lundi 30 juin 2025

Ce soir, Gobbi de Oro à Walter Piazza [à l’affiche]

Jolie photo de Walter Piazza (à droite) avec Horacio Ferrer
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Ce soir, la Academia Nacional del Tango fête ses 35 ans d’existence. Elle a été fondée par le poète et essayiste Horacio Ferrer et une poignée d’autres personnes le 28 juin 1990 au sous-sol du Gran Café Tortoni, au-dessus duquel elle a maintenant un magnifique siège sur trois étages dans un ancien hôtel particulier alvearien de la capitale argentine, baptisé par Horacio Ferrer Palacio Carlos Gardel.

A cette occasion, le Plenario de ce soir, lundi 30 juin 2025, à 18h, l’un de ces co-fondateurs, Walter Piazza, se verra remettre le Gobbi de Oro, une distinction créée par Horacio Ferrer pour les grands représentants du genre.

Or, depuis le début, fidèle au poste, Walter est la véritable cheville ouvrière de l’institution. Les deux présidents successifs, Horacio Ferrer, jusqu’à sa mort en 2014, puis Gabriel Soria, aujourd’hui, et nous aussi, les académiciens correspondants dans le monde entier, savons pouvoir nous appuyer sur lui en tout temps et en toutes circonstances. C’est lui qui fait marcher toute la maison. Il y met une discrétion à toute épreuve et une rondeur, une bonhomie, une chaleur humaine et une cordialité tout à fait contagieuses ! Pour moi, personnellement, il est un véritable ami depuis 2007 et je suis donc très heureuse de cet honneur qui lui sera fait ce soir.

Walter est un puits de science sur le tango, il en connaît l’histoire jusqu’au moindre détail et il a un vécu d’une richesse exceptionnelle dans tout le milieu et toutes les disciplines du genre. Qui plus est, c’est un ami loyal !

Bravo à lui.



La chaîne de télé locale de Pehuajo, sa ville natale, au nord-ouest de la Province de Buenos Aires (45 000 hab.), l’a fièrement interviewé à cette occasion. Le petit entretien, joliment mis en scène dans les locaux du Museo Mundial del Tango, au premier étage du Palais Carlos Gardel, est disponible sur la chaîne You Tube de Noticias Pehuajo (ci-dessus).

© Denise Anne Clavilier

Entrée libre et gratuite, avenida de Mayo, 83 (juste à côté du Tortoni qui occupe le rez-de-chaussée), premier étage.

La gauche reprend des couleurs aux élections locales de Formosa et Santa Fe [Actu]

"Rosario a toujours été près"
(comprenez comme vous voulez près de la victoire
ou près de Cristina)
En photo principale : le discours de victoire
du principal opposant municipal
Au-dessus : dans un rapport confidentiel, la banque JP. Morgan
déconseille à ses clients d'investir en Argentine
Pour aller plus loin sur ce point :
lire l'article de Página/12
lire l'article de Clarín
lire l'article de La Nación
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Avec une participation plus élevée que dans les précédentes élections provinciales où elle était autour de 50 % seulement, des élections de mi-mandat se sont tenues localement, en avance du calendrier national, dans les provinces de Formosa, à l’extrême nord de l’Argentine, et Santa Fe, au nord-ouest de Buenos Aires. Dans les deux cas, la gauche péroniste, sans aucun doute galvanisée par la condamnation définitive et la résidence surveillée imposée à Cristina Kirchner, fait de bons résultats, devançant même et, dans ce cas, assez largement le PRO, la droite libérale de Mauricio Macri (ou ce qu’il en reste après les raids opérés sur elle par Javier Mileí et consorts) et LLA (La Libertad Avanza, la mal-nommée mileíste).

