mardi 31 mai 2022

Un ténor vétéran des Malouines pour clore la série Cine y Soberanía à Caras y Caretas [à l’affiche]

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Ce soir, mardi 31 mai 2022, la salle Caras y Caretas donne la dernière soirée de son festival en souvenir de la guerre des Malouines, dont ce mois de mai marque les 40 ans. Un festival qui a projeté une quarantaine de films consacrés à cet événement traumatique de l’histoire récente du pays.

Et pour finir en beauté, la salle a invité un artiste qui est aussi un ancien combattant de cette guerre. Un homme qui a fait à peu près tous les métiers, dont celui de marin sous les drapeaux. Il a survécu à la submersion du croiseur ARA General Belgrano sur lequel il servait et que la Royal Navy a envoyé par le fonds pendant le conflit.

Aujourd’hui Darío Volonté est chanteur lyrique, un ténor barytonant à la voix puissante. Il a fait une très belle carrière en Argentine et à l’étranger.

Hier, Página/12, qui appartient au groupe Octubre, tout comme la salle de spectacle, lui a consacré la une de son supplément culturel quotidien (ci-dessus) et une longue interview (bien entendu, le quotidien est le seul à en parler).

Dans ses colonnes en ligne, le journal a glissé une admirable vidéo où Volonté répète Aurora, l’hymne au drapeau que tous les enfants des écoles (et les adultes aussi) entonnent autour du 20 juin, jour où les Argentins honorent leur drapeau, en souvenir de ce petit matin de 1820 où le créateur de celui-ci, le général Manuel Belgrano (1770-1820), a rendu le dernier soupir. Aurora est une aria extraite d’un opéra joué au Teatro Colón au gala d’inauguration en 1910. Le morceau a été remanié plus tard pour en faire un hymne.

Darío Volonté en refait un air d’opéra. Écoutez-le, il vous donnera la chair de poule. Surtout maintenant que vous savez ce que cet homme a enduré pour l’honneur de son drapeau ! Il a bien mérité de le chanter alors que l’on va entrer demain dans le mois belgranien par excellence.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

Le Duo Intermezzo au Festival des châteaux et bastides provençales [ici]


Cette semaine, jeudi 2 juin 2021, à 21h30, Marielle Gars (piano) et Sébastien Authémayou (bandonéon) présenteront leur récital Libertad, consacré au répertoire de Astor Piazzolla, au château de Berne, dans le Var, dans le cadre d’un festival mettant en valeur le patrimoine architectural de la région, Les musicales des Châteaux et Bastides provençales.

Prix des places : 25,99 €.



Le duo a réalisé un travail approfondi d’interprétation et d’arrangements originaux de l’œuvre musicale en même temps qu’il étudiait la vie du compositeur et génial rénovateur du tango dans les années 1950-1960.

Cela donne un récital où la musique de Piazzolla se fait entendre dans son authenticité, ce qui est encore très rare en Europe avec des musiciens de chez nous.

A ne pas perdre si vous vivez ou passez dans la région.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

accéder au site du festival

Grand succès de la Mona Jímenez samedi à l’Obélisque [à l’affiche]

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Samedi dernier, en début de soirée (pour ne pas fâcher les voisins), Carlos « La Mona » Jímenez, célébrissime chanteur folklorique de Córdoba, fêtait, à 71 ans, ses 55 ans de carrière dans un show grandiose, à sono déchaînée, au pied de l’Obélisque, qui est à Buenos Aires ce que la Tour Eiffel est à Paris, le tout offert par le gouvernement local de la capitale fédérale.

Un monde fou a envahi les rues alentour et guinché jusqu’à plus soif dans le gigantesque carrefour où se coupent les avenues Mayo et 9 de Julio, coupé à la circulation pour l’occasion. Une cascade d’effets de lumière et de son plus spectaculaires les uns que les autres sur la scène. Et une grosse brochette d’artistes invités autour de la vedette du jour, un brin allumée, comme d’habitude, et jouant de sa laideur proverbiale, à la hauteur de son surnom (la guenon Jímenez).

