mercredi 29 décembre 2021

Le Museo Histórico del Norte expose une relique [à l’affiche]

Un objet émouvant.
On devine encore la présence des couleurs nationales bleu ciel et blanc
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(photo Xavier Martín)


Le Museo Histórico del Norte  ça se traduit tout seul‑est un ensemble de musées nationaux situés dans la province de Salta (nord-ouest, presque à la frontière avec la Bolivie au nord et le Chili à l’ouest).

Celui qui se situe au plein cœur historique de la capitale provinciale et qui occupe le bâtiment du cabildo colonial (l’hôtel de ville d’Ancien Régime) expose depuis quelques mois une relique du gouverneur légendaire de l’époque indépendantiste : Martín Miguel Güemes dont on célébrait cette année le bicentenaire de la disparition.

Le coin de l'exposition
avec ce tableau à l'image mythique et ce sol à dalles de terre cuite
si emblématique des bâtiments de l'époque coloniale
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(photo Xavier Martín)

Il s’agit d’un des bicornes du héros, une coiffe qui appartenait à son uniforme de cérémonie, qu’il utilisait dans les grandes occasions civiles et militaires. L’objet a été longuement restauré avec grand soin et il est maintenant présenté dans une vitrine protectrice à côté d’un tableau iconique (bien qu’il date de 1912), qui montre Güemes partant à l’assaut de l’ennemi à la tête de ses gauchos (sa cavalerie de paysans locaux), une des grandes fiertés de la province.

Il n’existe pas de portrait de Güemes de son vivant. Sa représentation a donc été fantasmée par quelques artistes qui lui ont donné, pour les besoins de la mémoire politique et ceux des enseignants de l’école obligatoire depuis 1883, un visage désormais adopté par tout le monde (mais peut-être très différent de la réalité historique).

La conservatrice et la restauratrice posent devant leur travail
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(photo Xavier Martín)

Ce matin, La Nación consacre un long article, abondamment illustré de très belles photographies, à cet objet qui devrait désormais attirer à Salta de nombreux touristes de tout le pays, même si, pour l’heure, le variant omicron, qui prend ses aises aussi dans l’hémisphère sud, entrave une nouvelle fois les allers et venues entre les différentes régions du pays et gâchent déjà le début des vacances d’été.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

En octobre, la reprise de la consommation s’est maintenue [Actu]

Synthèse générale de la consommation
dans les centres commerciaux en octobre
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Octobre 2021 est le quatrième mois consécutif pour lequel l’INDEC, l’institut national de statistiques argentin, relève une reprise de la consommation en grande surface (super et hypermarchés) et dans les centres commerciaux, lesquels, contrairement aux premiers, ont été fermés pendant une bonne partie de l’année dernière.

Synthèse de la consommation en grandes surfaces
en octobre - Cliquez sur l'image pour une haute résolution

A prix constants, pour ce mois, les supermarchés enregistrent 5,2 % de chiffre d’affaires supplémentaire (en prix courants, le taux est nettement supérieur à celui de l’inflation sur 12 mois glissants). Dans les hypermarchés, la remontée est un peu plus modeste (4%), peut-être parce que comme ailleurs dans le monde, le modèle est en train d’atteindre ses limites.

La répartition de la consommation en hypermarché
Un seul problème de traduction : almacén veut dire "épicerie"
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Pour les centres commerciaux, qui sont très inégalement répartis sur le territoire, la plupart se trouvant autour de Buenos Aires (CABA et GBA en jargon géo-administratif) et un peu autour de Rosario (mais beaucoup moins) tandis qu’ils n’existent quasiment pas en Patagonie, les chiffres résument la situation qui ne nécessite aucune comparaison dans les graphiques (le texte en fait une avec les chiffres depuis janvier 2020, le confinement étant intervenu à la mi-mars).

Répartition de la consommation en supermarché
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Une certaine reprise existait donc déjà bel et bien au moment où les élections de mi-mandat se sont tenues et ce, même si le taux de pauvreté ne cesse de grimper de mois en mois et que par conséquent, l’amélioration constatée par l’INDEC ne concerne sans doute qu’une partie de la population, à peine plus de la moitié des Argentins et résidents étrangers dans le pays.