Pratiquement rien sur les élections,
sauf cette photo de la soirée électorale
du gouverneur de Sante Fe qui fait silence sur Rosario
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C’est dans les élections municipales de Rosario, la seconde ville argentine, capitale culturelle et économique de la province de Sante Fe, que le résultat est le plus spectaculaire : il y avait 52 ans que le péronisme attendait d’y gagner un scrutin. C’est fait : la liste kirchnériste remporte 30,60 % des suffrages exprimés dans le cadre du renouvellement partiel du conseil municipal (assemblée élue qui exerce le pouvoir législatif pour la ville, tandis que le maire, dont le mandat n’était pas en jeu, exerce le pouvoir exécutif), devant la majorité provinciale (LLA), qui atteint 28,8 %, et la droite libérale de l’actuel maire (25,6%). Et pourtant, le taux de participation à Rosario a été très faible, de l’ordre de 50 % (les taux varient selon les sources). Ce qui veut sans doute dire que les électeurs de la gauche de gouvernement se sont mobilisés contrairement à ceux qui votent à droite (libéraux et libertariens) et qui n’ont pas sans doute pas vu venir les bons résultats de leurs opposants. Dans le reste de la province, c’est plutôt la droite libérale qui l’a emporté, selon une tradition qui ne se dément donc que très difficilement. Les résultats sont donc moins satisfaisants pour la gauche mais comme ils concernent une population beaucoup plus clairsemée, c’est la victoire à Rosario qui s’impose dans les esprits et dans les analyses partisanes, en vue des élections nationales de mi-mandat où la gauche espère casser l’actuelle majorité dont l’incohérence et la volatilité profitent à la politique libertarienne, anti-sociale et anti-étatique de Mileí.

"A Formosa, [le gouverneur] Insfrán faisait
passer en force sa réélection ;
A Rosario, la victoire du péronisme est une surprise"
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A Formosa, province très pauvre et assez peu connue des Argentins eux-mêmes, c’est la gauche kirchneriste qui l’emporte sans que cela constitue une surprise. Formosa est un bastion du péronisme depuis le retour à la démocratie. Il le reste. La majorité vient de remporter 68 % des suffrages exprimés pour le renouvellement complet de la Legislatura provinciale, le tout avec une participation plutôt haute par les temps qui courent de 64,34 %. En comparaison, LLA obtient 11 % des voix et arrive troisième du scrutin.

"Large victoire de Insfrán pour défier la Cour [suprême]
et aller chercher une nouvelle réélection", dit le gros titre
au-dessus d'une image de Messi,
dont l'équipe a été défaite par le PSG... aux Etats-Unis !
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Dans cette province, les têtes changent très peu souvent. L’actuel gouverneur en est à son septième mandat (après avoir été le vice-gouverneur de son prédécesseur) et la Cour suprême de la Nation commence à froncer les sourcils, estimant que l’article de la constitution provinciale qui autorise cette candidature perpétuelle doit être révisé. Les observateurs pensent que, fort de cette nouvelle majorité incontestable, le gouverneur va lancer une réforme constitutionnelle dans le sens inverse : pour rendre plus difficile à attaquer l’article récemment visé par la Cour. Et sans doute lancer une huitième candidature pour un huitième mandat (tant qu’on a la santé…). Tout cela entraîne bien entendu l’expression rageuse de la part de l’opposition de ses soupçons quant à la sincérité de ce scrutin et des précédents, cette opposition qui sans doute se comporterait de la même manière si elle en avait les moyens.

"Le futur est déjà là", proclame la Une de
l'édition rosarine de Página/12
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Les élections nationales et les autres scrutins provinciaux que les gouverneurs ont laissées calés sur une date unique se tiendront en octobre et définiront la suite du mandat de Mileí, qui a déjà annoncé qu’il comptait se représenter dans deux ans.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12 sur Rosario (Santa Fe)
lire l’article de Página/12 sur Formosa
lire l’article de La Prensa sur Santa Fe
lire l’article de La Prensa sur Formosa
lire l’article de Clarín sur Formosa (l’article sur Rosario est réservé aux abonnés. Tiens, tiens ! Et pourquoi donc ?)
lire l’article de La Nación sur Santa Fe
lire l’article de La Nación sur Formosa

samedi 28 juin 2025

Il y aura bien un procès de l’attentat contre l’AMIA. Ce n’est pas trop tôt ! [Actu]

Hier, La Prensa a divisé sa une en deux :
en haut, les attaques électoralistes de Mileí et consorts
contre Axel Kiciloff, le gouverneur de la province de Buenos Aires,
traité de "Bébé Staline", parce qu'il mène une politique sociale
en bas : quelques photos des victimes de l'attentat de l'AMIA
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85 morts et environ 300 blessés dont 151 atteints à vie, devant l’AMIA, rue Pasteur, dans le centre de Buenos Aires, le 18 juillet 1994, sous la présidence de Carlos Menem, qui fut un temps soupçonné d’avoir personnellement aidé les terroristes (1). C’était la plus grande institution juive d’Argentine qui était visée : l’AMIA est certes d’abord une mutuelle mais elle fait aussi office de consistoire et d’instance représentative de la religion juive face aux pouvoirs publics (la AMIA administre en effet, entre autres, l’abattage rituel et les cimetières juifs dans tout le pays). L’explosion du 18 juillet 1994 reste à ce jour l’attentat antisémite le plus meurtrier de l’histoire, en dehors du territoire d’Israël puisque les assaillants du 7 octobre ont tué plus de monde encore.

