samedi 31 janvier 2009

Carlos Gardel, plus qu'un chanteur, un mythe [Troesma]

Photos de différentes plaques votives sur le tombeau de Carlos Gardel au cimetière de la Chacarita

Avec près de 400 articles au compteur de ce blog, lancé le 19 juillet 2008 (sur un vote négatif du Vice-président argentin), il me paraissait utile d'ajouter plusieurs raccourcis pour améliorer la navigation des internautes. Aussi, en même temps que je retire les voeux 2009 (1), j’ajoute dans la colonne de droite quatre raccourcis permanents : Humour porteño, Radio, Télévision, Les Troesmas et, à tout seigneur tout honneur, Carlos Gardel, Carlitos, el Zorzal Criollo comme il avait été surnommé, le Troesma par excellence (sur le sens de ce dernier titre, voir Trousse lexicale d’urgence, l’une des sections sur la droite de l'écran).
En Argentine, en Uruguay et dans toute l'Amérique Latine, Carlos Gardel (1890-1935) est beaucoup plus qu’un chanteur. Il est un mythe. Le premier personnage historique argentin non politique à avoir accédé à ce statut. Avant lui, les autres mythes sont tous de grands hommes politiques. Il s'agit de José San Martín (1778-1850), de Juan Manuel de Rosas (1793-1877) et de Faustino Domingo Sarmiento (1811-1888). Curieusement et tout comme lui, ces trois héros de l'Argentine indépendante sont eux aussi morts hors du pays, le premier en France, à Boulogne-sur-Mer, le second en Angleterre, à côté de Southampton, tous les deux en exil, volontaire pour l’un, contraint pour l’autre, et au Paraguay pour le Président Sarmiento, qui y réalisait une tournée, dans un effort de développement économique à l’échelle régionale. Après Gardel, il est probablement trois ou quatre autres mythes soient nés, à l'échelle argentine pour trois d'entre eux, à l'échelle du continent pour le 4ème : il s'agit de Juan Domingo Perón (1893-1974) et/ou d’Evita Duarte de Perón, sa seconde épouse (1919-1952), de Ernesto Guevara de la Serna, el Che (1928-1967) et enfin, le seul toujours vivant dont on puisse déjà dire cela avec presque de la certitude, de Diego Armando Maradona, dont je vous reparlerai au mois de février... (On a un rendez-vous important !). (2)

A cette élévation de Gardel au rang de mythe, à cette apothéose d'Empereur romain, il y a une multitude de raisons.

A commencer par le talent, incontestable, celui du chanteur, du compositeur, de l'acteur et, même si on le sait peu, le talent du danseur de tango. En 2003, sa voix a été inscrite au patrimoine de l'humanité par l'UNESCO.

Il y a aussi son succès, international, la toute première notoriété mondiale d’une personnalité populaire argentine et même, plus largement, latino-américaine. Carlos Gardel a déclenché l'enthousiasme du public partout en Amérique Latine ainsi qu’aux Etats-Unis, sur la côte Est (il a fait une carrière cinématographique à New-York), en Europe (notamment en Espagne et en France, à l'Opéra de Paris, où il n'en a pas cru ses oreilles et aux studios de Joinville, en région parisienne, où il a tourné plusieurs longs métrages sur des scénarios de Alfredo Le Pera). Alors que la majorité des pays d’aujourd’hui étaient encore vassalisés, voire totalement colonisés, seuls les deux empires asiatiques, le Japon et la Chine, n’ont pas eu le temps de le recevoir.

Il y a aussi sa mort. Cette mort atroce en pleine maturité et en pleine gloire, à 45 ans, dans l’incendie de deux avions lancés à pleine allure l’un face à l’autre et entrés en collision sur la piste de l'aéroport de Medellín en Colombie, dans l'après midi du 24 juin 1935.

Il y a aussi son célibat. Etrange pour un homme qui faisait rêver toutes les femmes et dont tant d’hommes tentaient d’imiter l’élégance naturelle... Célibat pourtant moins surprenant qu’il n’y paraît pour autant que vous vous penchiez un peu dessus. Comme il l'a déclaré lui-même dans une interview devenue célèbre depuis et à plusieurs proches, notamment des cousins albigeois, il se considérait marié à son art, au tango, au chant, à la musique. Il se consacrait pleinement à son métier. Et puis il semble bien n’avoir jamais eu vraiment qu’une seule femme dans sa vie, sa mère, phénomène fréquent chez les fils uniques d'une fille-mère quand ils s'en savent aimés. Dans sa vie, les autres femmes ont été des amies (comme la chanteuse et compositrice Azucena Maizani) ou n'ont été que des amourettes de passage, y compris et surtout celle qui se fit passer sa vie durant pour "la fiancée de Gardel" et qui ne le fut sans doute jamais, cette Isabel del Valle de 20 ans sa cadette, qu’il avait rencontrée alors qu’elle avait 14 ans et qui fut pour lui plus qu'une fiancée un assez insupportable boulet (3). Ajoutez que la société argentine des années 1910-1920 comptait encore beaucoup plus d'hommes que de femmes. Car les hommes immigraient généralement seuls, espérant faire venir plus tard leur fiancée restée au pays ou retourner chez eux, fortune faite, pour y contracter alors un beau mariage. En 1880, date à laquelle on fixe conventionnellement la naissance du tango, il y avait à Buenos Aires 1 femme pour 7 hommes... Ce qui y fit prospérer la prostitution dans des proportions dont nous n'avons guère idée aujourd'hui et dont témoigna le répertoire du tango jusqu'à la fin des années 40 (et même encore un peu au-delà).

Et puis il y a le mystère de sa naissance, ce mystère qui n'en est en fait pas un mais il faut bien rêver...

Carlos Gardel, el Zorzal Criollo, la quintessence de la portégnitude, n'était pas né à Buenos Aires qu'il a si bien chanté (ici, en 1934). C'est le seul point sur lequel tout le monde s'accorde en ce qui concerne sa naissance : il n'est pas né à Buenos Aires. Et il ne s'appelait même pas Carlos Gardel, mais sur ce point déjà, les avis divergent...

En fait, il est né à Toulouse, dans le sud-ouest de la France, de père inconnu, dans un très vieil hôpital de la capitale occitane, en fait une ancienne prison pour miséreux et filles de joie, l'hôpital Saint Joseph de la Grave (aujourd'hui Hôpital de La Grave, dans le quartier Saint Cyprien). C’est là qu’il a vu le jour, le 11 décembre 1890. Sa mère, Berthe Gardes, était elle aussi née à Toulouse. Le 14 juillet 1865. De qui fut le père, on ne sait presque rien de manière sûre. Berthe Gardes a emporté son secret dans la tombe le 7 juillet 1943. Plusieurs hypothèses existent néanmoins, dont deux ont les faveurs des exégètes de la cause gardéleinne : un cousin de Berthe, mal identifié (c'est la version la moins répandue) ou un certain Paul Lasserre, presque titré père de Gardel par certains gardéliens (surtout pour se démarquer de la thèse dite uruguayenniste). Paul Lasserre est né à Toulouse, le 1er août 1866 (un an après Berthe) et il y est décédé, veuf, le 20 novembre 1921, il s'y était marié en 1898 et avait des enfants (il a toujours des descendants aujourd'hui). Sur cette paternité, rien n'a jamais été prouvé et on ne voit pas très bien ce qui aurait empêché les deux amoureux de se marier, les deux familles étant du même niveau social, ni comment il se sont rencontrés puisqu'il semble bien que Berthe ne vivait pas alors à Toulouse mais à Bordeaux, où sa famille s'était installée depuis le retour du Vénézuela. Ils avaient en effet séjourné dans ce pays d'Amérique du sud pendant quelques années, le temps pour Hélène Gardes née Camares, la mère de Berthe, de mettre au monde, sans susciter de ragots, Charles Carichou, le fils qu’elle avait eu de son compagnon, avec lequel elle vivait maritalement depuis sa séparation de corps avec Vital Gardes, le père de ses deux aînés, Jean et Berthe.

Aussi la grossesse illégitime de 1890 fut-elle fort mal reçue dans cette famille déjà marquée par cette épreuve. La tension monta tant et si bien que Berthe quitta Bordeaux et alla s'installer à Toulouse, où malgré son métier respectable de blanchisseuse, elle connut l'inévitable et commune déréliction sociale propre à toutes les filles-mères à cette époque. Accouchant même à l'hôpital, ce qui est alors le comble de la déchéance. Elle ira toute seule déclarer son fils à la mairie sous le nom de Charles Romuald Gardes. Les employés des archives de la Ville Rose ne comptent plus les historiens argentins venus demander un extrait de naissance de l'illustre bambin...

Berthe a débarqué à Buenos Aires avec son fils dans les bras le 12 mars 1893 (certains récits disent le 9 ou le 11) parce qu'une amie à elle, Anaïs Beaux, patronne d'une blanchisserie dans la capitale argentine et heureusement mariée à un Argentin, lui avait proposé un emploi de repasseuse. Elle n'avait pas hésité. Un mois seulement sépare la délivrance de son passeport à Bordeaux de son inscription dans les registres de l'immigration au port de Buenos Aires, où elle arrive à bord du vapeur Don Pedro.

