mardi 31 mars 2009

Con-vivencia Tanguera : retour sur images [à l’affiche]

C’était mercredi dernier au Centro Cultural de la Cooperación Floreal Gorini (CCC) : Cucuza, très entouré, très accompagné, chantait un mélange de grands classiques et de tangos nuevos de créateurs contemporains.
La soirée en quelques images communiquées par Cucuza lui-même.


Cucuza et Alorsa, l’auteur-compositeur-interprète qui anime le groupe platense La Guardia Hereje au Tango Criollo Club (vous pouvez télécharger gratuitement actuellement son disque studio Tangos y otras yerbas. Allez voir ces deux autres articles que j’ai consacré à cette opération qui a d’abord eu lieu en décembre et qui a été relancée à la rentrée...)

Cucuza accompagné par le guitariste Hernán Reinaudo, dont je vous ai souvent parlé (il vous suffit d’aller cliquer sur son nom en haut, dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search pour accéder aux articles qui le concernent).

Le duo Cucuza et Moscato, qui redémarrent l’année au Bar el Faro, vendredi prochain, à Villa Urquiza. Le 3 avril, le show sera même enregistré...

Enfin toda la barra (la fine équipe) sur la petite scène de la Sala Osvaldo Pugliese, pleine à ras-bord cette nuit-là :

De gauche à droite : Gabriel Genlotte (guitariste), Hernán Reinaudo, Javiez Díaz González (autre guitariste), Ariel Argañaraz (encore un guitariste, qui se produit souvent en duo avec Hernán Reinaudo et vient de faire un show très réussi avec Jacqueline Sigaut), Juan Pablo Seren (auteur-compositeur-interprête), Néstor Tomassini (qui s’est adjoint au programme presque à la dernière minute pour interpréter une composition de Hernán Reinaudo, lui aussi n’est pas un inconnu de Barrio de Tango, voir l’ensemble des articles qui lui sont consacrés en cliquant sur son nom en haut), Moscato que l’on reconnaît à son T-shirt à rayures rose comme dans la photo précédente, le poète Raimundo Rosales (bien connu aussi des lecteurs de Barrio de Tango, allez donc lire l’article sur son atelier d’écriture à Colegiales entre autres) et Cucuza, qui s’étreignent au premier plan, cachent Alorsa (dont on voit tout de même le bas du pantalon) et à l’extrémité droite, c’est le bandonéoniste Sebastian Zasali.

Acho Estol avait finalement et mystérieusement fait faux bond et Luis Alposta s’était excusé (il est médecin et il a parfois des obligations d’enseignement ou autre à la faculté). Quant à Walter Alegre, il était dans la salle, veillant à tout, en bon coordinateur de la Ciudad del Tango qu’il est...

Con-Vivencia Tanguera sera repris en septembre, au CCC, peut-être avec les mêmes ou avec d’autres aussi...

Et maintenant cap sur vendredi, tout au nord-ouest de la ville, à Villa Urquiza, esquina Constituyentes y Pampa, pour la rentrée de El tango vuelve al Barrio (le tango se ramène dans le quartier). Voir les articles sous ce lien.

La danse est aussi au programme de la Academia National del Tango [actu]

Après la composition et l’art de l’arrangement, l’interprétation instrumentale et le chant (Seminario Argentino Galván), après l’histoire (Taller Juan Carlos La Madrid), après la culture (Taller Luis Adolfo Sierra) et après l’écriture (Seminario y Taller de letristas Homero Expósito), il ne manquait plus que la danse pour boucler la rentrée de la Academia Nacional del Tango.
Eh bien elle arrive ! Tout vient à temps à qui sait attendre, comme on dit !

La danse, tout d’abord (enfin, c’est mon ordre à moi), c’est le Seminario De iniciación al baile Bernardo Undarz El Mocho qui revisite l’histoire chorégraphique du tango argentin, son évolution technique et esthétique, à travers les nombreux documents filmés, plus ou moins longs, qu’on a pu conserver, grâce à des grands collectionneurs méticuleux et précis, des documents qui permettent de visualiser les plus grands danseurs en action, depuis que l’invention des Frères Lumière a atteint les rives du Río de la Plata.

Tous les séminaires de la Academia portent des noms d’artistes. Ce que vous aviez déjà repéré. (1). Celui-ci porte le nom de Bernado Undarz dit El Mocho (le hibou), un danseur né vers 1895 à Avellaneda, dans la banlieue sud de Buenos Aires, et mort en 1930, de la tuberculose, dans la ville argentine de Córboba : il fut le premier à danser du tango sur les planches avec sa femme, Amelia Undarz, plus connue sous le surnom de La Portuguesa.

Si ces danseurs d’hier puis d’aujourd’hui vous intéressent et que vous êtes coincés de ce côté-ci de l’Atlantique, sans possibilité d’aller faire un saut, comme ça, en passant, en semaine, à Buenos Aires, avenida de Mayo, 833, jetez donc un coup d’oeil sur le catalogue de tous ces artistes qu’a dressé le poète et essayiste Luis Alposta en octobre 1968, dans le cadre d’une communication faite à la Academia Porteña del Lunfardo.

* ~ * ~ * ~ * ~ *

A la Academia Nacional del Tango, il y a aussi des cours... de tango. Ils sont animés par les deux professeurs maison, Liliana Torres Calívar et Victor Chamorro en deux niveaux, débutants et avancés, tous les jours de semaine, du lundi au vendredi, de 15h à 18h puis de 18 à 21 h (notez bien que la Academia est fermée le week-end).

Ces cours sont des cours ouverts, c’est-à-dire que les élèves choisissent l’heure et le jour où ils veulent venir (2). S’y retrouvent tous ensemble les Portègnes et les touristes, argentins comme étrangers, dans le climat de convivialité qui caractérise tout ce qui se fait à la Academia. Et en dehors des heures de cours ci-dessus, les professeurs donnent aussi des cours privés sur rendez-vous (3).

Voilà une des très bonnes façons d’apprendre à danser le tango argentin à Buenos Aires, dans le micro-centro (les beaux quartiers, en français), sur la Avenida de Mayo (à la hauteur de la esquina Mayo y Piedras et juste à la sortie du métro Piedras). Et après le cours, qu’est-ce qui vous empêche d’aller danser dans les innombrables milongas qui pullulent en ville...

Sur ce sujet, voir également la rubrique Eh bien dansez maintenant !, dans la Colonne de droite, partie inférieure.

(1) Les sièges des Académiciens seniors (ceux qu’on appelle Académicos de Número) portent des titres de tango. Les salles portent la plupart du temps des noms d’artistes. A la Academia Porteña del Lunfardo, les sièges des Académicos de Número portent le nom de différents poètes qui se sont illustrés dans l’emploi poétique du lunfardo (voir ce mot dans Trousse lexicale d’urgence, en partie centrale de la Colonne de droite).
(2) Un conseil d’amie entre nous et à mi-voix : commencez toujours par vous sous-estimer (en tout cas, gardez-vous comme de la peste de vous surestimer). Même si vous avez beaucoup d’heures, voire même d’années de tango derrière vous ici en Europe, si c’est votre premier voyage là-bas, commencez par le cours débutant. Si votre niveau technique est bien celui du niveau avancé, les professeurs sauront le repérer et vous le diront. Faites-leur confiance. Ici en Europe, tous les professeurs, même s’ils sont argentins et même quand ils se réclament des meilleurs parrainages là-bas (allez donc vérifier !), ne prennent pas, loin de là ! la précaution de toujours poser des bases techniques solides. C’est comme ça que bien des Européens présomptueux ont connu des expériences fort désagréables et auxquelles ils ne s’attendaient pas, une fois à Buenos Aires. Et c’est bête de partir si loin pour revenir avec autre chose que des bons souvenirs...
(3) Attention : en Argentine, dans le cadre des cours, on ne danse pas systématiquement en couple mixte. Si l’équilibre entre hommes et femmes n’est pas atteint, on peut être amené à travailler avec quelqu’un du même sexe que soi et se partager les deux rôles (ce qui fait que les femmes savent un peu ce que c’est que de guider et les hommes ce que c’est que d’être guidé). C’est un rapport à l’autre auquel les Français sont plutôt réticents. Sur le sol national, en tout cas.

Dernier combat pour Raúl Alfonsín [actu]

Raúl Alfonsín est le premier président argentin démocratiquement élu après la chute de la Junte Militaire, en octobre 1983. Cet avocat de formation, militant de la Unión Cívica Radical, est celui qui a rétabli le cours constitutionnel de la vie politique en Argentine. Aujourd’hui atteint d’un cancer du poumon qui a évolué en cancer osseux, il y a bien longtemps que les Argentins le savent très malade. Mais depuis dimanche, il lutte aussi contre une pneumonie. Devant son appartement, situé sur avenida Santa Fe au n° 1678, dans le quartier de La Recoleta à Buenos Aires, les gens ont commencé à se rassembler depuis qu’on a su ce matin que son état de santé s’était brutalement aggravé. Monseigneur Justo Laguna, évêque émérite de Morón en banlieue sud de Buenos Aires, très connu pour son action publique et pastorale en faveur de la démocratie et du dialogue entre les catholiques et les juifs, a été appelé auprès de lui pour célébrer le sacrement des malades. Un médecin de l’Hospital Italiano, grand établissement du quartier d’Almagro, est constamment à son chevet. Il a mis en place une hospitalisation à domicile et informé la presse que son patient resterait désormais chez lui quoi qu’il arrive.

Depuis le Qatar où elle est en déplacement officiel, l’actuelle Présidente de la République, Cristina Fernández de Kirchner, a pris de ses nouvelles par téléphone.

Si le décès intervient maintenant, si près du Día nacional de la Memoria para la Verdad y la Justicia, qui se célèbre tous les ans au jour anniversaire du Coup d’Etat de 1976, chaque 24 mars, il faut d’autant plus s’attendre à voir couler des fleuves d’encre dans tous les journaux d’Argentine et sans doute aussi des pays frontaliers. Raúl Alfonsín est celui grâce à qui toute une génération d’Argentins, tous ceux qui ont 25 ans aujourd’hui ou qui ne les ont pas encore, n’aura connu que la démocratie sur sa propre terre, après plus de 50 ans d’instabilité politique entre1930 et 1983.

L’article de Barrio de Tango consacré à Raúl Afonsín sous ce lien et ceux consacrés aux 25 ans du retour à la démocratie en 2008 ici.

lundi 30 mars 2009

Programme d’avril au CCC : 5 Tangos du Mercredi [à l’affiche]


Telle est en effet la promesse de l’affiche du mois à venir qui compte sur trois artistes déjà présents dans les Colonnes de Barrio de Tango :

le Pulice-Vicenzo Quinteto qui monte en ce moment une tournée en Europe pour juin et juillet et vient de participer aux concerts en direct de Fractura Expusta,
l’auteur-compositeur-interprète Marcela Bublik dont vous trouverez diverses informations dans des articles concernant le Sommet de Bariloche début mars et le premier article que j’avais pu consacrer à l’identification d’une petite-fille de Abuelas (mais en cliquant sur son nom en haut vous trouverez encore d’autres choses),
et le Cuarteto Típico Catenacho (pas si típico que ça mais avec plein de talent, ceci n’ayant rien à voir avec cela).

