vendredi 23 février 2024

Mileí voudrait fermer l’Institut de lutte contre les discriminations [Actu]

"Liberté pour discriminer," s'exclame le gros titre
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Le président Javier Mileí vient de signer un décret qui met fin à l’existence de l’Institut national de lutte contre les discriminations et le racisme (INADI). Il estime en effet que cet institut ne sert à rien et coûte très cher. D’après le communiqué officiel de la présidence, il compterait 400 agents incapables d’instruire les 7 000 dossiers en attente tandis qu’au cours des deux derniers mois, 2 000 d’entre eux auraient été traités de bout en bout. Ces chiffres sont sujets à caution : Mileí nous a déjà amplement démontré qu’il savait manipuler les données en fonction de ce qu’il veut leur faire dire et selon le proverbe : « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage ».

De plus, si l’institut fait mal son travail, ce qui n’est pas impossible, l’administration argentine n’étant pas toujours très efficace, il faut le réformer, l’obliger à mieux travailler puisque c’est ainsi que l’État progresse et la démocratie aussi.

Le gros titre est consacré au préavis de grève
lancé par les enseignants pour la rentrée du 1er mars
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Par ailleurs, quand on observe l’évolution de la société argentine sur la durée, depuis une vingtaine d’années, on est frappé par l’importance qu’ont prise ces questions de diversité et d’égalité de tous les habitants en dignité et en droits. Bien entendu, les débats qui agitent la société ne l’empêche pas de rester, dans les faits, rongée par les maux contraires : il y a du racisme, de la xénophobie et du chauvinisme, de l’homophobie et de la violence de genre mais la prise de conscience est très ample et les protestations s’amplifient d’année en année dès qu’un mot, un geste déplacé, une chanson insultante ou une mauvaise blague sont rendus publics. De nombreux personnages publics ont dû effacer tel ou tel tweet ou tel post sur leur mur Facebook ces dernières années ou ont dû s’excuser publiquement. Et que dire de l’émotion qui s’empare des médias lorsqu’on rapporte qu’un homme vient d’assassiner une femme de son entourage familial ou amoureux !

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Ce qui invite à penser que cet institut n’est pas si inutile que Mileí veut le croire, ce sont ces changements visibles qui se sont d’ailleurs traduits par des mesures législatives comme le mariage pour tous (dit matrimonio egalitario), la légalisation de l’IVG (IVE selon le sigle argentin) ou la lutte contre les féminicides dont le slogan Ni una menos (pas une seule qui manquerait à l’appel !) résonne dans les rues après chaque féminicide. Tout ce que Mileí vomit.

D’où ce nouveau DNU sorti de sa plume hier.

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Pour le moment, l’INADI continue toutefois d’exister et de fonctionner car un décret ne peut mettre fin à une institution mise en place par la loi. Il faudra que le Congrès en débatte et vote et quand on voit comment se comportent les deux Chambres depuis le début de la législature, on peut imaginer que cela n’ira pas de soi.

Bien entendu, la décision choque plus à gauche qu’à droite et les différents espaces qui lui sont consacrés sur les unes des journaux sont là pour en attester.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación
La Prensa a consacré un discret titre secondaire à cette affaire en pied de une mais l’article n’est pas disponible sur son site Internet, comme c’est très souvent le cas.

mercredi 21 février 2024

Une longue et chouette interview de Carla Pugliese ce matin dans La Nación [Disques & Livres]

Carla Pugliese


A l’occasion de la sortie en ligne, sur les plateformes, de son nouvel album, Volvió una noche (une nuit, elle est revenue), vendredi prochain, le 23 février 2024, la compositrice et multi-instrumentiste Carla Pugliese, digne petite-fille de don Osvaldo Pugliese, a rencontré au Teatro Tadron, dans le quartier de Palermo, Pablo Mascareño pour une interview parue ce matin dans La Nación.

Volvió una noche est un disque de cinq morceaux du répertoire, dont ce classique des classiques de Carlos Gardel qu’elle joue sur le bandonéon de Aníbal Troilo, que lui a confié la Academia Nacional del Tango, qui le conserve précieusement comme l’une des plus belles pièces de son musée. Sur (de Troilo), Nostalgía, Uno et La cara de la luna complètent le programme.

