samedi 30 septembre 2017

Le Café de los Angelitos au cœur d'un trafic de drogue ? [Actu]

La photo de la une de Clarín montre l'intérieur du Café de los Angelitos
avec l'un des gendarmes qui surveille la salle pendant la perquisition des bureaux
Le gros titre au-dessus fait référence à un scandale qui vient d'éclater :
une jeune fille aurait été abusée sexuellement par l'un de ses camarades
dans un lycée d'élite, le Colegio Nacional de Buenos Aires,
pendant que les élèves occupaient leur établissement
pour protester contre une réforme des programmes
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Hier, une perquisition spectaculaire a eu lieu dans un célèbre café historique de Buenos Aires, le Café de los Angelitos, qui était autrefois l'un des lieux préférés de Carlos Gardel, non loin de sa maison de la rue Jean Jaurès. Trente-trois autres établissements divers et variés ont eu droit à la visite de la Gendarmerie dans le cadre d'une grande enquête sur le réseau argentin d'un cartel colombien. Toutes ces adresses serviraient de façades honorables à des activités de blanchiment d'argent de la drogue.

A l'étage, le Café de los Angelitos abrite un cena-show très fréquenté, un classique spectacle de tango avec dîner pour touristes étrangers arrivant en voyages organisés peu soucieux d'authenticité. Au rez-de-chaussée, un café portègne traditionnel très apprécié à toute heure par les gens du cru. On y vient déjeuner, ou savourer la collation du soir, vers 18h, la copieuse merienda argentine, voire même dîner sans se préoccuper de ce qui se passe au niveau supérieur.

Revenu à la vie en 2007, après une longue fermeture à la suite d'un terrible incendie qui avait mis fin à l'exploitation du premier café, celui de Gardel, le Café de los Angelitos nouvelle mouture a été inscrit sur la liste des Cafes Notables, institutions gastronomico-culturelles de la Ville Autonome de Buenos Aires, qui, à ce titre, participent aux animations culturelles municipales.

Il se trouve que la légende veut que le Café de los Angelitos tienne son nom non pas des deux angelots en bas-relief à l'italienne de sa célèbre enseigne (ce qui est pourtant vraisemblable) mais de la police des années 1910-1920 qui, par antiphrase, l'aurait baptisé ainsi, parce que les mauvais garçons de la ville s'y donnaient volontiers rendez-vous la nuit (dans ce cas, le nom de l'établissement pourrait se traduire Café des enfants de chœur). Les deux explications ne s'excluent pas nécessairement.

Pour en savoir plus :
lire l'article de Clarín, qui a mis l'information à sa une.

Ajout du 19 octobre 2017 :
lire l'article de Clarín qui révèle l'existence d'un accord d'actionnaires qui permettait au trafiquant colombien de tirer les ficelles grâce à un prête-nom, le patron officiel de cet établissement vénérable.

Prochaine dédicace au salon du livre de Migennes [ici]

Le dimanche 15 octobre 2017, de 10h à 18h, je serai présente sur le stand des Editions du Jasmin, à la onzième édition du Salon du Livre de la Ville de Migennes, dans l'Yonne (89), en région Bourgogne Franche-Comté. J'y dédicacerai tous mes ouvrages sur la culture argentine, que ce soit le tango, le folklore et les contes, ou l'histoire, à travers l'épopée du général José de San Martín (1778-1850), dont cette année inaugure un grand cycle de bicentenaires, ceux de la Campagne émancipatrice continentale (1817-1822).


Sur le stand, devrait également être présent le romancier Didier Paquette, qui y signera Le saut de l'escargot, sorti dans la collection Jasmin Littérature. Didier est un très agréable compagnon sur un salon et je me réjouis de le retrouver à cette occasion.

Comme d'habitude, sur un salon en France, j'offrirai aux lecteurs une dégustation gratuite de maté argentin, avec l'une ou l'autre des yerbas mate artisanales que j'ai rapportées de mon dernier voyage sur les bords du Río de la Plata.

Entrée libre et gratuite.

Pour en savoir plus sur le salon:

Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond à Jujuy [Actu]

"Morales est capable de tout"
Le gros titre est tiré des déclarations de Milagro Sala
sur l'antenne de C5N, hier, lorsqu'elle a appris la révocation de sa liberté

Depuis janvier 2016, la dirigeante politique de gauche Milagro Sala a maille à partir avec la justice de sa province, la province de Jujuy. Sa mise en cause dans plusieurs instructions pour faits de corruption, concussion, abus d'argent public et même violence ayant entraîné la mort, lui vaut d'avoir été incarcérée à titre provisoire puis condamnée dans une première affaire (pour laquelle elle a fait appel).

Milagro Sala étant une députée kirchneriste au Parlasur, la chambre législative d'une Amérique du Sud qui développe une coopération continentale (sans aucune concession des souverainetés nationales), et la justice provinciale n'ayant tenu aucun compte de la moindre immunité parlementaire, les leaders d'opinion de l'opposition dénoncent régulièrement, depuis janvier 2016, la partialité des magistrats jujégnes, attribuée à leur soumission au Gouverneur Gerardo Morales (majorité nationale).