Tous sont à découvrir dans la liste de raccourcis baptisée Grillons, zorzales et autres cigales, dans la Colonne de droite, en partie inférieure, celle consacrée aux liens vers les sites extérieurs.
Mercredi, puisque c’est le premier mercredi du mois, les fidèles du CCC Floreal Gorini (et les si fidèles aussi, les touristes de passage par exemple) pourront découvrir une chanteuse de tango, de jazz et de folklore, née un 11 décembre... Le jour de l'anniversaire de Carlos Gardel ! Et qui fête donc son anniversaire le jour de la Fête Nationale du Tango... Il s'agit de Cecilia Aimé qui présentera à 21h30 son tour de chant, Tango Renovación, essentiellement composé de textes de la poètesse Nélida Puig (dont je tiens la photo, envoyée au réseau Perfiles de Tango) dans un spectacle complet qui comportera aussi des moments dansés et d’autres récités. Elle sera en effet accompagnée par Marcela Pedretti au piano et Carlos Rudeschini, qui récitera des poèmes et par les danseurs du Ballet EV Tango. Il s’agit pour la chanteuse de se mettre au service du tango d’aujourd’hui, reflétant le monde tel qu’il est de nos jours, en participant à la diffusion de l’oeuvre des poètes contemporains.

C’est ce show complet qui justifie sans doute le prix plus élevé que d’habitude : 20$ l’entrée (contre 15 les mercredis précédents et ceux qui suivront).

On peut découvrir Cecilia Aimé sur son site. Elle a déjà sorti deux disques dont vous pouvez écouter quelques courts extraits sur sa page Discografía, juste assez pour juger si vous aimez ou pas... Parmi les extraits écoutables sur le second disque, Viejo Tortoni, une musique de Eladia Blázquez et un texte magnifique du Maestro Héctor Negro auquel je consacre un article aujourd'hui même.
Sur la même page de ce disque, Cecilia Aimé le petit mot élogieux que Héctor Negro lui a écrit en 2006 lorsqu'il a entendu cette version de son joyau..

Un programme des Grands-Mères accepté par l’ONU [actu]

L’association des Grands-Mères de la Place de Mai (Abuelas de Plaza de Mayo) est une ONG argentine qui recherche les enfants de parents disparus pendant la Dictature de 1976-1983 et qui ont été confiés en bas âge en adoption, la plupart du temps, à des familles proches du régime, parfois aussi mais de manière semble-t-il tout à fait exceptionnelle, à des adoptants de bonne foi, et dans tous les cas de figure après falsification de leur identité réelle (modification des dates et lieux de naissance et de l’ascendance, avec des naissances déclarées sous X ou la substitution du nom des adoptants à celui des parents biologiques).

En septembre 2008, la Présidente de la République argentine, Cristina Fernández de Kirchner, accompagnée par Estela Carlotto, la médiatique présidente de Abuelas, avait présenté devant l’Assemblée Générale de l’ONU un projet de protocole d’identification des victimes des violations des droits de l’homme, fondé sur l’analyse ADN (la génétique légale, disent les Argentins, comme on parle de médecine légale et de police scientifique). L’Analyse ADN à partir d’un prélèvement sanguin (1) constitue en effet la méthode employée par la Justice argentine pour rendre aux enfants volés par la Dictature leur identité réelle (voir tous les articles de Barrio de Tango classés sous le mot-clé Abuelas).

Or le Conseil pour les Droits de l’Homme à l’ONU vient d’approuver le projet à l’unanimité. Cela signifie que tous les Etats Membres seront invités et incités à développer sur leur territoire des compétences de génétique légale et à les employer à la demande de l’ONU à chaque fois que des enquêtes de ce type seront nécessaires dans un Etat membre (on peut par exemple penser au Cambodge actuellement et bien entendu à tous les pays d’Amérique Latine où a sévi la sinistre Opération Condor, coopération internationale des juntes militaires sud-américains contre leurs opposants et autres militants des droits de l’homme "infestant" alors leur territoire comme des nuages de moustiques à éradiquer).

Le projet a été appuyé par 45 pays membres, dont Israël (la douloureuse question de la destruction des juifs d’Europe entre 1942 et 1945) et les Etats-Unis (responsables en grande partie et en coulisses de l’opération Condor). Dans ses débats, le Conseil a pris en considération l’existence d’une loi argentine de 1987, née d’une initiative de Abuelas, pour créer en Argentine une Banque Nationale de données génétiques où a été collectées et cartographiées les cartes génétiques de toutes les familles qui ont eu des enfants enlevés pendant la Dictature.

Le Ministre des Affaires étrangères argentin, Jorge Taiana, s’est félicité de ce vote qui met en relief le rôle pionnier de l’Argentine en matière de génétique légale, employée en Europe comme outil de la police scientifique dans la plupart des affaires criminelles de droit commun et dans certains cas, variables selon les pays, de droit de la famille. L’Argentine accueille depuis peu le premier observatoire des droits de l’homme de l’UNESCO dans les locaux de l’ex-ESMA, qui fut un haut-lieu de la répression clandestine durant la Dictature, et la Présidente veut placer son pays aux avant-postes de la lutte mondiale pour la reconnaissance et le respect des droits de l’homme partout dans le monde.

(1) Les analyses sont pratiquées sur d’autres éléments lorsque l’intéressé refuse de se plier à la procédure. Ce fut le cas récemment d’un jeune homme qui souhaitait conserver avec son père adoptif une relation filiale intacte et fut identifié grâce à l’analyse de sa brosse à dents. Voir mon article ici.

Le Cabildo vandalisé au 33ème anniversaire du Coup d’Etat de 1976 [actu]

Photo du Cabildo le 25 mars 2009 publié par Clarin

Comme très souvent depuis plusieurs années, lorsqu’une manifestation importante envahit la Plaza de Mayo, qui sépare les quartiers de Monserrat et de San Nicolás, le coeur historique de Buenos Aires qu'on appelle le micro-centro, la façade du Cabildo, qui s’élève à l’extrémité ouest de cette place emblématique, a été couverte de graffitis à hauteur d’homme mardi dernier, le 24 mars, date anniversaire du coup d’Etat qui avait instauré la dernière dictature militaire en Argentine (1976-1983).

Cette année en effet, 25 ans après le retour à la Démocratie, la manifestation a été particulièrement suivie puisque la foule occupait toute la Plaza de Mayo (elle-même très vaste) et toute la Avenida de Mayo jusqu’à Plaza del Congreso éloigné de 11 cuadras (voir Trousse lexicale d'urgence, en partie centrale de la Colonne de droite).

Pour beaucoup, les slogans portent sur des revendications liées à l’événement mais les vandales (des gens sincères et inconscients ou des provocateurs) se sont aussi exprimés sur des faits d’actualité (conflit agraire, crise de l’école) et généralement beaucoup de revendications sociales, y compris concernant des pays étrangers (Venezuela, Bolivie, Cuba...).

La Ville de Buenos Aires va devoir dépenser de grosses sommes pour la remise en état de ces parois historiques dont le blanc immaculé est une des fiertés touristiques et architecturales de Plaza de Mayo. Ces murs ne supportent pas les peintures synthétiques modernes, ils doivent être peints à la chaux. Et c’est désormais ainsi à chaque manifestation d’ampleur sur la place, qui est le lieu de rassemblement symbolique (et donc incontournable) de toutes les manifestations politiques, même les plus convenues, comme la prise de fonction d’un chef d’Etat. Pour limiter les effets de ce vandalisme, le Musée du Cabildo (qui raconte l’histoire de la Guerre d’Indépendance, qu’on appelle Revolución de Mayo ou Revolución del 1810) a mis en place un mur d’expression libre à l’intérieur du musée mais en pure perte, les vandales préfèrent la façade !

Pourtant le graffiti reste peu pratiqué à Buenos Aires au regard de ce qui existe dans nos grandes villes d’Europe et le tag y est presque inconnu. En revanche, ce qu'on appelle là-bas les murales (oeuvres picturales appliquées sur les murs, publics ou privés, en ville) sont très communs et ce sont des oeuvres populaires très respectées (on voit peu d’éclats, il n’y a presque jamais de commentaires inscrits sur l’oeuvre et jamais d’affichage sauvage appliqué dessus et pourtant l’affichage sauvage à Buenos Aires, ce n’est pas ça qui manque !).

Le Cabildo, construit dans ses premiers plans en 1606, sur l’emplacement désigné à cet effet par Juan de Garay, second fondateur de la ville en 1580, fut, de 1776 à 1822, le siège de la gouvernance coloniale, le lieu du pouvoir administratif, judiciaire et économique du Vice-Royaume du Río de La Plata. Il fut à la fois un palais officiel, un octroi et un hôtel des impôts, un tribunal et une prison. Il cessa d’être ce siège du pouvoir après 12 ans de guerre d’indépendance lorsque le dernier Vice-Roi regagna l’Espagne avec le reste de ses troupes. La Présidence de la République argentine s’est installée en face du Cabildo, à l’autre extrémité de Plaza de Mayo, dans la Casa Rosada.

Le Cabildo est ainsi l’un des rares grands bâtiments d’architecture coloniale qui subsiste dans Buenos Aires, avec le couvent Santa Catalina (juste à côté du Centro Cultural Borges et des Galerias Pacífico), la Manzana de las Luces (ancien domaine de la Compagnie de Jésus dans le quartier de Monserrat) et l’église Nuestra Señora del Pilar (plus connue sous son nom de tous les jours : Iglesia del Pilar) dans le quartier de la Recoleta. Sur Plaza de Mayo, la Cathédrale de Buenos Aires est aussi un édifice qui date de l’époque coloniale (on le voit quand on entre à l’intérieur) mais elle est depuis longtemps privée de son aspect colonial. Il faut se placer de biais pour apercevoir la coupole bleue qui la surmonte et que la façade néo-classique cache lorsqu’on regarde le bâtiment en face, depuis la Place. Très tôt, en 1812, le tout premier gouvernement de l’Argentine indépendante, dirigé par le Comodore Rivadavia, a décidé d’adjoindre à cette cathédrale une nouvelle façade, commandée à l’architecte français Prospère Catelin (Próspero), qui dessina et fit construire en 1822 une colonnade classique rappelant l’église de la Madeleine à Paris (voir le site de La Madeleine et celui de la Catedral Metropolitana).

Depuis 1822 et son abandon par les autorités espagnoles, le Cabildo a souvent été modifié au gré des grands travaux urbanistiques de la Capitale.

Le voici ci-contre, entier, photographié en 1864, avec ses 11 arcades, 5 de chaque côté de l'arc central, sous la tour, et on voit que la pyramide, ce monument couronné d'une statue qui représente la liberté en Minerve-Athéna toute armée, était encore à cette époque placée juste devant le Cabildo (magnifique pied de nez à l'Espagne coloniale). La pyramide se dresse aujourd'hui de l'autre côté de la place, devant la Casa Rosada, et c'est autour de ce symbole fort de l'histoire argentine que tous les jeudis, les Mères de la Place de Mai continuent de tourner en mémoire de leurs enfants disparus pendant la Dictature...

Toutes les modifications subis par le Cabildo en ont réduit progressivement l’amplitude avec un sens du symbole historico-politique d’une rare constance. Le bâtiment actuel, avec sa recova (la galerie en arcades), date de 1725, soit 40 ans avant que Buenos Aires ne devienne capitale du tout nouveau Vice-Royaume institué en 1776. La construction a été achevée avec le premier faîtage de la tour centrale, en 1764. Jusqu’en 1884, qui vit le percement de la Avenida de Mayo décrété par le grand maire de Buenos Aires que fut Torcuato de Alvear (le Haussman portègne), le Cabildo conserva toutes ses arcades. Plus tard, en 1932, ce fut le percement de la Diagonal Sur, dans le cadre des travaux qui marquèrent les 400 ans de la première fondation, en 1936, l’année qui vit l’élargissement de la rue Corrientes (qui devint alors la Avenida Corrientes) et l’érection de l’Obélisque sur la nouvelle Plaza de la República (en imitation de l’Obélisque du National Mall de Washington et non pas de l’Obélisque égyptien de la Place de la Concorde à Paris. En 1936, l’imitation de la Place de la Concorde du pays de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’était pas envisageable pour le gouvernement en place en Argentine !). En 1932, après le percement de la Diagonal Norte en 1929, la Diagonal Sur vint taper directement sur l’aile gauche (sud) du Cabildo. Trois arcades furent supprimées pour respecter la symétrie avec le côté nord, amputé en 1884.