La foule dans la rue la nuit tombée
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La Mona Jímenez est l’un des plus grands représentants d’une musique typique de sa région d’origine, le cuarteto, un truc rapide, ultra-rythmé, caréné comme du rock, qui apparaît à Córdoba, au centre du pays, dans les années 1940 lorsque certaines musiques d’origine espagnole y ont fusionné avec d’autres d’origine italienne. C’est la Mona Jímenez qui l’a fait connaître à Buenos Aires, qui n’en avait jamais entendu parler avant ses concerts des années 1980.

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Bien sûr, le spectacle en plein air était d’accès libre et gratuit. Les Portègnes en ont profité jusqu’à ce que la vedette se retire à 19h30.

Le grand show a été largement commenté par la presse dimanche matin.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa, le seul quotidien à avoir mis le chanteur à sa une
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación, qui a incorporé dans son article en ligne plusieurs vidéos de la soirée. A découvrir !

Le groupe Macri sous tutelle à la demande d’un membre de la famille [Actu]

"L'entourloupe bien comprise commence à la maison"
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A la demande de Mariano Macri, l’un des frères de l’ex-président Mauricio Macri (droite ultra-libérale), la justice argentine vient de mettre sous tutelle de l’État la branche américaine de la holding familiale fondée par le papa (maintenant décédé).

La Socma, qui opère dans les services financiers, le courrier, les autoroutes et autres concessions d’infrastructure de services publics, est liée à de nombreux scandales et affaires louches, dont plusieurs sont liées à la confusion des genres auxquels Mauricio Macri semble s’être prêté alors qu’il occupait la charge de chef de l’État, entre 2015 et 2019.

Mariano, qui ne fait plus mystère depuis longtemps de ses désaccords plus que profonds avec son président de frère, craint que les dirigeants du groupe organisent son insolvabilité et le vident de tous ses actifs, tant au détriment des actionnaires familiaux dissidents qu’au détriment de l’État qui ne pourra plus y retrouver ses sous (il y a de gros trous dans la trésorerie de plusieurs joyaux de la couronne confiés à la Socma).

Pour ne pas changer, seul Página/12 se fait l’écho de cette décision. Le reste de la presse regarde à côté. Du coup, Página/12 en fait sa une !

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lundi 30 mai 2022

Adieu à Juan José Mosalini [ici]

Juan José Mosalini en Argentine en 2002


Il avait joué avec les plus grands, les Pugliese et les Piazzolla, avant de s’installer définitivement en France en 1977, à l’issue d’une tournée internationale avec la chanteuse Susana Rinaldi. Il était considéré comme l’un des grands maîtres du bandonéon.

Juan José Mosalini est mort près de Paris, vendredi dernier, en fin de journée. Il avait 78 ans.

En France, il aura marqué le conservatoire de Gennevilliers, en région parisienne, où il fonda le premier resté l’un des très rares bons cours de bandonéon (autre que du pur amateurisme). Considéré comme un maître dans le tango, il avait exploré d’autres genres. Il avait en particulier joué avec Luis Alberto Spinetta, l’un des pères du rock argentin.

A de très nombreuses reprises, les Argentins l’avaient revu. Il avait souvent participé à des festivals, des tournées, des hommages. Il était membre honoraire de la Academia Nacional del Tango et c’est par elle que la presse argentine a appris la nouvelle qui s’est diffusée hier dans les colonnes de quotidiens.

Faire part diffusé par l'ambassade argentine à Paris
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Musicien précoce, fils et petit-fils de bandonéoniste, il laisse en France un héritier pour que l’instrument lui ne reste pas orphelin : Juanjo Mosalini, qui a repris la chaire de bandonéon à Gennevilliers où il forme des très bons interprètes de ce bandonéon si méconnu en Europe qu’il y est presque toujours confondu avec un accordéon. Sacrilège !

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación, qui sur son site Web inclut plusieurs vidéos de quelques concerts mémorables.

mercredi 25 mai 2022

Humour spécial 25 mai [Actu]

Miguel Rep s’amuse cette semaine à traiter la Révolution de Mai en y mêlant les préoccupations de la société actuelle.

