredi au dimanche et les jours fériés, de 11h à 19h et une nocturne jusqu’à 22h chaque vendredi. Attention toutefois : quelques jours fériés sont aussi des jours de fermeture pour le musée.

Le même thème sera repris à travers des programmations diversifiées par d’autres musées nationaux comme la Manzana de las Luces (ancienne maison provinciale des jésuites d'avant 1767) ou le Museo Malvinas e Islas del Atlántico Sur (très à l'honneur en cette année dédiée au souvenir de la guerre des Malouines, il y a quarante ans).

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12
lire la présentation proposée par le musée lui-même, actuellement dirigé par Gabriel Di Meglio, un authentique historien auquel on doit aussi une extraordinaire série de documentaires de vulgarisation pour enfants autour d’un personnage, prénommé Zamba, qui a fait son apparition au MHN depuis que son papa en a pris les commandes.

samedi 29 janvier 2022

Accord conclu avec le FMI [Actu]

"Les clés de l'accord", dit le gros titre
sur cette photo du gouvernement éteignant la mèche à main nue
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Hier, dans la journée, le gouvernement argentin a annoncé qu’il avait obtenu un accord de rééchelonnement de la dette avec le FMI (soit 44 milliards de dollars US, ce qui excédait d’ailleurs ce que l’organisme international avait le droit de prêter à un pays).

D’après ce qu’en a dit le président Alberto Fernández dans son discours retransmis depuis les jardins ensoleillés de sa résidence de Olivos, cet accord permet à l’Argentine de laisser en l’état les retraites, de ne pas dévaluer, de pas être contrainte d’entreprendre une réforme du marché du travail et de continuer à investir dans le développement du pays (travaux publics, services publics, recherche, enseignement, culture, santé...).

L’accord va maintenant faire l’objet d’un débat au Congrès qui doit le ratifier pour qu’il soit valide. Cela promet une rentrée parlementaire des plus agitées. D’autant que l’extrême gauche a annoncé dès hier que ses élus voteraient contre. Ce courant politique souhaitait en effet que le gouvernement refuse de rembourser, ce qui aurait mis l’Argentine au ban des nations et l’aurait exclue ipso facto du G20, ce dont l’extrême gauche se serait réjouie, puisqu’elle souhaite que ces affreux capitalistes qui oppriment les pauvres gens s’entre-dévorent tandis que le pays regarderait en comptant les points.

"Le gouvernement a payé, accepté de baisser le déficit
et le FMI lui demande de réduire les subventions",
dit le gros titre sur cette image du discours présidentiel
Vous aurez remarqué cette confusion permanente entre
"gouvernement" et "Etat", commun à tout le continent du nord au sud
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De son côté, l’opposition de droite cherche ce qu’elle pourrait bien critiquer dans l’accord obtenu (on peut lui faire confiance, elle va trouver). Pour le moment, faute de grain à moudre, elle se contente de reprendre une récente petite phrase de l’ancien président, Mauricio Macri, qui a prétendu qu’il ne lui aurait fallu à lui que cinq minutes pour s’entendre avec le FMI au lieu des longs mois pris par son successeur. Macri était pourtant encore resté dix-huit mois au pouvoir après la signature du prêt et cet accord de remboursement si facile à négocier, il a quitté le pouvoir, le 10 décembre 2019, sans l’avoir conclu. Bizarre ! A la droite de la droite, parmi les ultra-libertaires, conduits au Congrès par Espert et Millei (deux fous furieux qui éructent des diktats déconnectés de la réalité économique et diplomatique), on a déjà condamné l’accord avant même d’en examiner les termes.

L’union patronale industrielle (UIA) quant à elle ‑c’est assez rare pour qu’il faille le souligner‑ a tès rapidement exprimé son soutien au gouvernement (pourtant de gauche) puisque le pays peut continuer à aller de l’avant.