Jusqu'à il y a quelques semaines, cette partialité ne me sautait pas aux yeux, dans la mesure où les arguments développés par l'opposition n'étaient pas toujours exempts d'aveuglement partisan, ce qui est un euphémisme. Or en août, de longues, très longues semaines après un avis de la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH) qui réclamait la mise en liberté de Milagro Sala, dont l'intégrité physique aurait été menacée dans l'établissement pénitentiaire où elle était détenue dans une cellule individuelle, nettement plus confortable qu'à l'ordinaire, la militante a été mise en liberté surveillée mais d'une manière pour le moins singulière, ce qui a mis en évidence l'arbitraire des juges et leur volonté d'humilier la prisonnière. D'abord, parce que le magistrat en charge de cet aménagement du régime carcéral a voulu l'installer dans un immeuble en ruine sans aucun confort (ni eau courante, ni électricité, ni chauffage, ni sanitaires). Le procédé était tellement grossier (et contraire aux engagements internationaux de l'Argentine) qu'il a dû faire machine arrière et se rabattre finalement sur un placement dans la maison familiale qui fut dès avant le retour de la mère de famille entourée d'un important détachement de forces de l'ordre pour surveiller la demeure nuit et jour alors que les criminels de la dictature définitivement condamnés et qui obtiennent ce traitement de faveur à cause de leur grand âge ou de leur état de santé (réel ou supposé) vivent sans surveillance et profitent souvent d'une liberté de mouvement dont on a peine à croire qu'elle existe pour des criminels de cette envergure. Ils sont censés respecter une peine de prison à domicile mais ils sortent dans la rue, vont faire leurs courses, s'attablent aux bonnes tables de leur quartier (en général assez chic) pour prendre un café, une collation, déjeuner ou dîner, vont au cinéma. Bref, ils mènent, de façon illégale, une vie normale, ce qui était refusé de façon évidente à une femme, d'origine indigène, élue du peuple, normalement protégée par une immunité et toujours présumée innocente puisque aucun jugement définitif n'est encore intervenu – et, vu les lenteurs de la justice argentine et la complexité du code de procédure pénale, le jugement définitif n'est pas pour demain matin !

L'affaire Milagro Sala est traitée en gros titre, à droite
Le gros titre principal est consacré à la "non-venue" du Pape François
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Contre cette levée d'écrou et cet aménagement du régime carcéral, qui dérogent délibérément aux usages en vigueur dans le pays, le procureur de Jujuy a fait appel et la Cour d'appel vient de lui donner raison en prononçant la révocation du régime de prison domiciliaire (ou résidence surveillée) pour Milagro Sala. Au terme de cet arrêt, elle devrait retourner derrière les barreaux. Elle a toutefois la capacité de se pourvoir en cassation, ce que ses avocats vont sans doute faire, ne serait-ce que pour gagner du temps, un temps précieux qui sera mis à profit par l'opposition argentine pour sensibiliser les ONG et les instances internationales (Amnesty International, Human Right Watch, ACAT, CIDH, ONU, et tutti quanti).

Quelles que soient les infractions dont Milagro Sala a pu se rendre coupable et pour lesquelles elle n'a toujours pas été condamnée, ce nouveau rebondissement montre assez clairement que la justice de Jujuy s'est engagée dans un règlement de compte partisan avec elle et avec l'organisation qu'elle dirige, la Tupac Amaru, qui se veut révolutionnaire et qui a été soutenue financièrement par le gouvernement précédent, avec de l'argent public.

Pour en savoir plus sur l'affaire :
lire l'article de Página/12, qui ne mâche pas ses mots et accuse sans ménagement les gouvernements, provincial et national
lire la reprise des propos de Milagro Sala à l'antenne d'une télévision kirchneriste, C5N, dans La Nación, journal favorable à la majorité actuelle
lire l'article de Clarín

Ajouts du 14 octobre 2017 :
Milagro Sala vient d'être remise sous écrous dans le même établissement pénitentiaire que celui où la CIDH lui avait rendu visite et avait estimé que son intégrité physique était mise en danger. L'arrestation s'est réalisée dans des conditions très brutales et humiliantes pour la militante politique, emmenée de chez elle menottée et en pyjama, à l'aube.
Lire l'article que Horacio Verbitsky a publié sur le site de Página/12, dès que la nouvelle a été connue
lire l'article de La Nación rédigé à partir de dépêches d'agence
lire l'article de Clarín

vendredi 29 septembre 2017

Encore raté ! [Actu]

La famille Macri-Awada lors d'une audience accordée au président argentin

Cette fois-ci, pourtant, même les évêques argentins, d'ordinaire si réservés sur ces questions, s'étaient laissé aller, ces dernières semaines, à évoquer leur espoir d'une visite prochaine. Or cet après-midi, à Rome, ça a été la douche froide. Le Pape François ne fera pas de visite pastorale en Argentine en 2018.

Il y a quelques mois, circulait une rumeur de source qu'on disait sûre : le Saint-Père voulait que les Argentins se convertissent à la culture du dialogue avant de se rendre dans son pays. Pour ne pas être pris en otage par le gouvernement en place et son opposition, quels qu'ils soient à l'heure de son voyage, ce qu'a confirmé l'un de ses neveux, lui-même jésuite. Le moins qu'on puisse dire est que cette campagne électorale montre que cet esprit de dialogue (reencuentro), de réconciliation et de débat pacifique au-delà des différences idéologiques et partisanes est encore loin.

Du coup, Página/12, qui n'est pas le dernier à jeter de l'huile sur le feu, se réjouit de ce qu'il interprète (à tort, me semble-t-il) comme un camouflet du Pape au Président Macri. Et le reste de la presse, sur les sites Internet mis à jour à cette occasion, regrette l'annonce faite par le service de presse du Vatican.

La nouvelle est d'autant plus douloureuse pour les Argentins de bonne foi (et pas seulement les catholiques) que ce n'est pas le premier espoir douché et que le Pape vient de faire une visite couronnée de succès en Colombie, le pays qui vient de clore un demi-siècle de guerre civile...

Pour aller plus loin :
lire l'article de La Nación, où Elisabeta Picqué, la correspondante permanente du journal en Italie, relaie l'info qu'elle a elle-même reçue à la conférence de presse quotidienne du Saint-Siège
lire l'article de Clarín, qui a fait sa une (ci-dessous) sur le fossé qui se creuse entre la majorité et l'opposition, en prenant à témoin la cérémonie ratée de la remise en service du pont transbordeur de La Boca, hier : deux manifestations se faisaient face, du côté de la capitale fédérale, celle de la majorité nationale à laquelle appartient le Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, du côté de la province de Buenos Aires, celle de l'opposition kirchneriste, à laquelle appartient le maire de Avellaneda, sur l'autre rive du Riachuelo. La cabine du transbordeur, avec à son bord le Chef du Gouvernement de Buenos Aires, a fait demi-tour entre les deux rives, de peur de créer une émeute ou une rixe à Avellaneda. Les deux élus du peuple ne se sont même pas serré la main.
Quelle atmosphère pour une campagne électorale dans une démocratie !

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Ajouts du 30 septembre 2017 :
lire l'article de La Nación sur la réaction de la Casa Rosada à la déception d'hier
lire l'interview du père Mariano Fazio, prêtre argentin de l'Opus Dei, qui exerce à Rome une haute charge dans cette congrégation et répond à La Nación au sujet de cette annulation du voyage papal envisagé. Il avance comme argument le climat politique détestable qui règne actuellement en Argentine, en écho à ce qu'avait dit hier Greg Burk, le chef du service presse du Vatican.
Ce matin, ce quotidien ne consacre pas moins de quatre articles à cette affaire.

jeudi 28 septembre 2017

Place au tango expérimental au festival Nuevo Baires Tango [à l'affiche]

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A l'initiative du compositeur et pianiste Marcelo Lodigiani, c'est un nouveau festival de tango qui commence ce soir à Buenos Aires. Un festival consacré aux nouvelles tendances musicales du genre et aux expériences dans un esprit d'ouverture et de liberté. Le mot d'ordre était le suivant : "venez et faites ce que vous voulez".

Le festival se déroulera dans trois quartiers, sur trois sites distincts, dont l'Alliance Française de Palermo (l'Alliance Française a plusieurs locaux à Buenos Aires).

Au programme, des concerts et une table ronde, avec remise de prix pour la clôture, lundi soir.

Entrée libre et gratuite avec réservation à l'avance obligatoire.

Página/12 a consacré un article-interview à l'événement dans son édition de ce matin.

Le festival dispose d'une page Facebook.

mercredi 27 septembre 2017

Le centenaire du Tango Canción ce soir au Teatro San Martín [à l'affiche]


Ce soir, mercredi 27 septembre 2017, à 20h, le Teatro San Martín, Corrientes 1530, accueille la Orquesta Nacional de Música Argentina Juan de Dios Filiberto pour fêter le centenaire du Tango Canción, inauguré avec Mi Noche Triste, de Samuel Castriota et Pascual Contursi (1), enregistré pour la première fois par Carlos Gardel, en 1917.

Pour l'occasion, la Orquesta a invité Patricia Barone, Esteban Riera, Lautaro Mazza, Verónica Marchetti, Emiliano Castignola et Lucrecia Merico.

Entrée libre et gratuite mais toutes les places ont déjà été distribuées, selon la règle de deux places retirées par personne au guichet du théâtre.


(1) Mi noche triste fait bien évidemment partie du corpus de textes que j'ai présentés et traduits dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, publié aux Editions du Jasmin.

Une autre résurrection : le pont transbordeur de La Boca [Actu]


Le vieux pont transbordeur Nicolás Avellaneda avait cessé toute activité il y a soixante ans. C'est pourtant l'une des images les plus emblématiques du port de La Boca, sur le Riachuelo, un ouvrage d'art majestueux qui découpe sa silhouette imposante dans le ciel et qui se voit de très loin...

L'ouvrage métallique avait été conçu en 1908 mais c'est seulement en 1914 qu'il a été inauguré, construit avec des pièces fabriquées en Grande-Bretagne et assemblées en Argentine. En 1999, il a été reconnu comme patrimoine historique national, un monument en péril cependant.

Après sa remise en service ces jours-ci, il est question d'ouvrir un dossier de candidature pour le faire inscrire au Patrimoine de l'Humanité par l'UNESCO. Ce qui va donc donner bien du travail à la délégation argentine, qui travaille déjà sur la candidature de la ville de La Plata, sur celle du Chamamé (une musique qui unit le nord-est de l'Argentine, le Paraguay, l'Uruguay et le sud du Brésil), les Routes Sanmartiniennes entre autres projets !

Pour aller plus loin :
lire l'article d'aujourd'hui dans La Nación.

Ajouts du 28 septembre 2017 :
lire l'article de Página/12, qui évoque aussi le congrès international des transbordeurs à la Usina del Arte (un grand centre culturel et théâtral à La Boca), avant l'ouverture d'un dossier de postulation au Patrimoine de l'Unesco
lire l'article de Clarín

mardi 26 septembre 2017

Estela bientôt à Paris [ici]

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Le lundi 2 octobre 2017, Estela de Carlotto, la (radieuse et très chaleureuse) présidente de Abuelas de Plaza de Mayo (Grands-mères de la Place de Mai) sera à Paris à l'invitation de la Mairie de Paris et de l'Observatoire de l'Argentine, une association conduite par une historienne argentine installée en France.

La manifestation se déroulera entièrement en espagnol, ce qui ne sera pas pour déplaire à Anne Hidalgo, elle-même d'origine péninsulaire.

Ce sera à la Maison de l'Amérique Latine, à 19h, 217 boulevard Saint-Germain, à Paris 7ème.

Entrée libre et gratuite dans la limite des places disponibles.

Pour en savoir plus sur Abuelas de Plaza de Mayo en français, cliquez sur le mor-clé correspondant dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, sous le titre de cet article.

Ajout du 14 octobre 2017 :
lire le billet de dernière page sur Página/12 résumant avec exactitude (mis à part l'étrange mauvaise traduction du nom Maison de l'Amérique Latine) la conférence donnée à Paris.

samedi 23 septembre 2017

Il m'arrive de causer dans le poste (en espagnol) [à l'affiche]



Ce week-end, ce matin et demain, aux aurores, Radio Rivadavia diffuse les deux interviews que j'ai enregistrées à Buenos Aires le mardi 5 septembre 2017, dans l'émission Juntos, animée par Nolo Correa, un des meilleurs intervieweurs du paysage audiovisuel argentin (l'émission dispose de sa propre page Facebook). Lui-même affirme qu'il laisse volontiers la parole à ses invités parce que c'est le meilleure façon de rendre son émission intéressante pour le public et pour lui-même, de faire de son émission un lieu où il apprend beaucoup de choses, où il s'enrichit autant que les auditeurs ou les téléspectateurs. Et cela en fait un hôte très apprécié, qui vous écoute vraiment, les yeux dans les yeux, au lieu de regarder sa montre. Et cela ne l'empêche pas de contrôler le temps d'antenne.

Le 6 septembre 2017, Café La Poesía (à l'étage, privatisé pour l'occasion)
entre Esteban Ocampo, à gauche, et Nolo Correa, à droite.

Avec lui, j'ai enregistré à deux reprises, d'abord dans le studio de Radio Rivadavia, seule, et le lendemain, à ma demande, en partageant le temps d'antenne avec l'historien et reconstitueur Esteban Ocampo, à l'étage du Café La Poesía (1), transformé en studio de télévision par Nolo et sa petite équipe. Des très beaux souvenirs de ce nouveau voyage en Argentine !


Au début de la semaine, j'ai mis en ligne sur les pages Radio de mon site Internet une courte interview donnée depuis la salle du Congrès d'histoire de San Juan à Concepto Radio, du journaliste Ricardo Olivera. Ce fut une entrevue tout à fait imprévue, obtenue au dernier moment par l'un des membres de la Junta de Estudios Históricos de San Juan, et donnée sur un téléphone portable, en espagnol et en direct, alors que je tâchais de mettre en place les documents à projeter quelques minutes plus tard dans ma conférence sur la Traversée des Andes telle qu'elle avait été rapportée par la presse européenne en 1817 (sources britanniques, françaises et suisses). L'acrobatie intégrale !


Au-delà de cette interview mémorable (pour moi, au moins !), je dois encore mettre en ligne deux autres entretiens, enregistrés quant à eux à Villa Mercedes (San Luis), au studio de Radio Cultura, là encore en direct, dans une émission du soir intitulée La Breve Palabra. Il s'agit de l'enregistrement de l'année dernière, que j'ai reçu pendant mon séjour dans la province de San Luis, et de celui de cette année, qui devrait m'être envoyé d'ici quelques jours. L'émission dure une bonne heure, j'ai donc du travail de découpage à réaliser pour donner à ces documents Mp3 la taille requise par l'hébergeur de mon site.

Dans le petit studio de Radio Cultura à Villa Mercedes
à ma gauche, la toute nouvelle présidente de l'Alliance Française de Villa Mercedes,
Andrea Campos Biassi

Une autre interview télévisée, prise au pied de la statue de San Martín, devant la mairie de Villa Mercedes, devrait m'être adressée d'ici peu, si les journalistes de la mairie tiennent leur parole. Elle est passée à l'antenne la veille de ma conférence au Colegio de Arquitectos de la Province de San Luis sur les sources francophones concernant la vie et l'œuvre de San Martín, en cette année du bicentenaire de la Traversée des Andes, dont les trois provinces de Cuyo (Mendoza, San Juan et San Luis) furent les grandes protagonistes.

Vous trouverez sur mon site Internet une série consistante d'interviews dans les deux langues sur l'ensemble de mes livres et des recherches qui les nourrissent.



(1) Cet établissement fait partie des rares cafés dont la fondation remontent aux années 1860. Horacio Ferrer en a intégré le nom dans une valse, dont la partition est de Raúl Garello,  Lulú, dédiée à sa femme, qu'il a rencontrée dans ces lieux, au cours d'une réunion organisée par... Nolo Correa, qui a en a fait sa tanière (su guarida) depuis longtemps...
Lulú fait partie du corpus de textes que j'ai traduits dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, publié aux Editions du Jasmin, en mai 2010.

Rebondissement dans l'affaire Maldonado [Actu]

Página/12 ne fait pas les choses à moitié : il consacre toute sa une à l'affaire
Le policier à côté du juge récusé appartient à la police fédérale (et non à la gendarmerie)

L'affaire Maldonado est l'un de ces dossiers empoisonnés qui donnent lieu à toutes les interprétations politiques possibles et imaginables. Il s'agit de la disparition, le 1er août dernier, d'un jeune artisan, militant kirchneriste, Santiago Maldonado, qui manifestait aux côtés de Mapuches (plus ou moins authentiques) (1) qui revendiquaient le respect par la Gendarmerie de l'inviolabilité de leur territoire sacré. Il s'avère que d'autres Mapuches avaient, quant à eux, donné à la Gendarmerie le droit de fouler ces terres, qui sont bel et bien sacrées mais qui ne sont pas interdites pour autant.

Depuis le 1er août, Santiago Maldonado n'a plus réapparu et ses camarades de militance affirment que la dernière fois qu'il a été vu, il était avec des gendarmes. La ministre de la Sécurité, Patricia Bullrich, connu pour son visage peu souriant et sa manière de s'exprimer quelque peu rude (façon Nadine Morano, en France), a soutenu avec force la Gendarmerie, déniant toute implication d'un de ses membres dans cette disparition. Par la suite, d'autres membres du Gouvernement se sont montrés moins affirmatifs et il est possible, mais non encore prouvé, que des éléments des forces de l'ordre aient commis des actes répréhensibles ou qu'ils aient suivis des ordres très discutables, qu'ils soient venus du cabinet de la ministre ou de leur chef de section. La gauche kirchneriste s'est emparé de ce douloureux incident pour accuser le Gouvernement d'en être le commanditaire.

Sur la une de La Nación, le titre n'occupe qu'un quart de la une
(voir mon article du 21 septembre sur cette question)
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Partout où je suis passée en Argentine lors de ma tournée de conférences cette année, en août et septembre, j'ai pu constater que les plus tempérants des non-kirchneristes sont persuadés que ces accusations très graves relèvent d'une tentative de manipulation de l'opinion publique de la part d'une partie très activiste de l'opposition et participent de la stratégie traditionnelle des péronistes lorsqu'ils se retrouvent en minorité. J'ai vu ces personnes excédées par l'instrumentalisation de cette affaire (2). Aux élections, les péronistes de gauche font d'excellents gagnants et, trop souvent, de détestables perdants. A la suite d'une défaite, ils ne reculent devant aucun mensonge pour tirer la situation à leur avantage. Et il faut avouer que pour assimiler le présent gouvernement à la dernière dictature militaire (3), il faut une bonne dose de mauvaise foi : la Justice marque en effet de plus en plus son indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif, se prononçant tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre, en fonction des éléments du dossier davantage, semble-t-il, que d'instructions gouvernementales, qui n'existeraient plus (4).
C'est ainsi qu'il y a un mois le tribunal électoral a déterminé que dans la Province de Buenos Aires, l'ancienne présidente, Cristina Kirchner, était arrivée en tête des PASO (les primaires argentines), devant le candidat de la majorité à un siège de sénateur, Esteban Bullrich, ancien ministre de l'Education nationale, pour une poignée de voix (courte différence qui avait précisément obligé la justice à intervenir).
Dans plusieurs procès contre des criminels de la dictature, les juges ont récemment prononcé des peines de prison ferme assez lourdes, contre des vieillards, qui dorment derrière les barreaux. Après la manifestation du 1er septembre, qui s'est conclue par des destructions en tout genre sur Plaza de Mayo (5), le juge a siégé exceptionnellement le dimanche pour entendre les 31 personnes arrêtées pour vandalisme et il a finalement décidé la mise en liberté de trente d'entre elles, alors que les prte-parole de la manifestation, sans un mot d'empathie pour les 15 gendarmes blessés par les émeutiers et hospitalisés, criaient à la répression politique de la part des forces de l'ordre (et la levée d'écrou du dimanche les a réduits au silence).
Et hier, la justice fédérale a donné raison à l'une des parties civiles, le CELS, association des droits de l'homme présidée par Horacio Verbitsky, l'un des principaux rédacteurs de Página/12, et a révoqué le juge Guido Otranto, chargé de l'instruction sur cette affaire de disparition. La chambre fédérale a en effet reconnu la validité du soupçon de partialité et elle a nommé un autre juge, qui devra se consacrer exclusivement à cette enquête. En revanche, les demandes de l'autre partie civile, constituée par la famille du disparu, ont été rejetées par le tribunal.

Clarín préfère rester sur l'affaire Nisman, qui met à mal l'opposition
L'affaire Maldonado n'a droit qu'à un titre subalterne, dans la colonne de droite
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Le journal La Nación relève que cette décision de la chambre fédérale a été saluée de manière constitutionnelle par le gouvernement qui aurait pourtant préféré le maintien du juge Otranto. En effet, cinquante jours après l'ouverture de l'instruction, on pouvait espérer une première décision à la mi-octobre, c'est-à-dire juste avant le premier tour des élections de mi-mandat, alors que le changement de magistrat va faire durer la première phase de la procédure jusqu'au mois de décembre. L'affaire va donc continuer d'empoisonner la campagne électorale à cause de sa politisation forcenée par une opposition, qui n'a pas vraiment tiré son épingle du jeu des PASO et risque de rester en minorité jusqu'à la fin du mandat présidentiel.

Pour en savoir plus :
lire l'analyse de La Nación sur les réactions à la Casa Rosada



(1) Il n'est pas rare en effet que la qualité de membre d'un peuple originaire soit usurpée (si tant ait que cette qualification ait un sens) par certains militants de gauche auxquels cette supercherie apporte quelques facilités pour se faire entendre, pour obtenir des subsides, pour mener à bien des chantiers, puisqu'il existe des politiques, provinciales ou nationales, censées soutenir la survie culturelle de ces peuples et appliquer une tolérance pour des modes d'administration qui sortent du droit romain qui s'applique dans le reste du pays.
(2) Il faut avouer que la multiplicité des affiches réclamant qu'on retrouve Santiago Maldonado vivant fait réfléchir : d'où sort l'argent utilisé pour imprimer autant d'affiches, d'aussi grande taille et d'aussi bonne qualité, que l'on voit absolument partout dans tout le pays, alors que l'événement s'est produit dans la province de Neuquén, en pleine Patagonie ? Comment se fait-il que cet argent, en pleine année électorale, n'a pas été budgété sur d'autres actions que les partis de l'opposition de gauche disent urgentes pour soulager la misère que la politique actuelle développe à grande vitesse ? Le moins que l'on puisse dire est que tout cela n'est pas très clair.
(3) On peut ne pas honnêtement confondre dictature militaire et modèle néo-libéral (tel qu'il est appliqué actuellement en Argentine). Cette confusion, entretenue dans le discours électoral kirchneriste, relève du manque de nuance dans l'Argentine militante, où tout est toujours tout blanc ou tout noir.
(4) Rappelons que François Hollande avait lui aussi déclaré que sous son autorité, le gouvernement français ne donnerait plus de directives sur des affaires en cours, que personne n'y avait cru dans le pays, que la droite a tout fait pour accréditer le contraire (notamment pendant l'affaire Fillon) et qu'il s'avère que ce fut pourtant la pratique pendant tout le quinquennat. Donc ce n'est pas parce que l'opposition argentine ne veut accorder aucune foi aux déclarations de la majorité en place que celle-ci ment comme un arracheur de dents...
(5) J'y ai fait écho en son temps sur ma page Facebook.

jeudi 21 septembre 2017

Les nouvelles pistes de l'enquête Nisman [Actu]

La Nación la joue modeste : la photo de une est pour le Mexique.
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L'affaire Nisman, du nom de ce procureur retrouvé mort dans son appartement au soir d'un étrange dimanche d'été, le 18 janvier 2015, à la veille de sa comparution devant le Congrès où il devait exposer les raisons qu'il avait de vouloir poursuivre en justice la présidente Cristina Kirchner (alors en exercice), vient de changer de cours pour la seconde fois.
Il y a quelques mois, l'affaire, qui dépendait jusque-là de la justice de la Ville Autonome de Buenos Aires, est passée à la justice nationale, qui a confié à la gendarmerie la tâche de refaire toutes les expertises, dans des conditions difficiles puisque la scène de crime n'a pas été conservée (l'appartement a été reloué à d'autres occupants quelques mois après le drame).
Dans le dossier d'instruction confié à la procureure portègne, Viviana Fein, partie à la retraite depuis, les pistes suivies privilégiaient la piste du suicide, ce que la famille du défunt, sa mère et son ex-épouse, la mère de ses enfants (elle-même juge fédérale), contestait formellement.

D'après ces nouveaux examens, dont les résultats ont été rendus publics hier comme cela était annoncé depuis le début de la semaine, on aurait affaire à un assassinat : le magistrat aurait été drogué par deux personnes puis exécuté dans sa salle de bain par deux personnes qui auraient ensuite faire croire à un suicide et nettoyé les lieux avant de disparaître sans être vus (il s'avère que plusieurs caméras de surveillance de l'immeuble ne fonctionnaient pas ce soir-là et que les gardes du corps du juge ont gardé toute la journée une étrange inertie). Elisa Carrió, l'une des leaders de l'anti-kirchnerisme, ne cache pas ses convictions et ne s'embarrasse pas de conditionnel. Elle affirme tout de go qu'Alberto Nisman aurait été assassiné sur ordre de la présidente (il existe entre les deux femmes une formidable haine réciproque).

Página/12 détourne l'attention vers la grève des lycéens
qui protestent contre une réforme qui, à Buenos Aires, les obligera
à faire un stage en entreprise au cours de leur scolarité
L'affaire Nisman est traitée dans l'un des petits titres en bas

Aujourd'hui, Cristina Kirchner a choisi de faire la une de l'actualité en se prêtant à une nouvelle et retentissante interview sur une radio et avec un journaliste qui lui sont ouvertement favorables. Elle y accuse amplement le gouvernement en place de manipuler l'opinion publique pour imposer son modèle néo-libéral. Elle cherche ainsi à reprendre l'avantage (ou à ne pas perdre ses électeurs) alors que la campagne électorale bat son plein (renouvellement des chambres en octobre).

Comme on pouvait s'y attendre, la presse se partage en deux camps : la presse de droite (La Nación et Clarín) étalent les conclusions des experts dans tous les sens tandis que le titre de gauche, Página/12, critique autant qu'il est possible la gendarmerie, qui aurait agi sous pression politique. C'est d'ailleurs le discours permanent de ce quotidien sur cette institution depuis la disparition d'un militant de gauche, le 1er août dernier, alors que la gendarmerie tâchait d'inspecter un terrain patagonien que les Mapuches considèrent comme sacré.

De toute évidence, l'affaire Nisman est relancée. Elle restera une pierre de discorde entre la gauche (kirchneriste) et le reste du spectre politique et en termes de procédure pénale, elle va devenir ce qu'est en France l'affaire Grégory ou en Belgique l'affaire Dutroux, une enquête ratée, un scandale judiciaire et une source à fantasmes et à rumeurs de toutes sortes, appréciée de tous les complotistes.

Pour en savoir plus :
lire l'article secondaire de La Nación, qui confirme une série d'échanges téléphoniques entre membres des services spéciaux pendant et après la commission du meurtre
lire l'article de Clarín, qui avait déjà annoncé ces conclusions, comme un scoop, au début de cette semaine.

Ajout du 22 septembre 2017 :
lire cet article de Página/12 sur le lâchage du corps des médecins légistes par la Cour Suprême, auquel ce corps, qui appartient à la Police fédérale, est subordonné. Or ce sont des médecins légistes qui avaient établi les premières expertises dans l'affaire, alors instruite par la procureure Fein.
Si l'on rapproche la rapidité de ce lâchage avec la ténacité qu'a montrée la ministre de la Sécurité, Patricia Bullrich, pour défendre la gendarmerie (qui est sous ses ordres), alors que cette institution est montrée du doigt dans la disparition de Santiago Maldonado au début du mois d'août, il y a de quoi se poser des questions quand on est dans l'opposition et en pleine campagne électorale.

samedi 16 septembre 2017

Résurrection à Congreso : El Tropezón rouvre ses portes [Actu]

Photo Juan Manuel Foglia (pour Clarín)

Une passionnée de tango vient de rouvrir les portes d'un restaurant qui eut son heure de gloire au début du XXème siècle : situé à proximité du Congrès argentin et ouvert à toutes les heures du jour et de la nuit, El Tropezón a accueilli dans sa clientèle tous les caciques de la politique argentine jusqu'à sa fermeture en 1983.

Dans les années 1920 et 1930, c'est un autre client qui a fait sa réputation : Carlos Gardel venait la nuit s'y restaurer d'un puchero de gallina, sorte de poule au pot à l'américaine, avec des épis de maïs là où nous aurions mis un céleri-rave. Un plat populaire et un restaurant si apprécié que l'auteur-compositeur Roberto Medina leur a dédié un tango, rendu célèbre par son interprète, le chanteur Edmundo Rivero.

Les medialunas de manteca (croissant viennois au beurre) vous attendent pour la merienda (vers 18h)

El Tropezón vient donc de ressusciter grâce à une nouvelle propriétaire qui a tout remis en état, en modernisant la salle et la carte... Et on peut y déjeuner, y dîner ou prendre un café dans ces murs historiques, dans un décor pour lequel un effort notable a été réalisé : il y a des éléments de la vaisselle d'origine ainsi que des verrières restaurées à l'identique.

Pour aller plus loin :
lire l'article de Clarín qui saluait ce retour hier matin
écouter Pucherito de gallina (chanté par Edmundo Rivero, dans la discothèque en ligne de Todo Tango)

Ajout du 19 septembre 2017 :
lire cet article de Clarín sur le retour du puchero maison. Il paraît qu'il est fameux !

Un nouveau ballet pour le nouveau San Martín [à l'affiche]

Photo Teatro San Martín (Complexo Teatral de Buenos Aires)

A partir d'aujourd'hui, samedi 16 septembre 2017, à 16h, le Teatro San Martín, qui vient de rouvrir ses portes après plusieurs années de travaux (avenida Corrientes 1530), propose un nouveau ballet sur la Neuvième de Beethoven. La chorégraphie est due à l'ancien directeur du Ballet du Teatro San Martín, Mauricio Wainrot, bien connu des Bordelais et du Grand Théâtre de la métropole girondine, et qui occupe à présent les fonctions de directeur des Affaires culturelles au Ministère des Relations Extérieures et du Culte du gouvernement national (sous l'autorité de Jorge Faurie, qui fut jusqu'à la fin mai ambassadeur argentin en France).

Curieusement, c'est Página/12, qui ne porte pas le gouvernement Macri aux nues, qui consacre à ce spectacle un article entier dans ses pages culturelles aujourd'hui, publiant même une interview du chorégraphe...

Le prix des places varie de 90 à 120 pesos. Le jeudi, les places sont à 60 $ ARG.

Le spectacle a lieu les samedis et dimanches, les jeudis et les vendredis, jusqu'au 30 septembre prochain.

Pour aller plus loin :
consulter la page du spectacle sur le site du théâtre
visiter la page Facebook du théâtre.

mercredi 13 septembre 2017

Vázquez veut passer à autre chose en s'appuyant sur Topolansky [Actu]

Lucía Topolansky a choisi de se faire photographier au milieu de quelques poules fières comme des coqs
tandis que leur éleveuse porte un vieux pantalon de survêtement tout bouloché !
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Avant-hier, le président uruguayen Tabaré Vázquez n'avait qu'une hâte : refermer au plus vite la parenthèse du désastre politique que constitue, depuis dimanche, la démission contrainte de Raúl Sendic, le premier vice-président de son actuel mandat, cerné par les scandales de malversation et d'usurpation de titre universitaire. Cet épisode spectaculaire, qui a tourné tous les regards du sous-continent vers Montevideo, s'intègre dans une longue histoire d'avatars touchant les vice-présidents uruguayens, qui président aussi le Sénat, comme dans l'Argentine voisine et selon le modèle offert par la constitution des lointains Etats-Unis.

La une de El País hier, 12 septembre 2017
Vázquez se rend au pupitre pour délivrer son discours au pays devant le gouvernement
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Devant le conseil des Ministres, Tabaré Vázquez, qui n'était pas sorti de chez lui dimanche, a engagé tout son gouvernement à regarder vers l'avant, sans plus s'attarder sur le passé. Circulez, il n'y a rien à voir, comme l'a titré El Observador à la une dans son édition d'hier, illustrée par une photo-caricature du chef de l'Etat. Vásquez a interprété la campagne d'opinion qui a abouti à la démission de Sendic comme un épisode brutal, un harcèlement tel qu'on en a jamais vu dans le pays. Toute la presse a repris ces propos qui ne reflètent évidemment pas l'opinion du citoyen lambda, écœuré par l'attitude de ce vice-président qui s'était embourbé dans ses mensonges et ses dénégations depuis de nombreux mois.

Une de La República de ce matin
de gauche à droite : Mujica, Topolansky et Vázquez
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Aujourd'hui, la nouvelle vice-présidente prête serment et prend ses fonctions, après avoir laissé son siège sénatorial à un autre membre du MPP, son parti d'origine, fédéré dans le regroupement de toute la gauche gouvernementale, le Frente Amplio, organisation politique de la gauche plurielle (1) qui structure la majorité nationale actuelle, depuis le premier mandat de Tabaré Vázquez, et qui a été bien mis à mal par ce fort peu glorieux incident.

La une de El Observador d'hier
On peut traduire le gros titre par notre expression :
Circulez, il n'y a rien à voir !
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Lucía Topolansky est la première femme à accéder à ces fonctions dans l'histoire de la République Orientale de l'Uruguay. Elle a soixante-treize ans. Elle est l'épouse de l'ancien président José Mujica, connu pour son verbe haut et la frugalité de sa vie quotidienne, qui n'est pas sans rappeler certains héros désintéressés de l'époque indépendantiste, l'époque fondatrice pour ces pays du Cono Sur. Lucía Topolansky est agricultrice et, comme son mari, elle exploite sa propre entreprise agraire, en parallèle avec son action politique, dans un pays où l'agriculture est source de prestige pour qui possède ses terres (2). C'est une militante de gauche de très longue date, à l'engagement incontestable de ce côté-là du spectre idéologique national (et continental). Bien entendu, pour cette même raison, elle n'est ni aimée ni respectée par de (trop) nombreux citoyens de droite qui l'insultent copieusement dans les commentaires qu'ils laissent sur les sites Internet des quotidiens, dissimulant avec courage leur identité dans l'anonymat de leurs pseudos.

Une de La República hier
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Lucía Topolansky se veut un pont entre les gens (3) et une négociatrice au service du pays, pour ce qu'il reste à couvrir du second mandat du Président Vázquez, qui avait gouverné avant son mari, avant de lui succéder, puisque la constitution uruguayenne, qu'il a refusé de faire modifier, interdit au chef de l'Etat d'exécuter deux mandats consécutifs.

Pour en savoir plus :
hier
lire l'article de LR21 (journal en ligne)
aujourd'hui
lire l'article de une de El Observador, qui publie une interview de Lucía Topolansky



(1) pour utiliser une expression qui fit florès en France mais qui ne reflétait pas une réalité politique bien solide, à en croire les résultats électoraux successifs et l'actuel paysage éclaté de la gauche nationale.
(2) C'est une réalité sociale et symbolique dans toute l'Amérique du Sud, Brésil compris.
(3) Remarquez l'emploi de la sémantique du Pape François, le pape argentin qui a mis ses paroles en actes sur le continent, en s'impliquant à Cuba et, la semaine dernière, à nouveau, en Colombie !