Répartition des achats par familles de produits
et par région, en centre commercial
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© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lundi 27 décembre 2021

Quand un ministre argentin se désolait de ne pas disposer d’une police politique contre les syndicats [Actu]

"Si moi, je pouvais disposer d'une Gestapo
pour en finir avec les syndicats, je m'en servirais", cite le gros titre
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Marcelo Villegas était le ministre du Travail de la Province de Buenos Aires lorsque María Eugenia Vidal en était la gouverneure. De métier, c’est un avocat spécialisé dans le droit du travail.

Une vidéo vient d’être découverte : elle révèle que le 15 juin 2017, lors d’une réunion du ministère du travail avec des représentants du patronat des travaux publics, qui s’est tenue dans les locaux d’une banque publique, le Banco Provincia, à La Plata, la capitale provinciale, ce ministre avait ouvertement regretté de ne pas disposer « d’une Gestapo, une police violente, pour en finir avec tous les syndicats ».

Ces propos ont été tenus en pleine démocratie par un ministre d’un État fédéré constitutionnel, une province argentine. Ils ont été suivis par d’autres déclarations des mêmes représentants des pouvoirs publics provinciaux participant à la réunion : ils expliquent à leurs interlocuteurs qu’ils disposent d’une entente avec la justice, aux niveaux local et national, pour compromettre dans des affaires montées de toutes pièces les acteurs du secteur syndical des travaux publics afin de les écarter grâce à des condamnations judiciaires.

Cette vidéo a été découverte dans les archives du contre-espionnage argentin qui subit depuis la prise de fonction du président actuel un très long audit qui ne cesse de révéler les effarantes modalités gouvernementales de l’ancienne majorité de droite, placée sous l’autorité de l’ex-président Mauricio Macri. C’est au cours du même audit qu’ont été découvertes les écoutes illégales réalisées contre notamment les membres des familles des sous-mariniers du ARA San Juan, perdu en mer en cours de mission, qui font actuellement l’objet d’une instruction pénale dont Macri tente de s’extraire par tous les moyens.

Bien entendu, en ce lendemain de long week-end, cette information n’est relayée que par Página/12 qui incorpore dans son article les extraits de vidéo en question.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :


Ajouts du 28 décembre 2021 :
Le gouvernement argentin
porte l’affaire devant les tribunaux et cette fois-ci, La Nación en dit un mot pendant que Página/12 refait sa une sur le sujet.
Pour aller plus loin :
lire l’article principal de Página/12 (ils sont plusieurs dans l’édition d’aujourd’hui)
lire l’article de La Nación

La une d'aujourd'hui met en relief
le rôle joué par Macri dans la tentative d'éliminer les syndicats
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Ajouts du 29 décembre 2021 :
Le Congrès s’empare de l’affaire et lance une commission bicamérale pour enquêter sur les faits et gestes de certains fonctionnaires du contre-espionnage (qui auraient agi de leur propre chef, prétendent les hommes politiques de droite qui se risquent à tenter de justifier l’injustifiable) et les agissements de deux magistrats soupçonnés d’avoir initié les magouilles judiciaires destinées à compromettre les syndicalistes.
Pour aller plus loin :
lire l’article principal de Página/12
lire l’éditorial de Página/12 dont l’illustration montre toute l’ampleur de l’ignorance argentine sur ce qu’était vraiment la Gestapo (l’image est tirée d’un film et montre un officier de la Wehrmacht et son chauffeur)
lire l’entrefilet de La Prensa sur les excuses que devant l’ampleur du scandale, et ce malgré l’été et les fêtes, Marcelo Villegas s’est résolu à présenter publiquement (il s’agit d’ailleurs plus d’un déni lâche et cousu de fil blanc que d’excuses à proprement parler)
lire l’article de La Nación sur les commentaires du président après la publication des vidéos

Un gros titre qui n'a pas besoin de traduction
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Ajouts du 30 décembre 2021 :
La justice ordonne des perquisitions à La Plata et à Buenos Aires. Enquêtes journalistiques et instructions nourrissent déjà le dossier et apportent des indices de l’implication de Mauricio Macri dans les tentatives d’intimidation contre les syndicalistes. Ce dernier semble avoir décidément fait un usage bien antidémocratique des services de l’État. Une nouvelle inculpation ne surprendrait personne dans les semaines à venir.
Pour aller plus loin :
lire l’article principal de Página/12
lire l’article de La Nación qui dénonce enfin vraiment l’affaire, tout en s’efforçant d’en sous-estimer l’ampleur et d’en faire porter la responsabilité ultime à la majorité présidentielle qui radicaliserait le débat partisan dans la démocratie argentine !