L’instruction, longtemps erratique, avait permis, sous Néstor Kirchner, de faire apparaître des commanditaires au sein du Hezbollah, un proxy de la République islamique d’Iran au Liban, récemment écrasé par Tsahal.

C’est le juge fédéral Daniel Rafecas (2) qui a décidé d’audiencer le procès sous la forme du jugement par contumace, qui est entré tout récemment dans le code de procédure pénale argentin.

Les accusés principaux, dont la plupart seront donc jugés en leur absence, sont sept Iraniens, dont plusieurs étaient les uns ministres en Iran, les autres diplomates en poste à Buenos Aires, trois Libanais, les deux exécutants dont la présence sur les lieux est attestée, et leur supérieur, tous trois susceptibles d’avoir bénéficié de la protection active du président Carlos Menem, dit el Turquito (ce qui veut dire « l’Arabe » en bon argentin, puisque, dans les années du pic du flux migratoire, 1880-1920, les immigrants arabes détenaient un passeport de l’Empire ottoman. De même, « El Rusito » est un terme affectueux qui désigne un juif, parce que, dans ces mêmes années, la quasi-totalité de l’immigration juive, fuyant les pogroms, arrivait de l’Empire tsariste). On pense que Menem aurait pu cacher personnellement et en toute connaissance de cause au moins deux et peut-être les trois auteurs de l’attentat dans une résidence officielle dans les heures et les jours qui ont suivi l’explosion qui venait de détruire le siège de l’AMIA.

"Première institutionnelle : il y aura un procès
en absence contre les accusés de l'explosion de l'AMIA",
dit le gros titre
(La photo principale porte sur une assez sordide histoire
d'héritage dans l'entourage d'une grande intellectuelle de droite)
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A côté de ces commanditaires et de ces exécutants, il existe aussi des accusés secondaires qui devront répondre d’actes commis après l’attentat : les uns sont accusés d’avoir, aussitôt après l’explosion, délibérément protégé, avec ou sans la complicité du président en place, les auteurs ; les autres ont agi sur le long terme en faisant dérailler l’instruction, en l’orientant sur des fausses pistes et en l’installant dans des impasses, ce qui a largement donné aux trois Libanais le loisir de se réfugier à l’étranger, en Iran ou au Liban, d’où il s’est avéré impossible de les extrader mais dont ils ne peuvent pas sortir puisqu’une notice rouge d’Interpol reste en vigueur contre eux. Ces accusés secondaires sont tous argentins. Ils devraient donc comparaître. Ils sont six : trois anciens magistrats (le premier juge d’instruction et deux procureurs), deux anciens responsables de la SIDE (le renseignement extérieur), très haut placés, ainsi qu’un particulier qui a vendu aux terroristes le véhicule qu’ils sont accusés d’avoir piégé puis garé devant l’AMIA où il a explosé. S’il était encore en vie, Carlos Menem aurait donc dû comparaître aux côtés de ces hommes.

Ce procès très attendu sera probablement très suivi !

L'info n'a droit qu'à un titre très secondaire
à droite, au-dessus de la photo de Lalo Schifrin
L'info people des mariés de Venise semble plus importante
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Rappelons que l’Argentine est le pays d’Amérique latine qui compte le plus grand nombre de citoyens se réclamant du judaïsme ou de la judéïté.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article d’hier de Página/12
lire l’article d’hier de La Prensa
lire l’article d’hier de Clarín
lire l’article d’hier de La Nación
Par respect pour Lalo Schifrin, dont on a appris la mort hier et comme j’en ai l’habitude en pareilles circonstances, j’ai retardé d’un jour la publication des autres informations sur Barrio de Tango.




(1) La mort de Carlos Menem a éteint les poursuites engagées contre lui. Toute sa vie, il aura gardé des liens forts avec la Syrie de ses ancêtres au point qu’il a été enterré dans un cimetière musulman, lui qui avait renoncé à sa religion de naissance puisqu’elle l’aurait empêché d’accéder aux fonctions suprêmes de la République argentine (depuis, la constitution a changé. Elle n’exige plus du chef de l’État qu’il soit catholique).
(2) Ce juge a longtemps eu la réputation d’être kirchneriste mais pendant plusieurs mois, il a passé pour être le candidat que Mileí aurait voulu nommer à la Cour suprême, où les magistrats en fonction ne sont plus que trois, ce qui est intenable. Cette nomination gaguesque a tourné en rond pendant des mois et on en a depuis perdu la trace !!!!