Carlos Romualdo Gardes a vécu à côté de sa mère la vie quelque peu accidentée de tous les gamins de ce milieu d'immigrants pauvres. Il est allé à l'école jusqu'à 14 ans, terme de la scolarité obligatoire, et pas un jour de plus. De cette scolarité, sont parvenues jusqu’à nous des inscriptions et des bulletins de notes qui montrent qu'il était plutôt bon élève. Comme tous les gamins de son milieu, il se fait un peu d'argent en exécutant après l'école toutes sortes de travaux peu qualifiés. On sait qu'il a aidé à décharger des cageots à l'Abasto, le marché central aux fruits et légumes, installé esquina Corrientes y Agüero en 1893. C’est là qu’a été construit en 1934 le somptueux bâtiment qu'on appelle aujourd'hui Abasto et que lui ne connut pas : en 1934, il était en tournée mondiale, cette tournée dont il n'est pas revenu. On sait qu'il a chanté dans la rue. On sait qu'il a fait quelques fugues, rien d’exceptionnel pour un môme (pibe) des quartiers ouvriers. Dans un commissariat où il a été amené un jour, à 14 ans, on a retrouvé sa trace sur les registres où furent consignés quelques éléments d'identité avant qu'il soit reconduit chez sa mère, rue Uruguay au numéro 160. On sait qu'il a été repéré par José Betinotti (1978-1915), prestigieux payador du quartier de l'Abasto (ici dans Obsequio), qui habitait juste derrière la dernière école qu'il ait fréquentée, une école de pères salésiens à Almagro, et dont j'ai déjà parlé un peu en août, à propos de la fête du Bx Ceferino Namuncurá, un Indien mapuche qu'il a vaguement connu sur les bancs de l'école. On croit savoir que Betinotti l'a emmené avec lui dans les payadas qu'il donnait la nuit dans les cafés du quartier et que là, Gardel le secondait. On sait qu'il a donné un coup de main aux machinistes des théâtres de la rue Corrientes (qui ne devint une avenue qu'en 1938, après avoir été élargie à sa taille actuelle) et jusque dans les coulisses du teatro Colón, sur la Plaza Lavalle. On sait qu'il y a écouté les grands chanteurs de Bel Canto de l'époque et qu'ils l’ont beaucoup marqué. Eux qu'après sa mue, il imitait le soir pour les clients du bar Cuatro Chanta juste à côté de l'Abasto. Le patron de ce bistrot, qui l'aimait bien, payait son protégé en lui offrant le couvert. A 20 ans, Carlos Gardel pesait 120 kg. On a dû mal à se l'imaginer et pourtant les photos, celles qu’on peut voir dans le salon du Museo Casa Carlos Gardel, en portent témoignage.

En 1911, Carlitos, qu'on appelle encore El Francesito dans son quartier, rencontre José Razzano, un autre chanteur, né le 25 février 1887 à Montevideo mais arrivé tout petit, comme Gardel, à Buenos Aires où il passa toute son enfance. C’est l’époque où Carlitos change la dernière lettre de son nom : il commence à chanter sous le nom de Gardel, parce qu'il trouve que ça mieux (ce qui n'est pas faux, dans le contexte portègne). C’est sous ce nom de Carlos Gardel qu’il enregistre son tout premier disque en 1912. C’est sous ce nom qu’il apparaît dan son premier film, Flor de Durazno (fleur de pêcher ou fleur de Durazno, une ville d'Uruguay), en 1917 (un film muet). C’est enfin sous ce nom qu’il enregistre son premier tango, qui est aussi le premier tango-canción, Mi noche triste, où Pascual Contursi a raconté une histoire sur une partition instrumentale de Samuel Castriota (Lita). En 1917 aussi. Les disques d’avant présentent des chansons de la pampa, du folklore, dont il est parfois l’auteur, seul ou avec José Razzano. Très vite après leur rencontre, ils forment un duo de chanteurs (ténor et barytons). Ils s'accompagnent eux mêmes à la guitare comme des payadores. Ils se produisent professionnellement un peu partout en ville avec un succès tout à fait honorable. Ils ont des habitudes au Café de los Angelitos, qui a réouvert en juin 2007 après plusieurs années de fermeture à la suite d'un incendie. C'est là qu'ils créeront plusieurs valses, milongas et tangos de José Betinotti. Une dizaine d'années après la mort de Carlitos, José Razzano se souviendra avec nostalgie de cette période de sa vie et composera un tango intitulé Café de los Angelitos (ici, par Libertad Lamarque, en 1944). Dès sa réouverture, ce café a été porté sur la liste des Bares Notables (voir l'article que j'ai consacré en novembre à cette institution portègno-cafetière et à son rôle dans la vie culturelle de la capitale). Gardel et Razzano ont chanté au Café Hansen dont on vient de découvrir les vestiges des caves et du rez-de-chaussée à Palermo (voir l’article). Ils se sont produits à La Boca dans diverses gargotes fréquentées par les gauchos qui convoyaient les troupeaux jusqu'au port (exportation de viande) et les bouchers qui travaillaient aux abattoirs situés eux aussi dans le sud de la ville, au bord du Riachuelo (où l'on jetait les déchets d'abattage). Enrique Cadícamo et Ángel D'Agostino en ont évoqué le souvenir dans une milonga devenue un classique : El Morocho y El Oriental, comme le duo était connu à ses débuts (le Brun et l'Uruguayen). Et puis une nuit d'été, le 29 décembre 1913, ils furent invités par un haut dignitaire de la République à venir enchanter les oreilles des invités d’une fête qui se termina bruyamment dans un restaurant chic de Palermo, el Armenonville. Là, le duo continua de chanter. Et c'est ainsi que le patron du restaurant les entendit et leur offrit sur le champ un contrat mirobolant qu'ils acceptèrent sans en croire leurs oreilles (le cachet d'une soirée à l'Armenonville représentait ce qu'ils gagnaient jusqu'alors en 15 jours !). Ils se présentèrent pour la première fois sur l'estrade de l’Armenonville le 1er janvier 1914 et firent les beaux jours du prestigieux établissement, plusieurs soirs par semaine, jusqu'en 1920, année de sa fermeture, après seulement 10 ans d'existence.
Avec l’argent ainsi acquis, Carlos Gardel acheta, pour lui et sa mère, un appartement luxueux dans la rue Rincón à quelques cuadras du Café de los Angelitos, où il aimait aller souper après le travail, au coude à coude avec d'autres clients, nettement moins recommandables (la nuit, le milieu et les artistes se côtoyaient au point que la bonne société prenait volontiers les uns pour les autres). Et avec tout cela il n’avait jamais entamé la moindre procédure de naturalisation. Au reste, pourquoi aurait-il cherché à adopter la nationalité argentine ? La procédure n'apportait que des devoirs et pas de droit. Il fallait, surtout à son âge et malgré ses 120 kilos, accomplir son service militaire. Mais pour voter, il n'en était pas question. Le droit de vote venait d'être élargi en 1912 : il était désormais accordé à tous les citoyens mâles majeurs et argentins de naissance, ce qui éloignait des urnes la quasi-totalité de la tourbe ouvrière, essentiellement composée d'immigrants, et pas tous très soumis sur le plan social ! Des rouges ! Des roses ! Des noirs même, beaucoup, beaucoup de noirs : l'Argentine a toujours eu un fort courant anarchiste, métissage entre l'anarchisme natif des payadores et celui des bakounistes débarquant d'Europe...

Aussi le matin du 1er août 1914 le trouva à Buenos Aires mais toujours français. En tout cas sur le papier. Sur ses papiers. Sans doute ne lui vint-il même pas à l'idée, ce matin-là (plutôt cet après-midi-là, il ne se levait jamais avant midi) ni même les jours d’après, d'aller se faire enrôler au Consultat de France. Comment aurait-il pu se sentir concerné par ce qui se passait dans un pays avec lequel il n'avait jamais eu aucune relation ? Un pays qui avait si mal traité sa mère que même à la maison entre eux ils ne parlaient jamais français (son interprétation, incompréhensible, de Parlez-moi d'amour en fait foi)... Il est probable, cependant, que son surpoids et sa méconnaissance du français l'auraient fait réformé, tout au plus aurait-il pu être requis pour des tâches de manutention au Consulat pour permettre à un diplomate incorporable de partir sur le front.
Toujours est-il que les ennuis arrivèrent assez vite : en 1915, première opportunité de tournée internationale. Pas bien loin, mais hors des frontières tout de même : l'Uruguay, le Brésil et le Chili. Comment sortir d'Argentine sans prendre le risque de se faire faire arrêter à la demande des représentations diplomatiques françaises ? Des admirateurs haut placés le pourvurent, ni vu ni connu, de faux papiers, qui le vieillissaient de 20 ans (soyons prudents), l'avaient marié et l’avaient même doté de quelques enfants (on n’est jamais trop prudents : on n’osera pas arrêter un père de famille chargé de nourrir des têtes blondes).

Cette première tournée sud-américaine se passa bien, personne n'inquiéta le chanteur. Mais une fois la paix revenue, comment gagner l'Europe et en particulier la France où Eduardo Arolas remportait de vifs succès ? Et Toulouse, cette grand-mère avec laquelle Berthe venait de se réconcilier, cet oncle Jean et son épouse, leurs enfants, ses cousins... L'Armistice avait ressoudé la famille. Peut-être parce que l'enfant de la honte était devenu un artiste reconnu dans son pays qui offrait à sa maman un niveau de vie respectable et même enviable, lui permettant ce long voyage tous les ans, ce long voyage du retour que si peu d'immigrants purent réaliser. Plus probablement encore parce que Charles Carichou était mort au front, pendant la seconde bataille de la Marne, le 11 octobre 1918, à l'âge de 42 ans. Il avait fait toute la guerre... Deuil familial qui est sans doute une part de l'inspiration de Gardel, qui composa en 1932 le poignant tango Silencio qui évoque le désastre qui avait ensanglanté quelques années avant "los campos de Francia" (la campagne de France). Ici dans l'enregistrement que Gardel en fit à Buenos Aires en 1933.

Et c'est ainsi qu'un jour de 1920, Gardel se présente au consulat d'Uruguay (sans doute à la suite d'une combine montée dans les hautes sphères pour l'aider une nouvelle fois). Il est accompagné de deux témoins, dont José Razzano, et demande un certificat de naissance en déclarnat être né le 11 décembre 1887 à Tacuarembo, fils de Carlos et María, citoyens uruguayens décédés (comme ça, ils ne pouvaient pas dire le contraire). Aussitôt, le Consul fait établir le document au nom de Carlos Gardel, fils de Carlos et María Gardel, ce qui fait sursauter le juriste qui sommeille en vous. Figurez-vous que les juges uruguayens en 1936 ont eu la même réaction !