Carla Pugliese qui pratique tout dans le tango, danse comprise, s’est d’abord fait connaître comme pianiste et compositrice, comme son grand-père et sa mère, Beba Pugliese. A partir de sa formation en musique classique, elle a peu à peu élargi son éventail professionnel qu’elle a enrichi avec le bandonéon… Plus forte que Piazzolla, qui avait dû abandonner le piano après sa formation à la Cité Internationale des Arts à Paris en 1955 !


Au théâtre Tadron (photo Noelia Marcia Guevara)
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Au cours de l’interview, Carla Pugliese parle de son nouveau disque mais aussi de sa vie professionnelle, et un peu beaucoup de son grand-père, disparu en 1995, dont elle garde de tendres souvenirs.

A lire en espagnol pour découvrir une artiste attachante et accomplie puisqu’elle a su se gagner un prénom. Avec un tel patronyme, ce n’était pas donné au départ même si elle-même ne l’a jamais ressenti comme un handicap. Bien au contraire.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de La Nación (qui propose quelques morceaux de musique en vidéo intégrée)

mardi 20 février 2024

La pauvreté grandissante, Mileí s’en fiche royalement [Actu]

"Mileí : c'est un dessin, les chiffres
de la UCA sur la pauvreté", dit le gros titre
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Visiblement, malgré l’insistance du pape François sur le problème de la pauvreté en Argentine dans l’audience accordée au lendemain de la canonisation de Mama Antula, le président Mileí ne change rien. Personne ne s’en étonne, même si l’intéressé a voulu nous faire croire, l’espace de quelques heures, que la rencontre avec le Saint-Père avait été quelque chose comme son chemin de Damas.

Mais non ! Hier, il a réalisé son premier voyage officiel dans le pays. Il s’est rendu dans la province de Corrientes à l’invitation d’un cercle libertaire passablement obscur et d’autant plus désireux de faire du bruit autour de son dixième anniversaire.

"Très dure critique de Mileí au Congrès :
il le qualifie de "nid de rats", dit le gros titre
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Mileí est monté sur scène pour donner une conférence, comme lorsqu’il était paneliste de talk-show à la télévision. Comme il le fait matin, midi et soir sur les réseaux sociaux, il en a profité pour insulter sans retenue tous ceux qui ne pensent pas comme lui et qui lui opposent un tant soit peu de résistance : le Congrès a été traité de « nid de rats », rien que cela !, une chanteuse populaire qu’il a prise en grippe sans qu’on sache pourquoi a eu droit à quelques nouveaux remugles d’égout bien sentis et il a rejeté comme information non pertinente les chiffres de la pauvreté donnés avant-hier par le directeur de l’Observatoire de la Dette sociale de la UCA, qui appartient à l’Université catholique d’Argentine placée sous l’autorité de l’archevêque de Buenos Aires.

Le gros titre est consacré à l'invasion de moustiques
qui empoissonne la vie à Buenos Aires en ce moment
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Le sociologue a indiqué des pourcentages effrayants : en janvier dernier, la pauvreté concernerait 57,4 % de la population, soit 27 millions de personnes.

Selon Javier Mileí, par ces déclarations, la UCA ne cherche qu’à faire des graphiques pour faire joli. Il faut noter que l’université est actuellement fermée pour les vacances et que le rapport qui officialisera ces chiffres n’est pas encore disponible sur son site Internet.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
sur les données de la UCA (articles publiés hier)
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
sur les déclarations du président (articles publiés aujourd’hui)
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación


Ajout du 21 février 2021 :

jeudi 15 février 2024

Inflation : le premier rapport 100 % Mileí [Actu]

La seule une à traiter le sujet.
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Hier, l’INDEC, l’institut national des statistiques (qui n’est pas encore privatisé mais qui a déjà connu des suppressions de postes !), a publié ensemble ses deux rapports mensuels qui permettent d’évaluer le niveau de vie des Argentins : l’indice des prix à la consommation (IPC) et les seuils de pauvreté et d’indigence mesurés à travers deux paniers (canastas) d’achats de première nécessité. Jusqu’à présent, une semaine environ séparait les deux documents.