La Empoderada à la Ciudad Cultural Konex ce soir [à l’affiche]

Ce soir, samedi 28 juin 2025, à la Ciudad Cultural Konex, un complexe militant à Buenos Aires, l’ensemble féminin tanguero la orquesta atípica La Empoderada se produira pour présenter un nouveau spectacle, intitulé Manifiesta.

Le placement est libre, sans numérotation mais en deux catégories de prix : 13 000 et 18 000 pesos argentins.

Le tango reste dominé par les hommes dans le domaine de la composition et des instruments. La mixité est plus visible dans le chant et les ensembles féminins se font de plus en plus nombreux mais restent une exception.

Il faut donc découvrir la musique de La Empoderada (celle qui peut) en allant visiter leur site et leur chaîne You Tube.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12

Les universités battent le pavé [Actu]

"Merci pour le feu", dit le gros titre
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Les universitaires manifestaient en cette fin de semaine contre les coupes budgétaires qui affectent leurs établissements et les privent de travail comme chercheurs et comme enseignants.

Avant l’arrivée de Mileí au pouvoir, l’Argentine était en Amérique du Sud l’un des pays les plus développés en la matière. Ce qui se traduit par une belle présence des chercheurs argentins, travaillant dans leur pays, dans les revues scientifiques internationales. De plus, contrairement aux États-Unis mais comme à peu près partout en Europe, la recherche et l’enseignement universitaire appartiennent au secteur public. Les universités privées ne comptent pas dans le paysage scientifique.

L’effondrement des budgets publics sous Mileí et le mépris affiché par l’ensemble de l’exécutif à l’égard de ce secteur promet des lendemains qui déchantent en Argentine avec un effondrement des cadres formés et de la construction du savoir, sans parler de celui des applications dans à peu près tous les domaines et notamment dans la santé et la lutte contre le réchauffement climatique.

Il faut aussi savoir qu’historiquement, il a été très difficile dans ce qui est aujourd’hui l’Argentine de faire ouvrir des universités pendant toute la période coloniale. La UBA, l’université de Buenos Aires, récemment classée parmi les 100 meilleures du monde, est une indéniable conquête de l’Indépendance. Or on le voit bien, Mileí vend l’indépendance de son pays à l’encan. Il n’a déjà plus de diplomatie propre (il suit Trump en tout ce qu’il dit et fait), la justice est brinquebalante, l’économie est au plus bas, la consommation ralentit de mois en mois, le FMI est redevenu le créancier principal du pays...

"L'Université se noie et lutte", dit le gros titre
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Les universitaires sont donc dans la rue avec marche aux flambeaux à Buenos Aires pour que ce soit plus théâtral et qu’on en cause dans les gazettes ! En presque pure perte hélas. Seul Página/12 s’en fait l’écho...

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article d'hier de Página/12
lire l’article d'hier de Rosario/12, l’édition santafesine du quotidien portègne.

vendredi 27 juin 2025

L’Argentine salue Lalo Schifrin, mort à Hollywood [Actu]

"La vie en musique", dit le gros titre
du supplément culturel de Página/12
La rédaction a choisi une photo prise à Paris, en 2016,
lorsque le compositeur a été commandeur des Arts et des Lettres
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Le célèbre compositeur de cinéma n’appartenait plus à l’Argentine depuis longtemps mais au monde entier. Il vient de mourir à Los Angeles à l’âge respectable de 93 ans.

C’est Dizzy Gillespie, alors en tournée, qui l’avait remarqué dans un café de Buenos Aires où il jouait avec son groupe. Il l’avait aussitôt emmené aux États-Unis où Lalo Schifrin n’a pas tardé à briller de mille feux.

On lui doit les bandes-son de nombreux classiques d’Hollywood et de la télévision américaine (dont la série originale de Mission impossible en 1966 ou Starsky et Hutch) et c’est cette carrière remarquable que la presse argentine salue ce matin non sans fierté. Pourtant, à peu près tout le monde avait oublié qu’il était argentin !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación

mercredi 25 juin 2025

Semana Gardeliana à Buenos Aires [à l’affiche]

Carlos Gardel
11 décembre 1890, Toulouse, France
24 juin 1935, Medellín, Colombie


Hier, c’était le 90e anniversaire de la disparition de Carlos Gardel, qui a trouvé la mort à Medellín, lors d’une collision de son avion au sol, alors qu’il allait décoller pour l’une des toutes dernières d’une grande tournée en Europe et en Amérique. Il avait 45 ans et il était au sommet de son art.