"La "Gestapo" est née dans le palais présidentiel", dit le gros titre
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Ajout du 31 décembre 2021 :

Les deux principales centrales syndicales se portent partie civile.
Pour en savoir plus :
lire l’article de Página/12

"Un plan systématique pour détruire les syndicats", dit le gros titre
reprenant les termes des constitutions de partie civile
Dans les jumelles de Macri, les sigles des deux organisations plaignantes
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Ajout du 3 janvier 2022 :
lire cet article de Clarín qui analyse la situation politique fâcheuse de María Eugenia Vidal après la découverte du scandale impliquant au premier chef l’un de ses ministres.

Ajouts du 12 janvier 2022 :
La procureure en charge de l’affaire a demandé l’inculpation de María Eugenia Vidal dans le cadre de son mandat de gouverneure. Sur le champs, on a pu observer des efforts de différentes personnalités à droite pour faire dépayser l’instruction au bénéfice du tribunal fédéral situé à Buenos Aires même (Comodoro Py), réputé plus favorable à la droite que les autres tribunaux de même niveau installés hors de la capitale fédérale. En l’occurrence, les tribunaux compétents sont ceux du ressort territorial de la province de Buenos Aires où les faits ont eu lieu.
Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín

vendredi 24 décembre 2021

Archivo Piazzolla, de Carlos Kuri, le dernier ouvrage du centenaire [Disques & Livres]


C’est un livre original que vient de publier les presses de la Universidad Nacional de Rosario : Archivo Piazzolla d’un des meilleurs connaisseurs de ce grand artiste dont on célébrait en mars dernier le centenaire de la naissance : Carlos Kuri.

Il s’agit d’un parcours de Astor Piazzolla à l’aide d’articles de journaux du monde entier tout au long de sa carrière internationale.

Il y a quelques jours, Página/12 consacrait un article de son supplément culturel quotidien à une assez longue interview de l’auteur. A lire pour finir en beauté ce Centenaire Piazzolla qui aura pu surmonté partiellement la crise sanitaire pour se déployer dans le monde entier.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

Le FMI reconnaît l’irrégularité du prêt accordé à l’Argentine [Actu]

Le gros titre d'hier se passe de traduction.
Même le jeu de mots se comprend
et Christine Lagarde en prend pour son grade !
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A la suite d’une enquête interne, qui a donné lieu à un rapport public de 135 pages, conduit par un expert norvégien, le FMI vient de reconnaître qu’il n’aurait jamais dû accorder à l’Argentine le méga-prêt qu’il lui a fait à la mi-2018 à la demande du président d’alors, Mauricio Macri, appuyé par un certain nombre d’alliés politiques en mesure de peser sur l’institution ailleurs dans le monde.

Rien sur la une de La Prensa hier
A la place du rapport, la mention du quota de remboursement
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Un prêt qui par ailleurs a été contracté par l’Argentine en extrême urgence, sans débat ni vote au Congrès, ce qui contrevient à la constitution nationale. Sans tentative non plus de restructurer la dette pour éviter l’insolvabilité nationale. Une légèreté certaine dans le chef d’un homme d’État qui a laissé une dette écrasante derrière lui et en joue aujourd’hui contre le gouvernement qui lui a succédé.

Clarin préfère mélanger les deux
"Le gouvernement [au lieu de l'Argentine] a payé
1.855 millions de dollars US et le FMI
a émis une critique contre Macri"
"Une" critique... c'est pas bien méchant !
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Pour couronner le tout, ces sommes démentielles ont servi à payer des entreprises privées qui ont ensuite abandonné le pays, ce qui est exactement l’inverse de ce pourquoi le FMI est censé intervenir auprès des États membres en difficulté. Le rapport reconnaît aussi que le FMI n’a pas prêté l’attention qu’il aurait fallu à l’emploi qui allait être fait de cet argent. L’Argentine est à présent écrasée sous une dette impossible à rembourser, qui empêche, crise sanitaire aidant, le gouvernement de mener la politique d’investissement et de développement promise par Alberto Fernández, démocratiquement porté à la présidence en octobre 2019 (après une élection incontestable) pour une prise de fonction le 10 décembre suivant, soit trois mois avant que la pandémie atteigne l’Argentine alors en pleine rentrée australe, au mois de mars.

"Evaluation critique du FMI sur le prêt fait
au gouvernement de Macri"
Remarquez là aussi la confusion entre l'Etat et le gouvernement
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Les journaux de droite sont passablement discrets sur le sujet, à moins qu’ils n’en fassent une analyse ambiguë, tandis que Página/12 en fait sa une hier et aujourd’hui (1). Si ce rapport était sorti avant les élections de mi-mandat, la défaite de l’actuelle majorité n’aurait peut-être pas eu lieu. En tout cas, elle aurait été de bien moindre ampleur avec des électeurs informés des tenants et des aboutissants sur la dette et l’inflation qu’elle entraîne (2). Pour la énième fois, il y a de quoi se demander à quel jeu malsain pour la démocratie joue le FMI.

La une d'aujourd'hui avec un jeu de mot
qui se passe de traduction
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Diverses instances en Argentine demandent à présent que ce rapport soit versé au dossier de l’instruction judiciaire qui implique Mauricio Macri à la suite de cet endettement anticonstitutionnel, d’autant qu’il est soupçonné d’avoir aussi favorisé la fraude fiscale et l’évasion de capitaux de certains membres de son cercle politique et financier quand il était aux affaires, ce qu’il admet d’ailleurs à demi-mot, non sans cynisme, dans ses interviews récentes (3). C’est lui-même qui avait révélé il y a quelques semaines que l’argent du FMI, dont on cherchait vainement depuis deux ans dans quoi il avait bien pu être investi, avait en fait servi à rembourser des entreprises étrangères qui souhaitaient alors cesser leurs activités en Argentine. Et Macri ne voit pas où est le mal !

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire l’article principal de Página/12 hier
lire l’article principal de Página/12 aujourd’hui
lire l’article de La Prensa aujourd’hui
lire l’article de Clarín du 22 décembre
lire l’article de La Nación du 22 décembre (il s’agit d’une mise à jour Internet après 20 h et non repris comme tel dans l’édition papier du lendemain) (4)



(1) En ce qui concerne La Nación, l’article de une d’hier n’apparaît plus en tant que tel sur le site du journal. Or ce quotidien vient de se faire épingler vertement par l’archevêque de La Plata pour avoir dénaturé ses propos et avoir prétendu, à partir d’une interprétation erronée de ces derniers, que l’Église (dans son ensemble) s’opposait à la mise en place du passe vaccinal, ce qui est faux (elle n’a tout simplement pas les moyens logistiques d’assurer ce contrôle et ne peut pas, par nature, empêcher un fidèle, même non vacciné, de participer à une messe. Elle demande donc à l’État de se charger du contrôle s’il souhaite l’imposer).

(2) Actuellement, le pays risque d’être complètement bloqué. L’opposition vient en effet d’obtenir le rejet du budget 2022, à la grande joie de Mauricio Macri qui s’en félicite dans son message de fin d’année. Le président en fonction a dû prolonger par décret le budget en cours pour que le pays puisse fonctionner alors qu’il se trouve encore en pleine pandémie avec remonté des courbes de contamination (malgré l’été) et toutes les conséquences économiques qui en découlent pour de nombreux secteurs (santé, culture et tourisme en tête).
(3) L’homme multiplie d’ailleurs ces jours-ci les petites phrases agressives à l’égard du gouvernement et des publics précaires de la société qu’il traite de personnes vivant aux crochets de la collectivité.
(4) Hier, il fallait aller jusqu’en page 16 pour lire le premier article sur le sujet ! Lequel occupe deux pages en tout et pour tout, réparties sur trois feuilles avec de la publicité au milieu.

dimanche 19 décembre 2021

Cash fait sa une sur l’agriculture à taille humaine en Argentine [Actu]

"L'autre chaîne agroalimentaire", titre Cash ce matin
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Ce matin, Cash, le supplément économique dominical de Página/12 s’ouvre sur une longue interview de deux agriculteurs, un homme et une femme, qui président aux destinées d’une organisation de défense de l’agriculture à taille humaine, essentiellement des exploitations familiales, qui développent actuellement la qualité gastronomique des produits, le goût et l’identité des terroirs (un concept balbutiant en Amérique du Sud), les systèmes de production coopératifs et ceux de la vente en circuit court.

En Argentine, où il existe beaucoup de consommateurs très informés à défaut d’être riches, ces nouveaux modèles agricoles commencent à être recherchés : les enjeux sanitaires, climatiques et sociaux parlent à une partie de la population, gauche et droite confondues.

Une grande variété de propositions se fait peu à peu une petite place sur le marché de la vente directe ou semi-directe : farines et pain, vin, bière, cidre, huile, fruits et légumes, légumineuses, thé et surtout yerba mate, et même viandes et poissons (essentiellement issus de la pêche en eau douce et de la pisciculture). Des gens très intéressants à rencontrer, passionnés et passionnants, souvent extrêmement chaleureux et accueillants !

Les deux interviewés sur un stand de leur organisation


Cette agriculture éthique, en rapport immédiat avec le consommateur, a été soutenue par la politique de Cristina Kirchner, abandonnée par Mauricio Macri puis de nouveau soutenue par Alberto Fernández qui lui a redonné une place dans l’organigramme du ministère de l’Agriculture, dans un pays où ce secteur est largement dominé par de puissants intérêts économiques, capitalistes et commerciaux, tournés vers l’exportation au détriment de la satisfaction des besoins du pays et de la préservation des ressources naturelles.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

Les journaux argentins commémorent la crise de 2001 chacun à sa manière [Actu]

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Il y a vingt ans aujourd’hui, après une décennie d’économie folle où Carlos Menem avait maintenu la parité du peso argentin avec le dollar des États-Unis, l’ensemble de l’économie argentine s’effondrait comme un château de sable, laissant l’État en faillite, l’épargne privée avalée par la dette des banques et la population dans une détresse difficile à imaginer. 50 % des habitants sombraient dans la pauvreté et le chômage officiel grimpait à 20 %. A Buenos Aires et dans d’autres endroits, il y eut pendant 48 heures des émeutes réprimées avec une rare violence par les forces de sécurité, qui ne s’étaient toujours pas extirpées des pratiques mises en place sous la présidence de Isabel Perón et renforcées par la dictature qui suivit jusqu’en 1983, soit une décennie de despotisme en tout genre.

L’émeute de Buenos Aires laissa 40 morts sur Plaza de Mayo et ses environs et d’innombrables blessés, dont plusieurs survivants témoignent ces jours-ci dans la presse. Dépassé par les événements, le président Fernando De La Rúa, qui venait de perdre son vice-président par démission suite à de gros scandales de corruption, choisit de s’enfuir du palais présidentiel en hélicoptère, ce qui donna lieu, quelques semaines après les attentats de New York et de Washington, à des images dignes de l’évacuation tragique de l’ambassade des États-Unis lors de la déroute au Vietnam. Des images plus qu’humiliantes pour lui et pour une bonne partie des Argentins. Quelques jours plus tard, il fut remplacé par le chef du Partido Justicialista (le parti qui se réclame de Perón), Eduardo Duhalde, chef de l’opposition, grâce entre autres à une intervention secrète de celui qui avait présidé au retour à la constitution, le radical Raúl Alfonsín, chef d’État de 1983 à 1989, qui sauva ainsi la démocratie en surmontant l’irréconciliable opposition idéologique, politique et partisane qui existe depuis 1943 entre les péronistes et les radicaux.

Duhalde, qui n’a jamais pu se défaire de l’étiquette infamante de ce reste de mandat maudit, devait à son tour céder la place un an plus tard à Néstor Kirchner, confortablement élu lors d’un scrutin constitutionnel pour remettre l’Argentine sur les rails, ce qu’il fit en évitant comme la peste le FMI et ses recommandations toujours mortifères.

Depuis, l’Argentine avait réussi tant bien que mal à solder la dette exorbitante accumulée sous la dictature, la présidence Alfonsín puis les deux mandats délirants de Menem. En 2016, sous le mandat de Mauricio Macri (droite ultra-libérale tendance Reagan), le pays a recommencé à s’endetter sur les marchés et en 2018, incapable de rembourser une nouvelle fois, il a dû faire appel au FMI qui, sur pression de Trump et en vue des élections où Macri risquait d’être battu, lui a lâché un prêt d’une ampleur inédite et dont la pertinence économique et la conformité à ses statuts font désormais l’objet de dénonciations de journalistes et de chercheurs spécialisés ainsi que d’une enquête interne sous la nouvelle direction de l’organisme international. Sans parler des négociations sans fin auxquelles l’actuel gouvernement argentin doit se plier, tout en tentant de protéger le pays dans cette pandémie interminable.