Synthèse générale de l'inflation
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Selon l’INDEC, en janvier, le premier mois complet du gouvernement de Javier Mileí, les chiffres sont inférieurs à ceux du mois de décembre mais ils restent affreusement hauts. Il est trop tôt pour se réjouir avec le gouvernement argentin qui affirme déjà que l’inflation baisse. Pour le moment, on ne peut observer que le ralentissement du rythme de sa hausse sur un seul mois.

Et pour une fois, les unes des journaux s’y intéressent fort peu : les rédactions ont préféré se pencher les unes sur les trente pages de propositions et de critiques acerbes contre Mileí publiées hier par Cristina Kirchner, qui fait ainsi une tonitruante rentrée politique malgré sa privation de tout mandat, les autres sur les négociations que, sitôt rentré de Rome, Mileí s’est finalement résolu à envisager avec Mauricio Macri afin de trouver l’accord de gouvernement qui lui fait terriblement défaut avec sa pauvre trentaine d’élus au Congrès (même pas tous d’accord).

Tableau synthétique des variations
dans le temps et dans l'espace
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Il n’empêche que pour le mois de janvier, le taux moyen d’inflation nationale a été évalué à 20,6 % et pour les douze derniers mois à 254,2 % l’an.

Comme d’habitude, ces chiffres cachent des écarts impressionnants au niveau des différentes régions. C’est en effet la Patagonie qui subit la pire inflation : 60,6 % en un seul mois pour les soins esthétiques (dont la coiffure) pendant que l’éducation est le poste de dépense qui n’a presque bougé nulle part dans le pays. Ce qu’il faut toutefois tempérer. Depuis Noël, ce sont les grandes vacances d’été : les stratégies d’achat des fournitures scolaires dans la région de Buenos Aires où on s’est précipité depuis les banlieues sud (populaires) sur le quartier de Once pour trouver cahiers et crayons dès le début des vacances et profiter des prix bas pratiqués par les magasins low-price du quartier. Le poste de dépense des transports publics a déjà connu une montée de prix très visible et avec la suppression soudaine des subventions nationales décrétée par Mileí il y a quelques jours, ce poste est en train de faire un bond que l’on verra sans doute sur le rapport sur février.

Synthèse des variations dans les régions argentines
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Avec de tels chiffres en janvier, on peut se douter que les seuils de pauvreté et d’indigence se sont pris plusieurs degrés dans la vue. C’est ainsi que le panier de produits alimentaires (sans service) qui mesure l’indigence a augmenté de 18,6 points sur janvier et celui des vivres et services, qui mesure la pauvreté, a pris 20,4 points supplémentaires par rapport au 31 décembre. Le rapport entre les deux s’inverse lorsqu’on considère les taux cumulés sur douze mois : 296,4 % d’inflation pour les plus démunis et 264,9 % pour les autres. On devine sans peine que les personnes concernées n’ont pas vu leurs revenus s’élever au même rythme. La pauvreté a donc dû fortement augmenté dans le pays.

Synthèse générale des deux paniers,
à gauche, le panier alimentaire
à droite, le panier vivres et services
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Au début du mois, le président a annoncé qu’il serait satisfait si le taux d’inflation de janvier était inférieur à 25 %. Il a donc gagné mais il se contente de peu, cet homme.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

sur l’inflation
lire l’article de Página/12
lire le rapport de l’INDEC (téléchargeable comme d’habitude en pdf)
sur les seuils de pauvreté et d’indigence
lire l’article de Página/12
lire le rapport de l’INDEC

lundi 12 février 2024

Santiago del Estero et Rome en fête [Actu]

Le président et sa sœur (derrière lui à sa droite) tentent de se signer
pendant la messe de canonisation
Seul le ministre Francos (à droite) semble savoir le faire correctement
Photo Clarín
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Dans la presse argentine de ce matin, la canonisation de la première sainte du pays hier dans la basilique Saint-Pierre se trouve reléguée au second plan par la rencontre entre le président Mileí, d’extrême-droite anti-sociale, homophobe, machiste et anarcho-capitaliste (le mot est de lui), et le pape François, Argentin et militant pour des politiques d’ouverture morale et de redistribution sociale, en faveur par conséquent d’un État qui établisse la justice économique. Tout ce que Mileí exècre.

"L'électricité en panne. Les factures, non", dit le gros titre
En haut, la photo que toutes les rédactions ont retenue
de la rencontre entre Mileí et le pape en fin de cérémonie
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C’est pourtant une haute figure historique (1) qui a été canonisée hier : Mamá Antula (1730-1799), née dans une grande famille descendant d’un consquistador venu du Pérou pour fonder Santiago del Estero, dans l’actuel nord-ouest du pays, a relevé en Argentine et dans l’actuel Uruguay la spiritualité ignatienne disparue après l’expulsion des jésuites de toutes les terres du roi d’Espagne en 1767. Elle, femme, renonçante, bilingue espagnol-quechua, ayant plus d’une fois dû combattre les réticences de plusieurs évêques que le courage n’étouffait pas, a réinstauré la pratique des exercices spirituels de saint Ignace, notamment à Buenos Aires où existe toujours, sur Avenida Independencia, la maison des Exercices qu’elle a fait bâtir pour y réunir toute la société coloniale de la ville et de ses environs dans les retraites qu’elle organisait et animait.

Photo souvenir : Mileí avec son geste emblématique (très chic, non ?)
à droite, la ministre du "Capital humain"
à gauche, le chef de gouvernement de la Ville de Buenos Aires,
un cousin de Mauricio Macri (digne, lui)
Derrière l'homme au centre, on reconnaît la chevelure blonde
de Karina Mileí, l'inénarrable sœur du président.
Photo Clarín
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Une maison des Exercices qui a accueilli pendant plusieurs années tous les révolutionnaires qui allaient mettre fin à l’Ancien Régime, le 25 mai 1810, et lancer le processus historique menant à l’indépendance. C’est elle qui les a formés sur le plan religieux.

"[Ils] s'entendent très bien", dit le gros titre
en citant les commentaires du président à la sortie de la messe
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Outre l’indéniable dimension spirituelle de cette femme exceptionnelle dont la sainteté était déjà connue et reconnue de son vivant, c’est aussi la figure prérévolutionnaire sur laquelle les chercheurs se penchent de nos jours. Son action a en effet été l’un des tout premiers signes de la distance politique qui grandissait alors entre l’Espagne des Lumières, grande puissance impériale, et la colonie qu’était alors le bassin du Río de la Plata qui aspirait de plus en plus à la souveraineté des côtes de l’Atlantique jusqu’au pied des Andes.

Le gros titre porte sur la politique intérieure :
après l'échec de sa loi au Congrès, Mauricio Macri
tente de s'emparer d'un gouvernement qui ne fonctionne pas
mais il tombe sur un os : Mileí qui ne le laisse pas faire.
En dessous : les photos du grand cirque
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Dans les journaux, les nouvelles singeries (2) de Javier Mileí (3) hier matin dans la basilique, imité par sa frangine, dont le speaker du Vatican a cru qu’elle était sa femme (4), et quelques autres accompagnants (mais pas tous toutefois), éclipsent aujourd’hui la figure de la nouvelle sainte.

"Un geste fort entre le pape et Mileí
avant leur première rencontre officielle", dit le gros titre
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Serait-il permis, en passant, d’émettre l’hypothèse, certes saugrenue, je le confesse, que, comme il s’agit d’une femme et non d’un homme, la presse argentine a pu aggraver le déséquilibre du traitement qu’elle entendait réserver d’une part à la cérémonie et ses multiples significations religieuses et historiques et d’autre part à ces à-côtés institutionnels, diplomatiques et tout aussi grotesques que la crise de larmes au pied du Mur des Lamentations la semaine dernière ?