Aujourd’hui, le Cabildo ne compte plus que 5 arcades, il a gardé sa tour couronnée de sa coupole bleue, posée là en 1880 par un autre architecte français, Pierre Benoît. Et c’est aussi à un architecte français qu’on doit une grande partie du quartier actuel de Palermo (el Parque del Tres de Febrero, le Zoo, le jardin botanique et les places qui entourent tout ce poumon vert), Charles Thays, que les Sud-Américains appellent Carlos Thays puisqu’il se fit naturaliser argentin (prononcez Taïs).

Séminaire de culture tanguera Luis Adolfo Sierra à la Academia Nacional del Tango [actu]

Pour ce séminaire baptisé du nom de Luis Adolfo Sierra (1914-1998), historien et essayiste qui fut parmi les premiers à prendre pour sujet d’étude le tango, je trouve que l’annonce de la Academia ne nécessite pour le public francophone aucun autre truchement que sa simple traduction.
Ce texte dit en quelques mots tout ce qu’à longueur d’articles je tente d’exposer ici au sujet des liens inextricables noués entre l'identité argentine (ou portègne ou rioplantense) et le tango, sans la prise en considération desquels nul ne peut rien comprendre à cet art multiforme dont nous ne reconnaissons bien souvent, trop souvent, que la forme chorégraphique.

Voici donc le texte original et sa traduction en français à la suite...

De cultura tanguera
Luis Adolfo Sierra
Coord.: Roberto Martínez y Alejandro Molinari

Hay un tema que siempre está rondando en la mente de pensadores, intelectuales, historiadores y también en la del hombre común: ¿los argentinos tenemos una identidad nacional? ¿O es que esta mezcla de razas y nacionalidades de la cual somos herederos nos ha disgregado tanto que no hay nada que nos identifique y diferencie de otros?
La respuesta hay que buscarla en nuestra historia cultural, la cual es sumamente rica, y sobre todo en la cultura popular.
Estos seminarios están destinados a resaltar la historia cultural del Río de la Plata, el Tango y sus historias, y nos permiten conocer el origen y evolución de nuestro producto cultural más importante: el Tango.
La historia del tango en sus diferentes etapas, sus creadores –músicos y poetas-, sus intérpretes, su relación con la evolución social y política son algunas de las temáticas abordadas.
Los seminarios, dictados por Académicos, se desarrollan los días martes y jueves de 19.30 a 21.30 horas.

Luis Adolfo Sierra (1914-1998)
Tangólogo e historiador pionero
en los estudios del tango.

Sur la culture tanguera
Luis Adolfo Sierra
Coordinateurs : Roberto Martínez et Alejandro Molinari

Il y a un thème qui tourne toujours dans la tête de penseurs, d’intellectuels, d’historiens et aussi dans celle de l’homme de la rue : nous autres Argentins, avons-nous une identité nationale ? Ou est-ce que ce mélange de races et de nationalités dont nous sommes héritiers nous a si bien désagrégés qu’il n’y a rien qui nous identifie et nous différencie des autres ?
La réponse, il faut aller la chercher dans notre histoire culturelle, laquelle est riche au plus haut point, et surtout dans la culture populaire.
Ces séminaires ont pour objectifs de faire surgir l’histoire culturelle du Río de la Plata, du Tango et de ses histoires, et nous permettent de connaître l’origine et l’évolution de notre production culturelle la plus importante : le Tango.
L’histoire du tango à ses différentes étapes, ses créateurs (musiciens et poètes), ses interprètes, sa relation avec l’évolution sociale et politique sont quelques unes des thématiques qui seront abordées.
Les séminaires, conduits par des Membres de l’Academia, ont lieu les mardis et jeudis de 19h30 ) 21h30.

Luis Adolfo Sierra (1914-1998)
Tangologue et historien pionnier
en matière d’étude du tango

(Traduction Denise Anne Clavilier)

Entre autres livres signés par Luis Adolfo Sierra, citons la biographie de Enrique Santos Discépolo, qu’il a co-signé avec Horacio Ferrer et que la Editorial Sudamericana ont réédité en 2004, avec un chapitre ajouté par Horacio Ferrer sur l’engagement politique final du poète au service du péronisme (Discepolín, Poeta del hombre que está solo y espera). Il est également l’auteur de nombreux articles du site encyclopédiques Todo Tango et d’autres articles publiés dans les divers numéros de la collection Historia del Tango aux éditions Corregidor, par exemple le n°5 consacré au bandonéon, le n° 14 consacré à Pugliese, le n° 15 consacré à Di Sarli, Vardaro, Gobbi et Goñi (voir le lien avec cette maison d'édition dans la Colonne de droite, rubrique Les commerçants du Barrio).

Quand le Ministère de l'Education soulève un tollé tanguero [Troesma]

En 1991, Oscar del Priore et un groupe d'artistes confirmés dans le domaine du tango ont fondé ce qui s'appelait alors la Universidad del Tango, avec la bénédiction du Secrétaire à l'Education de la Ville de Buenos Aires de l'époque, Daniel Filmus (aujourd'hui sénateur kichneriste et ancien candidat malheureux au poste de Chef de Gouvernement de la Ville de Buenos Aires, lors des élections de juin 2007). Le Maestro Héctor Negro a fait partie des tout premiers enseignants qui ont construit cette institution qui s'appelle maintenant Centro Educativo del Tango et qui propose des cours gratuits comme il y en a beaucoup dans Buenos Aires (voir mon article sur le programme de cette année). Cependant leur financement a spectaculairement baissé dès l'arrivée au pouvoir de Mauricio Macri, en décembre 2007, ce qui correspond d'ailleurs plus ou moins au programme électoral qu'il avait affiché pendant toute la campagne. Héctor Negro y a donné de nombreux cours sur maints aspects du tango et de son histoire pendant de nombreuses années, avant son départ en retraite en 1997. Néanmoins, jusqu'à décembre dernier, le grand poète a continué de partager avec les élèves de ce centre son expérience, son immense connaissance du genre, son talent de poète et sa formidable chaleur humaine.

Cette année, le Ministre de l'Education du Gouvernement de Buenos Aires vient de lui annoncer qu'il lui ne renouvelait pas son contrat. La raison en est simple : Héctor Negro est retraité et le Gouvernement portègne estime qu'il n'a pas à faire émarger à son budget des retraités qui cumule pension et emploi (cumul parfaitement légal en Argentine, dans certaines limites et dans le cadre d'une procédure administrative donnée). La même décision a été prise à l'encontre d'un autre intervenant de la même génération, Raúl Ivancovich. Tous les deux ensemble tout mouillés coûtent 700 $ par mois à la Ville de Buenos Aires, qui dépense en ce moment des sommes un peu plus importantes pour des broutilles somptuaires (900 000 $ pour un panneau gigantesque représentant une jeune fille endormie sur l'un des bâtiments officiels de la ville, sans doute sous couvert de mécénat !).

De nombreux artistes prennent à leur compte la colère et le dégoût exprimés par le Maestro Negro dans son blog (le message est même en train de faire le tour des popotes et, comme vous le voyez, va jusqu'à traverser l'océan). Un parlementaire de la Ville de Buenos Aires a aussi pris le dossier en main. Ce parlementaire s'appelle Enrique Olivera. Ce député de Coalición Cívica, la droite non macriste, est avocat de formation et professionnellement il a principalement occupé de très hautes responsabilités dans le secteur bancaire public et privé, jusqu'à être nommé même Président du Banco de la Nación, la banque centrale d'Argentine. Il aussi été ensuite été élu président de l'Association argentine des Banques avant d'être renommé à la tête de la banque centrale en 2002 (juste après le Corralito). Ce n'est donc pas vraiment un joyeux gauchiste pas les pieds par terre et bêtement en guerre contre le capital ou le patronat privé représenté par Mauricio Macri ! Le tout se passe d'ailleurs alors que le 19 mars, la Legislatura (l'Assemblée de la Ville) a voté, à l'unanimité des présents, une loi qui permet de promouvoir, sur fond public, la musique vivante ("en vivo") de tous les genres mais hors des institutions officielles (donc au-delà des programmes montés par la Ville elle-même). Devant les coupes claires pratiquées dans l'univers culturel et le monde de l'enseignement par le Gouvernement portègne, la Legislatura apparaît de plus en plus comme l'instance capable d'assurer le contrepoids, conformément à ce que prévoit d'ailleurs la Constitution de la Ville Autonome de Buenos Aires. Et 2009 est une année électorale : le 28 juin, les Portègnes renouvelleront la moitié de la Legislatura (voir l'article à ce sujet sous le lien).

La coordinatrice du Centro Educativo del Tango a aussi réclamé le renouvellement du contrat des deux intervenants et elle a même expliqué par écrit au Ministre de l'Education que c'était l'expérience et le parcours d'Héctor Negro qui faisaient la valeur de son enseignement et que cela, ça ne se remplace pas. Il se murmure que le Ministre aurait répondu qu'il ne connaissait pas l'existence du centre. Si c'est vrai, c'est pour le moins fâcheux. Et si c'est une rumeur, ça donne une petite idée de l'ampleur du ressentiment du monde de la culture populaire dans Buenos Aires. Mais quand bien même ce Ministre local ne connaîtrait pas l'un des centres dont il a bel et bien la charge, il faut espérer qu'il sait au moins qui est Héctor Negro. Pas exactement un inconnu dans l'univers culturel de la capitale et même du pays...

Si vous souhaitez lire directement la protestation et les arguments, très forts et très construits, développés par Héctor Negro, rendez-vous sur son blog que vous trouverez dans la Colonne de droite, en partie basse, dans la rubrique Troesmas.

En voilà le dernier paragraphe avec sa traduction en français :

Para finalizar la narración de hechos que es necesario que se conozcan, me pregunto: ¿le interesan la cultura y la educación a estos acaudalados mandatarios que gobiernan nuestra ciudad? ¿Se enteraron que el tango es parte del patrimonio cultural de nuestro pueblo, reconocido en todo el mundo civilizado? ¿O es que porque no se enteraron quieren vaciar lentamente al Centro Educativo del Tango? Lo más grave es que pareciera que quieren hacer desaparecer todos los Centros gratuitos de enseñanza, para que no compitan con los emprendimientos "empresariales "privados. Y de paso, desperdiciar tantos conocimientos acumulados y útiles de muchos jubilados que no "colgaron" sus cerebros como muchos futbolistas "cuelgan sus botines". ¿Lo habrán pensado esto Macri y su séquito?
(Héctor Negro, mars 2009)

Pour en terminer avec le récit de faits dont il est nécessaire qu'on les connaisse, je me demande : Est-ce que ça les intéresse, la culture et l'éducation, ces mandataires aux portefeuilles bien garnis qui gouvernent notre ville ? Est-ce qu'ils se sont rendu compte que le tango fait partie du patrimoine culturel de notre peuple, reconnu à travers tout le monde civilisé ? Ou est-ce que, parce qu'ils ne s'en sont pas rendu compte, ils veulent vider lentement le Centro Educativo del Tango ? Le plus grave, c'est qu'il paraîtrait bien qu'ils veulent faire disparaître tous les centres gratuits d'enseignement pour qu'ils ne fassent pas concurrence aux entreprises d'entrepreneurs privés (1). Et au passage, gaspiller tant de connaissances accumulées et utiles de nombreux retraités qui n'ont pas "raccroché" leur cerveaux (2) comme de nombreux footballeurs "raccrochent les crampons" (3). Est-ce que Macri et sa suite ont pensé à ça ?
(Traduction Denise Anne Clavilier)

C'est ce qu'on appelle une exécution en beauté !