Avec ce papier, Gardel fit un peu plus tard un voyage à Montevideo, où un service officiel, tout aussi expéditif, valida le document. Et au retour, il entama une procédure de naturalisation qui aboutit en 1924 à la délivrance d'un livret militaire (sans service effectif) et d'un passeport argentin (ce passeport à demi-brûlé sur la foi duquel à Medellín la paroisse établira l'identité sous laquelle il sera enterré, le 25 juin 1935, et qu'Horacio Ferrer a transformé en une magnifique oraison déclamée par le récitant dans Oratorio Carlos Gardel, dont Horacio Salgán a signé la musique, en 1974). Sous cette identité (fausse), Carlos Gardel a parcouru le monde pendant 10 ans. Il est venu plusieurs fois à Toulouse et dans sa région, sans être jamais inquiété par la maréchaussée. Et pourtant on sait que tout le voisinage l'identifiait parfaitement au petit bâtard né à Berthe en 1890... Et puis un jour, avant de partir pour une tournée mondiale qui devait durer deux ans, il décida d'établir un testament. A toutes fins utiles. Un testament dont l'authenticité, aujourd'hui reconnue par plusieurs décisions judiciaires en Uruguay et en Argentine, sera constestée, très vivement contestée...
Et encore aujourd'hui, nombreux sont les Uruguayens qui refusent ce document et restent attachés à ce que, du côté argentin, on appelle la "thèse uruguayenniste"...
Depuis 1996, la République Orientale de l'Uruguay a fixé au 24 juin la célébration du Día Nacional del Tango (pour se distinguer du grand voisin).

En cette ville de Buenos Aires, le 7 novembre 1933, me trouvant en pleine jouissance de mes facultés intellectuelles, j'établis ce document, qui est mon testament olographe, disposant par lui de mes biens après mon décès, comme suit :

Premièrement : je suis français, né à Toulouse le 11 décembre 1890 et je suis le fils de Berthe Gardes.

Deuxièmement : j'atteste expressément que mes véritables prénoms et patronyme sont Carlos Romualdo Gardes mais pour motif de ma profession d'artiste j'ai adopté et pris toujours le patronyme Gardel et sous ce patronyme je suis connu en tout lieu. De même j'atteste que les comptes que je détiens dans les banques, nommément la Banque de la Nation Argentine, comme mes titres de propriété et autres papiers, sont établis universellement avec mon prénom et mon patronyme d'adoption, c'est à dire Carlos Gardel.
[...]
Cinquièment : je désigne pour unique et universelle héritière de mes biens et de mes droits ma mère, ci-dessus dénommée [...] J'atteste que la présente a été rédigée de ma main et sans interruption à la date mentionnée ci-dessus.
(Traduction Denise Anne Clavilier)


Photo du testament de Carlos Gardel, prise au Museo Casa Carlos Gardel, par autorisation spéciale.
(cliquez sur l'image pour la voir en grande résolution)

En esta ciudad de Buenos Aires, el día 7 de noviembre de 1933, encontrándome en pleno goce de mis facultades intelectuales otorgo éste, mi testamento ológrafo, disponiendo en él de mis bienes para después de mi fallecimiento, en la siguiente forma.

Primero: Soy francés nacido en Toulouse el día 11 de diciembre de 1890 y soy hijo de Berthe Gardes.

Segundo: Hago constar expresamente que mis verdaderos nombres y apellido son Carlos Romualdo Gardes pero con motivo de mi profesión (sic) de artista he adoptado y usado siempre el apellido "Gardel" y con este apellido soy conocido en todas partes. Asimismo hago constar que cuentas que tengo en los bancos, expresamente en el Banco de la Nación Argentina, así como mis títulos de propiedad y demás papeles, figuran universalmente con mi nombre y apellido de adopción o sea Carlos Gardel.
[...]
Quinto: Nombro por mi única y universal heredera de mis bienes y derechos a mi nombrada madre [...] hago constar que el presente ha sido redactado de mi puño y letra y de una sola vez lo firmo en la fecha de arriba mencionada.


(1) Vous pouvez cependant retrouver ici, en cliquant sur le lien, tous les articles que j’avais consacrés aux fêtes avec les poèmes, tableaux, portraits et autres montages photographiques qu’à cette occasion m’ont envoyés Litto Nebbia, Chilo Tulissi, Luis Alposta, Héctor Negro et Francisco Torné...
(2) Sur ces différents personnages, vous trouverez dans les colonnes de ce blog quelques articles sous la rubrique Histoire (pour ce qui est de San Martin, Rosas, Sarmiento et Peron) ou Jactance et Pinta (pour ce qui est de Maradona). Les rubriques prédéterminées sont répertoriées dans le haut de la colonne de droite. Vous pouvez vous construire vos thématiques en cliquant sur les mots-clés apparaissant en dessous des titres des articles.
(3) En fait, il semble que la famille d’Isabel profitait fort impudemment (mais ils n'étaient pas les seuls) de la générosité matérielle de l’artiste, qui était tout aussi désireux de gagner beaucoup d’argent que capable de le redistribuer aussitôt autour de lui comme de le dépenser en folies (cartes, dés, paris hippiques, fêtes et autres tournées générales). On a de lui quelques lettres adressées à José Razzano, du temps où celui-ci gérait ses affaires. Il s’y montre d’une sévérité sans ambiguité : "Affaire Isabel, je ne veux plus entendre parler de ces gens. S’ils te demandent quoi que ce soit, ne leur donne plus un centime !" Après la mort de Gardel, Isabel a exhibé différents clichés où on les voit tous les deux côte à côte, à l’en croire profondément amoureux. Mais il faut se lever tôt pour trouver une différence avec les autres photos où il est avec une ou des amies, dont on sait, pour le coup en toute assurance, qu’elles furent des amies et non des maîtresses.
(4) Voir aussi, dans ce blog, l'article du 11 novembre 2008 sur les souvenirs rapportés par Enrique Cadícamo sur la journée du 18 novembre 1918 et les trois autres qui suivirent... à Buenos Aires.

Une rentrée scolaire plus chère de 30% [actu]

Pour la rentrée scolaire qui se prépare (le premier jour d'école est fixé au 2 mars), les parents d'élèves argentins auront à débourser en moyenne 30% de plus que l'année dernière à la même époque pour les cartables, les cahiers, les crayons et les blouses blanches de leurs chères têtes blondes (la blouse blanche est obligatoire à l'école primaire dans l'enseignement public, en gage d'égalité de tous les enfants dans l'enceinte scolaire). Tel est le résultat d'une enquête effectuée récemment par deux associations de consommateurs, le CEC (Centro de Educación al Consumidor) et Consumidores Argentinos.

Et encore les chiffres que Clarín choisit de donner en exemple dans son article d'hier sont bien plus dramatiques que ce 30% : un cartable à roulettes sans décor coûte 55$ cette année (41 en janvier 2008) : c'est 34% de plus. Un cahier broché 1er prix, c'est 7,20$ cette année contre 5,29 l'an passé (+36%), et la gomme double (encre et crayon) fait 1,39$, contre 0,89 il y a un an (56% d'augmentation).

Heureusement que les supermarchés et les shoppings ont contenu l'inflation, avec des hausses de prix respectives de 6,6% et 3,1%, d'après l'étude publiée avant-hier par l'institut statistique officiel (INDEC)...

Mais en fait, d'après ces deux associations de consommateurs, les prix varieraient beaucoup en fonction de très nombreux facteurs. Les prix changent selon le quartier, l'enseigne de grande distribution (Coto, Carrefour, Día, Leader Price...), le type de commerce (grande surface, supérette, papeterie ou librairie) et les marques. Avec, comme partout en ce bas monde, un supplément de prix considérable si le produit est frappé à l'effigie d'un personnage à la mode, dont l'image est sous licence.

Le groupement professionnel des papetiers et libraires reconnaît quant à lui une hausse des prix de seulement 15 à 18% par rapport à l'année dernière, sur les produits 1er prix. Selon cette organisation, les augmentations supérieures à 18% ne concernent que les produits de haut de gamme.

Pour sa part, le Gouvernement de la Ville de Buenos Aires a promis que cette année, chaque enfant, indépendamment des ressources familiales, recevrait un kit de fournitures scolaires gratuites. Qui vivra verra...

Sur les enseignes de grande distribution présentes à Buenos Aires, voir mon article du 10 septembre 2008 (sur ce lien).
Sur le kit de fournitures scolaires gratuites à Buenos Aires, voir mon article du 22 octobre 2008 (sur ce lien).

vendredi 30 janvier 2009

Plan frigo : le reste suit ! [actu]

Première page de Página/12 du 30 janvier 2009
(Cliquez sur l'image pour la voir en meilleure résolution.
Pour accéder au quotidien, cliquez sur son lien dans la colonne de droite).

Comme le plan renouvellement des réfrigérateurs ("canje heladeras") lancé en décembre relève d’un vrai succès (l’ensemble des appareils familiaux proposés par le plan a déjà été intégralement vendu), le Gouvernement argentin lance un second volet, comme annoncé là aussi, concernant cette fois-ci d’autres appareils électroménagers. C’est le Plan Canje Linea Blanca. Les Argentins vont pouvoir changer, sous certaines conditions, leur vieux chauffe-eau à brûleurs (au gaz ou au gasoil), qu’on appelle là-bas calefón, leur vieux chauffe-eau électrique (termotanque), leur lave-linge (lavarropa) et leur cuisinière (cocina).

Tous ces appareils appartenant à la gamme du blanco (blanc, rien à voir dans les pays hispaniques avec le linge de maison comme en français) pourront être acquis à crédit, avec un plan de remboursement établi en 12 mensualités fixes pour un taux d’intérêt de 11% (dans un pays où l’inflation annuelle atteint les 20 à 25% depuis de nombreuses années).