Sans commentaire.
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C’est ainsi que le 23 mai, au lendemain de l’anniversaire du Cabildo Abierto, la première réunion de l’élite portègne et exclusivement masculine (bien sûr) qui alluma le feu révolutionnaire dans la ville, il a croqué un Cabildo (dans son état de 1810), l’hôtel-de-ville colonial qui préside encore aujourd’hui Plaza de Mayo en y appliquant les profondes divisions politiques (la grieta) qui caractérisent l’actuel paysage argentin, d’une part entre la gauche (au pouvoir) et la droite (qui enrage d’en avoir été éjectée) et d’autre part, au sein de la gauche de gouvernement, entre les partisans de Cristina Kirchner et ceux du président en fonction, la première ayant déclaré la guerre au second. Rep a utilisé les noms de trois des grands acteurs du mois de mai 1810 : Saavedra, chef de la branche la plus tempérée du camp révolutionnaire, Castelli (un cousin de Manuel Belgrano), l’un des activistes les plus radicaux du même camp et Cisneros, le dernier vice-roi, celui qui fut renversé le 25 mai et remplacé par un comité gouvernemental (junta) de neuf membres, dont Saavedra, Castelli et Belgrano.

Pendant plusieurs années, sous le mandat de l’ex-président Mauricio Macri (droite ultralibérale), Miguel Rep a caricaturé le chef d’État en lui attribuant le surnom de El Birrey (le bi-roi), sachant que vice-roi se dit virrey et que le v se prononce d’une manière très semblable à un b. Miguel Rep a de la suite dans les idées.

"S'il n'y a pas de femme, ça commence mal !"
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Ce matin, l’artiste nous l’a fait féministe et c’est rudement bien vu, surtout au surlendemain de la présentation des nouveaux billets, avec des figures de femme dessus !

© Denise Anne Clavilier

Ces dessins sont tirés du site de Página/12.

Nouvelle avancée diplomatique pour l’Argentine : une invitation au G7 [ici]

Le président argentin à son arrivée à Berlin, au début du mois de mai
Photo Service de presse de la présidence argentine
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La récente tournée du président Alberto Fernández en Europe, en Espagne, puis en Allemagne et pour finir en France, il y a une dizaine de jours, a porté ses fruits. Le chef d’État argentin vient d’être invité par le chancelier allemand, Olaf Scholz, à participer à la prochaine réunion du G7, le 27 juin, en Bavière, puisque c’est Scholz qui assume en ce moment la présidence tournante de cette instance informelle.

On y parlera de fourniture d’énergie et de boycott de la Russie ainsi sans doute que de fourniture de blé et de tournesol.

Ce qui tombe très bien et explique d’autant mieux cette soudaine tournée européenne : l’Argentine produit du pétrole depuis le début du XXe siècle et c’est un champion agricole, avec une importante production de blé et de tournesol, sur laquelle pèse pour le moment un embargo à titre conservatoire afin d’alimenter d’abord le marché intérieur avant que les gros propriétaires exportateurs puissent faire la fête aux billets verts. Tout cela devrait donc se discuter entre gens responsables et on verra peut-être par la suite l’Argentine lever quelque peu les restrictions qui agacent tant le patronat agraire du pays !

Bien entendu, en ce jour de fête nationale, seul Página/12 se fait l’écho de cette réussite diplomatique. La droite est muette devant ce qu’elle ne peut pas critiquer. Le G7, c’est en effet tout ce qu’elle prétend prendre pour modèle ! C’est assez gênant que celui qui l’obtienne enfin soit un président de gauche, de surcroît contesté au sein même de sa majorité (pour des raisons qui s’apparentent surtout à un sectarisme de derrière les fagots).

Dans les jardins de l'Elysée, le 13 mai dernier
Photo Service de presse de la présidence argentine
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L’Argentine ne sera toutefois pas le seul pays invité : participeront aussi le Sénégal, l’Inde, l’Indonésie et l’Afrique du Sud. Sans doute un effort, forcé par les circonstances (1) mais néanmoins louable, des puissances « occidentales » pour mieux intégrer à « l’ordre du monde » démocratique des pays d’autant plus tentés par le discours officiel russe qu’ils se sentent tenus par nous pour rien.