A nouveau, le ministre Francos (issu du PRO de Macri) est le seul
à se tenir dignement sans faire semblant.
Il est là à titre officiel, pas en qualité de pèlerin
Photo Clarín
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Il faut croire que le Saint-Siège n’est pas tout à fait l’aise avec tout ce cirque présidentiel au-dessus de la tombe de saint Pierre car son service de communication n’a pas tardé à livrer au public la vidéo des embrassades entre le pape (en fauteuil roulant) et le président avec le son de leur dialogue que les téléspectateurs du direct n’ont pas entendu dimanche matin. On peut clairement y constater que l’initiative de toute cette comédie est venue de Mileí et de lui seul, François ne faisant que lui répondre en y mettant toute la chaleur humaine qu’il montre systématiquement lorsqu’il rencontre quelqu’un qui l’a gravement insulté (et en la matière, Mileí a fait très fort pendant sa campagne électorale avant de changer de braquet d’un seul coup d’un seul après son élection).

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 (le seul journal à s’intéresser à l’humble petit village où la sainte est née en 1730 et qui hier a fait une des plus belles fêtes de ces trois derniers siècles)
lire l’article principal de La Prensa sur la canonisation (le seul journal à s’y intéresser un tant soit peu, c’est normal : c’est le journal de la « Vieille Argentine », catholique et réactionnaire)
lire l’article principal de Clarín (généreuse galerie de photos en ligne comme d’habitude)
lire l’éditorial (excédé) de La Nación devant ce président éruptif et incohérent, qui laisse en permanence ses émotions prendre le dessus sur toute réaction un tant soit peu réfléchie et responsable.




(1) C’est à ce titre que je me suis assez longuement étendue sur la vie et l’action de cette femme dans la biographie que j’ai consacrée à Manuel Belgrano (1770-2820) aux Éditions du Jasmin : Manuel Belgrano, l’inventeur de l’Argentine. La nouvelle sainte a joué un rôle certain dans la vie spirituelle et la formation de la pensée politique et sociale du général qui a donné à l’Argentine ses frontières nord actuelles (restées presque à l’identique depuis) et son drapeau national.

(2) Après le bazar à Jérusalem pour se faire passer pour un pieux juif observant, voilà maintenant toute la panoplie des génuflexions catholiques et autres signes de croix, sans oublier, à l’intérieur d’une église consacrée, le selfie tête baissée avec ses accompagnants comme aurait fait une bande d’ados dissipés et mal élevés ! Quel manque de dignité pour un chef d’État !
(3) Sans parler aujourd’hui du cadeau qu’il a fait au Saint Père à l’occasion des échanges diplomatiques et symboliques qui accompagnent toute visite officielle de chef d’État à chef d’État : le fac-similé d’une lettre historique, un exemplaire de l’édition philatélique de Correo Argentino sortie à l’occasion de la canonisation (tiens donc ! Un service public du courrier, cela sert donc à quelque chose !) et surtout une boîte d’alfajores industriels, à l’avant-veille du Carême en prime ! (Les alfajores sont des petits gâteaux traditionnels argentins, c’est ultra-gourmand mais c’est très commun lorsque ça sort d’une usine : en Argentine, ces produits inondent les magasins des aéroports et des boutiques de souvenirs pour touristes).
(4) Il faut dire qu’en public, tous les deux s’affichent ensemble comme s’ils étaient mariés. Avant-hier, au Colisée, ils ont posé ensemble pour la photo souvenir (et franchement, si vous n’êtes pas au courant qu’ils sont frère et sœur, je vous mets au défi d’y voir autre chose qu’un couple en bonne et due forme). Ce matin, ils ont remis le couvert lors de l’audience pontificale, où ils ont osé poser tous les deux seuls, l’un à la gauche et l’autre à la droite du pape, ce que font traditionnellement les couples présidentiels, princiers et royaux reçus dans le cadre de ce même protocole diplomatique… Inouï ! Elle usurpe la place d’un ministre ou d’un ambassadeur !
Pardon, j’avais oublié : actuellement, c’est le carnaval en Argentine. Ceci expliquerait-il cela ?

jeudi 8 février 2024

La loi est morte. Vivent les décrets [Actu]