(1) Allusion directe à Mauricio Macri, qui est et demeure un entrepreneur privé, héritier d'un vrai et puissant groupe industriel familial.
(2) colgar (accrocher) : expression toute faite pour signifier que l'on s'abstient d'une action attendue ou qu'on y renonce. En français, on dit non pas "accrocher" mais "raccrocher" son tablier (pour un domestique), ses gants (pour un boxeur), les crampons (pour un sportif et en particulier un joueur de foot ou de rugby). Héctor Negro est né le 27 mars 1934 (c'était vendredi dernier, son anniversaire).
(3) Héctor Negro chante beaucoup le football dans son oeuvre poétique. Il est d'ailleurs l'auteur d'un petit recueil paru aux Editions Corregidor : El lenguaje y la poesía del fútbol, Buenos Aires, 2005.

samedi 28 mars 2009

Un nouveau lieu de partage du tango pour le chanter et pour le danser [à l'affiche]



La chanteuse Alicia Pometti a trouvé refuge au premier étage de la tanguería Taconeando, de la rue Balcarce 725 (cette rue se situe dans la zone limitrophe entre les quartiers de San Telmo et de Monserrat, et elle est du côté Monserrat). L'affaire se passe tout les vendredi de 22h à 3h du matin et ça a commencé hier. On y chante, on y danse, on partage sa passion pour le tango, dans ce qu'il a de plus surprenant sans doute pour nous, les Européens, cette dimension de communion culturelle comme un rite religieux authentique (on n'a rien de semblable chez nous).

Les organisatrices sont Alicia Pometti, Graciela Raffa et Mabel Simoncini. Ces deux dernières sont bien connues des radiophiles tangueros, puisqu'elles assurent la programmation musicale de plusieurs tranches horaires en semaine sur les ondes de la 2x4, la radio publique de Buenos Aires consacrée entièrement au tango et que vous pouvez découvrir grâce au lien qui y mène dans la rubrique Ecouter de la Colonne de droite).

Le guitariste Tony Gallo assure l'accompagnement musical pour Alicia Pometti et les autres personnes de l'assemblée qui veulent chanter (les Portègnes chantent beaucoup plus facilement que les Français, ils n'hésitent pas à monter sur la scène ou sur la petite estrade qui en tient lieu et à s'emparer du micro. Et alors ils chantent très bien. Ce n'est pas du karaoké ! C'est du vrai chant, avec le coeur et les tripes, de la part des hommes comme des femmes).

Alicia Pometti a sorti un disque chez Melopea, Tango Azul : 13 pistes de grands classiques pour la plupart; à part le dernier morceau, Candombe para Gardel, pas vraiment très connu. Le disque est actuellement disponible. La boutique en ligne de Zivals vous permet même d'en écouter 30 secondes de chaque piste avant de vous décider. Ce disque, comme tous ceux inscrits au catalogue de Melopea, sera aussi d'ici quelques mois facilement accessible directement via le site de la maison de disques. En effet, pour les 20 ans de Melopea, le site est en train de se refaire une beauté (voir l'article de décembre dernier). Donc un peu de patience, s'il vous plaît. C'est très coquet, un Portègne, même virtuel et dématérialisé (on ne se refait pas) et la pinta, c'est un must social (1).

Tony Gallo est guitariste et compositeur, il a assez souvent accompagné Las Minas del Tango Reo et l'une des deux chanteuses, Lucrecia Merico, désormais familière de ce blog depuis un premier article sur Tango sin Grupo, le spectacle qu'elle a montée avec Cucuza (voir l'article sous ce lien). En revanche, pour sa consoeur Alicia Pometti, c'est la première fois que Barrio de Tango mentionne son nom.
Et des premières, il y en aura encore un paquet cette année dans ces colonnes. Le puit de tango des artistes portègnes n'est pas près d'être épuisé...

(1) La pinta, c'est un mot de lunfardo qui veut dire l'élégance, le chic, la tenue qui en jette, l'allure qui éblouit (pas grand-chose donc à voir avec le mot presque argotique de dégaine ou celui de sappe, qui ne sont pas toujours très laudatifs). Et parce que la pinta fait partie des critères auxquels la culture portègne attache beaucoup d'importance (et la capacité de parler, d'avoir la langue bien pendue aussi), j'ai choisi ce mot et ces deux notions pour le titre de ma rubrique sur les spécificités des langages oraux ou populaires en Argentine et en zone francophone : Jactance & Pinta (comme ça, le &, vous le lisez "y" ou "et"). Voir l'article de juillet 2008 où j'explique ces deux termes.

Raúl Luzzi et Joe Powers à la Biblioteca Café [à l'affiche]

Ce sont deux musiciens du tango qui vont se retrouver dans cet établissement feutré et très culturel du quartier du Retiro le 2 avril à 21h : Raúl Luzzi, guitariste et compositeur argentin dont j'ai déjà parlé dans ces colonnes, et Joe Powers, joueur d'harmonica et compositeur américain (Etats-Unis).

La Biblioteca Café est située avenue Marcelo T. de Alvear, au numéro 1155. L'établissement a son propre site où vous pouvez aller consulter le programme du mois en cours et déjà un petit avant-goût de ce qui est prévu en avril.

Raúl Luzzi est à découvrir (une fois terminé le tour des articles où je parle de lui, cliquez sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search) sur son propre site et sur sa page My space. Il a fait partie de l'Octeto Astor Piazzolla, joué dans les orchestres de José Colangelo, Osvaldo Piro et Osvaldo Berlingieri (ce qui n'est pas rien). Il a accompagné le chanteur Roberto Goyeneche (el Polaco) sur le plateau du tournage de Sur, un film de Pino Solanas (grand cinéaste argentin de l'heure). Il a aussi partagé la scène avec la figure légendaire de Libertad Lamarque (voir l'hommage que lui a rendu la Academia Nacional del Tango en décembre 2008) ou le grand musicien de rock argentin qu'est Fito Paez (lequel a signé une partie de la musique de Sur, justement). Il a déjà sorti un disque en 2008 : Tiempo virtual. Et on attend la sortie d'un autre disque incessamment (en fait il devrait déjà être sorti, mais il y a un peu de retard à l'allumage, ce qui est assez fréquent).

Quant à Joe Powers, il vient de recevoir en Belgique le prix Les Harmonicas de cristal (2008). Il s'est produit dans de très nombreux pays, au cours de festivals consacrés au tango (Etats-Unis, Canada, Angleterre, France, Japon ou Suisse). Il a joué avec la Orquesta Color Tango (de Roberto Álvarez), avec le Trio Tango Negro de Juan Carlos Cáceres (un Argentin installé à Paris), et avec le groupe de tango électronique Narco Tango et la chanteuse de Gotán Project, Veronika Silva. Il a déjà un disque dans le commerce, Amor de Tango (que vous pouvez écouter sur ce lien), un disque qu'il a enregistré à Buenos Aires avec des musiciens de l'orchestre de Leopoldo Federico, le pianiste Nicolás Ledesma, le contrebassiste Horacio Cabarcos et Raúl Luzzi lui-même...

Bonne écoute. Ou bonne découverte ou les deux à la fois. Et même bonne soirée musicale ceux qui pourront se rendre à la Biblioteca Café jeudi soir...

Technique et pratique de la chanson populaire, l'autre atelier du poète qui venait du froid


Alejandro Szwarcman (vous l'aviez reconnu sous la desciption lecarréenne que j'ai osé utiliser ? Il faut vraiment n'avoir aucun respect pour écrire des titres comme ça mais, à ma démarche, c'est pas moi qui ai commencé, c'est lui !) (1), le poète, guitariste, compositeur et même chanteur, Alejandro Szwarcman, qui vient de passer trois mois en Pologne et en Russie (voir le Festival de Barnaoul il y a quelques semaines au fin fond de la Sibérie), de retour dans son cher Buenos Aires (c'est un enfant du quartier San Cristobal) lance son autre atelier d'écriture (taller de letra), consacré à la chanson populaire dans tous les genres musicaux qui la constitue en Argentine (essentiellement le tango, le rock et le folklore). L'autre atelier et dont j'ai déjà parlé à diverses reprises, c'est celui qu'il co-anime à la Academia Nacional del Tango avec Alejandro Martino.

Le programme de cet atelier de chanson populaire est passionnant et énoncé d'une manière très différente du programme proposé par Raimundo Rosales, par exemple, au Centro Cultural Colegiales. Deux hommes, deux oeuvres, deux propos, deux styles et sans doute deux ateliers fort différents l'un de l'autre (voir mon article sur l'atelier de Raimundo sous ce lien).

Programme :

Technique d'écriture de chanson (tecnica de letristica), motivation de la création, métier et inspiration (oficio y inspiración), invention discursive, dialectique du processus de la création, élément constitutifs d'une chanson, texte à chanter et poème (letra y poema)...

Alejandro fait partie d'un collectif qui met l'accent les liens qui existent entre l'expression artistique et la prise de position active dans la vie de la cité, la politique au sens fort et éthymologique du terme. Et il est fort probable que ces questions entre épistémologie, sociologie et action militante seront abordées au cours de l'année.

Les personnes intéressées doivent s'adresser directement à lui en lui envoyant un mail ou en lui téléphonant (il vient même de changer de portable). L'annonce est faite via s liste de diffusion mail et sur sa page My Space dont j'ai tiré la photo qui illustre cet article parce que je la trouve bien típica et pas du tout artificielle (la guitare, la parole visiblement animée et le maté dans la pogne parce que chanter, ça donne soif !).
L'info va également être relayée dans les jours qui viennent par d'autres moyens, groupes de partage, forums de discussion, sites web consacrés au tango, émissions de radios, blogs de tout acabit (mais bien informés), associations, peñas (cercles) et tout ce que vous voulez du même genre, sur Buenos Aires et sa banlieue...

(1) La première fois que j'ai rencontré Alejandro Szwarcman, je ne faisais pas mystère de l'admiration que je lui portais. Je venais de m'en ouvrir très largement auprès de Walter Piazza qui assure le secrétariat de la Présidence à l'Academia Nacional del Tango. Walter, sachant quel intérêt je porte à la poèsie, nous présente alors qu'Alejandro vient d'entrer en coup de vent dans son bureau avant de monter dans les étages donner son cours. Et je salue Alejandro avec un Maestro très déférent et sincère. Et je vois le grand poète que j'admire et que je rencontre enfin se retourner vers le vestibule en disant : "il y a quelqu'un qui vient d'entrer ? C'est qui ? J'ai vu personne !" Evidemment, on s'est tous mis à rigoler comme des bossus et maintenant, pour ma peine, je n'ai plus le droit de dire Maestro. Donc je me venge.

Atelier de recherche historique à la Academia Nacional del Tango [actu]



Il s'agit d'un atelier qui commence ces jours-ci et qui permet aux participants, plutôt artistes que diplômés de l'Université, d'apprendre à aller chercher l'information dans les sources, à critiquer et analyser celles-cis et constituer ainsi le matériel qui servira ensuite de base à un article ou un essai. Cet atelier est placé sous la co-responsabilité de Eduardo Romano, Ricardo García Blaya et Alejandro Martino.
Chacun d'entre eux a sa partie dans l'atelier :

Eduardo Romano prend en charge l'enseignement de la méthodologie historique et littéraire de la critique des sources et de l'interprétation des letras de tango (letra : texte de chanson). Son cours occupe deux heures par semaine.