Jusqu’à présent, l’Argentine avait pu intégrer le G20 dès sa création. Elle caresse maintenant l’ambition d’être admise parmi les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), ce qui n’est pas vraiment du goût de la droite.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :



(1) De toute façon, hélas, ce genre de revirement diplomatique ne se fait jamais si le pays n’y est pas contraint de l’extérieur. Un effet secondaire de la politique de Poutine, opposé aux objectifs poursuivis par le dictateur.

mardi 24 mai 2022

Les nouveaux billets de banque arrivent [Actu]

En haut : "Un taliban sort, un technocrate entre"
Allusion au fait que le ministre de l'Economie
a réussi à se défaire d'un secrétaire d'Etat trop proche de Cristina
(Au moins, maintenant il peut déployer sa politique sans craindre
des coups tordus à l'intérieur de son ministère)
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C’était une promesse de campagne puis de prise de fonction de l’actuel président : remettre des figures historiques sur les billets de banque, ces personnages que Mauricio Macri, au pouvoir de 2015 à 2019 sur un programme ultra-libéral avait effacé au profit d’animaux sauvages. Sous prétexte que le rappel des figures historiques créait de la dissension idéologique dans la population. Quel crétin !

Avec un soin pervers, il avait donc effacé l’histoire sous prétexte de dépolitiser la monnaie plutôt que d’inviter les historiens et les vulgarisateurs afin d’approfondir peu à peu les démarches scientifiques et les développer à côté du récit idéologisé qu’est l’élaboration actuelle (nécessaire) du roman national en gestation et donc encore très peu consensuel. Il avait même fait retirer les billets à l’effigie de San Martín et de Belgrano, les deux pères-fondateurs de l’Argentine !

Les billets actuels
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Hier, au Musée du Bicentenaire, dans l’enceinte de la Casa Rosada, là où se trouvent encore des vestiges de deux bâtiments historiques disparus, l’ancienne forteresse coloniale qui servait de résidence au vice-roi espagnol puis au gouvernement révolutionnaire à partir du 22 mai 1810, et les douanes de la fin du XIXe siècle, le président Alberto Fernández a présenté les nouveaux billets qui vont être mis prochainement en circulation. Ils sont au nombre de quatre dont la valeur d’étale de 100 (les billets de valeur inférieure ont été retirés les uns après les autres depuis trois ans) à 1 000 pesos. Une gamme de billets dont la valeur faciale a juste été multiplié par 10 depuis la dernière série des billets à figures historiques (5, 10, 20, 50 et 100 pesos).

Les anciens billets, avec les effigies historiques (San Martín a été oublié)

Les grands hommes détestés par la gauche ont disparu : Sarmiento (50 pesos) et Roca (100 pesos).

Le nouveau Evita

Reviennent dans les portefeuilles José de San Martín (1778-1850) et Manuel Belgrano (1770-1820), les deux seuls personnages historiques unanimement aimés et vénérés par tous les Argentins (même si sur le plan idéologique, ils sont tirés à hue et à dia par les différents auteurs qui se piquent d’écrire leur biographie, en se passant royalement des sources historiques). Au verso des billets, figurent ce qui est considéré comme leurs plus hauts faits d’armes et comme emblèmes de leur lutte pour la liberté et l’indépendance, la Traversée des Andes à l’été 1817 pour San Martín et la création du drapeau national, à la fin de l’été 1812 à Rosario, pour Belgrano.

Apparaissent des figures chères à la gauche décentralisatrice.

Le premier est le général saltègne Martín Miguel Güemes (1785-1821), le seul héros de la guerre d’indépendance qui soit mort de mort violente, tué par un contre-révolutionnaire (tous les autres sont décédés dans leur lit ou, au moins, alors qu’ils étaient retirés du combat), le seul aussi qui relie une province historique très éloignée de Buenos Aires, Salta, à la lutte de la capitale coloniale puis nationale pour une indépendance alors encore très lointaine (il était cadet à Buenos Aires quand la ville a été attaquée par les Britanniques à deux reprises, en 1806 et 1807).

