jeudi 31 décembre 2020

Un dernier salut à l’Année du Général Manuel Belgrano et du "repos" [Disques & Livres]

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Cette année 2020, qui aura été à l’échelle du monde celle de la Pandémie ou du Grand Confinement, était aussi, en Argentine, celle du général Manuel Belgrano, né il y a deux cents cinquante ans à Buenos Aires et mort, dans la même ville et la même maison, il y a deux cents ans. Personnalité centrale de la Révolution de Mai en 1810 et héros de l’Indépendance entre 1810 et 1816.

De nombreuses manifestations étaient prévues partout dans le pays pour lui rendre hommage. L’épidémie a tout emporté.


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Naturellement la Biblioteca Nacional Mariano Moreno, bibliothèque nationale argentine qu’il a contribué à fonder avec son ami l’avocat Mariano Moreno en 1810, fait partie des grandes institutions culturelles qui se sont associées aux hommages. Le 18 décembre, la bibliothèque a mis en ligne un ouvrage de 80 pages portant sur les livres que Manuel Belgrano a donnés à ce qui était alors la Biblioteca Pública de Buenos Ayres, voulue par la Primera Junta, le comité de neuf membres qui prit la tête du vice-royaume du Río de la Plata le 25 mai 1810, à l’abolition de la vice-royauté au profit d’un gouvernement local revendiquant l’autonomie dans une fédération avec l’Espagne légitimiste écrasée par l’invasion française et le régime mis en place par Joseph Bonaparte.

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Ce nouvel ouvrage numérique, à télécharger gratuitement en pdf sur le site de la Bibliothèque, est l’œuvre d’un chercheur de l’institution, Roberto Cazassa, qui a travaillé sur les archives de la donation et les volumes offerts, dont certains portent encore la marque du premier propriétaire. J’avais eu la chance de participer quelques semaines auparavant à la présentation par Zoom de ce travail à la fois très intéressant (et très rigoureux sur le plan scientifique) et émouvant, d’autant plus pour nous, francophones, que notre langue revient très souvent dans cette liste très éclectique d’ouvrages offerts en 1810 et 1811… On y trouve en particulier l’ouvrage de Lavoisier sur la chimie et des histoires des généraux français contemporains Moreau, Desaix et Kléber...

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Il est probable que de nombreuses manifestations publiques prévues cette année seront reprogrammées en 2021 dès que la situation sanitaire le permettra, maintenant que la vaccination a commencé en Argentine avec un seul vaccin contesté et d’autres qui pourraient être acquis par le pays dans les semaines à venir.

Documentaire publié en ligne par la Bibliothèque nationale argentine
le 20 juin dernier
à l'occasion du bicentenaire de la disparition de Manuel Belgrano
Le moyen métrage s'intitule Manuel Belgrano, también lector (il était aussi lecteur)


© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

consulter la page de l’ouvrage sur le site de la BNMM



Cet article clôt l’année 2020 de Barrio de Tango tandis que commence l’épisode désormais traditionnel dans ces colonnes que j’appelle « mes vacances d’été austral ».
Mes fidèles lecteurs le savent : ces « vacances » sont en général consacrées à la préparation de nouvelles propositions. En l’occurrence, je mets actuellement la dernière main à mon prochain livre qui devrait paraître en 2021 et qui s’adressera autant aux enfants qu’aux adultes (toujours aux
Éditions du Jasmin). Je prépare aussi la mise en ligne de plusieurs vidéos sur ma chaîne Dailymotion ainsi qu’un autre projet audiovisuel dont il est encore un peu tôt pour parler ici.

Comme tous les ans, le retour au rythme normal de Barrio de Tango, pour autant qu’on puisse parler de normalité en cette période de pandémie, est prévu en mars 2021, à la rentrée sud-américaine. D'ici là, rythme de parution ralentie...

Cette année 2021 sera celle du centenaire du grand révolutionnaire du tango que fut Astor Piazzolla. Il était né dans la ville maritime de Mar del Plata qui est aussi le grand pôle touristique estival en temps normal. Une photo aérienne de la ville servira donc de rappel de ces « vacances d’été austral » dans la Colonne de Droite.

Les unes du lendemain [Actu]


Signe que le Congrès vient bel et bien de marquer un grand coup de barre à gauche, les unes de ce matin se rapportent encore, au moins partiellement, à la légalisation de l’avortement acquise dans la nuit du 29 au 30, avec le vocabulaire de la victoire à gauche et celui de la défaite combative dans la droite catholique (La Prensa). C’est qu’hier, les journaux ont été pris un peu de court, l’heure du bouclage étant souvent dépassée au moment où le vote a été acquis au Sénat.

"Prenez soin de vous, ou sinon..." titre La Prensa
en prêtant au président des menaces contre la population
En bas, le souvenir de l'incendie d'une boîte de nuit
où avaient péri de nombreux jeunes fêtards de la Saint-Sylvestre
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Página/12 s’est vêtu entièrement de vert, la couleur des partisans de l’avortement légal.

Un titre secondaire tout en bas à gauche
Le gros titre est pour le retour en prison
de l'ancien vice-président de gauche, Amado Boudou,
qui n'a pas obtenu de la cour la prolongation de la mesure de prison à domicile
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Clarín annonce quant à lui que les partisans de l’interdiction vont attaquer la loi devant les tribunaux. Situation surréaliste ! Comment le pouvoir judiciaire pourrait-il contredire le pouvoir législatif, surtout avec les belles majorités que la loi a obtenues dans l’une et l’autre chambre !

Le gros titre le plus visible de la presse de droite
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Quant à La Nación, son article de une, non illustré, ne figure pas sur son site Internet…

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

mercredi 30 décembre 2020

C’est fait ! En Argentine, l’IVG est désormais légale et elle sera gratuite [Actu]

Double célébration à la une de Página/12
En haut en bleu sanitaire, le lancement de la vaccination
(au Sputnik V, très contesté par plusieurs médecins qui se défient
du manque de transparence sur les essais russes)
En bas, en vert, la légalisation si longtemps désirée de l'avortement


La loi qui a été votée hier au Sénat, après sa validation à la Chambre des Députés, met en place ce qu’elle appelle l’IVE (Interrupción volontaria del embarazo), qui va peut-être remplacer le terme aborto (qui peut aussi désigner une fausse couche). Le pays est devenu le 67e à autoriser cette pratique médicale. L’Uruguay avait été le premier du sous-continent à le faire sous la présidence de Pepe Mujica.

C’est le terme d’une longue lutte puisque les militants pour la légalisation avaient commencé à vraiment occuper l’actualité il y a une quinzaine d’années, sous le mandat de Cristina Kirchner, qui alors ne voulait pas en entendre parler, renvoyant le sujet au domaine judiciaire auquel il appartenait légalement.

La Prensa fait l'inverse
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La loi est passée à la majorité de 38 voix pour et 29 contre (avec, selon Página/12, 4 absentions et 1 « courageuse » absence alors que les sessions ont lieu en visio-conférence et les chiffres inverses selon La Nación). La présidente du Sénat, Cristina elle-même qui a désormais changé d’avis, n’a pas eu à départir les voix. Le vote a un très long débat que beaucoup de gens ont suivi en direct, sur plusieurs média dont la chaîne Youtube du Sénat, jusqu’à sa conclusion, à 4h12, ce matin (heure locale).

L’Église a tenté de faire pression sur l’opinion publique jusqu’au dernier moment, avec notamment une messe à Luján, la grande ville mariale, où la conférence épiscopale a exprimé sa douleur de voir l’avortement autorisé dans le pays. Cette messe était le baroud d’honneur d’un magistère qui reconnaissait déjà la défaite de sa démarche à un moment où l’Église argentine s’est engagée dans une séparation graduelle avec l’État (en commençant par chercher des solutions viables aux aspects économiques de la vie de l’institution, puisque le salaire du clergé est à ce jour à la charge de la République Argentine).

En gros titre, une mesure concernant les retraites
En bas, une photo de une qui montre la foule autour du Congrès
mais s'abstient de montrer sur la version papier des militants
de quelque bord que ce soit.
Prudence, prudence !
En haut à droite : une décision judiciaire en faveur de Cristina Kirchner
qui lui accorde le droit à toucher sa retraite de présidente et la réversion de son mari
Des revenus très confortables... et non imposables !
Pour une femme de gauche, c'est une demande pour le moins contestable.
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Bouclée avant le vote, la une de La Prensa se fait l’écho de cette amertume nostalgique d’une Argentine d’avant la déchristianisation (qui reste toute relative), cette bonne vieille Argentine d’antan fermée sur des pratiques socio-culturelles qui s’imposaient à tous sans se traduire pourtant par une politique sociale en cohérence avec les valeurs de l’Évangile (ces mêmes pratiques qui avaient justifié l’esclavage à l’époque coloniale !). La part du catholicisme régresse en effet en Argentine comme ailleurs dans la civilisation occidentale et ultra-technologisée. Par la même occasion, les croyants retrouvent aussi une qualité essentielle à tout engagement spirituel : la liberté et l’adhésion personnelles qu’implique toute baisse démographique de la pratique religieuse et qui n’est pas nécessairement une catastrophe. Vaut-il mieux des catholiques peu impliqués et qui n’adhèrent pas aux exigences de leur foi ou des pratiquants pleinement conscients qui s’efforcent authentiquement de vivre ce à quoi ils croient ? Bien sûr, le danger actuel est de voir les identitaires s’abriter derrière la religion et ils sont déjà à l’action. Cette une de La Prensa en porte témoignage sans aucun recul critique : elle le dit ouvertement dans le gros titre (« le déclin du pays catholique ») et dévalorise le début de la vaccination (photo du gouverneur - de gauche - de la province de Buenos Aires recevant le vaccin russe tandis que le titre en rouge annonce « les contaminations montent en flèche »). Par ailleurs, il est assez probable qu’il n’y aura pas plus d’avortements en régime légal qu’il n’y en a dans la clandestinité (et le « tourisme » avortiste des gens qui ont assez d’argent pour se rendre au Canada ou en Europe, des IVG qui échappent à toutes statistiques mais qui ne sont sûrement pas de bas niveau).

Le dessin de Miguel Rep dans Página/12 est clair
Il oppose les deux couleurs, le bleu ciel des "pro-vie"
et le vert des militants pro-avortement
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Et pourtant, c’est Clarín, toujours en recherche d’une dramatisation spectaculaire et simpliste de l’actualité, qui met l’accent sur les réactions (très modérées) au Vatican (1) et prétend que ce vote éloigne une nouvelle fois la perspective d’une visite du pontife au pays. Que François soit hostile à cette évolution de la loi dans son pays natal est une évidence (il ne peut pas y être favorable) mais pour l’heure, la pandémie est un obstacle plus grand à tout voyage pontifical où que ce soit puisque le pape réserve ses déplacements, si déplacement il y a, à des pays en très grande détresse comme l’Irak qu’il visitera au printemps malgré la crise sanitaire. Pire, d’après le journaliste Sergio Rubín (2) qui endosse ici les habits partisans de l’éditorialste, le pape et l’Église argentine seraient sur le point d’exercer des représailles en retirant au président Alberto Fernández leur appui dans les négociations avec le FMI ! Quelle confusion des rôles et quelle instrumentalisation des positions des uns et des autres !

Un gros titre sans photo pour l'IVG
et pour la vaccination, celle d'un médecin réanimateur
parmi les premiers vaccinés au Sputnik V
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En allant visiter les sites des quotidiens, vous constaterez que curieusement ils ont tous illustré leurs articles par des photos de manifestations de joie des militants verts (en faveur de l’IVG) et que très peu d’articles montrent la réaction des bleus (militants catholiques hostiles à la dépénalisation). C’est un signe très clair que l’acceptation est massive dans l’opinion publique, à gauche comme à droite.

Vous aurez remarqué aussi que la plupart des unes font une part à Pierre Cardin et, sans ce vote significatif et de si longue date attendu, j’aurais bien entendu, comme à mon ordinaire, fait écho à cet hommage de la presse argentine au grand couturier français dans Barrio de Tango.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :



(1) Une petite incise sur le désir des parents qui est à la racine de la conception des enfants dans l’enseignement spirituel dispensé par le Pape pendant son audience publique du mercredi matin, qui n’est plus publique, pandémie et situation italienne obligent, qu’à travers la chaîne Youtube du Vatican, Radio Vatican et toutes les retransmissions, en direct ou non, sur de chaînes et des stations, la plupart confessionnelles, partout dans le monde.

(2) Il apparaît comme compétent pour parler des états d’âme du Saint Père parce qu’il y a une dizaine d’années, il a signé un livre-entretien (très intéressant, soit dit en passant) avec le futur pape lorsque celui-ci s’apprêtait à donner sa démission canonique pour raison d’âge (il approchait les 75 ans) au gouvernement de l’archidiocèse de Buenos Aires.

samedi 26 décembre 2020

Victoire diplomatique de l’Argentine grâce au Brexit [Actu]

Un panneau d'accueil très célèbre en Argentine
avec cet Union Jack flottant au vent comme un défi aux Argentins


Comme l’avait vu venir, juste après le référendum britannique, l’ambassadeur d’Argentine en France Jorge Faurie, devenu quelques mois plus tard ministre des affaires étrangères de Mauricio Macri, l’Union européenne se désolidarise de la Grande-Bretagne sur le dossier des Malouines : l’archipel, occupé par les Britanniques depuis leur prise par un coup de main militaire de la Royal Navy en janvier 1833, est exclu de l’accord commercial qui relie le Royaume Uni à l’Union européenne qu’il a quittée dans les conditions que l’on sait. Les importations européennes s’y feront selon les règles de l’OMC.

Tous les journaux argentins s’en félicitent ce matin. Cette exclusion, qui passe inaperçue par chez nous, pourrait bien être le début de la fin de la reconnaissance par l’Europe de la souveraineté britannique sur les îles qui appartiennent au territoire national argentin depuis 1767 (par la cession qu’en a faite Louis XV à Carlos III) et que la constitution argentine (1853) déclare telles. C’était également vrai en 1833 selon les règles diplomatiques alors en usage : pas plus au 19e siècle qu’aujourd’hui, on ne s’emparait par les armes de territoires d’un pays souverain sans lui avoir auparavant déclaré la guerre en bonne et due forme.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación

L’école maternelle gratuite, à Buenos Aires, désormais, c’est réservé aux pauvres [Actu]

L'éducation qui manque
(jeu de mot sur "vacante" : une place [à l'école])

L’information n’est traitée que par Página/12 et le ministre national de l’Éducation Nicolás Trotta : avant-hier, à la veille de Noël, la cour suprême de la Ville autonome de Buenos Aires a donné raison à la ministre de l’éducation locale, la très droitière Soledad Acuña. Désormais, seuls pourront exiger d’obtenir une place en maternelle publique pour leurs enfants les parents qui pourront prouver qu’ils n’ont pas les moyens de payer une école privée.

Or en Argentine, l’école est obligatoire dès l’âge de 3 ans, depuis mars 2015, l’une des dernières lois nationales passées sous la présidence de Cristina Kirchner pour lutter contre l’inégalité sociale qui se reflète à l’école dans la plus ou moins bonne maîtrise de l’espagnol et des compétences manuelles et intellectuelles qui préparent le terrain à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Dès lors que la scolarisation est obligatoire, les pouvoirs publics doivent proposer des places dans les écoles publiques gratuites et laïques.

Depuis de très longues années (plus de 12 ans d’un gouvernement néolibéral local, d’abord avec Mauricio Macri puis avec Horacio Rodríguez Larreta, à partir de l’élection du premier à la présidence de la République argentine), le système scolaire public se dégrade à Buenos Aires au profit du système privé qui reçoit des subventions du gouvernement municipal pendant que les plafonds des écoles publiques s’effritent sur les élèves, que les radiateurs ne chauffent pas pendant l’hiver et que les enseignants sont paupérisés par des salaires fort peu réévalués tandis que l’inflation galope et de plus en plus privés d’outils de travail efficaces.

Applaudie non sans cynisme par la droite, Soledad Acuña avait déjà déclenché le scandale à gauche il y a quelques semaines en faisant publiquement des commentaires plus que désobligeants sur les enseignants auxquels elle reprochait pêle-mêle leur âge trop élevé lors de leur recrutement, leur profil professionnel (ce serait des ratés) et leur origine sociale (ils ne posséderaient pas la culture de l’élite). Enfin, elle a lourdement insisté sur le fait qu’au lieu d’enseigner, ils feraient de la propagande dans leurs classes alors qu’ils s’efforcent surtout de construire l’esprit critique de leurs élèves. Or dotés d’esprit critiques, les futurs citoyens devraient être capables de décrypter les discours politiques, de droite comme de gauche. Par ailleurs, les syndicats enseignants se font beaucoup entendre, ce qui est fort compréhensible au regard de la détérioration criante des conditions de travail des instituteurs et des professeurs.

Daniel Paz et Rudy ne pouvaient pas manquer l’occasion de se faire ces juges injustes avec la vignette de la une ce matin :

Le type du gouvernement municipal : C’est un plan en trois étapes. Nous avons d’abord réussi à faire qu’il y ait un système de santé privée et un autre public.
Maintenant, nous sommes en train de faire pareil avec l’éducation.
Le journaliste : C’est pas juste, ça !
Le politicien : Exact. La troisième étape, c’est la justice.
Traduction © Denise Anne Clavilier
© Denise Anne Clavilier www.barrio-de-tango.blogspot.com
Pour en savoir plus :
lire l’article de Página/12 de ce matin
lire la dépêche de Télam du 24 décembre

Ce soir, récital d’anniversaire de Susana Rinaldi en plein air [à l’affiche]


Hier, la grande chanteuse Susana Rinaldi a fêté ses 85 ans !
Elle fêtera cela ce soir, samedi 26 décembre 2020, à 21h, en donnant un
récital de tango sur la terrasse du Teatro Picadero, situé dans le centre de Buenos Aires (Pasaje Discépolo 1857).
Página/12 en profite pour interviewer la grande artiste dont ce sera les retrouvailles avec le public après le confinement.
© Denise Anne Clavilier
Pour en savoir plus : lire l’article de Página/12

jeudi 17 décembre 2020

Le chamamé est inscrit au Patrimoine culturel de l’Humanité [Actu]

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Le chamamé, musique et danse qui rassemble cinq pays d’Amérique du Sud, vient de passer avec succès le nouveau vote de l’UNESCO qui attribue les inscriptions au patrimoine culturel immatériel de l’Humanité. Avec le soutien du Paraguay, de l’Uruguay, du Chili et du Brésil, c’est la délégation argentine qui portait cette candidature. C’est d’ailleurs aussi en Argentine que se tient le festival international du chamamé, lequel ne se produira certainement pas dans les conditions habituelles cet été...

Gros titre optimiste qui a été démenti dans la journée
"Sputnik V arrive" mais on a appris que le vaccin
n'était pas validé pour les plus de 60 ans et que Poutine lui-même n'était pas vacciné
Une sous-secrétaire d'Etat à la Santé est actuellement à Moscou
pour organiser la première livraison d'un vaccin que le gouvernement argentin
destinait en priorité aux aînés... Embrouille commercialo-diplomatique en vue.
En-dessous, le chamamé
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Une première tentative d’inscription avait échoué en 2018.

A Corrientes, la capitale de la province homonyme, qui est la première en Argentine à soutenir et promouvoir le genre, on a attendu le résultat du vote dans le grand théâtre de la ville, gouverneur en tête ! Et sitôt connu ce résultat, la fête a éclaté partout, dans les rues et les institutions. El Litoral, le quotidien provincial, en a fait sa une.

Compte Twitter de la Province de Corrientes

Le site Internet officiel consacré au chamamé par la province a immédiatement donné l’info. Allez y jeter un œil : c’est une encyclopédie en ligne sur le genre. Vous y trouverez en particulier un catalogue très étendu de chansons. Corrientes Chamamé est à ce genre ce que Todo Tango est à l’autre. A découvrir.

Une annonce encore plus discrète : en haut à droite
dans le bandeau gris...
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La nouvelle vient couronner une année très éprouvante pour le monde entier mais encore plus pour le secteur culturel et artistique sous toutes ses formes, lequel a beaucoup souffert en Argentine, et ce à la veille de fêtes de fin d’année en mode mineur, alors que d’ordinaire elles inaugurent l’été et l’insouciance des grandes vacances...

Chango Spasiuk joue Kilometro 11,
un grand classique du répertoire
en janvier dernier sur Nacional Folklórica,
la station spécialisée du groupe Radio Nacional
L'accordéon est l'instrument emblématique du genre


© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

Montevideo annule le carnaval 2021 [Actu]


L’Uruguay a longtemps fait l’envie de ses voisins car il avait pu éviter que l’épidémie fasse des ravages dans la population sans arrêter son économie ni imposer de confinement. Les écoles avaient continué à recevoir les élèves. Pourtant depuis quelques mois, la situation change et la maladie commence à devenir incontrôlable, un peu comme ce qu’il s’est passé en Suède.

Du coup, les mesures strictes arrivent en cascade : les frontières vont être fermées aux touristes pour les fêtes de fin d’année et des restrictions très fortes vont s’imposer pour les jours qui viennent pour tout ce qui est réunion privée et publique.

Photo Gastón Britos (Foco UY)

Dans ce cadre, la mairie de Montevideo vient de se résoudre à annuler le carnaval de la ville, un des temps forts de l’été sur tous les plans : c’est la fête, le tourisme, la consommation à gogo en pleine époque des vacances d’été…

De l’autre côté du fleuve, diverses provinces argentines ont déjà annoncé l’annulation des carnavals notamment le long du fleuve Uruguay, qui sert de frontière entre les deux pays.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

mercredi 16 décembre 2020

Grande fierté uruguayenne : Gonzalo Moratorio à l’honneur dans Nature [Actu]

La photo de la une est pour le docteur Moratorio !
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La revue scientifique Nature a publié hier sa liste des dix personnalités qui ont le plus fait avancer la science au cours de l’année. Parmi ces personnalités, on trouve la première ministre de Nouvelle-Zélande, la travailliste Jacinda Ardern, pour son action contre le covid-19, l’infectiologue états-unien Antony Faucy qui s’est battu pied à pied pour faire triompher les principes scientifiques dans un contexte politique pour le moins hostile et le directeur général de l’OMS.

On y trouve aussi un scientifique latino-américain, le virologue Gonzalo Moratorio, l’un des chercheurs de pointe de l’Institut Pasteur de Montevideo. Le docteur Moratorio est uruguayen et il a choisi de retourner dans son pays après un long séjour scientifique en France, ce qui n’est pas ultra-fréquent.


Sa présence dans la sélection de Nature lui a bien sûr valu les félicitations du président Luis Lacalle Pou et la une de plusieurs quotidiens dont El País et El Observador.

En revanche, il est pour le moins surprenant de ne pas trouver un seul mot sur ce sujet sur le site du quotidien de gauche La República.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

L’inflation de novembre est redescendue à 3,2 % [Actu]

Synthèse générale de l'Indice des prix à la consommation (IPC)
en novembre 2020
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Hier, l’INDEC a publié en même temps à la fois son baromètre des prix à la consommation (IPC) et son panier de base à partir duquel l’institut définit le seuil de pauvreté et celui de l’indigence.

Résultat : l’inflation a été en novembre de 3,2 % en moyenne, ce qui donne une inflation 2020 de 30,9 % depuis le 1er janvier, ce qui montre une relative maîtrise du phénomène, eu égard au fait qu’en 2019, cette inflation annuelle avait crevé le plafond symbolique des 50 %. Pour une année aussi sinistrée par la pandémie, ce n’est pas si mal…

Synthèse IPC paramètre par paramètre
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De décembre 2019 à novembre 2020, l’inflation s’est élevée à 35,8 %. Le progrès est donc très net. Cela rend la critique du gouvernement assez difficile pour l’opposition qui ces jours-ci s’est pourtant déchaînée, pour le premier anniversaire de la prise de fonction du président Alberto Fernández (10 décembre).

Les loisirs et la culture ainsi que l’équipement domestique sont les catégories qui enregistrent les deux plus forts augmentations, tandis que l’éducation et la téléphonie-Internet sont ceux qui ont le moins participé à l’inflation, avec respectivement 0,4 % et -0,6 %.

Synthèse comparative des deux paniers
(alimentaire et général)
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L’autre rapport, construit sur des prix relevés dans le Gran Buenos Aires, la région où vit un quart de la population globale du pays, montre quant à lui qu’il faut toucher 51.775 $ ARG par mois pour qu’un foyer de quatre personnes se situe au-dessus de la ligne de flottaison. C’est beaucoup d’argent. Le phénomène avait déjà été dénoncé par l’Observatoire de la Dette sociale de la UCA il y a quelques jours lorsqu’il avait publié ses chiffres effroyables : aujourd’hui, 44 % des Argentins sont pauvres, à cause d’une combinaison de crise économique héritée de l’hyper-endettement national contracté par le gouvernement précédent et de crise sanitaire qui a atteint l’Argentine en mars, au moment de la rentrée sociale, à la fin de l’été dernier (voir mon article du 5 décembre 2020).

Le panier alimentaire s’élève donc à près de 7.000 $ ARG, soit une augmentation mensuelle de 4,2 %. Comme d’habitude, l’inflation touche davantage les pauvres que les plus aisés. Le panier général, qui comprend aussi les services, accuse une hausse de 3,7 %, là-encore au-dessus de l’inflation moyenne.

A quelques jours d’un Noël qui fait peur et pour lequel le gouvernement national demande aux Argentins des efforts de sobriété et de retenue afin d’éviter que les fêtes ne relancent l’épidémie, ces chiffres apparaissent sur la une des quotidiens parmi les titres secondaires.

© Denise Anne Clavilier

Pour en savoir plus :

sur l’indice des prix à la consommation (IPC)
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación
accéder au rapport de l’INDEC
sur les paniers

samedi 12 décembre 2020

Loi sur l’avortement : la Chambre a adopté ! [Actu]

"Et maintenant, au tour du Sénat !"

Hier, la loi qui légalise l’avortement en Argentine, a obtenu une large majorité au terme de onze heures de session sur deux jours. Le projet de loi, proposé par le gouvernement, a obtenu 131 voix pour, 117 contre et 6 abstentions.

Le tableau lumineux qui donne les résultats du vote dans l'hémicycle
Au-dessous, dans la galerie du public, des représentantes de groupes militants

Il faut maintenant que le même projet soit voté par le Sénat. La présidente de la chambre haute, Cristina Kirchner, a organisé un agenda qui devrait permettre l’adoption définitive avant la fin de l’année civile.

Vignette du jour dans Página/12
Lui : Ceux qui impulsent la légalisation de l'avortement,
pensent-ils seulement aux vies qu'ils sont en train de détruire ?
Elle : Vous parlez des bébés à naître ?
Lui : Non... A nous, qui avons des cliniques clandestines.
Traduction © Denise Anne Clavilier
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Le magistère catholique se déploie déjà auprès des sénateurs pour les convaincre de voter contre, avec des arguments qui sont parfois assez nauséeux (quand ils assimilent le présent projet de loi avec les mesures bolchéviques de 1917). Sous Mauricio Macri, les autorités catholiques avaient obtenu que ces parlementaires renversent le courant et la loi n’était pas passée, d’un cheveu. Cette fois-ci, l’opération paraît encore moins assurée même si le projet divise la population. Il reste en Argentine une importante partie de la population qui affiche son hostilité à cette dépénalisation.

Le gros titre est consacré à une querelle politique
de la majorité contre la Cour suprême
La photo concerne la politique économique de Cuba
La loi sur l'avortement est traitée
avec la petite photo en haut à droite
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Les unes des journaux sont d’ailleurs instructives à ce sujet : Página/12, qui a toujours soutenu l’idée d’une légalisation de l’avortement pour des motifs féministes et sociaux, met l’info en vedette sur sa première page. Clarín et La Nación mettent plutôt en avant des questions économiques. Malgré la part belle que les deux rédactions ont laissée depuis longtemps aux « celestes » (les opposants au projet de loi, autoproclamés « pro-life » ou « pro-vida » qui agitent des bannières bleu-ciel, en hommage à l’Immaculée Conception de la Vierge), le fric reste plus important que cette cause qui semble maintenant perdue. Ils laissent tomber l’affaire !

"La légalisation de l'avortement dispose
d'une légère avance au Sénat"
En-dessous, photo d'un embouteillage
de navires sur le Paraná à cause d'un mouvement social
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Côté sanitaire, cette victoire de militants verts (la couleur des pro-droits [d’autodétermination des femmes]) laisse augurer le pire : juste après le vote, les militantes (très majoritairement des femmes) ont laissé éclaté leur joie, ont hurlé sans masque et se sont étreintes… Pourtant l’épidémie est loin d’être finie en Argentine, même si la campagne de vaccination, avec Spoutnik V, se prépare pour commencer au début de l’année prochaine.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire l’article principal de Página/12
lire l’article principal de La Prensa, dont le site Internet est étrangement taciturne ce matin sur ce sujet pourtant essentiel pour ce quotidien catholique affirmé
lire l’article principal de Clarín
lire l’article principal de La Nación
lire le communiqué officiel de l’Honorable Chambre des Députés de la Nation (HCDN) (1)
visionner les 11 heures de débat sur la chaîne Youtube de l’institution.



(1) La constitution argentine s’est beaucoup inspiré de celle des États-Unis. D’où cette dénomination de tradition si britannique. La tradition protocolaire hispanique tourne autour des adjectifs « illustrissime » et « excellentissime » et non de la notion d’honorabilité.