Sa voix a été classée au patrimoine de l’UNESCO. Il est considéré comme un trésor national par les Argentins.

Pourtant, cet anniversaire qui aurait dû revêtir quelque solennité, passe presque inaperçu. La ville de Buenos Aires (gouverné à droite et qui utilise le tango comme un atout économique plus que comme un patrimoine culturel) a mis en place une riche semaine d’événements en tout genre dans de nombreux espaces qu’elle contrôle, en particulier le réseau des théâtres municipaux. Le ministère portègne de la culture ne s’est toutefois même pas donner la peine de publier une affiche pour cette manifestation. Sur le site de la ville, une simple photo de l’artiste… Elle est dans le domaine public. Cela évite les frais, n’est-ce pas ? Ils n’ont aucune honte !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12 sur l’ensemble des propositions de la semaine
lire l’article de Página/12 sur le spectacle qui s’est donné hier au CCK (rebaptisé aujourd’hui Palacio Libertad, parce que Mileí ne supporte pas que quoi que ce soit porte le nom de l’ancien président Néstor Kirchner)
lire l’article de La Prensa, par le président de la Fondation Gardel, un homme qui n’est pas à sa place dans cet univers gardélien, qui n’a guère de liens avec l’univers du tango et ses institutions, et qui présente ici un ouvrage complotiste qu’il a signé sur l’accident du 24 juin 1935 (cela fait 90ans que toutes sortes de théories fantaisistes et absurdes circulent sur cet accident, comme il y en avait beaucoup dans ces premiers temps de l’aviation)
lire l’article de Clarín

Mileí met son veto à la loi d’aide aux sinistrés de Bahía Blanca [Actu]

Le gros titre est un calembour :
"Noyés par ma loi"
(Mileí et Mi ley se prononcent de la même manière)
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Le 7 mars (voir photo ci-dessus), la ville balnéaire de Bahía Blanca, tout au sud de la Province de Buenos Aires, était victime d’une inondation très soudaine et monstrueuse qui a fait plusieurs morts, dont deux bébés, et des dégâts matériels très importants : l’eau recouvrait les voitures ou les avaient emportées vers l’océan. De nombreuses maisons ont été détruites ou tenaient encore debout mais étaient pour toujours inhabitables, des commerces ont disparu sous les eaux, la voirie a été défoncée, etc.

Le Congrès a donc voté ces derniers jours une loi d’urgence pour venir en aide aux sinistrés et reconstruire la ville grâce à une participation financière nationale.

Or la Province de Buenos Aires est gouverné par Axel Kiciloff, un ancien ministre de Cristina Kirchner, donc un homme de gauche, que le gouvernement actuel traite de « communiste », voire de « soviétique », montrant par là que comme les MAGA qui ont élu Trump, ils ne savent pas de quoi ils parlent.

La Une de l'édition provinciale joue elle aussi avec les mots
Cette fois-ci, il s'agit d'une expression idiomatique :
Llover sobre mojado, littéralement "pleuvoir sur [sol] mouillé"
ce qui signifie "Quand c'est fini, ça recommence"
ou "de Charybde en Scylla"
Ici, mojado (mouillé) est remplacé par "llovido" (il a plu)
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Javier Mileí vient donc de mettre son veto à cette loi, ce qui oblige le Sénat à en débattre une seconde fois, pour passer outre les caprices de « Monsieur Veto », alors que des élus LLA (Mileí) avaient voté pour. On voit mal d’ailleurs comment on peut voter contre quand on regarde la situation effective à Bahía Blanca !

Il va s’entendre chanter La Carmagnole dans pas longtemps s’il continue comme ça ! (1)

C’est tellement scandaleux que même la presse de droite en parle...