Les calefónes (c’est un mot "bien, bien, bien, bien tanguero", je vous explique pourquoi à la fin d’article, mais vous avez peut-être déjà compris en lisant la Une de Página/12 en illustration de ce papier) seront tous des modèles d’une capacité de chauffage de 12 litres à la minute sur 4 marques parfaitement inconnues de ce côté-ci de l’Atlantique (Universal, Volcán, Longvie et Orbis). Les Argentins les payeront 636 pesos ($) TTC (c’est précis, non ?).

Les termotanques des mêmes marques coûteront 686 $ (c’est plus cher, il faut dire que produire et distribuer de l’électricité en Argentine, c’est assez complexe, comme on l’a vu lors du coup de chaleur printanier sur Buenos Aires en novembre).

Les gazinières (cocinas) sont des appareils quatre feux (hornallas) de base, sans auto-nettoyage (autolimpiantes) ni allumage assisté (incendido) : les bonnes vieilles allumettes et l’huile de coude. Ces cuisinières seront disponibles dans les marques Escorial, Volcán, Domeq, Longvie et Patrick, pour un montant à l’achat allant de 849 à 895 $.

Les prix des lave-linge (lavarropas), proposés par trois marques (Longvie, Alario et Gafa), sont fixés de 852 à 1128 $ TTC.

Ces montants à l’achat représentent un rabais sur le prix du marché qui va de 11% à 50%, selon les produits et les marques. Ils ont été établis à travers une négociation entre fabricants, distributeurs, et syndicats de travailleurs (la très péroniste CGT en tête) et, du côté gouvernemental, la ministre de la Production et le ministre du Commerce extérieur (à cause du Brésil), le tout chapeauté par le premier ministre, Sergio Massa (dont le vrai titre argentin est Jefe de Gabinete). L’annonce à la presse a donc été faite en présence des membres du gouvernement et des représentants des différentes institutions participantes à la négociation (dont l’inénarrable Moyano, le Secrétaire Général de la GCT, qui figure sur la Une dans le titre principal, dans un montage photographique où Página/12 lui a donné l’allure d’un concurrent du récent rallye Dakar : Moyano s’apprête à entrer dans la bagarre des négociations sur les salaires).

Au cours de l’opération frigo, qui a validé les principes du Plan Canje Linea Blanco, tout s’est passé en accord avec les règles. On a juste observé que certains commerçants participants à l’opération ont essayé de détourner leurs clients d’acheter un réfrigérateur éligible au plan dans l’espoir de pouvoir leur vendre des produits plus chers et/ou importés du Brésil. Mais ces manoeuvres n’ont pas empêché le stock fabriqué dans le cade du plan de partir comme des petits pains... donc on ne change pas une formule qui gagne. Comme pour les frigo, il ne sera pas possible aux acheteurs adhérant au plan gouvernemental de conserver par devers eux leur vieux matériel (pour le revendre, le donner, le laisser au chiffonnier de passage...). Que nenni ! Le vieil appareil devra être désinstallé et récupéré par un professionnel dûment habilité à cet effet et sera recyclé dans les règles de l’art et de manière officielle. Coût de la désinstallation : 70 $ et coût de l’installation : 130 $.
Le plan lutte ainsi aussi contre le travail au noir, les bricolages électriques ou gaziers qui s’avèrent parfois, trop souvent, dangereux dans les quartiers populaires, et agit pour un développement écologiquement durable. Le montant de la désinstallation et de l’installation du nouveau matériel est compris dans le prix total échelonné sur 12 mois. Ce qui revient à des mensualités nettes (capital, intérêts et livraison) de 73 $ pour un calefón, 78 pour un termotanque, de 92 à 96 pour une cocina et de 92,7 (montant seuil) pour un lavarropa...

Comme il n’y a pas de médaille sans revers, c’est aussi autant de travail qui n’est pas accessible aux nombreux chiffonniers qui sillonnent les villes, récupèrent tout ce qui peut être récupéré et gagnent ainsi leur croûte en revendant tous ces matériaux dûment triés. Le tout généralement au noir bien sûr. Encore que depuis plusieurs années, un bon nombre de chiffonniers se sont organisés en coopératives qui fonctionnent comme des entreprises normales, ayant pignon sur rue. Ce qui a notablement amélioré le mode de vie et la situation économique de ces personnes qui sont parmi les plus pauvres d’entre les pauvres...

La Présidente, qui a fait elle-même l’annonce de ce second volet depuis sa résidence officielle de Los Olivos, à l’abri de la chaleur par trop étouffante de la capitale, en a profité pour dire son désaccord avec le raisonnement d’autres pays qui entendent relancer par l’investissement au profit des grandes entreprises et des fonds propres bancaires (on se demande à qui elle pense !). Elle a plaidé dans son discours pour un ferme et constant soutien à la consommation car seul ce type de relance, dit-elle, prend en considération le tissu commercial et industriel local (elle n’est pas péroniste pour rien, cette dame !). Un plan comme celui de son gouvernement apporte donc, selon son analyse, un réel bénéfice à tous les acteurs de la chaîne économique : les ménages, les distributeurs et les industriels (locaux) tout en soutenant l’emploi. L’ensemble de ces initiatives consacrées à la consommation consomme un budget public de 13 200 millions de pesos argentins.

Et maintenant pourquoi n’ai-je pas su résister à la tentation de mettre en illustration de cet article cette magnifique Une de Página/12 ? A cause d’un titre secondaire, dans le bandeau supérieur : "La Biblia y el calefón"... qui est une citation... de tango. Si ! Et quel tango ! Cambalache, de Enrique Santos Discépolo. 1934. Où le comédien-poète et compositeur décrit le monde de la crise de 1929 comme un gigantesque dépôt-vente, une brocante (cambalache en Argentine) débordante de tout un bric-à-brac de valeurs et de contrevaleurs morales, d’idolâtries tous azimuts et sans discernement, un boxon innommable, un bazar sans queue ni tête, où une poule ne retrouverait pas ses petits et où

"blessée par un sabre dont la poignée se dévisse, tu vois pleurer la Bible tout contre un chauffe-eau"
(traduction Denise Anne Clavilier)

herida por un sable sin remaches / ves llorar la Biblia / contra un calefón...

On dit que les Portègnes ont fait de cette féroce et juste catilinaire l’hymne emblématique de leur ville !

Alors on se l’écoute ! Grâce à Todo Tango comme d’ordinaire... Que ferait-on sans Todo Tango !
En cliquant sur ce lien, qui vous conduit tout droit sur une interprétation en public d'Adriana Varela, sous la direction musicale de Esteban Morgado (à la guitare), dans un disque Melopea (Tango en vivo).
Pour ceux qui veulent aller plus loin (en espagnol) : les articles de Página/12 du 30 janvier et de Clarín (même date).
L’article de Barrio de Tango sur le "Plan Canje Heladora" de décembre dernier (Plan de relance pour l'Argentine : suite)
Tous les articles sur l’économie (lien que vous pouvez trouver aussi dans la colonne de droite de ce blog)
Tous les articles sur la vie politique en Argentine au niveau fédéral (nacional,dit-on en VO)
Tous les articles de Jactance & Pinta (cette rubrique porte sur toutes les particularités de la langue portègne à l’usage des francophones et de la langue populaire française pour les lecteurs argentins et uruguayens de ce blog en français sur l’actualité du tango argentin et son contexte)
Tous les articles sur Enrique Santos Discépolo

Les supermarchés, rempart de l’inflation ? [actu]

Selon l’INDEC, l’institut des statistiques officiel argentin, dont la fiabilité est parfois contestée (il ne reçoit pas toutes les déclarations légales qui devraient lui parvenir, économie parallèle oblige), les supermarchés et les centres commerciaux ont très modérément augmenté leurs prix en 2008. Les supermarchés auraient augmenté leur prix en moyenne de 6,6% et les centres commerciaux (shopping) de 3%. Ce qui est très raisonnable dans un pays habitué à une inflation de 25% l’an. A titre de comparaison, rappelons que des études récentes en France ont montré que le panier de la ménagère a augmenté dans l’Hexagone d’un peu plus de 6% en... 10 ans (depuis le passage du franc à l’Euro). Et nous nous plaignons !

Au cours du 4ème trimestre de l’année, les prix sont même restés quasiment stables puisque la hausse enregistrée n’est que de 1,3% dans les supermarchés (elle a été de 0,5% pour le seul mois de décembre dans les shoppings).

En pesos constants, le chiffre d’affaires (donc le niveau des ventes) a baissé de 3,1% en décembre. Néanmoins les montants bruts facturés aux clients en décembre ont augmenté de 23,5% par rapport au même montant relevé en décembre 2007 (soit un total de 4 764 millions de pesos argentins en décembre 2008). Dans les centres commerciaux, le montant facturé a été de 908 millions de pesos, soit 53,7 % de plus qu’en novembre 2008 à prix courant et 11,9% par rapport à décembre 2007. Ce qui confirme l’impression générale qui avait prédominé le mois dernier selon laquelle les achats des fêtes n’avaient pas subi le contrecoup de la crise internationale.

Le niveau d’emploi dans les supermarchés s’est maintenu. Il a même augmenté de 1,1% entre octobre et novembre. En novembre, le secteur employait 99 403 personnes.

Il est possible que ce bon maintien du niveau économique soit dû aux efforts commerciaux réalisés par le secteur avec des promotions importantes sur beaucoup de biens d’équipements technologiques et les produits de fêtes (dont l’habillement).
L’article de Clarin de ce jour.
L'article de Pagina 12 de ce jour.

jeudi 29 janvier 2009

Amelita Baltar invite Jacqueline Sigaut demain à Clásica y Moderna [à l'affiche]

Photo d'Amelita Baltar publiée par le site de Clásica y Moderna



La chanteuse Amelita Baltar a chanté tous les vendredis de ce mois de janvier à Clásica y Moderna, une salle prestigieuse de la Avenida Callao, un lieu de Buenos Aires qu'elle aime particulièrement...

No ves que va la luna rodando por Callao ? (Horacio Ferrer)

Pour la dernière soirée de ce cycle, où elle est accompagnée au piano par Aldo Saralegui, elle invite demain la chanteuse Jacqueline Sigaut, que Barrio de Tango a déjà présentée à quelques reprises...

Amelita Baltar, faut-il le dire, fut la seconde femme d'Astor Piazzolla, de 1968 à 1974. C'est elle qui a créé tous les grands classiques que Piazzolla composa sur des vers (letras) d'Horacio Ferrer. Ils ont formé tous les trois l'un des rares trios légendaires de l'histoire du tango. Balada para un loco (version féminine), Chiquilín de Bachín, Preludio para el Año 3001, Balada para mi muerte, Paraguas de Buenos Aires, La Bicicleta Blanca... tout ça et beaucoup d'autres, à commencer par María de Buenos Aires, c'est elle, une voix chaude, rauque, grave...

Vous pouvez l'écouter dans deux de ces titres sur Todo Tango. Ici chantant La Bicicleta Blanca en 1970.

Quant à Jacqueline Sigaut, vous l'écouterez sur son site et sur les nouvelles vidéos qu'elle vient de mettre en ligne et que je vous ai présentées il y a quelques jours.

Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur l'impressionnante programmation estivale de Clásica y Moderna, il se trouve sous ce lien au site de ce multiplexe culturel (qui fait aussi librairie entre autres).

Les autres articles sur Jacqueline Sigaut
Tous les articles sur les chanteurs
Les articles sur Astor Piazzolla
Les articles sur Horacio Ferrer

El Tata Cedrón au CAFF [à l'affiche]

Le chanteur-guitariste et compositeur Juan Cedrón, dit Tata Cedrón (Papa Cedrón), se produira samedi soir, 31 janvier, au Club Atletico Fernández Fierro, dans le quartier de l'Abasto (rue Sánchez de Bustamante, 764), à 22h.

Il sera entouré de Roger Helou au piano et de Nicolás Arroyo, comme musicien invité. Nicolás Arroyo joue du bombo, un tambour précolombien, creusé directement dans un tronc d'arbre et recouvert de cuir de chèvre.

Le programme musical de ce concert fera la part belle au tango et au folclore, terme générique sous lequel on rassemble les musiques populaires de l'intérieur de l'Argentine.

L'entrée est au prix exceptionnel de 40 $ (au CAFF, les spectacles de l'orchestre résident -et propriétaire du lieu- sont meilleur marché).

El Tata Cedrón et Roger Helou se sont rencontrés à Paris en 2004. Quatre ans plus tard, en novembre dernier, ils s'étaient à nouveau produits ensemble. Ils remettent le couvert ce week-end en plein été...

L'OTFF (Orquesta Típica Fernández Fierro) reprend, quant à lui, le collier dès mercredi prochain. Le cycle de février s'appelle CAFF de Verano (CAFF d'été). Concerts de la OTFF à partir de 23h, à 25 $ et 15 $ l'entrée (à table ou sans table), le mercredi. Les 11 et 12 février, tout le groupe joue néanmoins de l'autre côté du Río de la Plata, au Festival Uruguay a Toda Costa. Ils seront à Kibon le mercredi et à Colonia le lendemain.

Les autres articles de Barrio de Tango sur le CAFF
Les autres articles sur el Tata Cedrón
Les autres articles sur l'Uruguay

mercredi 28 janvier 2009

Hommage de Luis Alposta à Rosita Quiroga [radio]

Rosita Quiroga et Luis Alposta (source: Buena Noticia)


Le poète et essayiste Luis Alposta, dont j’ai déjà eu l’occasion de vous parler dans les colonnes de ce blog (lien avec les autres articles le concernant), rend ce mois-ci hommage à la chanteuse et compositrice Rosita Quiroga, qu’il a bien connue à l'occasion de l'anniversaire de sa naissance. Elle était née le 15 janvier 1896 (même si certaines sources avancent la date, fausse, du 16 janvier 1901) dans le quartier de La Boca et elle est décédée le 16 octobre 1984, dans le centre portègne, dans sa maison de la Avenida Callao.

Parmi les trésors qu’il conserve chez lui (et dans la mémoire de son ordinateur qui est une véritable caverne d’Ali Baba), Luis a gardé la dernière photo de Rosita Quiroga, prise le 15 octobre 1984, la veille de sa mort. On y voit une dame d’un âge certain (elle avait donc déjà 88 ans) tout sourire, débordante de vie, étonnamment jeune et fraîche pour le nombre d’années inscrit au compteur de l’Etat-Civil. La photo ci-dessus a été prise quelques mois auparavant, pas beaucoup plus tôt et vous avez vu l’allure qu’elle a ! Et ce sourire !

Le nom de Rosita Quiroga, contrairement à ceux de Libertad Lamarque, Tita Merello et Ada Falcón, trois grandes chanteuses de la même génération qui firent d’assez longues carrières, n’a guère atteint nos rivages. On ne trouve (et c’est bien regrettable) aucun disque d’elle dans les bacs de nos grandes surfaces du disque. Pourtant elle fut l’une des interprètes féminines majeure du tango faubourien et canyengue, pleine de la gouaille de cette Buenos Aires du peuple, à l’égal de Tita Merello. Elle fut l’amie des poètes Celedonio Flores (1896-1947) et Enrique Cadícamo (1900-1999). Elle fut l’une des premières chanteuses à graver des disques et ce dès le début des années 20. Elle fut la première artiste de tango argentin à se produire au Japon, très tôt, après que le Baron Megata fut rentré de Paris en 1926 à Tokyo, ses valises pleines de disques de tangos de Manuel Pizarro (enregistrés dans la capitale française !) (1)
Pour elle (et avec elle puisque la musique est d’elle), Luis a écrit, le 10 juin 1984 (2), une milonga dans un style très simple, sans jeu de mot, qui coule comme un discours de remerciement lorsqu’on porte spontanément un toast à un ami cher. Dans Campaneando mi pasado (en zieutant mon passé), à quelques mois de sa mort qui sera soudaine, la jeune vieille dame porte en effet un toast à la vie. Vous pouvez l’écouter la chanter dans un enregistrement que Luis n’hésite jamais à partager et où elle l’interprète en direct à la télévision, quelques semaines tout juste avant sa disparition. Il vous suffit pour cela de cliquer sur ce lien, qui vous conduit directement à cet hommage en audio, disponible sur Buena Noticia, journal et radio généraliste sur Internet animée par le journaliste Marcelo Villegas (et lui aussi, il a un de ses sourires !).

Au cours de ce dialogue avec Marcelo Villegas, Luis Alposta raconte un peu de sa Rosita Quiroga... La dame qu'il rencontra lors d'une soirée de la Academia Porteña del Lunfardo alors qu'elle était déjà octogénaire et qu'elle s'était mise à prendre des cours de guitare malgré son arthose aux mains. La personnalité populaire qui pourtant voussoyait sa mère ("tratar de usted"). Le cordon bleu qui adorait se mettre au fourneaux pour ses amis. Il raconte comment il l'avait, par blague, affublée d'un nom et d'un prénom parfaitement japonais (Tasiro Garoki... son nom d'artiste mais en verlan)... Le tout dure quelques minutes d'une excellente diction (donc ce n'est pas trop, trop dur à suivre pour autant qu'on comprenne déjà un peu l'espagnol oral, minimum pour n'importe quelle émission de radio).

Lorsque la fenêtre de l'interview s'ouvrira, le titre que vous verrez apparaître sur la gauche de l'écran (sous Explorer), Mosaicos porteños, est celui d’un ouvrage, de Luis Alposta, toujours disponible dans le commerce. Il est paru aux éditions Marcelo Oliveri, en mars 2005.

Dans cette milonga, dont voici la première strophe, c’est bien le style de Luis Alposta (celui qu’on retrouve plus tard dans un poème dédié à Osvaldo Pugliese et sur lequel j’aurai plus tard l’occasion de revenir) et pourtant c’est tellement elle qui parle. Et ceux qui connaissent bien le répertoire d’une certaine Edith Gassion (de 20 ans sa cadette et de ce côté-ci de l’Atlantique) pourront comprendre, à travers ce couplet, pourquoi certains journalistes s’amusent à dire de Rosita Quiroga qu’elle était la Piaf argentine (alors qu’ils devraient dire l’inverse !).

Yo le agradezco a la vida
los amigos que me ha dado.
Y si volviese al pasado
quisiera otra vez cantar
con Rosita Montemar, (3)
Magaldi... ¡minga de tele! (4)
Estrenar tangos de Cele, (5)
verme gordita y feliz (6)
y con Ciriaquito Ortiz (7)
tomar un feca con chele. (8)
(Luis Alposta, 10 juin 1984)

Je remercie la vie
Pour les amis qu’elle m’a donnés.
Et si je devais retourné au passé
Je voudrais à nouveau chanter
Avec Rosita Montemar,
Magaldi... Il y avait pas la télé !
Créer des tangos de Cele,
Me voir rondelette et heureuse
Et avec Ciriaquito Ortiz
Prendre un café au lait...

(Traduction Denise Anne Clavilier,
avec l’autorisation de Luis Alposta)

A ne pas manquer non plus sur Buena Noticia, la page de l'émission Para escucharnos en los valores, où vous avez quelques émissions à écouter (dont une interview d'un grand humoriste argentin récemment disparu, le rosarino Roberto Fontanarrosa, décédé à la mi-2007). Allez aussi jeter un coup d'oeil sur la page Entrevistados et admirer l'impressionnante liste des personnalités passées ces derniers temps par ce studio (Horacio Ferrer, Litto Nebbia, José Gobello et bien sûr Luis Alposta, entre autres et pour m'en tenir au tango, mais tous les sujets de la société sont traités).

Les autres articles sur Luis Alposta
Les articles sur les chanteurs
Toute la radio sur Barrio de Tango

(1) Luis Alposta a écrit avec Edmundo Rivero pour la musique un tango d’hommage au Baron, introducteur du tango dans l’archipel nippon, A lo Megata, que vous pouvez écouter sur Todo Tango par le chanteur japonais mais dans le texte Ikuo Abo (lien). Une merveille de diction, là aussi !
(2) Luis Alposta note toujours très précisément la date de ses poèmes...
(3) Rosita Montemar, autre cancionista d’avant-guerre. Les deux Rositas furent très amies.
(4) Agustín Magaldi, chanteur et compositeur aujourd’hui bien oublié mais qui fut dans les années 20, 30, 40 une très grande vedette. Il a d’ailleurs sa tombe dans le carré des personnalités du cimetière de la Chacarita avec Osvaldo Pugliese, Aníbal Troilo, Carlos di Sarli et Benito Quinquela Martín...
Minga de tele : c’est pourtant à la télé qu’elle a créé ce tango ! On en a que cet enregistrement-là et il est hors commerce.
(5) Cele, c’est Celedonio Flores, qu’on avait surnommé el Negro Cele. Tout le monde l’appelait Cele, jusqu’à ses neveux sur son monument funéraire à une cuadra de celui de Carlos Gardel, à la Chacarita.
(6) gordita y feliz : elle était en effet plutôt ronde, ce qui n’était pas pour déplaire à la gente masculine d’ailleurs qui appréciait les femmes bien en chair...
(7) Ciriaco Ortiz, un grand bandonéoniste de la même génération qu’elle. Ciriaquito est un diminutif.
(8) Feca con chele : c’est du verlan ! Renversez les syllabes et vous vous y retrouverez... Luis Alposta aime beaucoup le verlan (el vesre). Mais là, c’est son vocabulaire à elle, sa manière à elle de parler au jour le jour telle que vous la voyez là, assis sur ce divan, avec ce rang de perles autour du cou... E’ causait faubourg, la p’tite dame !

Nolo Correa à ADN Tango le 29 janvier [radio]

Image extraite du blog de Marta Iglesias, la productrice de l'émission.


Dans l’émission de Claudio Tagini, ADN Tango, une émission de radio par internet, produite par Marta Iglesias pour Radio Sentidos, à Buenos Aires, vous pourrez entendre, demain soir, l’animateur d’émissions télévisuelles, Nolo Correa, lui-même chanteur de tango.

Tout récemment, j’ai eu l’occasion d’écrire quelques mots sur lui. Il s’agissait d’un article consacré aux nouvelles vidéos proposées par la chanteuse Jacqueline Sigaut. Ces deux vidéos, où elle est accompagnée par le guitariste Raúl Luzzi, ont été tournées sur le plateau de Por el Tango, l’émission conçue et animée par Nolo Correa, sur le canal de Sólo Tango (1). Por el Tango passe le vendredi à 21h, heure de Buenos Aires, et est ensuite multi-diffusé sur la même antenne tout au long de la semaine.

Cette fois-ci, c’est lui, Nolo Correa, en sa qualité d’artiste, que vous pourrez découvrir de vos propres oreilles. Claudio Tagini nous le fera écouter (sous forme de disque ou d’enregistrements divers et variés) et l’interviewera sur son parcours et l’exercice son métier. Et vous n’aurez même pas un centime à débourser pour en profiter (si le Canal Sólo Tango émet bien sur Internet, le visionnage des émissions en est néanmoins payant... On n’a rien sans rien en ce bas monde !).

En prime, écouter des chouettes émissions de radio, sur un sujet qui nous passionne (et si vous êtes arrivé sur ce blog, c’est sûrement que le tango vous intéresse de près ou de loin), c’est une excellente manière, fort agréable et pas vraiment harassante, de se frotter à cet espagnol si particulier qu’est celui qui se parle Buenos Aires et de se désinhiber de toutes ces frayeurs que nous inspire en général n’importe quelle langue étrangère, même les bien dressées qui ne mordent jamais (ce "nous" regroupe essentiellement les Français) (2).

En vous connectant au streaming de Radio Sentidos, vous pouvez écouter ADN Tango en direct le jeudi à 19h (heure de Buenos Aires, voir le décalage horaire avec Paris et la façade ouest de l’Union Européenne, dans Buenos Aires : infos pratiques, sur la droite de cet écran).


Toutes les émissions de Radio Sentidos restent accessibles sur le site pendant toute la semaine qui suit leur diffusion en direct, 24h sur 24. C’est l’avantage de la radio par internet. Vous accédez facilement à ce site, dans la rubrique Ecouter, en partie basse de la colonne de droite, celle des liens externes).

Attention toutefois : Radio Sentidos ne met en ligne aucun podcast. L’émission n’est donc pas téléchargeable sur votre disque dur. Il faut vous connecter dans le délai imparti à chaque numéro de chaque émission hebdomadaire pour en profiter.
Radio Sentidos, gratuite pour l’auditeur, est financée par la publicité, pour que les professionnels qui la font vivre vivent eux-mêmes de leur travail. Au début de l’émission, ne vous laissez donc pas décourager par les spots successifs et passablement absconds pour nous, qui vivons sur la côte est de l’Atlantique et/ou dans l’hémisphère nord (3). Le public de Radio Sentidos est essentiellement argentin et le contenu publicitaire est calibré en fonction de cette réalité...

En ce qui concerne Por el Tango (on revient à la télé), Nolo Correa consacrera son émission de vendredi prochain, le 30 janvier 2009, au Café Tortoni, célèbre établissement "à la Parisienne" qui joue un grand rôle dans la vie intellectuelle, culturelle et artistique de Buenos Aires depuis les années 1920 (et même un peu avant déjà). Le Tortoni se trouve Avenida de Mayo, au numéro 825. Participeront entre autres à ce Especial Tortoni deux musiciens très actifs au sein de la Academia Nacional del Tango (qui a son siège juste au-dessus du Tortoni) : Fabián Bertero et Juan Trepiana.





Raccourcis vers d’autres articles de Barrio de Tango sur des sujets connexes :
Les émissions de radio
Les émissions de télévision
El Gran Café Tortoni
La Academia Nacional del Tango







(1) Sólo Tango : en français, ça se traduit "Rien que du tango".
(2) Surtout qu’aucun lecteur n’y voit l’ombre d’une moquerie. Je sais de quoi je parle : j’ai moi-même longtemps redouté les langues vivantes, notamment à cause de quelques profs d’anglais dont j’aurais volontiers fait de la chair à saucisse si mes parents ne m’avaient éduquée dans le respect des gens en général et donc, aussi, des profs en particulier, même les pas bons du tout. Sur toute ma scolarité, je ne me souviens que d’une seule bonne professeur d’anglais. C’est vous dire. Ils sont, en revanche, beaucoup plus nombreux au rayon latin et grec.
Au Teatro Alvear, un jour, en attendant le début d’un concert, mon voisin, un charmant Portègne d’un certain âge, comprenant que j’étais française, m’a dit : "Ah Paris, c’est beau ! C’est beau !... Mais alors, les Français, ils ne parlent que le français. C’est impossible de demander son chemin, dans la rue, même en anglais. Personne ne répond."
(3) Ce blog étant rédigé en français, il se trouve qu’il attire un public très majoritairement européen. Cela ne veut pas dire que l’auteur de ces lignes compte pour rien ceux de ses lecteurs qui habitent le continent américain, depuis le cercle polaire anglo-saxon jusqu’à la Terre de Feu en passant par le Québec. Barrio de Tango a aussi eu l’honneur de s’ouvrir à quelques clics activés au Japon et en Australie. Que tous se sachent les très bienvenus sur ces pages, elles sont pour tous sans distinction de latitude ni de longitude. Todos están bienvenidos. Welcome everybody on board ! (je ne sais pas le dire en japonais. Que les internautes du Soleil Levant me pardonnent !)

mardi 27 janvier 2009

Deux sont de Buenos Aires, deux sont de La Plata [à l’affiche]




Dos son de Capital, dos son de La Plata...
Dos cantan, dos tocan...
El Tango los juntó, se hicieron amigos.
El Tango los junta, se hacen un Tasso...


Deux sont de Buenos Aires, deux sont de La Plata
Deux chantent, deux jouent.
Le tango les a réunis, ils se sont faits amis
Le tango les réunit, ils se font un Tasso
(Traduction Denise Anne Clavilier)

C’est avec ce quatrain que Cucuza, lui que je connais d’ordinaire plus bavard, annonce son prochain show, Mongotango, au Centro Cultural Torcuato Tasso, à San Telmo. Cela doit être à cause de la chaleur étouffante qu’il fait en ce moment sur la capitale argentine (les rares amis qui s’y trouvent encore m’informent que le temps en ce moment est insupportable).

Mongotango a lieu le 3 février à 21h30. Entrée gratuite !

Les deux chanteurs, ce sont donc Hernán Castiello dit Cucuza, qui est de Buenos Aires, de Villa Urquiza pour être plus précise, et Juan Villareal, qui est de La Plata et qui a partagé avec Cucuza cette grande fête qui a eu lieu au Bar El Faro, quand Rubén Juárez a honoré de sa présence et de sa participation une soirée du cycle El Tango vuelve al Barrio (ETvaB) (ici, avec un Retour sur images publié grâce aux photos envoyées par Cucuza).

Les deux musiciens, c’est le guitariste Moscato, Maximiliano Luna, le partenaire habituel de Cucuza, et le bandonéoniste, qui ne veut pas mettre sa bobine sur l’affiche de la soirée, Sebastián Zasali.

En prime, ils ont invité Dipi Dvitko, le guitariste qui anime le cuatuor (dit típico) Catenacho (il n’est pas típico du tout comme quatuor, il lui manque la contrebasse et le piano, remplacés par une guitare et une guitare basse).

Et tout ce monde est effectivement ami, à la ville comme à la scène, je peux en témoigner, pizza Guerin faisant foi entre 23h le soir et 2h le lendemain ! (2)

Pour écouter ces artistes depuis votre siège, sans quitter votre écran et sans même vous rendre à San Telmo (1), ce qui est franchement dommage :

Cucuza est présent sur My Space (voir dans la colonne de droite, partie basse, consacrée aux liens externes à Barrio de Tango).

Il est aussi présent sur une autre page de partage (Yourfriendinbas, ce qui veut dire "Votre ami à Buenos Aires", in english, of course : vous pouvez donc lire cette présentation en anglais, en espagnol, en italien et en portugais. Pour le français, vous repasserez ! Dites donc, il va sérieusement falloir vous mettre aux langues étrangères... A moins que peut-être un jour j’aie un peu de temps et m’attelle à vous la traduire, sa page, à l’ami Cucuza). Et puis Cucuza est aussi sur TodoTango.com (voir les liens externes, en colonne de droite, sous la rubrique Les institutions).

Catenacho dispose de son site et de sa page Myspace aussi.

Les autres articles sur Cucuza en cliquant sur ce lien.
Les autres articles sur Moscato : ici.
Le cycle El Tango vuelve al Barrio : ici
Les autres articles sur le Cuarteto Catenacho : ici
Le quartier de San Telmo dans Barrio de Tango : ici (voir aussi en colonne de droite, dans la partie haute, consacrée aux liens internes).
Celui de Villa Urquiza : ici (voir aussi en colonne de droite, dans la partie haute, consacrée aux liens internes)
Les articles sur les chanteurs en général : ici (voir dans la colonne de droite partie haute, le lien Les chanteurs).
Les articles sur les musiciens en général : ici (en colonne de droite, partie haute, Les musiciens).
L’ensemble de l’actualité artistique sous le lien Affiche ici (colonne de droite, partie haute).

(1) Non, avant d’y aller. Sinon, un jour, vous aurez des regrets....
(2) très bonnes, les pizzas de chez Guerin. Une des plus célèbres pizzeria de Corrientes... Sur au moins trois niveaux... C’est que la pizza à Buenos Aires, c’est du sérieux ! Elle fait même l’objet d’une soirée académique à l’Academia Porteña du Lunfardo. Cliquez
ici si vous ne me croyez pas !

Le secteur touristique fait grise mine [actu]

Sur la côte argentine et déjà presque arrivé au milieu des vacances, la saison estivale semble médiocre pour l’ensemble du secteur touristique. Que ce soit dans la location d’appartements, de maisons ou de nuits d’hôtel, les loisirs et la restauration, les stations balnéaires, presque toutes situées en Province de Buenos Aires, connaissent un chiffre d’affaires en baisse sensible par rapport aux années précédentes. L’estivant argentin est sur ses gardes et ne sachant pas bien de quoi demain sera fait, il économise, évite le restaurant et rogne sur à peu près tout ce sur quoi il peut rogner, y compris lorsqu’il appartient à une classe sociale aisée.

Contrairement aux autres années et notamment à l’année dernière, les stations balnéaires, y compris Mar del Plata, la plus importante de toutes, sont passablement désertées en semaine. Du mardi au vendredi, les commerçants comptent les clients. Les centres urbains, bondés les autres années quelque soit le temps, se repeuplent à des niveaux habituels le week-end, grâce à l’afflux de visiteurs qui ne s’accordent que de très courts séjours alors qu’on est en plein été.

On compte entre 30 et 50% de touristes en moins cette année sur le bord de l’Atlantique.

La pénurie de touristes est telle que cette année c’est le client qui, en bien des occasions, fixe les prix, notamment dans les hôtels et les locations. Il y a de la place sur les plages, ce qui est inhabituel : les stations balnéaires étant peu nombreuses, elles connaissent tous les étés de grandes concentrations de vacanciers en provenance majoritairement du Gran Buenos Aires (Regardez dans la colonne de gauche les chiffres de Buenos Aires infos pratiques : vous verrez comment se répartit la population du pays !). Il se trouve de plus que la majeure partie de la côte bonaerense donne sur le Río de La Plata, qui se prête peu à la baignade. La pêche, passe encore ! A Punta Lara, par exemple, à la hauteur de la capitale provinciale, La Plata, 80 km au sud de Buenos Aires, mais faire trempette dans le Río n’est guère recommandé. Les stations balnéaires se répartissent donc entre Mar del Plata, la plus au nord, et Bahía au sud de la Province, soit une bande maritime assez étroite à l’échelle de ce pays immense.

Dans les petits ports maritimes, il y a donc des bateaux de pêche à louer qui attendent le client dans les ports, ceux par exemple qui facturent la course à 120 $ par personne : certains concurrents ont baissé leur prix et le client les choisit de préférence à son loueur habituel, y compris les pêcheurs sportifs pourtant d’habitude si peu regardants à la dépense.

En octobre, déjà, on avait observé en Argentine une certaine prudence dans les achats des ménages. Mais il semblait bien que les Argentins gardaient bon moral, puisque la consommation n’avait pas dégringolé et que les achats de Noël et d’Epiphanie sont restés à des hauteurs ordinaires. La période des vacances révèle donc une inquiétude qui ne s’était pas fait jour pendant l’année.

Les autres articles sur l’économie en cliquant sur ce lien (voir aussi dans la colonne de droite le lien Economie)
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mardi 20 janvier 2009

Interview de Noëlia Moncada dans Página/12 [à l’affiche]

Noelia Moncada au Japon (photo tirée de son site)

Sous le titre Todo me implicó esfuerzo (tout m’a coûté un effort), la chanteuse Noelia Moncada raconte sa carrière et sa manière d’aborder son métier à la journaliste Karina Micheletto de Página/12, à l’occasion de la reprise de ses concerts à Clásica y Moderna (rue Callao).

Noelia Moncada a accompagné le danseur classique Julio Bocca en 2006 lors de sa tournée mondiale d’adieu à la scène (Bocca Tango). Elle a tenu le rôle de María dans une reprise récente à Los Angeles de María de Buenos Aires (choisie par Horacio Ferrer), elle chante dans Tocata para Sexteto, le plus récent disque de Raúl Garello qui l’a invitée à plusieurs reprises à se produire avec la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires. Elle est partie en tournée avec El Arranque et a sorti en 2008 son premier disque de soliste, A tiempo (voir à ce propos mes autres articles sur cette chanteuse et la section Disques et Livres).

Dans cet article du 16 janvier, elle raconte la naissance de son amour du chant, dans une chorale scolaire, et raconte tout ce que lui a appris les quelques mois qu’elle a passés en arrivant à Buenos Aires (elle est de Rosario) à chanter a la gorra au Parque Lezama de San Telmo, dans la rue Florida et à la Recoleta.

Petit extrait (en français, traduction Denise Anne Clavilier) :

[En chantant a la gorra dans la rue, j’ai appris] "d’abord la sensation de liberté que ça te donne et qui est incroyable. Tu ne dépends pas de ce qu’un autre te dis un autre sur ce qui est bien et ce qui ne l’est pas. Et en plus, ça te donne la possibilité de rencontrer des gens. C’est une grande source de contacts. [...] Je ne vivais que de ça et j’en vivais très bien. Ensuite j’ai remporté le Prix Hugo del Carril et je suis entrée à la Orquesta Escuela [de tango aujourd’hui Emilio Balcarce]. J’ai chanté dans des endroits très chouettes, jusqu’au Teatro Colón (1). Ensuite j’ai travaillé dans une tanguería [...] et je n’ai plus jamais chanté dans la rue. Mais pour moi ce fut beaucoup plus satisfaisant de travailler a la gorra (2) qu’à la tanguería, sans l’ombre d’un doute."

Allez lire l’ensemble de cette interview, d’une page et demie, en cliquant sur ce lien.

Vous pouvez aller écouter Noelia Moncada sur son site et même y télécharger quelques morceaux en MP3. Elle est aussi présente sur MySpace avec des documents audio et vidéo.

Mes autres articles sur Noelia Moncada.
Tous les articles de Barrio de Tango sur des chanteurs et chanteuses sur le lien Chanteurs.
Les sections Chanteurs et Disques et Livres sont en accès permanent dans la colonne de droite (partie supérieure, celle des liens internes au blog).

(1) Teatro Colón : l’opéra de Buenos Aires, une des scènes lyriques les plus prestigieuses du monde, qui accueille de temps à autres des grandes formations de tango (comme on peut le voir dans le documentaire El café de los Maestros, voir l’article à ce sujet).
(2) "a la gorra" : au chapeau. Consulter La trousse lexicale d’urgence dans la colonne de droite.

Quelques vidéos de Rodrigo Rufino et Gisela Passi [ici]

Rodrigo Rufino et Gisela Passi sont tous les deux portègnes (donc argentins) et ils se sont posés, il y a quelques années, à Paris, où ils enseignent un tango salón très authentique, sobre, intime, où l’essentiel porte sur la relation entre les deux danseurs, l’écoute et le respect mutuels des deux partenaires... et la musique aussi, car en tango, elle n’est ni un bruit de fond ni un simple prétexte à danser. La musique, c’est le coeur d’une danse qui a la gravité d’un rite....
Cette authenticité-là est une denrée rare à Paris où le tango argentin est trop souvent adultéré, francisé (ce qui est un contresens dans les termes mêmes). Rares sont, dans cette ville, les professeurs de tango argentin qui savent respecter cette tradition et cette dimension sociale et la mettre en pratique. Rares aussi sont les professeurs qui disposent, comme eux, de connaissances techniques assez solides et assez bien construites pour transmettre à leurs élèves un tango sûr pour la colonne vertébrale et les articulations. Ce qui est pourtant essentiel : dans le tango argentin, épaules, coudes, hanches, genoux et chevilles sont particulièrement sollicités (1).

Ajoutez à toutes ces qualités et compétences qu’ils sont de parfaits bilingues et qu’ils parlent le français comme vous et moi... Que demande le peuple ! (2)

Il y a d’ailleurs un public qui ne s’y trompe d’ailleurs pas : en plus des 6 cours collectifs (archi-pleins) qu’ils dispensent à Paris chaque mardi, mercredi et jeudi au cours de l’année scolaire et de leurs nombreux cours privés, Rodrigo et Gisela sont très réclamés un peu partout ailleurs. Ils s’en vont tous les week-ends par monts et par vaux animer stages et milongas festives un peu partout en France, et en dehors des frontières hexagonales, dans toute l’Union Européenne. Tous les ans, une association antillaise les invite même à aller conduire sous ces latitudes de rêve un stage intensif d’une bonne semaine... Leurs élèves les voient revenir sous les cieux parisiens, frigorifiés mais dotés d’une mine superbe !

Sur Youtube, vous trouverez une très jolie valse qu’ils ont dansée à Varsovie cet été, en démo dans une milonga.
Vous trouverez aussi cette autre vidéo où ils dansent Todo, de Pedro Laurenz (chanté par Alberto Podestá, un des chanteurs que j’aime beaucoup, entre les centaines d’excellents interprètes que compte le tango). C’était à Paris en avril 2007. Cette vidéo a l’avantage de bien montrer ce style naturel, sobre et élégant qui est le leur et qu’ils savent transmettre à leurs élèves.
Et pour finir, un petit clic de souris sur ce bref cours, un échantillon en fait, donné pour la caméra de l’association de sorties, loisirs et culture Alchimée à Caen (en Normandie, sur la côté atlantique française) : enchaînement des déplacements de base, la salida simple et le tour.

Autres articles sur Gisela Passi et Rodrigo Rufino en cliquant sur ce lien.
Tous les articles sur le tango baile en cliquant sur Danse.
Tous les articles sur le tango en Europe en cliquant sur Ici.
Vous trouvez aussi ces deux derniers raccourcis (Ici, Danse) dans la colonne de droite (partie haute pour les liens internes, partie basse pour les liens externes).
Le site de Rodrigo et Gisela se trouve lui dans les liens externes, en partie basse de cette même colonne...

(1) Un critère important dans le choix d’un professeur de tango argentin (valable pour n’importe quelle autre danse aussi, d’ailleurs) : s’assurer qu’avec lui, rien de tout cela ne risque quoi que ce soit car une fois que vous vous serez déglingué les articulations ou les vertèbres, pour les remplacer à l’identique, ça va pas être simple, même au prix de l’argus !
(2) "que demande le peuple" : un giro idiomámatico que significa la perfección.

Nouveaux podcasts à ne pas louper sur Tango City Tour [radio]

Logo de Tango City Tour (source : leur site)

Tango City Tour, de Juan Espósito, qu’il co-anime toutes les semaines avec Mabel Pramparo, s’intéresse dans ses numéros 140 et 141 à Astor Piazzolla (avec une grosse partie centrale consacrée au grand musicien) et à Cucuza, qu’ils sont allés écouter au Bar El Faro, dans le cycle El Tango vuelve al Barrio.

Quelle joie pour moi de découvrir cela ce lundi matin en faisant mon petit téléchargement hebdomadaire sur iTunes... Cucuza est un ami personnel et je me demandais si Juan et Mabel (deux amis eux aussi) auraient un jour l’occasion d’aller jusqu’au fin fond de Buenos Aires (Villa Urquiza, c’est pas tout près de l’Abasto, où Tango City Tour a installé son studio, à deux pas de la maison de Carlos Gardel...)

Eh bien, si... Ils y sont allés et je suis sûre qu’ils ont apprécié la pizza autant que le show... Vous pourrez entendre un petit extrait de la soirée au Bar El Faro (l’ambiance est comprise dans le service) : Cucuza et Moscato avec le son d’une prise en direct dans ce resto du coin, tellement plus vivant qu’une salle de concert, avec un public qui chante lui aussi (ça c’est vraiment Buenos Aires).

Dans ce numéro 141, après le Gardel de chaque semaine, vous entendrez Libertertango de Astor Piazzolla par Grace Jones (chantant un texte en anglais, qui n’a rien à voir avec la letra originale de Horacio Ferrer, c’est comme pour les paroles en français -excellentes par ailleurs- de Guy Marchand qui a rebaptisé le morceau Moi, je suis tango).

Cucuza (Hernán Castiello de son vrai nom) vient ensuite chantant Farolito de papel (Teófilo y Mario Lepes pour la musique et Francisco García Giménez pour le texte).

Attention à l’interview qui suit (n’hésitez pas à jouer des commandes d'arrêt, de retour en arrière et d'écoute sur votre Window Media Player ou votre iTunes) : il y a le bruit ambiant et Cucuza a été vacciné avec une aiguille de phono (1), cela lui donne un débit de mitraillette (comme sur les ondes de Fractura Expuesta) et il déborde de tant de passion qu’il a en permanence au moins deux ou trois idées dans la tête qui se bousculent pour passer chacune la première du cerveau aux cordes vocales. Radiophoniquement, cela donne un enthousiasme contagieux et trépidant. En gros et en substance (sans tout transcrire ni traduire mot à mot), Cucuza expose dans quel esprit il a fondé ces soirées barriales (de quartier) et comment il a choisi son surnom (Cucuza, en lunfardo, c’est la tête, la caboche, la boule, or il a entamé sa carrière de chanteur en interprétant Cucuzita, ce qui lui a donné l’idée de cette impeccable indéfrisable, qui lui donne un surplus de présence sur scène et que vous pouvez admirer sur ses photos dans d’autres articles que je lui ai consacrés dans ce blog).

Tango City Tour termine le chapitre EtvaB sur l’interprétation de China cruel par Cucuza.

La dernière partie de l’émission est consacrée à la première visite d’un des 48 quartiers de Buenos Aires : Agronomía (Juan et Mabel ont choisi de démarrer dans l’ordre alphabétique).
On commence avec un petit coup de Glorias Porteñas que Mabel adore : La pulperia de Santa Lucia (un tango appartenant à une série de pièces sur l’époque de Rosas, 1829-1852, tous d’Enrique Marciel pour la musique et de Héctor Pedro Blomberg pour les paroles... Des tangos qui furent créés dans les années 30 par le chanteur et comédien Ignacio Corsini).
On enchaîne sur un tour du monde du tango, une espèce de musée des horreurs sonores où deux perles se sont égarées : en anglais américain (bande son originale du film Moulin Rouge), à l’accordéon musette (Le plus beau tango du monde, de Vincent Scotto et René Sarvil en 1935), avec una "glosa" en allemand (pour une version en or de Malena chanté dans le texte original), façon espagnolade (mélange assez indigeste de tango standard et de paso doble), à l’italienne (tango della boccha ! heureusement l’extrait est court, sinon attention à ne pas se gâcher le tympan) et par le Cirque du Soleil (Québec) qui a consacré un de ses spectacles au tango... par un orchestre de cirque (excellent) avant de partir, enfin, à la découverte du quartier d’Agronomía, fondé à la fin du 19ème siècle tout à l’ouest de la capitale argentine.
Précipitez-vous donc sur le site, abonnez-vous (avec iTunes, c’est un jeu d’enfant mais avec les autres logiciels de téléchargement, ce n’est pas sorcier non plus) et savourez, de préférence avec un bon maté brûlant (il ne fait ni très beau ni très chaud en ce moment en Europe), sinon avec un petit noir au comptoir ou un bon vieux Earl Grey façon Five o’clock, cette émission au ton amical et sans façon.

Quant à Astor Piazzolla (podcast n° 14), est-il encore besoin de vous le présenter ? A toutes fins utiles et s’il vous reste un doute, allez donc jeter un coup d’oeil sur le site bilingue anglais-espagnol, Piazzolla.org, que lui avait consacré Natalio Gorín, l’un de ses admirateurs et biographes (malheureusement décédé lui aussi), ou plus modestement sur l’ensemble des articles de Barrio de Tango qui parlent de lui et après, plongez !... Sélectionnez le podcast, appuyer sur Play, après avoir réglé le volume à votre convenance, et vogue la galère, lancez-vous...

Vous allez entendre successivement La muerte del ángel jouée en public, El Gordo Triste (Astor Piazzolla-Horacio Ferrer) chanté par Amelita Baltar (une chanteuse de folklore qui a versé dans le tango et partagé six ans de la vie du compositeur) puis Chiquilín de Bachín (Astor Piazzolla-Horacio Ferrer) dans cet enregistrement historique qu’en firent en public Roberto Goyeneche et le compositeur lui-même en mai 1982 et où Piazzolla annonce l’entrée en scène du chanteur comme le sueño del pibe, ce que je vous commentais récemment à propos du tableau de Chilo Tulissi qui porte ce beau titre : el Sueño del Pibe). Au cours de cette partie de l’émission, Mabel lit quelques propos d’Astor Piazzolla racontant sa découverte du jazz moderne à Paris et comment cela lui donna l’idée de fonder l’une de ses plus célèbres formations : el Octeto Buenos Aires.

Le podcast continue avec un groupe que Piazzolla n’aurait sans doute pas renié et un son auquel le tango traditionnel ne nous a guère habitués : le Cuarteto Cuatro Vientos, un quatuor de saxophonistes qui interprète A fuego lento, de Horacio Salgán (né en 1916), et La Corralera, de Anselmo Aieta (bandonéoniste et grand compositeur de la Guardia Vieja, 1896-1964). Avant de se conclure classiquement avec un tango joué par l’orchestre de Mariano Mores...

En prime, dans ce numéro 140, juste après le Carlos Gardel rituel de début d’émission et avant l’intervention, tout aussi rituelle, de Norberto Spangero, avec ses incunables discographiques, vous entendrez Nuestro Balance de Chico Novarro (notre bilan), interprété par la chanteuse Jacqueline Sigaut, dont je vous parlais encore hier (voir mes articles sur elle).

Tango City Tour : le site du podcast.

(1) Etre vacciné avec une aiguille de phono (estar vacunado con una puá de fonógrafo) : refran popular para decir de alguien que habla mucho, sin poder ser parado.