Ricardo García Blaya, qui est aussi le Directeur du site Todo Tango (voir rubrique Les Institutions dans la Colonne de droite), prend en charge l'étude du caractère "testimonial" des letras de tango. En Argentine, est testimonial ce qui donne une image ou laisse un témoignage sur l'état d'esprit, les préoccupations, les modes de vie, etc. d'un moment donné de l'histoire (1). Ce cours est d'une heure par semaine.

Alejandro Martino est, quant à lui, le co-directeur, avec Alejandro Szwarcman, du Taller de letristas Homero Expósito dont j'ai déjà parlé à plusieurs reprises (voir sous ce lien) et est en charge du Proyecto Bicentenario de la Academia Nacional del Tango (voir aussi mon article à ce sujet). Il conduira les travaux pratiques de l'atelier et les résultats nourriront les célébrations du Bicentenaire en 2010. Les éléves constitueront en particulier un Catalogue de recherche pour le fonds que possède la Academia. Le cours est d'une heure et il aura lieu sur le terrain, au milieu des archives. S'agit pas de faire semblant !

Cet atelier s'appelle De investigación, relevamiento, inventario e interpretación Juan Carlos La Madrid.

Juan Carlos La Madrid (1910-1985) est ce poète et essayiste que Luis Alposta présentait il y a quelques semaines sur Noticia Buena (voir mon article à ce sujet ; Noticia Buena, qui est un site dynamique d'actualité, a tourné la page depuis). Il a beaucoup contribué à penser le tango et la culture populaire dont le genre est l'expression privilégiée.



(1) Or c'est l'essence même du tango que d'être testimonial, d'être le reflet de la vie quotidienne, de la vie bien réelle des gens au moment où il est écrit et composé. En cela, la tradition du tango est presque à l'opposé de la tradition de la chanson populaire française, très peu ancrée dans la glèbe de la réalité concrète, sauf à parler d'une certaine chanson dite engagée, et encore, car la chanson engagée se situe plus souvent au niveau des principes et des grandes idées, elle expose souvent une idéologie politique et beaucoup plus rarement une réalité prosaïque en la dénonçant).

Journée nationale du Fromage... en France [Coutumes]


A cette époque de l'année, pour enrichir un peu la rubrique coutumes de ce blog hautement interculturel, j'avais le choix entre sacrifier à la tradition du poisson d'avril mercredi prochain ou m'étaler sur cette neuvième Journée Nationale du Fromage, de l'Association des Fromages de Terroirs (comprenez producteurs de fromages au lait cru), acte de militance intelligente contre la tendance à l'industrialisation et à la standardisation qui menace l'ensemble du secteur, la qualité gastonomique et organoleptique de nos fromages, la richesse sociale et cultuelle que leur immense variété représente (on dit depuis De Gaulle qu'il y a en France 300 fromages).

Mais il se trouve que je n'avais pas beaucoup d'idées pour le poisson d'avril même si j'aurais pu en puisser dans les vraies-fausses nouvelles de Fractura Expuesta (voir mes articles du raccourci Radio, dans la rubrique Tangoscope, sur la droite de votre écran) (1) alors que l'enjeu culturel, économique, social que représente aujourd'hui l'avenir de notre gastronomie, de nos producteurs agricoles et de nos campagnes, de nos métiers de bouche me paraît d'une grande importance...

L'Association des Fromages de Terroirs a monté aujourd'hui quelques dégustations dans les restaurants, les fromageries et les caves de production AOC (Appellation d'Origine Contrôlée). 1001 supermarchés de l'enseigne de grande distribution Carrefour (bien connue des Argentins mais aussi de tous les Européens et jusqu'aux Chinois) s'associent à cette Journée dans leur rayon de fromages à la coupe. Une fromagerie de Lyon, Le Fil à Beurre, organise même la projection du documentaire Ces fromages qu'on assassine. Il s'agit d'un film-enquête et road-movies à travers les grandes régions AOC laitières, qui aurait dû faire l'objet d'une mise sur le marché sous forme de DVD après sa diffusion, sur France 3, le 26 décembre 2007, et que la chaîne a dû renoncer à éditer pour ne pas perdre quelques annonceurs industriels (Lactalis en tête) très présents sur ses tranches de publicité de 6h à 20h (bientôt la publicité sera totalement proscrite sur les 5 chaînes de la télévision publique française, France Télévision).

Sous ce lien, voici la page que France 3 consacre à ce documentaire et qu'elle a agrémenté, sur la droite de l'écran, d'un extrait de 5 mn et 30 secondes d'un extrait du film. A consulter pour voir ses belles images du Massif Central et entendre l'accent jovial et passionné du journaliste gastronomique Périco Légasse. On trouve aussi quatre autres extraits sur You Tube, partie 1 (58 secondes), partie 2 (3 mn 7 secondes), partie 3 (3 mn 49 secondes) et partie 4 (2 mn 2 secondes).
Et franchement, si vous aimez le français, si la musique de cette langue vous intéresse, si vous aimez ce parler de tous les jours de la France au quotidien, avec différents accents régionaux, allez voir ces extraits, vous allez être servi !

Le film a été tourné à un moment de grande tension dans le secteur fromager, tant pour les producteurs que pour les consommateurs et les commerçants de détail, un moment où les industriels (Lactalis pour ne pas les nommer) faisaient pression sur le gouvernement pour obtenir un assouplissement des règles d'AOC et pouvoir continuer à vendre sous étiquette AOC (les consommateurs apprécient ce label de qualité) des fromages fabriqués à la chaîne avec du lait thermisé (brièvement passé à 70° pour tuer toutes les bactéries et pouvoir réensemencer artificiellement après) ou pasteurisé (porté à 100°) et non plus du lait cru. En effet le lait cru est un produit délicat, qui doit être travaillé dans un délai très court incompatible avec la collecte du lait à grande échelle et grande distance nécessaire aux quantités industrielles imposées par les cadences des usines laitières. Depuis, les petits producteurs ont gagné cette bataille, les règles de l'AOC ont été maintenues. L'industriel Isigny-Ste-Mère, très longtemps chef de file de la qualité gastronomique dans l'industrie agro-alimentaire, s'interroge même actuellement sur l'opportunité commerciale de renouer avec la production au lait cru. L'abandon du label AOC, il y a deux ans, lui a valu une perte de chiffre d'affaires en France.

Bref, cette Journée nationale du fromage est une opération en direction de l'opinion publique pour promouvoir des pratiques artisanales ancestrales de terroir, au bénéfice des petits producteurs, de la diversité gastronomique, de celle des paysages, du dynamisme des campagnes où l'agriculture se meurt sous le poids des géants de l'industrie agro-alimentaire ou de la grande distribution (dont Carrefour, d'ailleurs) et même au bénéfice de la santé publiques, car c'est l'équilibre et la diversité alimentaire qui construisent les défenses immunitaires chez les êtres humains...

En tout ce que je viens de tenter d'exposer, vous voyez que la lutte des producteurs de fromages au lait cru ressemble beaucoup au combat des artistes argentins en faveur de l'existence d'une culture propre qui puisse résister au rouleau compresseur de l'industrie du disque, de la télé et du cinéma des Etats-Unis et de leurs affidés du show-business (quand le deuxième mot l'emporte sur le premier)...

Cette année, la Journée Nationale du Fromage met en vedette 11 AOC, à découvrir sur le site de l'Association, qui propose aussi des recettes de saison (difficiles à réaliser en Amérique du Sud où nos fromages authentiques, provenant de France, coûtent les yeux de la tête). Une seule bizarrerie, sur ce site très bien fait : la géographie administrative française est un peu confuse. Ainsi on retrouve classé en Région Midi-Pyrénnées le Laguiole (prononcer Laïole), ce fromage auvergnat, auquel pourront peut-être goûter les spectateurs du concert que donnent demain Daniel Perez et Marie Crouzeix dans la salle Poly de Montferrand (l'article sous ce lien). Mais c'est bien connu, les Français sont nuls en géo, même et parfois surtout quand c'est celle de leur pays !

Quoi qu'il en soit de nos lacunes nationales en géographie, j'ai estimé que ce combat du pot de terre (le travail du lait cru ne représente que 10% de la production fromagère totale) contre le pot de fer (de Lactalis et consorts) avait sa place dans ces colonnes, surtout avec une affiche pareille, et je renvoie donc le lecteur curieux, qu'il soit européen, sud-américain, japonais ou nord-américain (ça arrive, et ils sont les bienvenus), vers le site de la manifestation (entièrement et exclusivement en français). Et en plus demain, à Buenos Aires, c'est "el día de los ñoquis" (le jour des gnocchis, comme tous les 29 du mois. Allez farfouiller dans les raccourcis Coutumes ou dans Gastronomie, sous la mention Quelques rubriques thématiques, dans la Colonne à droite sur votre écran : vous allez trouver de quoi il s'agit).

Or donc bonne lecture et régalez-vous bien des yeux, des neurones et des papilles...

(1) "Poisson d'avril" : se llama así cualquier noticia falsa que uno puede anunciar para engañar a los amigos, los compañeros de trabajo, los lectores del periodico (si es un periodista). Es una tradición del día 1 de abril. Tradición antiquisima, muy de risa. Trataré de tener una idea para el 1 de abril del 2010. Me falta solo un año para buscarla...

vendredi 27 mars 2009

Martín Alvarado et Horacio Avilano au Perro Andaluz [à l’affiche]

Le chanteur Martín Alvarado et le Horacio Avilano trío, un trio de guitaristes, présenteront ce soir, samedi 28 mars 2009, à 22h, leurs disques, dont un en avant-première, intitulés Martín Alvarado et Así es mi tango pour le premier, Tango explícito pour le second, au restaurant Perro Andaluz (le titre du film de Buñuel), qui se trouve dans le quartier de San Telmo, dans la rue Bolivar au n° 852.

Entrée : 20$.

Martín Alvarado est souvent venu en Europe, il s'est produit dans des nombreux pays. Il a aussi fait un disque avec un groupe de tango finlandais (la Finlande est, comme le Japon, un pays de bout du monde et donc un grand pays pour le tango). D'ailleurs, le site de Alvarado est trilingue, espagnol, anglais et... finnois. C'est le compositeur José Ogivieki qui signe les arrangements de Así es mi tango. Le chanteur a aussi une page My Space où vous pouvez l'écouter gratuitement. Attention à la présentation des titres : il n'est pas l'auteur des tangos qu'il chante. Avilano use de la même ambiguïté et semble ainsi s'attribue la création de La Casita de mis viejos sur sa propre page My Space...

Le guitariste et compositeur Horacio Avilano a aussi pas mal voyagé, seul ou avec ses deux musiciens, Mariano Olivera à la guitare et Juan Manuel Avilano à la guitare basse. Il accompagne souvent Adriana Varela et a travaillé avec des grands anciens comme Edmundo Rivero et Floreal Ruiz. C'est son premier disque en soliste.

Vol de violon à Buenos Aires [actu]

Le violoniste de tango Pablo Agri, un grand musicien et professeur de violon dont j’ai déjà parlé dans ces colonnes (voir sous ce lien), s’est fait voler, dans une station service Esso de Buenos Aires, le 25 mars dernier à 8h du matin, son violon, c'est-à-dire son outil de travail. L'un des mails qui a relayé l'appel qu'il lui-même a lancé dit qu'il s'agit du violon de son père, Antonio Agri, né en 1932 à Rosario et décédé le 17 octobre 1998. Antonio Agri fut un des plus grands violonistes de tango de tous les temps et a appartenu au Quinteto Nuevo Tango d’Astor Piazzolla...