"La défaite n'a pas de père (ni de mère)",
dit le gros titre sur ce schéma
où chacun dit que le responsable "c'est lui/elle"
tout en haut : la frangine du président
qui est aussi la Secrétaire-générale de la Présidence
et fait office de Première dame.
En haut : un condamné pour crime contre l'Humanité
a fait la fête avec les siens pour fêter sa remise en liberté
La vice-présidente est partisane d'une amnistie générale
pour tous ces condamnés
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Hier, pendant que Javier Mileí en faisait des tonnes à Jérusalem pour s’aligner sur le gouvernement Netanyahu, en pure perte puisque l’Argentine est un poids-plume dans la diplomatie et l’opinion publique israéliennes, surtout sous l’autorité d’un Premier ministre aussi contesté que celui-là, à Buenos Aires, le gouvernement argentin a fait savoir que la loi Omnibus ne reviendrait pas dans l’hémicycle. C’en est donc fini de ce machin fourre-tout (c’est le sens de ce surnom d’Omnibus) qui menaçait entre autres tout le secteur non-marchand (santé, culture, éducation, recherche.., bref tout ce qui fait que l'Argentine tient debout et qu'elle pourrait développer un peu d'attractivité et de soft-power).

"La loi Omnibus est morte", annonce le gros titre
En-dessous, Mileí à Yad Vachem
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Furieux de cette défaite parlementaire dont, après deux ans passés à la Chambre comme député, il serait surprenant que Mileí ne l’ait pas vu venir, celui-ci entend maintenant tenir ses promesses : en cas d’échec de la loi, il avait en effet menacé de gouverner par ces ordonnances que la constitution argentine appelle des DNU (décrets de nécessité et d’urgence). Instruments juridiques qui ne peuvent pourtant constituer qu’une modalité exceptionnelle de gouvernement et qui n’exemptent aucunement l’exécutif des débats parlementaires. La Casa Rosada a de plus fait savoir hier qu’elle ne déposerait plus aucun projet de loi cette année au Congrès !

"Mileí renverrait de hauts-commis de l'Etat
liés à des gouverneurs et aggraverait la politique d'austérité",
avance le gros titre
En-dessous : à droite, la rencontre de Mileí et Netanyahu
à gauche : le président de gauche chilien Gabriel Boric
étreint la veuve de son adversaire de droite,
l'ex-président Piñera à l'aéroport de Santiago
où le corps vient d'arriver pour les funérailles d'Etat.
La légende de la photo le présente comme un modèle à suivre
(ce qui est rare : l'Argentine a plutôt tendance à mépriser le Chili
et Clarín à mépriser les dirigeants de gauche)
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Mileí, qui professe son admiration pour Alberdi, l’auteur de la constitution (1853), dont il veut le visage sur un futur billet de banque, montre que ce texte fondateur lui importe à peu près autant que sa première paire de chaussettes. La loi Omnibus, a-t-il fait savoir, il n’en a plus rien à faire. Donnant une énième preuve de la confusion de sa ligne politique et de ce qui ressemble de plus en plus à une instabilité psychique façon Trump, le voilà qui menace maintenant les gouverneurs et parle de révoquer le directeur qu’il vient de nommer à la tête de la Sécurité sociale argentine sous prétexte qu’il l’aurait trahi parce que sa femme (celle du directeur), qui est députée, a voté contre la loi.

"Après l'échec de la loi, Mileí rompt avec
les gouverneurs et procède par décret", dit le gros titre
En-dessous : "La douleur unit le Chili.
Boric serre les Piñera dans ses bras"
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De surcroît, ses mômeries jérusalémites, au pied du Mur avant-hier comme dans le bureau de Netanyahu hier, lui ont valu à la télévision israélienne les moqueries des humoristes locaux, qui raillent sa veulerie, sa grossièreté et son éternel blouson de cuir noir de rocker démodé, tandis que, dans certaines institutions juives en Argentine, commencent à monter des critiques acerbes contre ce chef d’État qui affiche un judaïsme de pacotille très rétrograde et qui manipule sans vergogne la religion, ses pratiques et ses symboles en vue d’épouser l’idéologie identitaire, suprémaciste et messianique de l’extrême-droite israélienne, celle-là même qui attise le conflit au Proche-Orient et dont les enjeux politiques n’ont rien à voir avec l’Argentine, y compris pour ses citoyens qui revendiquent leur confession ou leur culture juives.