Même choix pour le gros titre
(avec une formule différente mais ça ne change pas grand-chose)
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Les deux autres figures sont deux femmes et ce sont celles que le président avait annoncées il y a très longtemps déjà, alors que la pandémie paralysait le pays. Pour la première fois depuis l’introduction très contestée par Cristina Kirchner, à la fin de son second mandat, de Evita Perón sur le billet de 100 pesos (1) destiné à remplacer à terme celui à l’effigie du général Julio A. Roca, premier président d’une période de malheureuse mémoire (la Generación del Ochenta, entre 1880 et 1916) et massacreur de Mapuches lorsqu’il commandait la campagne dite du Désert, dont le but était de faire occuper par des propriétaires blancs la Patagonie argentine à une époque où le Chili lorgnait sur ces terres de l’autre côté des Andes (les années 1870). L’une de ces femmes est María Remedios del Valle (circa 1768-1847), une des très rares combattantes de la guerre d’indépendance, qui plus est la seule femme qui accéda (et encore sur la fin de sa vie) à un grade d’officier supérieur. Et elle était noire ! Elle a combattu sous les ordres de Manuel Belgrano, le premier à l’avoir distinguée et fait progresser dans la hiérarchie militaire. Elle venait du fin fond de la société coloniale esclavagiste.

L’autre femme, Juana Azurduy de Padilla, était tout le contraire. C’était une femme issue de la meilleure société coloniale. Elle était riche et possédait une culture européenne de qualité. Ceci dit, elle n’a rien à faire sur des billets argentins puisqu’elle était bolivienne. Certes, elle a combattu du même côté que Manuel Belgrano et Martín Güemes parce que dans les années 1810, les deux pays n’en faisaient encore qu’un mais elle ne l’a jamais fait dans ce qui allait devenir l’Argentine ni même pour l’indépendance de ce pays au sud du sien. Elle guerroyait pour chasser les Espagnols de ce qu’elle appelait le Haut-Pérou et qui a pris son indépendance sous le nom de Bolivie, en hommage à Bolívar, en guise de compensation d’ailleurs (Bolívar ne voulait pas entendre parler d’indépendances séparées pour tous ces pays qu’il voulait centraliser sous son autorité politique et qui ont échappé à son étau). Sa renommée a atteint l’Europe, difficilement mais enfin, on trouve des allusions à ses actions dans la presse européenne du début du XIXe siècle.

S’approprier cette figure féminine épique, c’est le péché mignon de la gauche argentine, surtout péroniste. C’est l’un de ses côtés franchement pénibles.

Página/12 titre lui aussi sur les changements
au ministère de l'Economie
L'info est traitée tout en haut, au centre
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Il semble qu’il ait été difficile de concilier le nombre de billets à mettre en circulation (seulement quatre) et le nombre de próceres à célébrer en ligne avec la politique de développement de la parité de genre menée par le président Fernández. Le gouvernement a donc choisi de les présenter par paire homme-femme et le choix qui a été fait est, pour une fois, historiquement justifiable. On peut toutefois regretter que Manuel Belgrano, l’intellectuel qui a conçu avant tout le monde l’indépendance argentine dès 1806 avant de se battre pour elle y d’y risquer sa vie, méritait de retrouver un billet pour lui tout seul comme son ami et compagnon d’armes, José de San Martín.

La droite se montre très critique mais ne peut pas décemment critiquer les choix qui ont été faits, surtout avec le retour de Belgrano et San Martín. Elle tire donc sur le côté : il paraît qu’il y a plus urgent pour venir en aide aux Argentins. Pour tous (à droite), le gouvernement ferait mieux de lutter contre l’inflation (comme si l’inflation réagissait à un commandement de l’exécutif, dans ce cas, ça se saurait). Pour certains, il aurait mieux valu créer un autre peso, un peso nouveau, comme De Gaulle avait créé le nouveau franc, et lui donner une valeur cent fois supérieure. Bref, passons !