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12, édition nationale
lire l’article de Buenos Aires/12 (édition locale de La Plata de Página/12)
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación



(1) Pour mes lecteurs argentins, par exemple les amis des Alliances françaises, qui ne connaîtraient pas cet épisode de l’histoire de France, lorsque celle-ci était, pour quelques mois encore, une monarchie constitutionnelle :

I. Madame Veto [Marie-Antoinette] avait promis (bis)
De faire égorger tout Paris (bis) [à la différence de l’Argentine actuelle, c’était faux, mais ce qui a fait l’histoire, c’est que le peuple de Paris le croyait]
Mais son coup a manqué
Grâce à nos canonniers
Refrain : Dansons la carmagnole
Vive le son, vive le son
Dansons la carmagnole
Vive le son du canon

II. Monsieur Veto [Louis XVI] avait promis (bis)
D’être fidèle à son pays (bis)
Mais il y a manqué
Ne faisons plus d’quartier !
Refrain : Dansons la carmagnole, etc

A écouter, par exemple, sur Youtube dans la collection Chants et Musiques de France - Chants du Patrimoine

La juge démissionne avant d’être révoquée [Actu]

Copie de la lettre de démission
de la juge, remise au conseil de discipline
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La juge Julieta Makintach, qui faisait partie du collège des magistrats en train de juger les huit accusés de la mort de Diego Maradona et s’était permis de signer avec un producteur sa participation rémunérée à un documentaire illégal et clandestin sur le procès dont le scénario prévoyait déjà les peines prononcées, vient de démissionner de ses fonctions dans la magistrature de la Province de Buenos Aires.

Par les mains de son avocat, elle a fait parvenir au tribunal constitué pour juger sa conduite professionnelle une copie certifiée de sa lettre de démission, adressée au gouverneur de la province de Buenos Aires, autorité qui nomme les juges provinciaux, alors qu’au cours de la première audience de ce qui fonctionne comme un conseil de discipline, le jury avait déjà répondu qu’elle devait passer en jugement pour malversations et manquements graves aux devoirs de sa charge.

Cette démission met fin au procès administratif qui s’ouvrait et lui évite le déshonneur d’être chassée de la magistrature par ses pairs, qui plus est dans le district huppé où elle exerçait, à San Isidro, dans la très chic banlieue nord de Buenos Aires. Cependant, puisqu’elle est démissionnaire, elle perd l’immunité professionnelle qui la protégeait en tant que juge en activité ainsi tous les revenus correspondants, en particulier ce demi-salaire qu’elle continuait de toucher pendant sa mise à pied à titre conservatoire, et ce jusqu’à la décision administrative définitive.

L’avocat des filles de Maradona, qui se sont parties civiles dans le procès en cours contre les médecins, infirmiers et psychologues de leur père, saisit donc l’occasion pour demander au procureur l’incarcération immédiate de l’ex-magistrate puisque plus rien ne s’y oppose. Si cette demande est acceptée, l’intéressée sera placée en détention provisoire pendant l’instruction d’un procès pénal et non plus administratif.

Julieta Makintach s’était vue en reine du box-office. La ravissante jeune femme à la cervelle de moineau risque de finir à l’ombre derrière les barreaux !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación

vendredi 20 juin 2025

Las 12 célèbre Cristina [Disques & Livres]

"Du haut du balcon", dit le gros titre
"Est-ce le début de la grosse résistance au gouvernement de Mileí ?"
interroge le sous-titre
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Le supplément que Página/12 consacre toutes les semaines aux enjeux de l’émancipation des femmes, Las 12, est consacré cette semaine à soutenir Cristina Fernández de Kirchner (CFK pour ses partisans), qui a fait la démonstration de sa popularité intacte parmi les Argentins, y compris au-delà des frontières du pays.

"Cristina Kirchner est déjà sous le contrôle
d'un bracelet électronique mais elle peut sortir
sur son balcon", dit le gros titre
sur cette photo qui date d'hier
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Dans cette semaine encadrée par deux jours fériés, pour célébrer la mémoire de deux héros de la guerre d’indépendance, qui se sont distingués par une multitude d’exploits et de surcroît par la présence à leurs côtés de femmes exceptionnelles, le général Güemes, le 16 juin, au jour anniversaire de son assassinat à Salta par un traître vendu à la cause coloniale, et le général Belgrano, aujourd’hui même, à la date anniversaire de son décès à Buenos Aires des suites d’une maladie dont on ne connaît pas la nature exacte, la gigantesque manifestation qui s’est tenue mercredi a donné ses fruits : le juge d’application des peines a fait marche arrière !!!

Clarín titre à peu près la même chose mais sans photo
En revanche, il est bie question de photo en-dessous
Un gouverneur était en train de faire un selfie avec un groupe
quand une personne lui a dérobé son portable.
L'insécurité règne décidément en Argentine
C'est sans doute la faute à Cristina !
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Cristina est désormais autorisée à utiliser son balcon autant qu’elle le veut, dans la mesure où ses « apparitions ne troubleront pas la tranquillité du quartier », ce qui est laissé à son appréciation, à sa bonne foi et à son bon sens. Or la presse de droite avait, il y a plusieurs jours, commencé à publier des articles laissant entendre que les habitants du coin se plaignaient déjà de toutes ces manifestations de soutien et réclamaient qu’on respecte leur « repos ». Ce à quoi Página/12 répond ce matin, en pied-de-nez, par un billet de dernière page où un habitant du quartier dit exactement l’inverse :

Vecino

Tomé la decisión de empezar a sacar esas fotos y a subirlas como un impulso de dejar una huella trascendental por lo que estaba pasando, porque es realmente impresionante”, dijo a La 750 el @vecinodecristina quien, reservando su identidad, armó un registro cotidiano en la redes de la movida en San José 1111. “Es un evento histórico que mis hijos van a estudiar en la secundaria, y está pasando en la puerta de mi casa, así que yo lo estoy tomando como un privilegio, como una oportunidad que pasó. Salgo a la puerta de mi casa y está sucediendo la historia”, comentó.


Habitant du quartier

J’ai pris la décision de commencer à prendre ces photos et de les mettre en ligne comme une envie de laisser une trace essentielle de ce qui est en train de se passer, parce que c’est réellement impressionnant, dit sur La 750 le @voisindecristina qui, en gardant l’anonymat, a mis en place un enregistrement au jour le jour sur les réseaux de ce qui bouge au 1111 rue San José [adresse de Cristina]. C’est un événement historique que mes enfants étudieront au lycée et ça se passe à la porte de chez moi. Alors je prends ça comme un privilège, comme une opportunité à ma portée. Je sors sur le pas de ma porte et l’histoire est en train de se faire, a-t-il commenté.
(© Traduction Denise Anne Clavilier)


Comme le magistrat recule et assouplit les conditions de vie de Cristina pour les six ans à venir, une députée du PRO (parti de la droite libérale que mène encore l’ancien président Mauricio Macri mais peut-être plus pour très longtemps) vient de déposer une proposition de loi qui assimile les délits de corruption aux crimes contre l’humanité, ceci afin qu’ils soient imprescriptibles et que laisser Cristina en résidence surveillée, comme le fait le juge d’application des peines, devienne suspect. Il faut la mettre à l’ombre, cette femme dangereuse, n’est-ce pas ?

Et pendant ce temps-là, une partie de cette même droite fait tout ce qu’elle peut pour élargir les vrais criminels condamnés au terme de procès équitables et au titre des crimes contre l’humanité qu’ils ont commis sous la dictature militaire, ces sbires du régime de Videla qui ont écopé de la perpétuité et dont certains purgent encore leur peine derrière les barreaux.

Tout cela démontre assez clairement l’intention politique qui se cachait derrière la condamnation et sa lourdeur et met en lumière le poids politique que conserve l’ancienne mandataire dans la vie du pays. Et tout se passe comme si la droite en avait vraiment très peur !

Au cri de "L'amie ! Balcon, balcon !"
Corazón (cœur) est une expression de tendresse et d'affection
(pas nécessairement amoureuse)
Cela se dit aux membres de la famille et aux amis très chers...
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Politiquement, son plan a échoué, même si ces gens ne peuvent ni ne veulent le reconnaître.

Lula a annoncé cette semaine son intention de rendre visite à Cristina dans la première semaine de juillet. Lula, le président de gauche, mis en prison sans aucune raison valable par la droite, et réhabilité par la justice, au Brésil, avant de retrouver l’ensemble de ses droits civiques et d’être réélu pour un troisième mandat !!!!

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Une de Las 12 sur la figure de Cristina Kirchner, martyre de la démocratie et de la lutte pour l’égalité femmes-hommes
lire le billet de dernière page de Página/12
lire l’article de Une de Página/12 sur l’assouplissement des conditions de résidence surveillée
lire l’article de Página/12 sur la présentation de cette proposition de loi délirante, qui révèle le peu de considération de cette élue pour le concept de crime contre l’humanité
lire l’article de La Prensa sur l’assouplissement des conditions de vie de Cristina
lire l’article de Clarín sur ce sujet
lire l’article de La Nación sur le sujet

Un documentaire de La Nación récompensé par le Rey de España 2025 [à l’affiche]

Visuel de présentation du documentaire
(Il s'agit d'une procession à Santiago del Estero)


Le documentaire de moyen métrage, Mama Antula, una historia del milagro argentino ‑ Cómo fue la vida de la santa que sorprendió a Occidente, raconte la vie et l’œuvre spirituelle de la première canonisée argentine, portée sur les autels par le pape François le 21 février de l’année dernière.

Native de Santiago del Estero, dans le nord-ouest argentin, et morte à Buenos Aires, où elle fut immédiatement canonisée par la vox populi, Mama Antula a permis à la spiritualité ignacienne de survivre à l’expulsion des jésuites à la toute fin du régime colonial, sous Carlos III, et de prospérer. Son activité pastorale et missionnaire intense et couronnée de succès, notamment dans les élites du vice-royaume, avait surpris les théologiens et les prélats qui en entendirent parler en Europe, jusqu’au sein de la Curie romaine.

Le documentaire, de Matías Boela et Cecilia Miljiker, produit par La Nación, pour la chaîne de télévision du groupe, a été tourné, en 2024, à Santiago del Estero, Río Gallegos, Buenos Aires et Rome, où le pape François a bien voulu apporter sa propre contribution, grâce à l’entremise de la correspondante en Italie du journal, Elizabeta Piqué, une excellente journaliste qui avait un accès privilégié auprès du Saint-Père, privilège de leur nationalité commune.

Le portrait de la nouvelle sainte
pendu à l'un des balcons de la basilique Saint-Pierre de Rome
le jour de la canonisation


Le film est distingué pour sa narration innovante, sa rigueur historique (1) et sa qualité cinématographique, dans la catégorie Journalisme culturel.

Cecilia Miljiker a reçu le prix à Madrid des mains du roi d’Espagne, accompagnée de son épouse, elle-même ancienne journaliste de télévision. C’est la deuxième production de La Nación qui reçoit cette distinction, ce dont le premier quotidien historique de l’Argentine s’enorgueillit à juste titre.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de La Nación
visionner le documentaire sur la chaîne Youtube de La Nación



(1) Pourtant dès les premières images, on voit que le film tombe dans le piège de l’éternel cliché concernant Mama Antula : un gros plan de deux pieds nus, parfaitement propres, marchent à même la terre. C’est la représentation traditionnelle de Mama Antula, en image pieuse, en statue, en tout ce que vous voulez... La sainte a été décrite par les contemporains, notamment lorsqu’elle a fait son entrée dans Buenos Aires, comme « descalzada », déchaussée en français, ce qui veut dire qu’elle vivait pieds-nus dans des sandales, en signe de pauvreté, d’humilité et de renoncement, au lieu d’être « calzada », chaussée, ce qui voulait dire à cette époque porter bas de soie et souliers fermés, comme le faisaient ordinairement ceux qui, hommes comme femmes, en avaient les moyens, y compris dans les rangs du clergé séculier et chez certains ordres réguliers qui ne refusaient pas ce confort ordinaire à leurs membres. Comme d’habitude, les Argentins, qui nagent toujours dans les anachronismes, même quand ils sont des historiens patentés, ont interprété cette indication de manière littérale. Et pour leur retirer cette image du cerveau et la corriger, il faut se lever de bonne heure !

Ce soir au CAFF, un récital consacré à José María Contursi [à l’affiche]

Cette photo des deux chantuers sert d'affiche au spectacle de ce soir


Ce soir, au Club Atlético Fernandez Fierro (le CAFF, pour les intimes), dans le quartier tanguero de El Abasto, où vécut Carlos Gardel, se tiendra un récital à deux voix et plusieurs instruments intégralement consacré au répertoire écrit par le poète José María Contursi, surnommé Katunga (1911-1981), à qui l’on doit Gricel, Como dos extraños, Toda mi vida, Sombras nada más, Verdemar ou Esta noche de copas, des chefs d’œuvre sur lesquels de nombreux danseurs s’élancent sur la piste par chez nous sans trop savoir de quoi on parle…

Walter Romero et Patricia Malanca seront accompagnés par un ensemble dirigé par le guitariste et pianiste (et compositeur à ses heures) Hernán Reinaudo, qui a orchestré le récital.

Rendez-vous ce soir, vendredi 20 juin 2025, à 20h (ouverture des portes), rue Sánchez de Bustamante n° 772, à Buenos Aires, pour un concert qui devrait commencer à 21h.

Prix des places : 15 000 pesos argentins.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
accéder aux pages consacrées à José María Contursi dans l’encyclopédie en ligne argentine, Todo Tango (en espagnol).