En attendant, au Congrès, les parlementaires libertaires tâchent de se lancer à présent dans une autre bataille : celle de l’abrogation du récent droit à l’IVG (IVE en Argentine).

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 sur la crise gouvernementale
lire l’article de Página/12 sur les sketches de la télévision israélienne (les vidéos sont intégrées à l’article)
lire l’article de Página/12 sur les réactions des juifs de gauche en Argentine
lire l’article de La Prensa
lire l’article de La Nación
Les articles de Clarín sont tous réservés aux abonnés.

mercredi 7 février 2024

Le nouveau disque de Guillermo Fernández [Disques & Livres]

"D'aujourd'hui et de toujours", dit le titre
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Le chanteur et compositeur Guillermo Fernández vient de sortir un nouveau disque composé des tangos qu’il avait envie de chanter depuis toujours.

El cantor de tangos rassemble dix chansons dont quatre qu’il a signées.

Jaquette du disque

Il est accompagné par un orchestre à l’ancienne de seize musiciens, ce qui est devenu rare par les temps qui courent.

A cette occasion, Guillermo Fernández donne une interview à Página/12 qui le porte toujours aux nues (non sans raison : c’est un grand artiste). Il fait la une des pages culturelles du quotidien.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

La loi Omnibus essuie son premier échec parlementaire [Actu]

Jeu de mots habituel à la une de ce journal :
"Milei sans loi", dit le gros titre
en laissant croire que le président pleure sa défaite parlementaire
En fait, il s'est effondré au moment où il touchait de ses propres mains
le Mur des Lamentations à Jérusalem.
La délégation argentine s'est donnée en spectacle
au pied du Mont du Temple pendant la visite officielle
parce que ce président pratique la confusion des genres.
Il rêve de se convertir au judaïsme Loubavitch
dans un pays où les autorités rabbiniques ne reconnaissent aucune conversion
et alors que sa vie personnelle est aux antipodes de cette interprétation
très rigoriste et fondamentaliste de la religion mosaïque
Le gros titre se lit aussi comme : Sans "lei", [ça devient] "Moi, je"
( en espagnol)
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La loi Omnibus, qui comptait au départ 614 articles, dont la constitutionnalité n’est pas toujours acquise, avait passé le premier barrage de la Chambre des Députés vendredi. Les parlementaires avaient en effet accepté de débattre de son contenu article par article. Une lecture qui a commencé hier avant de s’interrompre dans la journée.

"La Patrie Populiste a bloqué les réformes au Congrès",
dit le gros titre en haut
"Politique et foi" dit le gros titre secondaire
sur cette photo un peu plus digne du président argentin
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"Le gouvernement fait marche arrière avec la loi Omnibus
et accuse les gouverneurs de trahison", dit le gros titre
En-dessous : le président et son rabbin-conseil
qu'il a nommé ambassadeur en Israël éclatent
tous les deux en sanglots devant le Mur du Temple de Salomon :
"Larmes de Mileí et un soutien total à Israël"
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En effet, à cause de manœuvres partisanes tactiques devant l’absence de majorité requise pour faire passer le moindre article, la loi quitte l’hémicycle et retourne en commission où elle va à nouveau être disséquée. Les opposants espèrent qu’elle va en être vidée de son sens. Les manifestants, aux alentours du Congrès, en ont dansé de joie tandis que le président enrageait, là-bas, à Jérusalem, où il fait sa première visite officielle, où il mélange tout, sa vie personnelle, ses fantasmes confessionnels et la diplomatie de son pays, et où il vient d’annoncer qu’il allait déménager l’ambassade de Tel Aviv à cette « capitale » que le droit international ne reconnaît pas comme telle.

"Dure défaite du gouvernement : la loi
Omnibus se casse la figure au Congrès", dit le gros titre
En-dessous : L'Ambassade à Jérusalem : un geste diplomatique fort"
sur cette photo où le président et son ambassadeur
manquent pour le moins de discrétion
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© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :