jeudi 30 novembre 2023

Le premier signal de ralliement vient de Scioli [Actu]


Le premier à venir à la soupe n’aura donc pas été un radical ou un libéral du PRO (mises à part les personnes désignées par Macri pour noyauter le prochain gouvernement et veiller à ses intérêts économiques) mais un allié de longue date de Cristina Kirchner et Alberto Fernández : dès les premiers jours qui ont suivi le second tour, la future ministre des Affaires étrangères avait fait savoir, à la stupeur générale, qu’elle souhaitait maintenir à son poste l’actuel ambassadeur d’Argentine au Brésil, Daniel Scioli (photo ci-dessus), ancien vice-président de Néstor Kirchner, ancien gouverneur péroniste de la Province de Buenos Aires et ancien candidat malheureux à la présidence (contre Macri, d’ailleurs).

Le week-end dernier, elle a fait le voyage pour prendre des contacts sur place et essayer de réparer les dégâts provoqués par les déclarations incendiaires du candidat libertarien pendant la campagne. Celui-ci avait même parlé de rompre les relations diplomatiques avec ce pays gouverné « par un communiste corrompu ». Charmant, n’est-ce pas ? Une fois au Brésil, la future ministre a renouvelé son offre à Scioli qui n’a pas même fait mine de la refuser. Il n’a publié aucun communiqué dans ce sens. Pas de démission à l’horizon non plus.

Daniel Scioli a donc accepté de servir ce nouveau gouvernement qui va faire tout l’inverse de ce sur quoi il a construit toute sa carrière politique. Comment voulez-vous sauver la mise aux politiques de ce camp devant une telle capitulation venant de si haut dans le spectre du mouvement ?

Comme l’a dit Alberto Fernández à la radio avant-hier, on ne voit pas bien comment un même homme peut servir les deux programmes politiques à la suite l’un de l’autre (1). Tout cela, a-t-il conclu, doit être réglé par Scioli lui-même et regarde sa conscience.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :




(1) On parle d’un homme politique ici, il ne s’agit pas d’un diplomate de carrière ! Les diplomates professionnels peuvent et doivent avoir d’autres lignes de conduite.

mercredi 29 novembre 2023

La Cour de Cassation émet des arrêts partisans [Actu]

Sur le front de Macri, le slogan classique (Ce sera justice)
est retournée : Ce sera injustice
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La Cour de Cassation nationale vient d’annuler le non-lieu qui avait été prononcé en faveur de Cristina Kirchner il y a quelques mois dans l’affaire dite de la « Route de l’argent K » (Ruta del dinero K), un scandale de corruption qui implique l’ancienne chef d’État et actuelle vice-présidente sortante dans un trafic de blanchiment de pots-de-vin divers et variés pour lequel le ministère public peine à présenter des preuves irréfutables.

Cependant de l’autre côté, cette même institution prononce un non-lieu au bénéfice de Mauricio Macri dans l’affaire du San Juan, où les preuves ont bel et bien été produites par l’instruction et par le ministère public : c’est en effet sous la présidence de Macri (2015-2019) que le sous-marin ARA San Juan a disparu corps et biens avec l’intégralité de son équipage, soit 44 morts en service qui n’ont pas reçu le moindre hommage national avant l’arrivée au pouvoir de son successeur, le président sortant Alberto Fernández au cours de l’été 2020. C’est aussi sous sa présidence (2015-2019) qu’un certain nombre de familles des sous-mariniers disparus, en majorité des personnes aux revenus modestes et d’humble extraction, ont été espionnées, leurs téléphones mis sous écoute illégale, alors qu’elles réclamaient avec véhémence à l’État qu’il fasse son devoir envers les militaires décédés dans l’accident et leurs ayant-droits (ils ont d’abord réclamé qu’on retrouve l’épave, ensuite qu’on rende justice à leurs maris, femme, fils ou pères morts dans les profondeurs du Mar Argentino). La logique démocratique voudrait que ces événements s’étant produits alors que l’État se trouvait sous la responsabilité de Macri, seul un débat contradictoire devant une instance de jugement puisse établir la vérité judiciaire dans cette affaire. Quand bien même Macri ne serait pas le commanditaire des écoutes, il devrait s’en expliquer puisque ceux qui les ont été conduites travaillaient en dernière instance sous ses ordres. La Cour de Cassation a préféré exempter l’ancien président d’avoir à répondre de ses actes devant un tribunal. C’est minable et cela augure très mal, une nouvelle fois, de l’évolution des pratiques judiciaires en Argentine pendant la présidence échevelée qui s’annonce !

Cristina Kirchner n’a pas tardé à faire connaître son analyse des faits et il est difficile de lui donner tort sur les principes, même si, comme tout responsable politique en Argentine, elle n’est pas au-dessus de tout soupçon.

"Frein à l'impunité de Cristina : réouverture
d'un dossier pour blanchiment", dit le gros titre
au-dessus de ce selfie collectif de Mileí à la Maison Blanche
Quinze ans d'âge mental !
Au lieu de se contenter des photos du service de presse
de leurs hôtes...
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Sur ces affaires comme sur les autres, la presse se partage en deux : d’un côté Página/12, qui dénonce une justice du deux poids, deux mesures et de l’autre, les titres de droite qui se réjouissent que les délinquants, qui, bizarrement, sont toujours des gens de gauche (allez savoir pourquoi !), soient renvoyés devant la justice tandis que les braves gens comme Macri sont enfin libérés des complots de la gauche…

De son côté, à l’issue d’une assez longue commission d’enquête, la majorité parlementaire sortante a accouché hier d’une accusation contre la Cour suprême dont elle prétend démontrer la partialité partisane lors d’un futur éventuel procès politique en vue de la destitution des quatre magistrats qui la composent (ils ont majoritairement été nommés par Macri). Ceci dit, le Congrès sera renouvelé le 10 décembre prochain, quand les élus d’octobre prendront leurs fonctions et prêteront serment. La procédure n’est donc pas prête d’aboutir à quoi que ce soit.


© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article principal de Página/12, qui en a fait sa une en soulignant l’alignement des décisions de justice dans le même sens
lire l’article de La Prensa, qui préfère faire sa une sur le prétendu « retour [de l’Argentine] dans l’Occident » grâce à la visite-éclair du président élu aux États-Unis
lire l’article de La Nación qui se félicite de la reprise du procès contre Cristina Kirchner
Quant à Clarín, ce matin, il réserve ses analyses à ses abonnés (je ne donne donc pas le lien qui aboutit à une page blanche pour le grand public).

Susana Rinaldi et Osvaldo Piro font un retour sur scène [à l’affiche]


La chanteuse Susana Rinaldi et son ex-mari, le compositeur, chef d’orchestre et bandonéoniste, Osvaldo Piro, partageront demain, jeudi 30 novembre 2023, à 21h, la scène du Teatro El Coliseo, Marcelo T. de Alvear 1155, dans le quartier de Retiro à Buenos Aires.

Il y a plusieurs mois, Susana Rinaldi avait annoncé son adieu aux planches mais l’appel de la scène est la plus forte.

Une du supplément culturel de Página/12
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Au programme : des grands classiques du tango, au répertoire de Rinaldi depuis ses débuts, et des créations originales de Piro.


Capture d'écran de la page de réservation du théâtre
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Prix des places (exorbitants mais c’est eux !) : de 1 500 à 6 000 pesos argentins. Néanmoins il y a fort à parier que le spectacle se donnera à guichets fermés.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’interview parue ce matin dans Página/12 qui en fait la une de son supplément culturel quotidien
lire le communiqué du Teatro Coliseo

La droite soutient Macri jusque dans le foot [Actu]

Pendant que Mileí prend la pause à la Maison Blanche,
la majorité sortante lance un procès en destitution
contre la Cour suprême, ce qui fait la majeure partie de la une
Boca est traité en titre secondaire, dans la colonne de droite
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La justice portègne vient de reporter sine die les élections du bureau d’administration du Club Boca Juniors, l’un des clubs de quartier les plus puissants de la capitale argentine avec une équipe de football professionnelle de premier niveau.

Deux listes s’opposent. L’une est menée par Ibarra en tandem avec Mauricio Macri, ancien président du pays et ancien président du club dont il s’était servi comme d’un marchepied pour propulser sa carrière politique. L’autre est menée par Román Riquelme, un grand footballeur retraité de fraîche date, dont il est fort probable qu’il avait de bonnes chances d’arriver en tête du scrutin qui devait se tenir dimanche prochain.

Saisie par Macri et consorts, une juge en a donc décidé autrement : il y aurait des irrégularités dans l’organisation des élections, qui ne peuvent donc pas se tenir en l’état.

Cette décision aussitôt connue, une foule de partisans de Riquelme a rejoint le stade et une manifestation bruyante s’est tenue dans la rue en soutien au candidat et ancien joueur.

Lequel dans une conférence de presse a donné son analyse : il s’agirait d’une poignée de « messieurs » qui veulent s’emparer du club pour en faire une affaire commerciale privée, ce qui supprimerait les instances dirigeantes actuelles et permettrait de faire de l’institution une plateforme d’influence politique et économique de droite. Or Mauricio Macri a déjà investi le futur gouvernement de Javier Mileí qu’il a contraint à nommer à des postes clés plusieurs de ses affidés (Caputo, Bullrich et tutti quanti). Il est clair que Macri veut retrouver rapidement et coûte que coûte une position de pouvoir et qu’il utilise le club à cet effet.

La presse se divise sur le sujet : Página/12 prend, sans surprise, le parti de Riquelme, censé représenter les adhérents du club, donc des habitants de ce quartier très populaire de Buenos Aires auquel Boca Juniors apporte une grande quantité de services (une école primaire, des cours du soir pour les adultes, un dispensaire médical pour tous les âges, des conférences et autres activités culturelles), tandis que La Prensa, Clarín et La Nación prennent le parti de Macri avec une analyse qui fait de Riquelme un homme politique qui s’accrocherait au pouvoir et prendrait en otages les adhérents… Une espèce de monde à l’envers, non ? Tout dans leurs colonnes se passe comme si, à chaque fois, la droite représentait la sincérité et l’honnêteté et la gauche les combines systématiques et les magouilles.

Cela promet pour l’année à venir.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 sur l’arrêt judiciaire
lire l’article de Página/12 sur la manifestation des adhérents
lire l’article de Página/12 sur les demandes de Macri devant le juge

mardi 28 novembre 2023

Six Argentins libérés de leur captivité à Gaza [Actu]

En haut, le gros titre dit : "Mileí tente d'écarter
les soupçons aux Etats-Unis et obtenir l'aide du FMI"
En-dessous, la photo des otages relâchés
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Hier, parmi les onze otages libérés, se trouvaient des Franco-israéliens comme les Français l’ont célébré en France et le célèbrent encore aujourd’hui, ainsi qu’une Argentine adultes et cinq jeunes Israélo-argentins, dont deux jumelles de trois ans.

Pour les Argentins, il manque encore une personne, la plus symbolique pour les Israéliens, les Argentins et toutes les personnes qui ont quelques grammes d’humanité en elles : un bébé enlevé dans un kibboutz à l’âge de neuf mois, qui en a donc maintenant dix, Kfir Bibas, dont les autorités gazaouites disent qu’elles ne savent pas où il est retenu, d’où son absence hier dans le contingent des libérations.

Seuls Clarín et La Nación ont traité ce matin l’info en une.

"Geste de soutien des Etats-Unis : Mileí a été
reçu par le conseiller de Biden pour la région",
dit le gros titre
En-dessous, un autre choix de photos des otages
alors qu'ils sont remis à la Croix Rouge, dans la Bande de Gaza
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Selon le quotidien que l’on choisit de lire, les chiffres varient. Certains parlent de 5 otages argentins libérés quand d’autres en comptent bel et bien six. J’ignore pourquoi les premiers en soustraient un.

La Prensa a préféré faire sa une sur la visite new-yorkaise de Mileí à la tombe d’un rabbin violemment anti-communiste (1), puisqu’il a fini par se rendre cette nuit aux États-Unis où il a été reçu à déjeuner par Bill Clinton dans un grand hôtel de la ville. Le président élu s’entretiendra avec un conseiller de Biden, Jack Sullivan, à la Maison Blanche avant de rentrer en Argentine, laissant ses conseillers et futurs ministres en rendez-vous avec le FMI et autres institutions.

Quant à Página/12, il a choisi de consacrer sa première page à un énième scandale urbanistique qui implique Macri et ses affidés du Boca Juniors dont l’ancien président argentin, à la manœuvre dans la composition du futur gouvernement, tâche de retrouver la présidence, histoire peut-être de se rajeunir de quelques décennies.

L'affiche concernant Kfir Bibas
En bas en rouge : Prenez une photo de cette affiche
et partagez-la.
S'il vous plaît, aidez-nous à les ramener vivants à la maison
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© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación
lire l’article de La Nación sur la famille Bibas (sous la plume de la correspondante permanente à Rome Elisabetta Piqué).

Ajouts du 29 novembre 2023 :

Hier, le Hamas a libéré quatre autres Israélo-argentins parmi les douze personnes remises à la Croix-Rouge mais le sort du bébé reste inconnu. À ce sujet :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa




(1) Mileí serait en cours de conversion au judaïsme dans l’obédience la plus réactionnaire fondée par ce lettré. En Argentine, sa démarche religieuse ne devrait pas pouvoir être reconnue. En effet, depuis les années 1930 et le retentissant scandale de la fausse synagogue servant d’honorable vitrine à un épouvantable réseau de proxénétisme au détriment de jeunes femmes polonaises, les autorités juives locales n’acceptent aucune conversion sur le territoire argentin et refusent même de reconnaître celles qui sont célébrées à l’étranger, quel qu’on soit le motif et l’obédience.

samedi 25 novembre 2023

Paz et Rudy s’en donnent à cœur-joie [Humour]

On rigole comme on peut quand on est à gauche, aujourd’hui, en Argentine !


Mileí : Le ministère du Capital humain sera un résumé
de ceux de la Santé, du Travail, de l’Education et du Développement social.
Le journaliste en face : Pourquoi l’avez-vous appelé Capital humain ?
Mileí : Parce que ministère des trucs
qui ne nous intéressent pas, c’était trop long.
Traduction © Denise Anne Clavilier
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C’était ce matin, à la une de Página/12.

© Denise Anne Clavilier

vendredi 24 novembre 2023

Bullrich et Caputo retrouvent la Sécurité et l’Économie [Actu]

"La "caste", toute la caste, rien que la caste", titre
Página/12 en reprenant le terme méprisant utilisé
par Mileí pour désigner le personnel politique traditionnel
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Dimanche dernier, les Argentins ont clairement exprimé un vote dégagiste. Aujourd’hui, moins d’une semaine plus tard, les principaux ministres de Macri sont déjà de retour sur leurs postes d’il y a quatre ou cinq ans !

"Adieu au dogmatisme", dit La Prensa
sans doute un peu soulagée de retrouver une droite classique
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Comme on pouvait le deviner dès le lendemain du premier tour, c’est bien Mauricio Macri qui tirera les ficelles depuis la coulisse au cours de ce mandat et le type est très fort : il vient d’obtenir cette marche arrière de sa future marionnette échevelée alors qu’il n’est même pas présent en Argentine. Il a tout géré par téléphone depuis l’Arabie Saoudite où il est en voyage.

Mileí a certes beaucoup résisté à ces tentatives cousues de fil blanc de l’ancien président appuyé par ses affidés, eux-mêmes balayés sans ménagement au premier tour. A présent, le pot aux roses apparaît en plein jour d’autant que Mileí a dû renoncer à plusieurs de ses premières nominations alors qu’elles étaient déjà publiques depuis lundi ou mardi. Ses plus fidèles n’obtiendront pas les postes auxquels ils avaient déjà été nommés très officiellement ! Quelle humiliation !

"Virage de Mileí : il donne l'Economie à Luis Caputo
et Bullrich va à la Sécurité", dit le gros titre
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Il est difficile de douter du fait que Macri ait pu tordre le bras à Mileí car celui-ci devait s’envoler hier pour New York où il voulait, paraît-il, se recueillir sur la tombe d’un rabbin loubavitch (et puis quoi encore !). Or il a annulé son déplacement et il reste en Argentine.

Caputo est celui sous le ministère de qui a été contractée l’effarante dette de 45 milliards de dollars auprès du FMI en juin 2018. Une dette qui pèse toujours sur le pays et que la crise du Covid n’a fait qu’aggraver.

"Caputo se voit offrir l'Economie et Bullrich
prendra ses fonctions à la Sécurité", dit La Nación
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Bullrich a toujours soutenu la politique « del gatillo fácil » (en français, la gâchette facile) et elle pose comme principe qu’un policier qui fait usage de son arme est réputé en légitime défense (la loi actuelle dit l’inverse) tant que le contraire n’a pas été prouvé, voire sans même que qui que ce soit ait le droit de prouver le contraire.

Paz et Rudy ont résumé ce matin les manigances d'hier.
Rappelons que Mileí fait tourner les tables pour
parler avec son chien, Conan, mort il y a plusieurs années,
et qu'il a fait cloner à plusieurs reprises aux Etats-Unis
Sur le dessin, on reconnaît sans peine Mauricio Macri
"Allô Javier ? - Oui. Qui est-ce ?
C'est Conan... Je t'appelle de l'au-delà.
- Conan !!!
- Il faut que tu écoutes Mauricio...
Il s'y connaît, ce gars.
Traduction © Denise Anne Clavilier

A court terme (pour les deux ans à venir), cette nouvelle est un tout petit peu rassurante : ce n’est plus le saut dans l’inconnu que cela semblait être. On va revenir au mandat de Mauricio Macri. Grosso modo on sait de quoi il retourne. On sait sur quoi il faut être vigilant.

A plus long terme, c’est très inquiétant car ce sera la énième fois que les puissants, comme Macri, qui appartient à une famille richissime, propriétaire d’une très grosse holding multi-sectorielle, s’arrangent pour contourner la volonté populaire qui s’est exprimée dans les urnes dimanche dernier. Or c’est probablement cette absence de respect de la souveraineté populaire que ce vote a fini par sanctionner de la façon la plus violente et la plus rageuse.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

Les articles de Clarín sont en grande partie réservés aux abonnés. Je ne donne donc pas les références : vous tomberiez sur une page blanche. On se contentera de la une qui en dit déjà beaucoup.

jeudi 23 novembre 2023

Le Festival de tango de la República de La Boca lance ce soir sa 14e édition [à l’affiche]

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Ce soir, jeudi 23 novembre 2023, le Festival de Tango de la República de La Boca inaugure le musée historique du quartier avec un concert, qui sera l’avant-première du week-end qui développera tout un programme de concerts et de milonga au Teatro Brown, dans l’avenue du même nom qui traverse le sud de Buenos Aires.

Milonga gratuite ce soir, à l'angle des rues Pinzón et Caboto, avec plats maison (ci-dessous).



Le festival en est à sa 14e édition. Il dispose d’une page Facebook.

Página/12 lui consacre un article ce matin dans ses pages culturelles, sans en faire la une de son supplément.

Parmi les artistes invités, les orchestres Negro La Boca et La Vidú et les chanteuses Marisa Vázquez, Patricia Malanca et Gabriela Novaro.

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Libre participation au frais (au chapeau).

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

Mileí tente de s’acheter une conduite dans le monde [Actu]

Message de Zelensky après sa conversation
avec Mileí (version anglophone)
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Mileí essaye de montrer qu’il a bel et bien une stature internationale. Il reçoit en effet une farandole d’appels téléphoniques du monde entier, dont il est très fier alors que ça ne veut strictement rien dire, puisque c’est la pratique ordinaire entre États ayant des relations diplomatiques. Hier, son équipe de communication mettait donc en valeur les huit minutes de conversation téléphonique avec le pape François, qu’il avait textuellement traité d’« imbécile qui est à Rome » pendant sa campagne. Le « bureau du président élu » soulignait que celui-ci lui avait à chaque fois donné du Votre Sainteté. Encore heureux mais ils ont trouvé bon de le préciser.

Aujourd’hui, ces mêmes communicants vantent une conversation avec un certain Cameron, probablement le ministre des Affaires étrangère du Royaume-Uni ou d'Hollywood, allez savoir !, et avec Volodimir Zelensky, à qui il a proposé d’organiser en Argentine un forum pour la paix qui rassemblerait l’Ukraine et l’Amérique latine. Manque de bol ! Ses équipes sont toujours aussi vaseuses et le communiqué montre toute l’ampleur de leur peu de professionnalisme avec deux fautes d’orthographe sur les deux prénoms des mandataires. Si celle sur le prénom de Zelenski peut à la rigueur passer pour une coquille, celle qui concerne Cameron est à mourir de rire. Je vous laisse la découvrir !

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Montrer qu’il est contre la Russie et donc pour l’Ukraine est évidemment un moyen de faire sa cour à Jo Biden (1) et à toutes les démocraties de vieille tradition qui se sont rangées au côté du pays agressé depuis février 2014. La démarche n’en est pas moins cousue de fil blanc de la part d’un élu qui s’est ouvertement présenté, tout au long de la campagne électorale, comme le Trump de l’Argentine, à tel point que Trump lui-même reconnaît en lui un émule au point de laisser entendre qu’il pourrait assister, avec leur pote, l’inénarrable Jair Bolsonaro, à la prestation de serment le 10 décembre, cérémonie à laquelle Biden ne se rendra évidemment pas (de toute manière, les présidents des États-Unis ne se déplacent pour ce genre de manifestation nulle part, ni en Amérique ni ailleurs dans le monde).

Du côté de Kiyv, Zelenski, qui a oublié d’être idiot, fait le minimum diplomatique sur son compte Twitter (et je me contrefiche que le nouveau proprio en ait changé le nom) : il prend acte du soutien à l’Ukraine dont il remercie son futur homologue et qu’il dit être « apprécié » par les Ukrainiens. D’habitude lorsqu’un nouveau soutien se manifeste pour son pays, il déploie tous ses talents d’écrivain et d’orateur sur les réseaux sociaux comme dans son allocution vespérale (2).

De toute manière, pour le moment, la promesse de Mileí ne tient pas debout : avec quel autre pays va-t-il représenter l’Amérique latine dans cette affaire ? Le Brésil, le Chili, le Venezuela ? Aucun de ces gouvernements n’est prêt à coopérer avec lui et encore moins dans ce domaine puisque d’un côté Maduro et Lula sont méchamment hostiles à l’Ukraine et de l’autre, le président chilien, authentique et sincère soutien de l’Ukraine, appartient à un courant politique et idéologique aux antipodes de Mileí (dont il a salué la victoire du bout des lèvres). Le Pérou, quant à lui, s’est complètement discrédité sur la scène internationale avec ses multiples renversements de président depuis cinq ans et la violence de la répression contre l’opposition de l’actuelle présidente, elle-même issue de l’un de ces coups d’État parlementaires. La Bolivie n’est guère mieux lotie, tout comme l’Équateur ou la Colombie. En ce qui concerne l’Uruguay, plutôt favorable à l’Ukraine par principe, il traverse depuis une quinzaine de jours une crise de crédibilité gouvernementale telle que le pays n’en a jamais traversée depuis son retour à la démocratie.

Página/12 se paye donc la bobine de sa nouvelle tête de Turc de président tandis que les autres journaux passent discrètement sur ces premiers impairs et que les gouverneurs élus sous l’étiquette Juntos por el Cambio commencent à poser leurs conditions pour coopérer avec le niveau fédéral. Seront-ils une force d’opposition ou finiront-ils par se rallier au pavillon du pirate ? Après tout, ils sont tous de droite. La question reste en suspens.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

sur les premiers pas diplomatiques de Mileí
lire l’article principal de Página/12
lire le billet d’humour de Página/12 sur les couacs de communication
lire l’article de Clarín
sur la conduite des gouverneurs
lire l’article de Página/12




(1) Il devrait avoir droit à sa toute première visite officielle, juste avant qu’il se rende en Israël (il est pour la manière forte, Mileí, et il est fait du même bois que le Premier ministre israélien). Aujourd’hui même, il doit s’envoler pour un voyage personnel aux États-Unis. Que va-t-il fabriquer à l’étranger alors qu’il n’a pas encore complété son gouvernement qui doit être prêt le 10 décembre prochain et qu’il n’a pas encore prêté serment ?

(2) La presse ukrainienne fait peu de cas du ralliement d’une Argentine navigant sous pavillon libertarien d’extrême-droite. Je n’ai rien entendu sur ce sujet ce matin en écoutant le programme unifié d’information diffusé par l’ensemble des plus importantes chaînes de télévision et stations de radio du pays en guerre (марафон). Quant à la presse écrite, en ligne dans sa quasi-totalité, son intérêt pour le sujet ressemble à une vague curiosité pour un fait exotique, à peine distrayant. A ne pas prendre au sérieux, en tout cas.
Sur le sujet, voir les courts articles (en ukrainien) de 24 TV et de Liga, les seuls qui remontaient lorsque j’ai fait mes recherches ce matin, et l’article en espagnol de Deutsche Welle, qui est leur source commune avec les agences de presse internationales. En revanche, le désastre politique aux Pays-Bas les intéresse beaucoup ! Il faut dire que la livraison des F-16 est en jeu.

Felipe Pigna au service de l’élevage bovin ! [Disques & Livres]


Nul ne pouvait imaginer l’historien-vulgarisateur radio-télévisuel estampillé péroniste (à juste raison) se mettre à servir la soupe à la puissante filière patronale qui fait son beurre avec la viande (les éleveurs, les abattoirs, les grossistes, les exportateurs).

Le nouveau livre de Felipe Pigna, Carne, una pasión argentina, 186 pages en version numérique, est un catalogue d’anecdotes illustrées, plus ou moins intéressantes sur le plan historique (1), qui parlent toutes de barbaque et de tout ce qui précède sa cuisson et sa consommation. Carlos Gardel, le chanteur populaire par excellence, est appelé à la rescousse, ainsi que le général San Martín (pendant la traversée des Andes, en 1817), le gouverneur Juan Manuel de Rosas (une figure historique héroïsée par les historiens péronistes et haïe par la droite) et même Fidel Castro, pour un dîner avec le président Arturo Frondizi, l’un des rares chefs d’État démocratiques que l’Argentine a connus pendant la guerre froide… Les personnages historiques récupérables par la droite sans que la gauche ne puisse les revendiquer, Sarmiento, Mitre, Borges et d’autres, sont plus difficiles à rencontrer dans le bouquin. Celui-ci se voulait sans doute une sorte de pied-de-nez à ses commanditaires…

Un asado gigantesque a salué la sortie du livre
De dos au premier plan, Felipe Pigna finissant un sandwich à la sausicce
Image IPCVA

Or la date fixée pour la sortie tombe au pire moment pour l’auteur : quelques jours à peine après l’élection d’un candidat dont on peut être sûr qu’il n’avait pas ses faveurs. Il est même très probable que l’écrivain ne l’avait pas vu venir ou tout au moins qu’il ne le voyait pas venir au moment il a accepté cette commande. Cela se voit, ô combien !, sur les photos : dans sa tenue négligée habituelle, en jean élimé et en chemise, sans cravate, dans une fête où ce beau monde rural a sorti les vestes des meilleurs tailleurs et des chemisiers très chic, il tire une tête de cinq pieds de long comme jamais il ne l’a fait lors du lancement d’un de ses ouvrages.

Il se trouve que le secteur agricole, el campo comme on l’appelle en Argentine, qui n’est sans doute pas celui qui avait le plus voté au premier tour pour le vainqueur de dimanche dernier (programme trop risqué, trop fantaisiste et trop flou), va toutefois avoir toutes les faveurs de l’heureux élu. Celui-ci devrait en effet lever dès qu’il le pourra le peu de régulations qui avaient été imposés à l’ensemble de la filière par plusieurs gouvernements antérieurs soucieux de mieux répartir le pouvoir d’achat et qui veillaient donc à ce que les points de vente soient fournis en morceaux accessibles à toutes les bourses. Felipe Pigna ne peut pas ne pas le savoir. Il sait aussi que ses émissions sur le service public de radio et de télévision sont d’ores et déjà condamnées. Elles n’auront aucune grâce aux yeux des investisseurs personnels ou institutionnels qui vont bientôt fondre comme des rapaces sur Radio Nacional et sur TV Pública, pour autant que le chef de l’État dispose d’une majorité au Congrès pour voter son programme (rien n’est encore fait et pour l’instant tout cela a l’apparence de devoir prendre un bon bout de temps).

Le public de la réception après la présentation
Image IPCVA

Comme Carne, una pasión argentina est gratuit, il y a fort à parier que l’auteur se sera fait rémunérer pour l’écrire ou le faire écrire (2). Dans n’importe quel contexte, il aurait été préférable que cela puisse passer inaperçu mais dans les circonstances présentes, on a du mal à imaginer que rien ne vienne à l’idée des lecteurs.

Felipe Pigna, dont on ne dira jamais assez le talent de vulgarisateur, avait déjà, il y a plusieurs années, publié une histoire du vin argentin. Pas inintéressant d’ailleurs (je l’avais acheté). Ce nouveau livre avait donc assez l’apparence d’une continuité pour que cet aspect des choses soit très discret.

Pour le moment, pas un mot du bouquin dans les colonnes de Página/12 dont la rédaction compte pourtant un grand nombre d’admirateurs de Pigna qui relaient systématiquement toutes ses publications grand public. En revanche, pour une fois, c’est la presse de droite qui lui fait l’honneur de ses pages !


Le livre est publié par IPCVA, l’institut professionnel de promotion de la viande, qui le diffuse gratuitement sur son site, en format pdf téléchargeable.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de La Nación
lire l’article de Campo Litoral, un journal professionnel du patronat agricole
lire l’article de Valor Carne, journal des producteurs et du commerce de la viande
lire l’article de Carne Argentina, le site Internet de l’IPCVA.



(1) Surtout pour un public non argentin.

(2) Felipe Pigna a tant d’activités variées qu’on ne sait pas très bien comment il réussit à occuper son poste de chercheur à l’université et au Conicet (eux aussi promis à la privatisation) tout en animant ses émissions de radio et de télé - très bonnes, soit dit en passant - et en publiant au moins un livre par an, des livres entre lesquels on repère aisément de fréquents auto-copier-coller.