Pour la photo principale, Clarín a préféré Biden au Japon
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Comme ils avaient commencé à inonder la presse de leurs récriminations dès ce week-end, le président leur a répondu dans son discours de présentation en rappelant que la monnaie nationale est un instrument de souveraineté et qu’il est essentiel d’en bien traiter les dimensions symboliques.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :



(1) Ce billet de 100 pesos va un peu bouger mais pas tant que cela. Celui représentant Julio Argentino Roca (1843-1914) a probablement fini par disparaître à l’heure qu’il est.

L’AOP reconnue en Europe et en Tunisie bénéficiera bientôt à des produits de Mendoza [Actu]

Gabriel Guardia, le patron de Laur, travaille avec des grands chefs
pour mettre en valeur ses grandes huiles d'olive


Laur est un producteur oléicole de la province de Mendoza qui a obtenu un excellent classement il y a quelques mois dans un concours international : c’était une réussite inédite pour l’Argentine. Pour la première fois de l’histoire du pays, une huile d’olive issue de son terroir se retrouvait parmi les 10 meilleures de sa catégorie dans une sélection couvrant le monde entier.

C’est à présent une autre timbale que cet artisan huilier ambitieux et adepte de la qualité artisanale est en train de décrocher grâce à un important travail réalisé au niveau de la province auprès des pouvoirs publics nationaux. Il sera l’un des producteurs autorisés à apposer sur ses bouteilles le label de qualité que le ministère national de l’Agriculture et de la Pêche argentin s’apprête à accorder à Mendoza pour quelques uns de ses plus prestigieux produits : l’appellation d’origine protégée dont l’Argentine a obtenu qu’elle soit reconnue sur les marchés européen (UE) et tunisien.

Encore une fois, Laur va réaliser une première et ce, à l’échelle du continent : jamais jusqu’à présent une huile d’olive latino-américaine n’avait eu droit d’arborer ce label qui permet de mieux valoriser la marchandise auprès du consommateur final.

Laur a déjà obtenu une distinction nationale : celle de la Marca País qui récompense les produits de haut de gamme qui font honneur à l’Argentine. L’huile Laur met en effet en valeur une variété locale typique, l’olive Arauco, que la maison assemble avec des variétés qui poussent aussi de ce côté-ci de l’Atlantique, comme la Picual et la Arbequina, bien connues des gastronomes amateurs de produits du terroir espagnol.

D’ici quelques mois, il va donc falloir aiguiser notre regard lorsque nous irons faire nos courses dans une épicerie fine ouverte sur le monde. L’huile Laur se trouvera sans doute dans ses rayons. La remise du label à la province de Mendoza devrait intervenir d’ici trente jours. Ensuite il faudra déployer l’opération (et ça va prendre un peu de temps) puis assurer la vente à l’étranger (ce qui fera encore couler un peu de sueur sur les fronts de nos amis argentins).

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire cet article de La Nación paru hier sur le site Internet dans la rubrique Campo.

Une fête à Olivos qui aura coûté bonbon [Actu]

La manifestation d'avant-hier devant la porte du domaine présidentiel de Olivos
(Il n'y avait pas grand-monde, tout de même)


Au cours de l’hiver 2020, le 14 juillet, alors qu’un stricte quarantaine régnait sur l’Argentine (et restreignait de façon draconienne la vie sociale de tout le monde), la Première dame, Fabiola Yañez, avait organisé pour son anniversaire une réception amicale et somme toute assez modeste à la résidence présidentielle de Olivos, située dans un cadre verdoyant du nord-ouest de Buenos Aires. Un lieu on ne peut plus charmant et surtout calme. Cependant tout cela était strictement interdit ! Qui plus est, les convives ne portaient pas de masques, dînaient à l’intérieur (à l’extérieur, ç’eût été impossible) et ne respectaient aucune distance de précaution, comme en attestent les photos-souvenirs de la soirée.

Parce qu’en plus, il y a eu des convives pour prendre des photos. Et de toute évidence, pas des photos volées ou prises par inadvertance, « à l’insu du plein gré » des participants. Que nenni ! Tout le monde pose et visiblement sans se poser la moindre question !

Un peu plus tard, la publication de ces clichés avait déclenché une tempête homérique dans l’opinion publique et permis à l’opposition d’en faire un immense scandale (plus sans aucun doute que ce que cela méritait) au cours d’une année où allaient se tenir les élections législatives de mi-mandat. Et la « fête à Olivos », baptisée aussi (tant qu’on y est) « Olivosgate », n’est pas pour rien dans les résultats désastreux obtenus par la majorité exécutive nationale.

Les photos ont déclenché des explications pour le moins embarrassées à la tête de l’État, pas toujours très crédibles et surtout largement dépassées par l’ampleur du battage médiatique, plus digne d’un crime avéré ou d’une dissimulation fiscale dans un compte offshore que d’une violation, certes pas très exemplaire, de règles de protection sanitaire par un petit groupe composé qui plus est de moins de vingt adultes pour la plupart dans la force de l’âge (1). De surcroît, ces personnes étaient presque exclusivement des collaborateurs(trices) habituel(e)s de la Première dame et ils étaient donc présents très fréquemment dans la résidence au titre d’un indispensable travail présentiel dans ce qui était devenu le siège du pouvoir exécutif au détriment de la Casa Rosada désertée, avec des allées et venues innombrables dus à la nature des fonctions exercées par le maître du logis. Cette poignée de proches est donc restée sur place au-delà de ses horaires de travail ou revenue à des heures inhabituelles. Conclusion : il n’y avait tout de même pas mort d’homme !

Il s’en est suivi des dépôts de plainte devant la justice surtout à l’initiative d’opposants bien contents de trouver un nonosse à ronger en cette année électorale. Après différents actes de procédure, le couple présidentiel a proposé de payer une grosse somme d’argent qui sera mise à disposition de l’Instituto Malbrán, un organisme public de recherche médicale qui a pris en charge les tests anti-covid PCR lorsque ceux-ci ont pu être mis en œuvre.

Lorsque l’accord a été connu la semaine dernière, les ténors de l’opposition sont une nouvelle fois monté aux cocotiers et certains ont même réclamé à cor et à cri que le procureur compétent attaque cet accord devant un tribunal. Mais le juge vient de ratifier la convention et l’affaire judiciaire est ainsi close, sans aucune inscription au casier judiciaire des intéressés.

Le président et son épouse se sont donc engagés à payer sous dix jours, lui, la somme de 1,6 millions de pesos et elle celle de 1,4 millions. Le tout ira financer directement la recherche médicale.

Lisez la presse de droite : vous allez voir, ils ne décolèrent pas ! Pourtant, trois millions, c’est une belle somme pour un couple, même si ces deux-là ne sont pas fauchés !

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 (journal de gauche, favorable au président)
lire l’article de La Prensa (droite catholique ultra-réactionnaire)
lire l’article de Clarín



(1) Notons qu’à peu près à la même époque à Paris, Édouard Philippe, alors Premier ministre, allait et venait dans son bureau et les salles de réunion de Matignon où il recevait toute sorte de gens sans que personne ne porte le moindre masque, même pas les gardes républicains de faction, comme l’a montré un récent et excellent documentaire filmé par un de ses « potes » (de gauche). Or le port du masque était obligatoire en intérieur !

vendredi 20 mai 2022

A Resistencia, un tribunal reconnaît un crime contre l’humanité, près d’un siècle plus tard [Actu]

L'audience publique de rendu du jugement


Le 19 juillet 1924, a eu lieu dans la province de Chaco, au nord-ouest de l’Argentine, un massacre contre les peuples originaires Qom et Moqoit. Environ 400 personnes de tous âges et des deux sexes ont été tuées. L’événement historique est connu comme le « Massacre de Napalpí » (la Matanza de Napalpí).

A cette époque, Chaco n’était pas encore une province autonome. C’était encore un Territoire, dont une bonne partie avait été arrachée au Paraguay un demi-siècle plus tôt, au terme d’une guerre terrible. A ce titre, le Chaco relevait encore directement de la juridiction nationale et donc du Gouvernement fédéral siégeant à Buenos Aires. Les crimes contre l’humanité étant de jure imprescriptibles, des magistrats nationaux en poste à Resistencia, la capitale du Chaco, ont lancé un procès pour lequel ils ont fait comparaître comme témoins des historiens spécialisés sur la question.

Le verdict a été rendu hier dans une salle de conférence de la capitale chaquègne. La présidente du tribunal a reconnu un « ethnocide » et elle a reconnu que l’État national argentin était coupable d’un crime contre l’humanité. Elle l’a condamné à des réparations, au grand soulagement des descendants des victimes qui réclamaient justice depuis un siècle. Après les faits, en effet, le massacre de ces travailleurs, l’exploitation illégale et les rackets dont ils étaient victimes de la part des maîtres des plantations cotonnières locales avaient été soigneusement dissimulées aux autorités judiciaires locales, dont le travail a été entravé, bien que les corps de certaines victimes aient été exposées comme des trophées par quelques uns des notables de la Sociedad Rural (1) qui régnaient sur ce territoire éloigné.

Le secrétariat d’État des droits de l’Homme de la Province et l’Institut de l’Indigène chaquègne s’étaient portés parties civiles. Le ministère public était exercé par un magistrat du cabinet d’instruction fédéral spécialisé dans les Droits de l’Homme.

L’État fédéral est entre autres condamné à mettre en place une éducation publique bilingue espagnol-qom (qui n’existe toujours pas y compris dans le secteur public), à établir un site mémoriel dans un bâtiment historique emblématique, à inscrire l’étude de ces événements dans les programmes scolaires et à mettre en ligne, sur un site public d’accès libre et gratuit, tous les témoignages présentés pendant le procès.

La justice nationale argentine entend ainsi instaurer un précédent international, qui a vocation à s’imposer sur l’ensemble du continent américain alors que dans un pays voisin, le Brésil, le président actuel (en fin de mandat) n’a jamais hésité à piétiner tous les droits des peuples originaires et à encourager la violence à leur égard.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :



(1) La Sociedad Rural est encore à ce jour la principale organisation patronale du secteur agricole argentin. C’est toujours un bastion de la droite. Dans les années 1920, c’était une institution très réactionnaire, surtout sur le plan social (alors que le gouvernement était à gauche depuis 1916), et ce qu’on appelle aujourd’hui le suprémacisme blanc y était généralisé.

Recensement : les résultats provisoires [Actu]

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Hier, vingt-quatre heures après le recensement physique, l’institut argentin des statistiques (INDEC) a fait connaître les premiers résultats de l’opération : il en ressort que l’Argentine compte un peu plus de 47 millions d’habitants, avec une différence très marquée entre les sexes.

Les hommes composent 47,05 % de la population générale tandis que les femmes en constitue une majorité significative (52,83%). 0,12 % des recensés se sont inscrits dans la catégorie neutre, ni homme ni femme, une possibilité offerte par une loi toute récente.

"La population a augmenté de 17,9% en 12 ans
et le pays compte désormais 47.327.407 habitants" dit le gros titre
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L’opération de recensement n’est cependant pas tout à fait close. Il a en effet fallu ouvrir à nouveau les formulaires en ligne pour des citoyens qui n’avaient pas pris le temps de se faire recenser par la voie numérique et n’ont pas pour autant reçu chez eux les recenseurs envoyés partout mercredi recueillir les données directement auprès des particuliers. Le recensement en ligne s’est fait à un peu plus de 50 % de la totalité des personnes concernées.

Il va maintenant falloir trois mois à l’INDEC pour décortiquer les données et dresser un tableau exact de la situation, province par province, ville par ville, avec répartition entre les sexes et les âges.

"Nous sommes 47.327.407, 12% de plus de femmes
par rapport aux hommes et 0,12% d'autres genres", dit le gros titre
(avec une erreur)
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Toute la presse titre ce matin sur ces résultats provisoires, à quelques jours de la fête nationale qui marquera, mercredi prochain, un nouvel anniversaire de la Révolution de Mai 1810 qui vit l’abolition du régime vice-royal sur le territoire de l’actuelle Argentine.

© Denise Anne Clavilier

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