Dans les heures qui ont suivi l'appel de Pablo Agri, la solidarité tanguera s’est mise en branle et les mails ont commencé à circuler à grande échelle, un peu partout, de continent en continent, pour que soient avertis tous les musiciens, les luthiers, les brocanteurs, les antiquaires, les tenanciers de dépôt-vente (les fameux cambalaches de Buenos Aires), les amateurs de beaux objets, les collectionneurs susceptibles de l'acheter, des caractéristiques de l’instrument :

L’étui, tout d’abord, qui est facile à reconnaître : il est en forme d’empanada (l’empanada, c’est ce chausson fourré, frit ou cuit au four, en forme de demi-lune dont raffolent les Argentins et les Espagnols, qui l’ont inventé, et la plupart des hispanophones sous n’importe quelle latitude).
Le violon lui-même porte une marque qui l’identifie clairement : au fond de la caisse de résonance, près du manche, on peut lire 4 lettres pyrogravées faciles à reconnaître.
L’étui contient également deux archets.

Toute personne qui se verrait proposer un violon présentant ces caractéristiques doit se montrer vigilante et prendre contact le plus rapidement possible avec Pablo Agri (les personnes qui diffusent ce message et dont je fais donc partie ont connaissance d’un numéro de téléphone fixe à appeler en Argentine).

Tout le monde espère que la diffusion de cette information empêchera le voleur de pouvoir vendre son butin et permettra ainsi à Pablo Agri de récupérer ce violon, comme il y a quelques mois le bandonéoniste Carlos Corrales a pu retrouver son précieux Doble A, qu’un individu de basse moralité lui avait subtilisé sur la scène d’un théâtre de Buenos Aires (voir l'article sous ce lien).

On peut écouter Antonio Agri interprètant Nostalgias (de Juan Carlos Cobián), en solo de violon, sur You Tube.

Ici, sous le lien, l’une des dernières critiques reçues par Antonio Agri, de son vivant. C’était dans La Nación, le 2 février 1998 : Antonio Agri, un violon de haut-vol.

mercredi 25 mars 2009

El Quinteto Real au Club Lounge ce soir [à l’affiche]

César Salgán et Ubaldo de Lío

Le Quinteto Real a été fondé par le guitariste Ubaldo de Lío et le pianiste Horacio Salgán, tous les deux compositeurs. Horacio Salgán s’est aujourd’hui totalement retiré de la scène, non sans avoir auparavant laissé à Litto Nebbia le soin d’éditer son tout dernier disque, un concert donné avec Ubaldo de Lío et donc disponible depuis quelques mois chez Melopea.

C’est César Salgán, le fils aujourd’hui quinquagénaire du grand Maestro, qui tient le piano à sa place et assure aujourd’hui la direction générale et est l’arrangeur attitré de cette formation. A la guitare, c’est Esteban Falabella. Tous deux étaient d’ailleurs venus à Paris en juin dernier avec la Orquesta Escuela de Tango Emilio Balcarce qui s’est produite au défunt Festival Buenos Aires Tango du Théâtre National de Chaillot...

Au bandonéon, nous avons Carlos Corrales (à qui on avait volé son instrument en octobre, voir mon article à ce sujet, il a récupéré son précieux compagnon, dûment tatoué quelques semaines plus tard). Au violon, c’est Julio Peresisni et à la contrebasse, Juan Pablo Navarro. Le Quinteto Real a invité pour l’occasion (mais ce n’est pas la première fois), le chanteur Marcelo Tomassi, qui est aussi celui de la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires. (Un chanteur à découvrir sur son site).

Ubaldo de Lío participera au concert en qualité d’invité d’honneur.

Cela se passera au Club Lounge, un établissement sélect de la rue Reconquista 974 (à Buenos Aires, on dit que c’est un "bar exclusivo") du quartier désormais chic (mais qui ne l’a pas toujours été) du Retiro. La place est à 40 $.

Attention en ouvrant le site du Club Lounge : il libère au bout d’un certain temps (dont la durée varie selon la qualité de votre connexion) un flot ininterrompu de Libertango (Astor Piazzolla), bien sonore et en boucle. C’est parfait si vous êtes à la maison. Régalez-vous. Mais si vous êtes au bureau, assurez-vous que vos collègues sont tous mélomanes.

Le Quinteto Real n’a pas à ma connaissance de site. En revanche, voici sur You Tube César Salgan et Esteban Falabella répétant Te vas milonga à la Casa del Tango (rue Guardia Vieja dans Almagro), et ici répétant, au même endroit, El Entreriano (un classique de la Guardia Vieja, justement). La Casa del Tango a été fondée par Osvaldo Pugliese en 1967 pour que la communauté tanguera ait un lieu à elle dans Buenos Aires. C’était une vieille idée. Homero Manzi avait déjà essayé de monter quelque chose de ce genre sans y arriver. Pugliese a pu fonder ce modeste centre, qui est vraiment la maison, le foyer du tango. Puis Horacio Ferrer a pu transformer l’essai de Pugliese en fondant une institution officielle celle-là, la Academia Nacional del Tango (voir les grandes dates du tango, article publié ce jour, en lien dans la Colonne de droite, en partie centrale, dans la rubriques Petites chronologies.).
Sur You tube encore, le Nuevo Quinteto Real (donc celui qui se produira ce soir au Club Lounge) sur scène, à La Viruta, à Buenos Aires, en mai 2008.

Et puis pour rendre hommage au fondateur, voici toujours sur You Tube, el Nuevo Quinteto Real, interprétant A fuego lento, du Maestro Horacio Salgán, dans un extrait du film de Carlos Saura (Tango), d’où la prise de vue excellente (Pensez donc, un film de Saura !).

Deux radios à découvrir dans la Colonne de droite [radio]

Dans la Colonne de droite, dans la rubrique Ecouter, dans la partie basse de la Colonne, celle consacrée aux liens externes à Barrio de Tango, ont récemment fait leur apparition deux nouvelles stations de radio (consacrées au tango et gratuites, bien évidemment) accessibles partout dans le monde puisqu’elles sont diffusées par streaming depuis un site Internet, en plus de leur émission hertzienne.


Il s’agit de Radio Clarín Uruguay (qu’on pourrait traduire par Radio Clairon d’Uruguay) qui diffuse du tango et du folklore uruguayen 24 heures sur 24. L’accent est mis sur la musique "oriental" comme on dit là-bas (en vous reportant à une carte de géographie, vous allez tout de suite comprendre pourquoi). Cet accent oriental, c’est sa grande différence avec des institutions argentines du même ordre, comme La 2x4 ou FM Tango Rosario par exemple. Au-delà de la musique uruguayenne, Radio Clarín s’attache aussi et tout particulièrement à présenter le répertoire et les enregistrements de Carlos Gardel, dont j’ai déjà eu l’occasion de vous dire de quelle terrible querelle il faisait l’objet en Uruguay, vis-à-vis de l’Argentine voisine, le pays qui a gardé les reliques du saint ou du dieu, c’est selon (lire à ce propos mon article récent sur les théories opposées, sur lesquelles se déchirent les deux pays riverains du Río de la Plata, quant à son lieu de naissance et par voie de conséquence à sa nationalité).

Radio Clarín a été fondée le 12 octobre 1958 (elle a donc fêté ses 50 ans d’existence l’année dernière). Elle ne doit évidemment pas être confondue avec le puissant groupe de presse argentin Clarín, qui possède, à Buenos Aires, le célèbre quotidien homonyme (souvent cité dans ces colonnes) et la chaîne de télévision 100% info qu’est TN (pour Todo Noticia).

Radio Clarín émet depuis Montevideo (Avenida 18 de Julio, au numéro 1516, 9ème étage), par voie hertzienne (sur AM580) et maintenant aussi sur son site, par ailleurs très intéressant à visiter.

Rendez-vous sur la page programmation : vous y trouverez le déroulé de la journée avec les artistes de tango ou les genres qui passent à l’antenne, détaillé à l’échelle du quart d’heure. La page Carlos Gardel veut aussi le clic gauche de souris : avec une dignité affichée, Radio Clarín refuse de prendre partie dans la querelle sur le lieu de naissance de l’intéressé (même si le coeur penche nettement vers Tacuarembo, cela ne fait pas l’ombre d’un doute). Le site a même la suprême élégance de reconnaître que la version selon laquelle Gardel serait né (je dis bien "serait né") à Toulouse est fondée ("con fundamento", avec des éléments solides à l’appui). Un tel fair-play méritait d’être souligné, dans un blog qui est tout de même rédigé, la plupart du temps en tout cas, dans une autre ville portuaire, établie, elle, sur le cours beaucoup plus modeste de la Seine. Rive gauche, bien sûr... Est-ce que ce blog a une tête à être rédigé rive droite, hein ! (1) Après la présentation de Gardel et de la douloureuse question de son lieu de naissance, vous avez droit à la liste de tous les enregistrements de Gardel susceptibles de passer à l’antenne et je crois qu’on ne doit pas être bien loin d’avoir sous les yeux la discographie exhaustive de Carlitos. Sur la page Versos insertados, vous avez quatre notes sur quatre auteurs (trois sont uruguayens, un est argentin, c’est l’auteur du Martín Fierro qui est au Río de la Plata ce que Don Quichotte est à l’Espagne ou D’Artagnan à la France). Ce sont les auteurs des citations insérées dans les jingles qui scandent les tandas musicales (tanda : série, rafale) de quart d’heure en quart d’heure. C’est pas cultureux, ça !

Le logo de la station montre un clairon sur fond d’emblème national, ce soleil rayonnant sur ce bleu presque marine à quoi on reconnaît la República Oriental del Uruguay.



L’autre radio est argentine, elle s’appelle AM Tango et elle émet, depuis Buenos Aires, en hertzien sur la fréquence AM 1120 et par un streaming sur son site internet. Logo bien porteño avec ce couple de danseurs par dessus un bandonéon (essayez donc de danser le tango avec un bando sous les pieds !), dans le bleu ciel national le tout dans un cadre fileteado (2), à arabesques fleuries et dorées et photo de Gardel incluse (quand je vous disais qu’il est revendiqué des deux côtés du Río de La Plata).
Sur AM Tango vous écouterez du tango non stop, du pré-programmé qui tourne tout seul, entre 23h le soir et 9h le lendemain matin (heure locale, s’entend) et de minuit à minuit le dimanche. La nuit, c’est l’heure où les tangueros vivent, sortent, se retrouvent, respirent... dans les cafés, les théâtres, les salles de concerts et les milongas. Vous ne les trouvez donc pas dans des studios de radio ou des cabines techniques à bosser pour des auditeurs. (Pour le décalage horaire entre l’Europe occidentale, Paris, Bruxelles, Madrid, Lausanne, Den Haag..., et le Río de la Plata, reportez-vous aux Infos Pratiques dans la partie centrale de la Colonne de droite, sur la droite de votre écran).
En revanche, entre 9h et 23 h, vous avez une formidable flopée d’émissions. Les unes sont quotidiennes : Una cita con el tango (un rendez-vous avec le tango) de 9h à 10 en semaine, la tanguería del poeta de 13h à 14 du lundi au vendredi. Les autres sont hebdomadaires comme El rincón de Rosario (le coin de Rosario, un nom de ville et un prénom de femme) de 9h à 11h le samedi matin ou La Tarde que me quieras (l’après-midi où tu m’aimeras, formule qui parodie le titre d’un célèbre tango de Carlos Gardel et Alfredo Le Pera, El día que me quieras) de 14h à 16h, le vendredi.
AM Tango vous propose des émissions sur le tango (elles occupent la plus grosse part de la grille des programmes), des émissions sur le folklore (qui a des liens de parenté évident avec le tango par l’apport des payadores à la genèse du genre, voir les grandes dates du tango, publié ce jour), des émissions sur la culture (La Boca, siglo 21, le jeudi de 20h à 21h), une émission sur le vin (Mundo Wines le mardi de 19h à 20h)... Bref, une grille de radio variée et qui donne envie de faire du décalage horaire un mode de vie.
Merci à Fernanda Lorá, l’animatrice de la Tarde que me quieras, qui m’a permis de prendre connaissance de son émission, à travers l’échange de mails assez tennistique pratiqué par les honorables membres de la communauté Perfiles de Tango, qui vient de me faire l’honneur de m’admettre en son sein. Un salut amical à elle, qui a démarré son émission sur les ondes de AM Tango le 9 janvier dernier...
Ces radios sont à écouter telles quelles. Elles ne permettent aucun téléchargement et ne fournissent, à cette heure en tout cas, aucun service de podcast.

(1) Rive droite - rive gauche : acá en París dicemos ribera derecha para la del norte, ribera izquierda par la del sur. El Río Sena corta la ciudad de este en oeste. Tradicionalmente (es decir durante el Medio Evo), el norte del Sena era la parte comercial y artesanal de París (le quartier des marchands et des banquiers) y todavía sigue siendo el conjunto de los barrios fenicios, las tiendas de lujo, la Bolsa, grandes hoteles y sedes de bancos y seguros, mientras el sur es la parte donde siempre se radicaron los clerigos (conventos, iglesias mayores y universidad de París, la Sorbonne, que en aquel entonces era todo igual). De ahí, después de separarse la universidad y la iglesia, se radicaron también los intelectuales, los artistas, la gente de izquierda, los filósofos, los docentes. Y en el centro, en Ile de la Cité, estan la Catedral Notre Dame y los Tribunales (Palais de Justice) que no pertenecen ni a la Rive droite, ni a la Rive gauche.
(2) Le fileteado est un art plastique populaire qui n’existe qu’à Buenos Aires. Il est l’identité visuelle de la cité. Pour connaître mieux cette spécificité, allez voir
mes articles sur le fileteado et surtout visitez le site du Maestro Jorge Muscia, un maître de la discipline, qui a son atelier dans le quartier de San Telmo (voir son site personnel dans la rubrique Les artistes plastiques, dans la Colonne de droite).

Concert unique de Monica Navarro à Notorious [à l’affiche]

Affiche du concert diffusée par Notorious

Et ce n’est pas un poisson d’avril. La chanteuse argentine Monica Navarro, qui s'est installée à Montevideo (et c’est plutôt rare dans ce sens-là), présentera son dernier disque à Buenos Aires, au Café Notorious, avenue Callao à la hauteur du 966, le 1er avril 2009 à 21h30.

Le disque s’appelle Paquetito de Tango (petit paquet de tangos). Il reprend un concert qu’elle a donné le 22 mars 2007 dans la salle Zitarrosa, à Montevideo.

Ce jeudi 26 mars 2009 à 19h, Monica Navarro sera l’invitée de Claudio Tagini dans ADN Tango, une émission que vous pouvez écouter sur le site de Radio Sentidos, soit en direct soit en différé, pendant toute la semaine qui suit la diffusion en direct. Une bonne occasion de découvrir cette chanteuse, sa voix, son répertoire pendant environ une heure où alterne l’interview de l’invité(e) et des passages de ses ou de son disque(s).

Sinon et sans attendre l’émission de Radio Sentidos, vous pouvez aller sur le site de la chanteuse. 3 morceaux sont écoutables et téléchargeables en format Mp3 (Fuimos, Nada et Carabelas de la nada). Pour les écouter, il faut entrer dans le site et cliquer sur l’onglet Material editado puis sur l’image de Paquetito de tangos. Le webmaster a aussi disposé sur cette page les textes des tangos qu’elle chante (letras). Et qu’elle chante très bien, avec une interprétation classique, très sentimentale, très chaude... La tradition, quoi ! Sur la page Vidéo, vous pouvez aussi voir quelques clips du concert repris sur ce nouveau disque et avoir ainsi un petit aperçu de cette Sala Zitarrosa qui est l’une des plus prestigieuses de Montevideo.

Le lien avec ADN Tango se situe dans la rubrique Ecouter, dans la Colonne de droite de Barrio de Tango, dans la partie inférieure (celle réservée aux liens externes).

Astillero ce soir au CC Torcuato Tasso [à l’affiche]

Photo Astillero par Silvana Ertola

La Orquesta Típica Astillero (Arsenal), connue pour son répertoire de musique originale signée le plus souvent du pianiste Julián Peralta, un transfuge de la Orquesta Típica Fernández Fierro, se produit ce soir, 25 mars 2009, à 22h, au Centro Cultural Torquato Tasso, Defensa 1575 (les habitués de Barrio de Tango savent situer cette institution dans l’immense ville de Buenos Aires : c’est à... San Telmo ! Oui !!!!!! C’est vous qui l’avez dit, vous avez gagné sur ma gauche !).
Entrée : 20 $.

Le concert de ce soir appartient à un cycle intitulé Tango Nuevas Tendencias proposé par le Torcuato (voir leur site sous le lien. Attention, il y a du Piazzolla qui se déclenche sans crier gare à l’ouverture du site. Si donc vous êtes sur votre lieu de travail, cliquez sur le couple de Liliputiens qui danse en ombre chinoise dans le coin inférieur droit si vous avez besoin d'arrêter la musique, ce qui est fort dommage, du Piazzolla bon comme ça !).

Pour les amateurs de cette musique forte, âpre, oppressante, à l‘image de ce monde dur, sans foi ni loi, qui est le nôtre et où les grands patrons piétinent leurs confrères plus modestes et ne rougissent pas de s’octroyer d’invraisemblables bonus pour avoir mis à la rue la moitié de leur personnel pour faire remonter le cours de l’action à la bourse et reçu une aide financière de la part du Trésor Public, il faut visiter le site de Astillero et leur page My Space et à l’occasion acheter leurs disques, soit lorsqu’ils viennent par chez nous en tournée, soit lorsque c’est vous qui allez passer vos vacances aux antipodes...

Astrillero sera en Europe en avril. Du 9 au 11 avril, ils seront à Nijmegen, aux Pays-Bas, le 14 à Rotterdam, les 20 et 21 ils seront à Sofia en Bulgarie, passeront par Vienne en Autriche le 24, seront le lendemain en Hongrie et termineront le 26 à Cologne avant de retourner vers les Amériques, pour une virée au Mexique (7 concerts au Ollin Kahn Festival à cheval entre avril et mai) puis au Canada, à Montreal, en juillet.

Les grandes dates de l’histoire du tango argentin - Article n° 500 [histoire]

Dans le corps de l’article, les liens renvoient à des articles ou à des séries d’articles de Barrio de Tango.

Vers 1844 : à Carlsfeld, en Saxe, pour les églises, plus souvent luthériennes que catholiques, qui n'ont ni orgue ni harmonium, un luthier, peut-être nommé Heinrich Band, invente un instrument portatif dérivé du concertina et l'appelle Bandonion.
1858 : naissance de Gabino Ezeiza (+ 1916) dans le quartier de San Telmo à Buenos Aires. Il sera considéré comme le plus grand des payadores.
1867 : naissance de Ángel Villoldo (+ 1919), qui sera surnommé el Padre del Tango (le père du tango). C'est lui qui mènera pour la première fois le tango hors de l'aire hispanique, à Paris, en 1907.
Vers 1870 : à Buenos Aires, le mot tango ou tango criollo (par opposition au tango andaluz) sert à désigner la version rioplatense de la habanera cubaine. Le tango andalou est l'une des formes du flamenco. Le même mot tango (sans doute à cause d’une autre étymologie : tambor, tambo', tumbo ou Xangó ?) désigne les fêtes des noirs argentins fréquentes dans les quartiers qu’ils habitent (San Telmo, Monserrat...). A la même époque, le mot milonga désigne trois choses à la fois : ces mêmes lieux de fête, la habanera argentine et les improvisations des payadores itinérants dans les campagnes puis dans Buenos Aires même.
Janvier à mai 1871 : la fièvre jaune tue 7,3% de la population de Buenos Aires et bouleverse la géographie sociale de cette ville. Les riches se réfugient dans le nord où ils s’établissent définitivement (c’est le développement de la construction dans le quartier de La Recoleta), les pauvres restent dans le sud ou s’y font refouler (San Telmo, Barracas, bientôt La Boca, Nueva Pompeya...)
Vers 1874 : un marin anonyme apporte au port de Buenos Aires le premier Bandonion.
1878 : Naissance de José Betinotti (+ 1915), dans le quartier d’Almagro. Il sera surnommé el Último Payador.
Parution dans le quotidien La Prensa, le 6 juillet 1878, du tout premier article répertorié sur le lunfardo, argot nouvellement apparu parmi les marginaux et les délinquants et dans les prisons de Buenos Aires. L’auteur est anomyne. Il dresse une liste de 29 termes qu'il a traduits en espagnol classique.
1880 : arrivée au pouvoir d’une oligarchie de grands propriétaires terriens, la Generación del 80. L’immigration européenne prend une ampleur phénoménale et bouleverse toute la structure urbaine et sociologique de la capitale argentine.
Années 1880 et 1890 : composition des premiers tangos arrivés jusqu’à nous, avec un nom d’auteur ou de manière anonyme. Andate a la Recoleta, Dame la lata, Hotel Victoria, Cuidado con los 50...
1888 : naissance à San José de Mayo en Uruguay de Francisco Canaro (+ 1965).
1893 : immigration de Berthe Gardés avec son fils Charles dans les bras, depuis Toulouse. Cet enfant ce sera Carlos Gardel (1890-1935).
1896 : immigration de Socorro Salomone, une Sicilienne avec son fils Innazio, depuis la Sardaigne. Cet enfant, ce sera Ignacio Corsini (1890-1967).
1900 : naissance de Juan D’Arienzo en janvier dans le nord du quartier de Palermo, à Buenos Aires (+ 1976), de Alfredo Le Pera en juin au Brésil (+ 1935) et de Enrique Cadícamo en juillet à General Rodríguez, à proximité de Luján dans la Province de Buenos Aires (+ 1999).
1901 : naissance de Enrique Santos Discépolo, en mars dans le quartier dit del Once, lieu-dit de Balvanera à Buenos Aires (+ 1951).
1903 : création au piano, dans un restaurant chic du centre historique de Buenos Aires, El Americano, de El Choclo, tango de Ángel Villoldo (le programme parle de Danza Criolla). Le tango aborde la côte espagnole et la bonne société française, à travers des fils de famille habitués à s'encanailler dans les lieux mal famés.
Naissance de Carlos Di Sarli à Bahía Blanca, Province de Buenos Aires (+1960).
1905 : Naissance de Osvaldo Pugliese en décembre, dans le quartier de Villa Crespo à Buenos Aires (+ 1995).
1907 : Naissance de Homero Manzi, en novembre, à Añatuya, Province de Santiago del Estero (+ 1951). Ángel Villoldo et ses amis, les Gobbi (Alfredo père et son épouse), séduisent les beaux salons parisiens avec une danse et une musique exotiques, le tango. La fanfare de la Garde Républicaine enregistre les premiers tangos à la demande d'un grand magasin portègne, Gath y Chavez.
1912 : Mort du poète Evaristo Carriego (1883-1812), fondateur de la poésie des faubourgs de Buenos Aires, dans le quartier de Palermo à Buenos Aires.
Retour de Paris de Villoldo et des Gobbi (avec le petit Alfredo, né à Paris, le futur grand violoniste et compositeur Alfredo Gobbi fils). Les salons de Buenos Aires s’ouvrent au tango, puisqu’il a été adoubé par Paris.
1913 (ou entre 1913 et 1917) : composition vers décembre puis création de La Cumparsita de Gerardo Matos Rodríguez, à Montevideo, probablement pendant les fêtes du Carnaval 1914.
1914 : Naissance de Aníbal Troilo, dit Pichuco, le 11 juillet, dans le quartier de l’Abasto, du côté de Palermo, à Buenos Aires (+ 18 mai 1975).
1915 : première tournée de Carlos Gardel et José Razzano à l’étranger (Uruguay, Brésil, Chili).
1916 : le chanteur Pascual Contursi (1887-1932) met des paroles sur Lita, un tango de Samuel Castriota, à Montevideo. Lita devient Mi noche triste. C’est la naissance du tango-canción, le tango à texte qui raconte une histoire.
1917 : Carlos Gardel chante et enregistre Mi noche triste. C’est le premier tango de son répertoire.
1918 : naissance de Homero Expósito, à Campana, Province de Buenos Aires (+ 1987).
Début des années 20 : apparition d’un nouveau style harmonique dans le tango, sous l’impulsion d’un violoniste, Julio De Caro (11 décembre 1899 - 11 mars 1980). C’est la toute première révolution esthétique du tango, connue sous la désignation de Decareana. Les musiciens qui adoptent la nouvelle esthétique formeront ce qu’on appellera la Guardia Nueva : Juan Carlos Cobián, Pedro Maffia, Pedro Laurenz, Agustín Bardi, Osvaldo Pugliese... La Guardia Nueva est ainsi appelée par opposition à ce qui devient la Guardia Vieja (Eduardo Arolas, Roberto Firpo, Vicente Greco, Manuel Campoamor, Juan Maglio, El Tano Genaro...)
1921 : Naissance d’Astor Pantaleón Piazzolla, à Mar del Plata, dans la Province de Buenos Aires, en mars (+ 1992).

1924 : Osvaldo Pugliese publie Recuerdo, le premier tango utilisant la polyphonie orchestrale.
Naissance de Virgilio Expósito, à Zárate, Province de Buenos Aires (+ 1997).

Mort à Paris, à l’hôpital Bichat, de Eduardo Arolas, pionnier du bandonéon, l’un des grands noms de la Guardia Vieja, il était né dans le quartier de Barracas à Buenos Aires en 1892.
Pascual Contursi met des paroles sur un vieux tango complètement oublié, La Cumparsita, sans se douter que le succès va faire réapparaître le compositeur qui, très procédurier, le poursuivra jusqu'à sa mort. Carlos Gardel, qui fait alors sa première tournée en Europe, chante La Cumparsita à Paris et en fait un succès international.
1926 : arrivée du tango au Japon. De retour d’un long séjour à Paris, le Baron Megata (1896-1968) importe le tango à Tokyo où il ouvre un cours de danse et de savoir-vivre à l’occidentale pour l’aristocratie nippone. Gros succès très élitiste qui progressivement, en moins de 50 ans, va toucher toutes les couches de la population.
1931 : parution de El hombre que está solo y espera, essai de Raúl Scalabrini Ortiz sur la culture propre à l’Argentine et à Buenos Aires et contre le néo-colonialisme économique et la tentative d’assimilation culturelle du pays à l’Europe, deux vecteurs de la politique gouvernementale pendant la Década Infame.
Création de Milonga sentimental, de Sebastián Piana et Homero Manzi. C’est la première milonga ciudadana (de celles qui se dansent dans les milongas aujourd’hui).
1932 : Gardel s’associe à Alfredo Le Pera (1900-1935), qui sera désormais le parolier de ses tangos, le scénariste de ses films et l’organisateur de ses tournées. Il tourne à Paris en 1932 (studio de Joinville, 2 longs métrages) puis à New-York en 1934 et 1935 (4 longs métrages).
1935 : Pendant l’hiver, à New York, Carlos Gardel rencontre un très jeune bandonéoniste marplatense, lui fait attribuer un tout petit rôle dans son dernier film, el Día que me quieras, enregistre avec lui Silencio et veut même l’emmener dans le reste de sa tournée. Le père du garçon s’y oppose. Ce jeune musicien qui échappe au désastre de Medellín, c'est Astor Piazzolla.

Le 24 juin 1935, Carlos Gardel meurt à Medellín, en Colombie, dans un accident d’avion au sol, avec Le Pera, l’un de ses deux secrétaires et trois de ses guitaristes. L'autre secrétaire et un des guitaristes survivront.

1936 : le 6 février, Carlos Gardel est inhumé à Buenos Aires, au cimetière de la Chacarita. Fondation à Buenos Aires de la Sadaic (Société Argentine Des Auteurs et Compositeurs) à l’initiative de Francisco Canaro.
1937 : Juan D’Arienzo joue puis enregistre un arrangement brillant de la Cumparsita pour animer le bal du cabaret Le Chantecler. Le Tango reconquiert le public portègne qui s’était mis à lui préférer le fox-trot.
La même année, Aníbal Troilo fonde son premier orchestre et va faire du cabaret Tibidabo son royaume.
1939 : Osvaldo Pugliese fonde son orchestre, sous la forme d’une coopérative, en août au Café el Nacional, qui sera longtemps son port d’attache. La longévité de cet orchestre sera exceptionnel puisqu’il ne se dissoudra qu’en juillet 1995, à la mort du compositeur.
C’est aussi l’année où Piazzolla intègre l’orchestre d’Aníbal Troilo, qu’il quittera en 1944.
Vers 1940 : composition de La Yumba, par Osvaldo Pugliese, qui l’enregistrera en 1944.
1944 - 1949 : censure officielle et institutionnalisée du lunfardo et des argentinismes et mise en place de critères de moralité sur les ondes, dans l’édition et les journaux, sur la scène, dans les studios d’enregistrement. Les auteurs (ou les chanteurs) doivent modifier les textes pour continuer à chanter. La grande variabilité des textes chantés encore aujourd’hui vient en grande partie de cette période-là.
1944 : début de la carrière du chanteur Roberto Goyeneche el Polaco (1926-1994)
1947 : rencontre entre Astor Piazzolla (26 ans) et Horacio Ferrer (14 ans) à Buenos Aires.
1948 : création de Sur et Barrio de Tango, chefs-d’oeuvre du tandem Aníbal Troilo - Homero Manzi.
1951 : mort de Homero Manzi (3 mai) puis de Enrique Santos Discépolo (23 décembre). Composition de Responso par Aníbal Troilo en hommage à Homero Manzi, dans l’après-midi du 3 mai.
1954 : parution du premier livre systématique sur le lunfardo, Lunfardía, par José Gobello.

1955 : à Paris, Astor Piazzolla, qui avait rompu définitivement avec le tango en 1949, se réconcilie avec le genre grâce à son professeur de composition classique, la Française Nadia Boulanger. Il se met à composer à flux tendu et enregistre un disque de 16 tangos, dont 14 de lui, avec l’orchestre de l’Opéra de Paris. Parmi ces nouveaux tangos, Nonino, dédié à son père, qui l’a poussé toute son enfance vers le tango et le bandonéon. Il revient à Buenos Aires avec le Octeto Buenos Aires. C’est la première Révolution Piazzollienne.

1960 : parution à Montevideo du tout premier essai historique stricto sensu sur le tango : El tango, su historia y evolución, par Horacio Ferrer (né en 1933) aux Editions Arturo Peña Lillo.
1962 : fondation de la Academia Porteña del Lunfardo.
1964 : début de la carrière de soliste du Polaco.
1965 : Piazzolla compose une série de tangos sur des textes de Jorge Luis Borges. Ces tangos sont créés et enregistrés par Edmundo Rivero.
1967 : parution à Montevideo du premier recueil de poème de Horacio Ferrer, el Romancero Canyengue. Piazzolla décide de faire un opéra-tango dont il confie l’écriture du livret à Horacio Ferrer.

1968 : création de l’opera-tango, dit aussi operita, María de Buenos Aires, de Astor Piazzolla et Horacio Ferrer, avec Amelita Baltar (née en 1940) dans le rôle-titre. Départ d’une collaboration à trois qui durera 6 ans (Piazzolla - Ferrer - Baltar). C’est la seconde Révolution Piazzollienne.

1969 : Création de Balada para un loco, du tandem Piazzolla-Ferrer, en novembre, par Amelita Baltar sur scène et El Polaco sur micro-sillons. Fondation de El Viejo Almacén par Edmundo Rivero (1911-1986), esquina Defensa y Balcarce, à la limite des quartiers Monserrat et San Telmo. Fondation par Osvaldo Pugliese de la Casa del Tango, un lieu de rencontres, d’échanges, de convivialité et d’enseignement pour les artistes de tango de la ville de Buenos Aires.
1970 : première édition de El Libro del Tango, encyclopédie systématique sur l’histoire du tango de 1500 pages environ, par Horacio Ferrer.
1973 : Piazzolla et Amelita Baltar se séparent. Lui part vivre en Europe et se met à voyager.
1974 : création de Oratorio Carlos Gardel, oeuvre musicale de concert, de Horacio Salgán et Horacio Ferrer.
1975 : Mort d’Aníbal Troilo, Pichuco, le 18 mai. Tout Buenos Aires est en pleurs.
1977 : Institution du Día Nacional del Tango, le 11 décembre, en Argentine, sur l’initiative de l’éditeur et essayiste Ben Molar.
1980 : Réédition augmentée de El Libro del Tango d’Horacio Ferrer (2000 pages). La somme sur l’histoire du tango des origines à la fin des années 70. Aujourd’hui épuisé.
Fondation de la Orquesta Típica Porteña par Raúl Garello qui deviendra la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires.
1988 : après la disparition (absorbé par Sony) d’un des derniers labels discographiques historiques argentins, RCA, le créateur du rock à texte d’expression hispanique, le chanteur Litto Nebbia (né en 1948 à Rosario, Province de Santa Fe) fonde son propre label, Melopea Discos, qui édite depuis de nombreux artistes de tango, consacrés ou débutants (et d’autres artistes dans tous les genres de musique : rock, jazz, folklore...)
1990 : fondation de la Academia Nacional del Tango, sous l’impulsion et sur une idée originale de Horacio Ferrer. La Academia commence à s’installer temporairement dans le sous-sol (la bodega) du Gran Café Tortoni, selon une tradition tortonienne bien établie. Elle s’installera dans l’hôtel particulier qui occupe les 3 autres étages en 2002, après l’achat définitif des locaux conclu à la veille du Corralito (bancarisation obligatoire avec gel des comptes décrétée en décembre 2001 pour enrayer l’effondrement du système monétaire argentin).
1992 : Mort d’Astor Piazzolla le 4 juillet.
1ère Cumbre del Tango (Sommet du Tango) organisée à Buenos Aires (manifestation biennale).
1994 : Mort du Polaco
1995 : Mort d’Osvaldo Pugliese le 25 juillet.
1998 : Célébration du 1er Festival de Tango de Buenos Aires (annuel), organisé au predio ferial de la Sociedad Rural Argentina dans le quartier de Palermo à Buenos Aires
2000 : Fondation de la Orquesta Escuela de Tango par Ignacio Varchausky, Ramiro Gallo et Emilio Balcarce, qui prendra en janvier 2008 le nom de Orquesta Escuela de Tango Emilio Balcarce.
2002 : Première célébration du Mundial de Tango de Buenos Aires (coupe du monde de tango danse).
2003 : inauguration en mars du Museo Casa Carlos Gardel (Jean Jaurès 735) dans la maison qu’avaient habité Carlos Gardel et où sa mère est décédée en 1943 puis en décembre du Museo Mundial del Tango à la Academia Nacional del Tango (Mayo 833).
2005 : le 18 mai, la loi argentine institue le Día Nacional del Bandoneón, fixé au 11 juillet, date de l’anniversaire de naissance de Pichuco, Aníbal Troilo (11 juillet 1914-18 mai 1975).
2008 (juillet) : le Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires et la Municipalité de Montevideo adressent conjointement à l’UNESCO un dossier de candidature pour l’inscription du Tango au Patrimoine de l’Humanité.