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Un traumatisme historique largement partagé que tous les quotidiens d’envergure nationale rappellent aujourd’hui avec des articles développés quand ce ne sont pas des cahiers spéciaux ou des dossiers en ligne. Aucun, même parmi les plus libéraux, ne peut soutenir que le basculement reaganien de Menem fut une bonne chose. De là à reconnaître la pertinence circonstancielle de la politique de gauche, avec investissements publics, soutien à la consommation, améliorations du droit du travail et redistribution, conduite par Néstor Kirchner puis par sa femme, Cristina, aujourd’hui vice-présidente, il y a un abîme. Et pourtant cette politique avait fait baisser l’inflation, redonné du travail à beaucoup, permis à la classe moyenne de renouer avec l’épargne privée et l’achat d’une résidence principale et investi dans des domaines aussi importants pour l’avenir et le prestige international du pays que l’université, la recherche, la santé et les infrastructures.

© Denise Anne Clavilier

Pour en savoir plus :

lire le complément spécial de Página/12
lire l’article écœuré de La Prensa, intitulé « vingt ans après la contre-révolution progressiste de 2001 ». Notez que dans les colonnes de ce journal, l’adjectif « progressiste » est une insulte, un peu comme « trotsko-gauchiste » en France
lire le dossier de Clarín sur le déroulé des événements, en remontant un an avant la crise
visionner le documentaire monté et produit par Clarín pour son site Internet, où le journal fait intervenir des acteurs de l’événement comme Graciela Fernández Meijide, une candidate parlementaire défaite en 2002 et aujourd’hui une figure de la militance démocratique de droite, ou Hernán Lombardi, un homme de confiance de Mauricio Macri, qui vient de récupérer un siège au Congrès
lire l’article de La Nación qui interviewe longuement Eduardo Duhalde sur les événements au cœur desquels il s’est trouvé projeté et sur lesquels son avenir politique s’est à jamais échoué
lire le dossier de La Nación sur quatre vingtenaires d’aujourd’hui, deux hommes et deux femmes nés pendant ou juste après les événements, et dont le quotidien a fait une partie de sa une du jour (ci-dessus).

jeudi 16 décembre 2021

FETEM, un festival de tango en banlieue sud [à l’affiche]

L'ensemble du programme pour les trois jours
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C’est un petit festival sans prétention mais avec un fort engagement social et politique qui commence ce soir, jeudi 16 décembre 2021, à 21 h, à Lanús, dans la banlieue sud de Buenos Aires : le Festival de Tango en Movimiento, ou FETEM.

Dans une salle unique, El Cultural, située rue 9 de Julio, au numéro 1558, la manifestation propose jusqu’à samedi soir inclus, un panorama du tango contemporain, underground et militant avec des formations déjà bien installées, comme Quinteto Negro La Boca, Astillero ou Quiero 24, et d’autres nettement moins connues.

Quelques rares artistes solistes confirmés sont aussi attendus. C’est le cas de Juan Seren.

Le programme de ce soir
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Il s’agit de la deuxième édition de ce festival, dont la première se tint en 2019, juste avant la pandémie, à Temperley, autre cité de banlieue.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

Comme le mois dernier, le seuil de pauvreté a un peu moins progressé que l’inflation [Actu]

"Une famille a besoin de presque 74.000 pesos
pour ne pas tomber dans la pauvreté", dit le gros titre en rouge
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Au mois de novembre, l’inflation en Argentine s’élevait en moyenne à 2,5 % selon le rapport que l’INDEC a publié il y a deux jours. Le même organisme public publiait le lendemain, selon son calendrier traditionnel, un autre rapport sur les seuils de pauvreté et d’indigence, calculés à partir de deux paniers de produits de première nécessité, alimentation et services pour le premier, alimentation sans service pour le second, à l’aide, dans les deux cas, de prix relevés uniquement à Buenos Aires et dans sa région, là où la densité de pauvreté est la plus forte.

Or ce rapport indique qu’au cours du mois, le seuil de pauvreté n’a augmenté que de 2,1 %, si l’on ose utiliser une formule restrictive à ce niveau de hausse générale.