"Le gouvernement évite le default et accepte
la réduction du déficit demandé par le FMI" dit le gros titre
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La plupart des journaux consacrent leur une et de nombreux articles à cette affaire qui engage le pays pour plusieurs années et largement au-delà de l’actuel mandat mais dans des conditions de dignité pour l’État que l’Argentine avait jusqu’ici rarement conquises.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article principal de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article principal de Clarín
lire l’article principal de La Nación
lire le communiqué offiicel de la présidence (la vidéo du discours est intégrée comme elle l’est à plusieurs articles de presse cités ci-dessus)

Ajout du 30 janvier 2022 :
La Nación a réussi à trouver les arguments pour disqualifier la victoire diplomatique du gouvernement en faisant valoir que c’est Biden qui serait intervenu pour établir l’accord, qui, par ailleurs, aurait été combattu de l’intérieur par laa vice-présidente argentine, Cristina Kirchner :

lire l’article principal d’aujourd’hui, qui fait la une du quotidien de droite (ci-dessous)

"FMI : les Etats-Unis qualifient l'accord
de "très positif" et espèrent qu'il sera respecté", dit le gros titre
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Ajouts du 31 janvier 2022
lire cet entrefilet de La Prensa sur les récentes et faraudes déclarations de l’ancien ministre de l’Économie, Nicolás Dujovne. Il a négocié le prêt avec le FMI et revendique aujourd’hui la légitimité de ce recours à un emprunt démesuré (et qui n’a jamais été débattu au Congrès, ce qui étaot anticonstitutionnel)
lire cet article de La Nación sur le même sujet

Ajout du 2 février 2022 :
lire
cet entrefilet de Página/12 sur l’approbation publiée par la chambre des entrepreneurs de la construction. A remarquer que, sans surprise, les organismes patronaux qui accueillent favorablement l’accord avec le FMI représentent les secteurs assez peu prestigieux dans l’échelle des valeurs existant dans la culture traditionnelle sud-américaines. Le secteur agraire, placé tout en haut de la pyramide sociale symbolique, n’y figure pas.

Ajout du 9 février 2022 :
L’extrême-gauche argentine manifestait hier contre l’accord avec le FMI sous le slogan : Les escroqueries, ça ne se paye pas ! Seul
Página/12 s’en est fait l’écho ce matin. Il faut dire que l’actualité sportive en plein été (le retrait définitif de Juan Martín Del Potro) suffit à remplir quelques pages imprimées.
Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12

Ajout du 11 février 2022 :
L’Église catholique joint sa réflexion au débat : la commission sociale demande que les solutions retenues ne soumettent pas les questions sociales à la résolution de la dette extérieure.
Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire la dépêche de l’agence catholique argentine (AICA)

lundi 24 janvier 2022

Hernán Lucero en tournée de promotion [Disques & Livres]

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A la rentrée, au mois de mars, le chanteur Hernán Lucero présentera son nouveau disque, intitulé Las noches que han pasado (les nuits qui ont passé).

Pendant l’été, il le présente en avant-première lors d’une tournée en Argentine. Les soirs prochains, il sera dans la province de Cordóba puis dans celle San Luis avant de chanter dans un mouchoir de poche sur la côte atlantique, en province de Buenos Aires (Villa Gesell, Mar Azul et Mar del Plata, l’étape indispensable de l’été).

Ce nouveau disque est déjà disponible sur Youtube et sur différentes plateformes payantes.

Il contient quelques grands classiques du répertoire tanguero des années 30 et 40 comme Escolazo et Milonguita, mais également une chanson de Atahualpa Yupanqui, le grand compositeur du folklore du nord-ouest dont l'Argentine commémore cette année les quarante ans de la disparition, Nostalgías tucumanas (Nostalgies de Tucumán). Lucero sort aussi des frontières en chantant une marinera péruvienne de sa propre composition.

Bref, un disque à découvrir pour apprécier un artiste connu pour ses interprétations classiques et sobres du tango, le genre dans lequel il est le plus chez lui.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire l’article de La Nación qui combine des nouvelles estivales de différents musiciens.

vendredi 21 janvier 2022

Karina Beorlegui combine fado et tango ce soir au CCK [à l’affiche]

Photo CCK


Ce soir, vendredi 21 janvier 2022, à 20h, dans la Sala Argentina du Centro Cultural Kirchner, la chanteuse Karina Beorlegui et le guitariste Alejandro Bordas donneront un récital qui mêle le fado et le tango.

Cela fait une bonne vingtaine d’années que Karina Beorlegui s’est spécialisée dans ce dialogue musical entre deux genres similaires, l’un né au Portugal et l’autre en Argentine, à la charnière entre le 19e et le 20e siècle, et dans les mêmes milieux sociaux urbains et périphériques. L’invitation au CCK tendrait à prouver que tant de persévérance se voit enfin reconnue...

L’entrée est libre et gratuite. Les places étaient à retirer depuis mardi au guichet du CCK.

Les deux artistes ont invité Nacho Cabello qui jouera de la guitare portugaise.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

Un ex-jésuite uruguayen dénonce le double langage de l’Église catholique [Disques & Livres]

Me connaître m'a rendu libre, dit le titre
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Página/12 a choisi aujourd’hui de consacrer la une de son supplément de culture contestataire Soy (je suis) à un élu municipal de Montevideo, la capitale de l’Uruguay voisin (1). Avant de retrouver son actuel état laïc, l’homme a été jésuite et, à ce titre, il a vécu à Rome où il est allé faire des études de théologie. Dans la compagnie de Jésus, c’était donc un homme brillant auquel était promise une trajectoire intellectuellement des plus riches.

Homosexuel, il a pu constater que, dans la capitale du pape, son orientation sexuelle était largement partagée par de nombreux clercs réguliers et séculiers, tout comme, en français, Frédéric Martel l’a lui aussi décrit il y a plusieurs années dans Sodoma.

En août dernier, Julio Boffano a donc publié un ouvrage autobiographique où il assume son homosexualité et revendique sa liberté dans ce domaine. Comme Martel, il fait état des mêmes rendez-vous clandestins de la gare de Termini et d’autres anecdotes tout aussi sordides. Le livre est sorti chez Planeta Uruguay qui en propose les premières pages en lecture gratuite. Comme on peut l’imaginer aisément, Boffano dénonce, de l’intérieur cette fois (2), le double langage du magistère catholique sur la sexualité et la discordance entre l’écheveau de règles strictes et d’interdits de toutes sortes et les mœurs cachées de nombreux prélats et autres responsables de haut niveau qui sont, selon son témoignage, les premiers à les enfreindre.

Après le récent scandale chilien de pédo-criminalité qui a impliqué de près ou de loin tous les évêques du pays, dont les prédécesseurs étaient eux-mêmes fortement suspects de complicité avec la dictature de Pinochet, c’est un gros pavé dans la marre !

Une du supplément de Página/12
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Pourtant, cet ouvrage a beau avoir été soutenu par la municipalité de Montevideo, il n’a fait que très peu parler de lui dans la presse en Uruguay, comme ailleurs dans le monde hispano-américain. D’où cette mise en lumière brutale par un Página/12 de tradition anticléricale bien ancrée et qui s’attarde aussi aujourd’hui sur les soupçons pesant sur le pape émérite depuis la découverte il y a quelques jours de plusieurs crimes contre des mineurs dans le diocèse de Munich à l’époque où Benoît XVI en était l’archevêque.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 qui interviewe Julio Boffano
lire l’article de El País en date du 20 septembre 2021 (l’un des très rares quotidiens uruguayens à avoir abordé le sujet dans ses colonnes) : il y dénonce le silence qui règne sur ce thème en Uruguay tout en assurant que son cas n’y est pas une exception
lire la présentation de Planeta Uruguay (on peut acheter le livre directement sur le site, où les prix s’affichent en pesos uruguayens)
lire (et écouter) la présentation que Boffano a faite de son livre en septembre dernier sur le site de la Ville de Montevideo



(1) Dirigée par une maire du Frente Amplio (l’ensemble des partis de gauche), soutenue par le Parti Communiste uruguayen, dans un pays centralisé gouverné depuis deux ans à droite toute. La maire de Montevideo est une ancienne ministre des trois gouvernements successifs du Frente Amplio qui ont dirigé le pays pendant 15 ans jusqu’en 2019.

(2) Frédéric Martel, pour revenir à lui, est tout à fait extérieur à l’Église dont manifestement il connaît et comprend de manière très superficielle l’histoire (récente comme ancienne), les dogmes et les pratiques sacramentelles. Il fait ici et là d’énormes contresens.

Petites astuces pour gruger le consommateur de Precios Cuidados [Actu]

"Combine de chez nous", clame le gros titre


Il y a quelques jours, les producteurs et les distributeurs se sont entendus officiellement avec le gouvernement argentin pour garantir un prix bas pour 1 300 produits de première nécessité. Depuis plusieurs jours, la presse se faisait l’écho de bizarreries dans les rayons des supermarchés où les produits de la liste étaient annoncés en rupture de stock tandis que d’autres de la même marque mais d’un poids ou d’une composition légèrement différents étaient proposés… à un prix qui n’avait rien de garanti (la différence atteint parfois les 80%).

Au secrétariat d’État du Commerce intérieur, les maigres services de contrôle (mis au régime sec par le gouvernement précédent, ultra-libéral) ont fait leur boulot et grâce aux codes-barres, ils ont pu identifier dans les magasins de diverses enseignes des fraudes par dizaines : des produits au packaging bien étudié pour se distinguer du produit inscrit dans Precios Ciudados sans que le consommateur ne s’en rende vraiment compte comme le berlingot de lait pasteurisé (format universel en Argentine) dont Página/12 a fait sa une ce matin : à gauche le litre de lait demi-écrémé de Precios Cuidados, à droite le litre de la même marque (argentine) affichant un apport en vitamines afin d’échapper aux contraintes de prix.

Le journal n’hésite donc pas à dénoncer les marques impliquées : on y trouve des producteurs argentins, Las Marías (gros groupe spécialisé dans la yerba mate) ou Molinos Río (farines et huiles) comme des multinationales de renom, Kellogs, Unilever, Pepsi et Danone.

Sous toutes les latitudes, les mêmes embrouilles !

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 sur les produits impliqués
lire l’article de Página/12 sur la technique de vérification par le code-barre
Bien entendu, comme les journaux de droite sont opposés au contrôle des prix, quel qu’il soit, et donc au programme Precios Ciudados, ils ne disent pas un mot de ce scandale. Qui plus est, c’est l’été. Inutile de troubler les vacances du consommateur (si tant est qu’il puisse encore s’en offrir).

Tournée estivale de Raúl Barboza [à l’affiche]

Raúl Barboza en vedette à Corrientes


Cette année, le compositeur-interprète Raúl Barboza, l’un des grands artistes du chamamé, est en tournée dans son pays natal, pour la première fois depuis deux ans puisqu’il était coincé à Paris où il s’est installé depuis une quarantaine d’années.

Il a été accueilli chaleureusement à Corrientes (sa province d’origine), en pleine Fête nationale du Chamamé, doit jouer aujourd’hui à Rosario et sera prochainement à Buenos Aires.

Clarín profite de l’occasion pour publier une longue interview, comme une respiration du Litoral (le nord-est argentin) au milieu de cette pandémie qui n’en finit pas. C’est aussi sa première tournée estivale depuis l’inscription du genre au Patrimoine culturel immatériel de l’Humanité.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

jeudi 20 janvier 2022

Seuil de pauvreté en Argentine : bilan de l’année 2021 [Actu]

"76.000 pesos pur ne pas être pauvre", proclame le titre
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Le rapport sur les deux paniers, le panier général qui permet d’évaluer le seuil de pauvreté et le panier strictement alimentaire, qui détermine le seuil d’indigence, rend compte aujourd’hui de l’ensemble de l’évolution sur l’année 2021 : comme on pouvait s’y attendre, les deux seuils ont grimpé moins vite que l’inflation.

10 points en moins en ce qui concerne la pauvreté et 5 pour l’indigence.

L’information est diversement commentée selon que les journaux s’inscrivent à droite ou à gauche. Décembre a en effet connu un saut important, comme l’inflation mensuelle en général. Il est donc facile de tomber à bras raccourcis sur ceux qui sont aux affaires.

En décembre, il fallait en effet disposer de 10 668 pesos par mois pour être au-dessus du seuil d’indigence, un chiffre bien entendu théorique, puisque le panier lui-même est établi à partir de moyennes de prix et de besoins alimentaires supposés pour des types de consommateurs eux-mêmes théoriques.

Il fallait plus du double pour sortir de la pauvreté.

Synthèse générale du rapport de l'INDEC
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Il va sans dire que ces chiffres révèlent l’ampleur de la crise que traverse l’Argentine pour la énième fois depuis le début du 20e siècle et que la dynamique qui s’est dessinée tout au long du dernier quadrimestre ne permet guère d’être optimiste à court terme.

Pendant ce temps-là, le gouvernement négocie ferme à Washington pour rééchelonner la dette démesurée contractée, sans débat au Congrès (donc inconstitutionnellement), par son prédécesseur, auprès du FMI.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

La ministre portègne de l’Éducation laisse tomber [Actu]

"Qui a dit que tout était perdu ?
(Solution en retournant le journal)", dit le gros titre
en se payant la tête de la ministre
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Soledad Acuña, la très droitière ministre de l’Éducation du gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, n’en est pas à son coup d’essai. Régulièrement, depuis qu’elle a pris ses fonctions, à l’approche de la rentrée scolaire ou à d’autres moments symboliques de l’année, elle balance des petites phrases provocatrices, lourdes de mépris social pour les pauvres, les salariés et les personnels de l’école publique.

Elle vient à nouveau d’en lancer une qui fait réagir tout l’éventail politique et journalistique, même si ni La Nación ni Clarín ne mettent l’affaire en avant. D’après elle, à Buenos Aires, l’école aurait récupéré 98 % des enfants qui ont décroché pendant les cours à distance, qui ont duré presque toute l’année scolaire 2020 et ont dû être remis en place à plusieurs moments l’année dernière.

Quant aux 2 % restant, dont elle affirme qu’ils vivent dans des bidonvilles, elle les estime irrémédiablement « perdus » pour l’enseignement. Selon elle, ils s’adonneraient actuellement au trafic de drogue dans « quelque réduit du bidonville » : « ils ont [au minimum] dû se mettre à travailler », ose-t-elle justifier. Elle ne bougera donc pas le petit doigt : « il est bien tard pour aller les chercher », déclare-t-elle (1). Son administration abandonne donc ces gamins à leur triste sort. Dans ces déclarations sur les ondes d’une radio, la ministre a estimé que cette situation touchait une centaine d’enfants en âge scolaire sur les 6 500 « décrocheurs » apparus à Buenos Aires du fait des confinements successifs pendant deux ans.

Le journaliste : Vous avez parlé il y a peu des gamins du bidonville.
Acuña : Oui... Je connais bien les pauvres... En général, ce sont des gens
qui ont échoué en tant que riches"
Traduction © Denise Anne Clavilier
Paz et Rudy rappellent ici une autre provocation de la ministre :
l'année dernière, elle avait dit que les professeurs étaient des gens
qui s'étaient tournés vers l'enseignement,
après avoir échoué dans d'autres voies.
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Fureur à gauche, notamment chez les syndicalistes enseignants et les médiateurs scolaires des quartiers défavorisés (c’est fait pour), malaise à droite devant tant de mauvaise foi… L’école obligatoire, instituée en 1883 sur la pression du grand homme de droite que fut Domingo Sarmiento (1811-1888), est justement là pour corriger, entre autres, les injustices de la société et garantir à tous l’égalité des chances (au moins sur le papier).

Embarrassée, La Prensa, quotidien de l’ultra-droite catholique, met l’info en une, discrètement, mais avec photo de la ministre et ce titre, sinon déjà accusateur, du moins passablement ambigu : « Discrimination ? ».

Le gouvernement portègne tâche bien de voler au secours de la ministre mais les explications de texte qu’il donne ne font que souligner l’indignité de cette posture provocatrice puisque ces commentaires rejettent sur le gouvernement national (de gauche) la responsabilité d’un tel abandon. C’est le ministre national, paraît-il, qui aurait dû détecter ces gamins (2) et les réinsérer dans le système public, dont elle se lave les mains puisque son gouvernement soutient ouvertement l’école privée (et payante), et ce depuis des années à grands coups de subventions publiques, contre l’école publique (et gratuite), dont quelques bâtiments, et pas des moins prestigieux, menacent ruine.

Un État fédéral, c’est fait pour que le pouvoir central s’occupe de tout, c’est bien connu ! La ville de Buenos Aires a conquis en 1994 le statut d’entité fédérée mais il faut croire que ce gouvernement municipal n’est pas encore au courant, lui qui se comporte comme un simple conseil municipal (et encore, un conseil municipal d’un État jacobin).

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :


Ajouts du 21 janvier 2021
 :
Pendant que
Página/12 publie et commente les réactions de quelques personnalités en vue qui condamnent le cynisme de la ministre, parmi lesquelles, Estela de Carlotto, la présidente de Abuelas de Plaza de Mayo, qui fut professeur avant que la dictature lui vole sa fille et son petit-fils à naître (désormais retrouvé), Clarín accuse le gouvernement national de laisser un demi-million d’enfants s’éloigner du système, sans passer sous silence les réactions hostiles de l’autre camp. La Nación quant à elle parle des suites administratives des déclarations de la ministre.



(1) Que ne l’a-t-elle fait avant, dans ce cas ? Elle ose en effet argumenter : « Obviamente hay que intentarlo pero es mucho más difícil que si se hubiera conocido, sabido y tomado decisiones hace dos años » (Bien entendu, il faut essayer [de les récupérer] mais c’est beaucoup plus difficile que si on avait su, connu [les intéressés] et pris les décisions il y a deux ans. TdA). Acuña fait mine d’oublier qu’au début de la pandémie, elle était déjà à la tête de ce ministère et que la majorité locale a rempilé après les élections générales de 2019.

(2) dont Acuña reconnaît que ses services connaissent l’identité et l’adresse. Qu’attend-elle donc pour aller les chercher ?

mercredi 19 janvier 2022

L’Argentine s’oppose à la fusion Disney-Fox [Actu]

"L'important, c'est de participer", dit le gros titre
avec un jeu de mot : competir veut dire à la fois
"participer" [à un tournoi] et "être en concurrence"
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La Commission nationale de Défense de la Concurrence, qui dépend du secrétariat d’État au Commerce intérieur, s’oppose à la fusion, sur le territoire national, des deux géants états-uniens que sont la société Disney et la Fox, la première ayant avalé toute crue la seconde le 20 mars 2019. La Commission entend ainsi éviter un monopole sur les retransmissions sportives via les chaînes payantes des deux mastodontes états-uniens. Cette décision n’est pas une surprise puisque l’organisme avait émis des réserves publiques depuis que la fusion effective s’annonçait en Argentine à la fin de l’année dernière.

Sur le territoire argentin, les deux groupes vont donc devoir se délester de quelques uns de leurs bijoux de famille qui iront enrichir d’autres groupes médiatiques (1).

L'info est en manchette, en haut à droite,
à côté de Messi sur Instagram
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La commission impose ainsi à Disney et à la Fox de renoncer aux droits de retransmission des événements sportifs dont elles avaient l’exclusivité en Argentine en mars 2019. Sont concernés entre autres événements les matchs de football (compétitions argentines, Copa de los Libertadortes qui se joue à l’échelle du sous-continent et compétitions européennes – comme ça, les Argentins pourront continuer à regarder Messi et Mbappé ; ils adorent Mbappé), les grands prix de Formule 1, le rugby à 7, les compétitions de basketball et de baseball, les tournois ATP et en particulier celui de Córdoba (le Roland-Garros argentin).

Les deux groupes disposent désormais de dix-huit mois pour vendre les actifs litigieux. Pendant ce temps, ils devront diffuser gratuitement, dans leur configuration actuelle respective, des événements sportifs emblématiques pour le pays dont la Copa Libertadores, les rencontres de la Champions League de la UEFA, les prix de Formule 1, le tournoi de boxe Premier Champions, et, surtout, parmi les matchs de la ligue nationale de foot au moins deux matchs par semaine dont un qui impliquera, en fonction du calendrier, soit Boca, soit River Plate, les deux plus grands clubs professionnels de Buenos Aires. Les fournisseurs de télévision payante appartenant à Disney et à Fox devront jongler pour composer leurs programmes sans pouvoir choisir amplement parmi les rencontres en écartant de la gratuité les deux champions qui rassemblent tout le public national devant le petit écran. Disney et Fox devront également maintenir en l’état leurs offres commerciales actuelles, et ce, aux tarifs en vigueur aujourd’hui (ce sera toujours ça de moins dans l’inflation mensuelle). Enfin, si les ventes d’actifs ne sont pas effectives dans un an et demi, ces dispositions transitoires resteront valables 5 ans.

L'info est traitée tout en bas, à gauche
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Le sujet intéresse tellement le public argentin que toutes affaires cessantes et malgré les vacances, tous les quotidiens, ou presque, ont traité l’info en une. Un nombre considérable d’Argentins, particuliers comme professionnels (bars, restaurants et hôtels en particulier), ne s’abonnent en effet à ces bouquets que pour le sport.

L’Argentine, ce n’est pas le Far-West.
Qu’on se le tienne pour dit !

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12, qui flanque un carton jaune à Mickey en pleine une
lire l’entrefilet de La Prensa, dont la une est nettement moins rigolote
lire l’article très développé de Clarín, qui appartient à l’un des groupes médiatiques les plus actifs en matière de retransmissions sportives
lire l’article de La Nación



(1) La plupart des pays latino-américains prennent ou ont pris des dispositions similaires chacun dans son paysage médiatique.

Petit salon du livre à l’air libre à Mar Azul [à l’affiche]

Photo La Flor Azul


Mar Azul (mer bleue en espagnol) est un quartier excentré de la ville balnéaire de Villa Gesell, sur la côte atlantique, au nord de Mar del Plata, dans la province de Buenos Aires. Une maison d’édition locale, La Flor Azul, y organise, cette année encore, un modeste mais dynamique salon du livre à l’air libre, sur une place, sous les arbres qui l’ombragent. Le salon commence aujourd’hui et se termine dimanche prochain. Attention toutefois au risque de pluie, puisque celle-ci a brutalement délogé, avant-hier, la canicule qui a affecté tout le pays pendant près de deux semaines.

Ce salon d’éditeurs indépendants est l’une de ces manifestations qui permettent au secteur du livre de se maintenir en vie alors que les librairies ferment en grand nombre parce que la pandémie continue d’entraver la vie culturelle, avec masques, jauges intérieures et protocoles, sans qu’on ne voie le bout du tunnel.

C’est aussi une jolie façon de placer la culture au milieu des vacances d’été, parmi ce public de locaux et d’estivants, par exemple à marée basse lorsque la baignade n’est pas conseillée. Les gens peuvent aller se dégourdir les jambes au milieu des stands, écouter un concert, prendre un verre.

La maison d’édition propose aussi, tout au long de l’année, des résidences à des auteurs nationaux avec un riche programme d’interactions dans le tissu local. Des initiatives qui méritent d’être connues.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire la présentation de la manifestation sur le site Internet de La Flor Azul
lire l’article de Página/12