Quant au seuil d’indigence, il a connu une hausse légèrement supérieure à celle de l’inflation : 2,6 %. Comme d’habitude, ce sont donc les plus pauvres qui trinquent davantage, comme le montrent les taux interannuels : 47,1 pour le panier de l’alimentation seule (indigence) contre 42,8 pour le panier complet (pauvreté), alors que l’inflation interannuelle s’élève à 51 ,2 % à la même date.

Synthèse générale pour les deux seuils
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Il est plus que probable que les mesures de gel des prix et de programmes de prix contenus appliqués à une large gamme de produits de première nécessité expliquent ces taux interannuels inférieurs à celui de l’inflation moyenne générale. Les plus précaires semblent donc, malgré les critiques virulentes de l’opposition depuis le début de la pandémie, bénéficier d’une politique gouvernementale qui, comme le laissait déjà entendre le récent rapport de l’Observatoire de la Dette Sociale de l’Université Catholique Argentine (voir mon article du 8 décembre 2021), les protège un peu d’une économie générale profondément déréglée pour la troisième fois depuis le retour de la démocratie.

Mais cette information n’intéresse aujourd’hui que médiocrement la presse qui ne prend guère la peine de la traiter. Seule La Prensa lui a réservé une place sur sa une.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire l’article de La Nación qui a pris l’habitude depuis quelques mois d’illustrer l’information avec des graphiques originaux (par ailleurs inutiles puisque ceux de l’INDEC sont d’une parfaite lisibilité)

mercredi 15 décembre 2021

Légère baisse de l’inflation mensuelle en novembre [Actu]

Synthèse générale de la situation en novembre
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Est-ce le résultat du gel de prix sur un bon millier de produits de première nécessité ? Ce n’est pas impossible. Toujours est-il que l’inflation mensuelle enregistrée en novembre est de 2,5 % quand, le mois denier, elle affichait 1 point de plus, à 3,5.

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La moyenne nationale pour l’alimentation est cette fois-ci à 2,1 % d’augmentation, contre 3,4 le mois dernier. Le poste alcools-spiritueux et tabac a lui aussi baissé (une bonne chose pour les fêtes) : il est passé de 3,4 en octobre à 1,1 en novembre.

"L'inflation a baissé", dit le gros titre
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En revanche, l’habillement, le poste le plus inflationniste en octobre, et la restauration restent en position haute dans le classement établi par l’INDEC, l’institut national de statistiques en Argentine.

La photo est consacrée au résultat d'une nouvelle
compétition de foot : la coupe Maradona, à Riad,
en présence de l'ex-épouse de Diego et de leurs deux filles,
les seules femmes présentes dans le stade
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Et pour une fois, la région de Buenos Aires ne s'en sort pas trop mal : plusieurs autres régions affichent des moyennes beaucoup plus élevées.

L’ensemble de l’étude n’en reste pas moins très handicapant pour la majorité des Argentins. L’inflation cumulée depuis le début de l’année s’élève à 45,4 % et en valeur interannuelle, elle est désormais 51,2. Ces valeurs sont déjà à peu près équivalentes à ce qu’on observait il y a deux ans, sur l’année 2019, à la fin du mandat de Mauricio Macri, qui a été sur ce plan en particulier une catastrophe pour le pays.

"L'inflation a été de 2;5% en novembre
et elle a mis en échec un nouvel objectif de Guzmán"
(le ministre des Finances)
En dessous, la pandémie à Londres
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Avant-hier, le secrétaire d’État au commerce intérieur avait fait un peu de teasing et d’autosatisfaction en annonçant que si les chiffres qui devaient être publiés dans la journée du lendemain étaient inférieurs à 3 %, ce serait une réussite du gouvernement. Cette déclaration intervenait au moment où l’Exécutif perd le soutien du Sénat dont l’opposition a pris le contrôle politique le 10 décembre.

Les différentes variations dans le temps
Mensuelles en 2021 et interannuelles (2020-2021)
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Tous les quotidiens d’envergure nationale (ci-dessus) traitent l’information à la une, très discrètement en ce qui concerne Página/12 (qui a d’autres chats à fouetter aujourd’hui : l’incarcération de dix sbires de la dictature qui ont la mort de cinq opposants sur la conscience).

Synthèse des variations régionales
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A marquer d’une pierre blanche : deux quotidiens de droite, La Prensa et Clarín, utilisent le verbe baisser (bajar) dans leurs gros titres, ce qui est plutôt favorable à l’exécutif en place. En revanche, La Nación a évité ce piège et choisi un gros titre qui casse le gouvernement.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin