samedi 29 novembre 2008

La Gran Milonga Nacional [à l'affiche]




La Gran Milonga Nacional sera retransmise en direct sur la 2x4 (site).

Pour accompagner la fête nationale du tango (Día Nacional del Tango, on y reviendra), qui a lieu tous les 11 décembre, la Academia Nacional del Tango, sur une initiative de son président, Horacio Ferrer, fait organiser, pour la deuxième fois cette année, la Gran Milonga Nacional, un grand bal gratuit, à l'air libre et en pleine rue mais pas n'importe laquelle : la avenida de Mayo, celle qui relie le Congrès, le palais des Parlementaires, et la Casa Rosada, le siège de la Présidence de la République et du Gouvernement fédéral. La Gran Milonga occupera la Avenida de Mayo depuis le Cabildo (l'ancien siège du pouvoir colonial qui marque l'entrée sur la Plaza de Mayo et fait face à la Casa Rosada) jusqu'à la avenida 9 de Julio, soit 7 cuadras (ça fait combien de mètres pour un Européen converti au système métrique depuis la Révolution Française ? Réponse dans la Trousse lexicale d'urgence de la colonne de droite, faut bien qu'elle serve à quelque chose !) C'est sur cette partie de l'avenue que se trouve le Gran Café Tortoni (1).

La Gran Milonga Nacional est une opération conjointe de l'Academia Nacional del Tango, la Fédération de l'Hôtelerie et de la Gastronomie de la République Argentine et l'Association des Amis de la Avenida de Mayo. Horacio Ferrer, dont c'est un des très nombreux talents, a fait asseoir tout ce joli monde autour d'une même table durant l'hiver de 2007 (a mediados del 2007, dit le communiqué de Walter Piazza, le Secrétaire de la Academia) pour mettre au point l'événement qui a eu lieu l'année dernière le 8 décembre, un jour férié en Argentine (c'est la fête de l'Immaculée Conception de la Vierge Marie). La Ville de Buenos Aires y est aussi associée.

Et ça va être un drôle de chantier : il faut couper la circulation sur toute cette partie de l'avenue, dans une ville où la bagnole et le bus font la loi, couper la circulation dans les rues adjacentes pas moins fréquentées puisqu'aucun engin motorisé ne devra traverser l'avenue (il y en a 14 des rues transversales, sept de chaque côté. Gloups !) et tout au long des 700 mètres d'avenue neutralisée monter trois scènes pour les orchestres qui joueront entre 20h et jusqu'à pas d'heure...

Cette année, les danseurs entendront la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires, Orquesta Nacional Juan de Dios Filiberto, la Orquesta de la Armada (l'orchestre de la Marine nationale), la Orquesta Escuela de Tango Emilio Balcarce, Los Reyes del Tango (des imitateurs du style D'Arienzo), le Sexteto Milonguero, la Orquesta Típica Esteban Cardaccio, Gente de Tango, le trio Las Rositas, la Orquesta Alberto Di Paulo, la Orquesta Típica La Otra Vereda, la Orquesta Roberto Siri ;
les chanteurs Hugo Marcel, Lidia Borda, Javier Di Ciriaco, Héctor Morano, Mario Arias...
Et par Verónica Bellini, la pianiste et chef de China Cruel, j'ai appris récemment que cet orquesta típica et féminin fera partie des très nombreuses formations qui se produiront. Le communiqué officiel de la Academia se contente de nommer les formations et les chanteurs les plus établis, sinon ce ne serait pas un communiqué mais un roman-fleuve...
Pour ceux qui partent ces jours-ci se faire cuire au four estival de Buenos Aires, notez la date et l'heure sur l'agenda, la Gran Milonga Nacional n'est pas un spectacle, mais un vrai bal où l'on attend des danseurs... qu'ils viennent danser. Et mettez-vous à l'ombre de la magnifique arbolada qui borde cette avenue de part et d'autre, une des plus belles de tout Buenos Aires, qui en compte beaucoup (des longues files de grands et très vieux arbres dont les frondaisons larges se rejoingnent presque au-dessus du centre de la chaussée).


(1) donc l'Academia aussi. Elle est installée au dessus...

La Llamada de Candombe de San Telmo le 6 décembre [à l'affiche]

Entre les Avenida Independencia et Caseros, la rue Defensa sera le cadre de la 3ème édition de la Llamada de Candombe de San Telmo, une fête du candombe portègne dans le quartier qui fut par excellence avec celui de Monserrat le quartier noir de Buenos Aires, notamment du temps de Juan Manuel de Rosas (1793-1877). Aux grandes fêtes religieuses, dont certaines étaient plus particulièrement populaires chez les noirs argentins, descendants d'esclaves et porteurs d'une culture religieuse assez syncrétique comme toujours à Saint Domingue ou au Brésil, cette partie-là de cette actuelle rue de Buenos Aires, très connue des touristes (c'est la rue piétonne de la Feria de San Telmo chaque dimanche), s'emplissait de gens en fête, jouant de la musique, principalement aux tambours, de l'aube jusque tard dans la nuit... C'était le candombe... Celui qui s'est perdu presque totalement à Buenos Aires et ne vit plus que comme une résurgence musicale forte, comme un retour du refoulé, mis en forme par Sebastián Piana le premier, dans les années 1930, après les premières présidences radicales qui renouaient avec l'identité sud-américaine et donc métissées de l'Argentine... Le candombe a aussi évolué en Uruguay mais il y est resté l'expression de cette exubérance collective et de rue, de grande fête...

La Llamada (appel) du 6 décembre sera en fait un spectacle qui rassemblera 25 comparsas (groupes constitués pour les défilés festifs traditionnels), venues de tout le pays et d'Uruguay, et 2000 musiciens. Il est organisé par Fortunato Lacámera, sous la houlette du Programme culturel dans les Quartiers, un programme de la Direction Générale de la Promotion culturelle du Ministère de la Culture portègne.

On cherchera en vain une quelconque spontanéïté dans cette manifestation, qui entend concurrencer les candombes de Montevideo (1). Le tout doit durer sept heures et s'étendre sur 8 cuadras (800 m). Chaque comparsa mettra une heure à accomplir le parcours. Et avec la chaleur qu'il fait en ce moment sur Buenos Aires, on allumera 4 feux pour le soin du son des tambours... Une vraie folie mais sans doute un grand succès touristique car il y aura beaucoup à voir : bannières, couleurs, costumes chatoyants, jonglages divers et variés...

Le même jour, Horacio Ferrer fait transformer une section similaire de la Avenida de Mayo en Gran Milonga Nacional. Cette milonga en plein air sur la plus belle et la plus prestigieuse avenue de Buenos Aires se sera sûrement plus authentique...

(1) et pourquoi donc, grand Dieu ! Pourquoi ne pas laisser à Montevideo ce qui appartient à Montevideo ? Buenos Aires, qui aspire à elle toute seule 90 % de toute activité culturelle au bas mot à 500 km à la ronde, n'a pas encore assez ?

Double anniversaire à la Academia Nacional del Tango [à l'affiche]

Lundi prochain, à 19h30, au Salón de los Angelitos Horacio Ferrer, au Museo Mundial del Tango, siège de la Academia Nacional del Tango (avenida de Mayo 833), aura lieu un Plenario consacré à un double hommage à Pascual Contursi et à Francisco Canaro, tous deux nés en novembre 1888, le premier le 18, le second le 26, deux grands maîtres auxquels le tango doit beaucoup de ce qu'il est aujourd'hui.

Pascual Contursi (18 novembre 1888 - 29 mai 1932) est le père du tango-canción, dont on fixe symboliquement l'apparition à l'année 1916 quand il écrivit le texte de Mi noche triste sur une partition instrumentale de Samuel Castriota et sans la permission de celui-ci. Pascual Contursi était alors un chanteur a la gorra, qui gagnait difficilement sa vie en chantant dans les cafés, à Buenos Aires et à Montevideo. Il n'en était pas à son premier coup du genre. Mais cette fois-ci, le compositeur était vraiment en colère et ne le lâchait rien. Alors Pascual Contursi eut l'idée de proposer sa chanson à un chanteur de musique campera qui remportait un très beau succès dans un restaurant à la mode du bois de Palermo, l'Armenonville. Le chanteur en question mit Mi noche triste à son répertoire. C'était la première fois qu'il chantait un tango (il s'en était gardé jusque là parce que les textes de tango, à l'époque, ne volaient pas haut). Ce fut un succès et ce succès décida de la carrière du chanteur de l'Armenonville et consacra Pascual Contursi comme letrista au point qu'il abandonna rapidement la carrière de chanteur pour celle d'écrivain de chansons, de revue et de saynete (un théâtre populaire très fécond alors à Buenos Aires et qui disparut dans les années 30). Mi noche triste fut enregistrée pour la première fois en 1917, par ce même chanteur qui venait de sauver la mise à Contursi et qui lui porterait secours encore plus tard, en 1932, lorsqu'à Paris, il fallut le rapatrier d'urgence parce que le poète montrait les premiers signes de la maladie qui allait l'emporter. C'est cet enregistrement qui sera l'un des deux tangos rituels de lundi soir.

De son côté, Francisco Canaro (26 novembre 1888 - 14 décembre 1964) est le premier musicien à avoir donné au tango une dimension de musique de masse. Il dirigeait des orchestres de taille gigantesque pour l'époque (32 musiciens), jouait dans des lieux immenses. Il fut une sorte de Robert Hossein du tango des années 20 à 40. Touche à tout, il a composé, écrit, dirigé, fait du cinéma, fait travailler quasiment tous les artistes de tango de son époque, fondé la Société des Auteurs-Compositeurs Argentins (la SADAIC), monté des tournées, servi d'intermédiaire pour les frères Lombard.... On n'a pas encore terminé l'inventaire complet de ses enregistrements (on les estime à plusieurs milliers de morceaux !). Francisco Canaro souffre d'une horrible réputation d'Harpagon, qu'il semble bien n'avoir pas méritée, les anecdotes sur sa générosité étant nombreuses mais peu médiatisées, et sa vie privée, celle d'un mari volage, jette une ombre sur sa mémoire. Aussi il faut visiter au minuscule et surencombré musée de la SADAIC pour constater l'affection et l'admiration que ses successeurs, compositeurs, lui conservent.

L'Academia marquera ce double anniversaire avec deux tangos rituels (ce qui est tout à fait inhabituel), Mi noche triste, de Samuel Castriota et Pascual Contursi, chanté par Carlos Gardel (vous l'aviez reconnu ?) et De vuelta al bulín (de retour dans ma piaule), de José Martínez et Pascual Contursi chanté par Raúl Berón, avec l'orchestre de Aníbal Troilo, d'une part, et une conférence du Président (2) intitulée Francisco Canaro, précurseur et acteur central du Tango 120 ans après sa naissance (3), d'autre part. Gabriel Soria, le vice-président, assistera pour l'occasion le Maestro Ferrer.

La partie artistique de la soirée sera en effet consacrée à la projection d'extraits de films dans lesquels a joué Francisco Canaro, et les rétrospectives cinématographiques, Gabriel Soria, Directeur et fondateur du Museo Mundial del Tango, fait ça (et pas que ça) à la perfection...

Ce Plenario sera aussi le cadre d'une remise de titre à deux Académicos, Silvio Soldán, reçu Académico Emérito, et Marcelo Oliveri, qui sera reçu Académico Titular.

(1) campera : de la campagne (campo), rural, des champs.
(2) Horacio Ferrer, of course !
(3) "Francisco Canaro, precursor y protagonista del Tango a 120 años de su natalicio".

Un petit dernier pour l'Avent (1) [Disques & Livres]




Ce soir, sur La 2 x 4, la radio 100% tango de Buenos Aires, dans le cadre des Grandes Conciertos, une émission hebdomadaire, chaque samedi soir, de 21h à 23h, qui repasse des concerts historiques, vous pourrez écouter le concert que Osvaldo Pugliese a donné avec son orchestre le 26 décembre 1985 au Teatro Colón, à l'occasion de ses 80 ans.

Le décalage horaire que nous avons, nous autres en Europe occidentale, avec Buenos Aires n'est que de trois heures en ce moment. Cela met le concert à minuit, heure européenne... Quand vous rentrerez de la milonga, en supposant que vous y allez tôt et en repartiez pas trop tard... C'est jouable.

Sinon, et c'est pour ça que j'ai classé cet article dans Disques et Livres, vous pouvez l'écouter sur disque ou vous dépêcher de le commander, dare-dare (2), si vous voulez que ça arrive pour Noël dans nos parages... Osvaldo Pugliese en vivo en el Colón, un double CD chez EMI...

(1) El giro normal se dice : un petit dernier pour la route (la última copa para el rumbo). Estaba antes de las leyes del manejar sin alcohol... En tiempo de los coches con caballos. Cuando hacía frio en el invierno y que se creía que el alcohol era una protección eficaz contra el frio.... ¡Cómo cambian las cosas con el tiempo!
(2) dare-dare : muy rapido, a mil.

La colonne de droite relookée

Les lecteurs habituels de Barrio de Tango auront remarqué depuis quelques jours que je multiplie les menus changements sur la colonne de droite et que ce week-end, j'ai chamboulé un bon nombre d'éléments. Avec plus de 260 articles, il m'a semblé que quelques outils pour s'y repérer ne seraient pas de trop.

J'ai doublonné les contacts (jusqu'à présent, il fallait aller jusqu'en bas de la page pour trouver mon adresse mail sur la dernière ligne du commentaire du titre et certains lecteurs m'ont dit ne pas avoir su comment me joindre, dont acte).
Le mois dernier, j'ai lancé une double newsletter, en langue française et en langue espagnole. Vous pouvez donc vous abonner si vous le souhaitez dans cette section. La newsletter est envoyée en début de mois.

En dessous, à chaque fois que l'actualité le requierera, j'installerai deux sections temporaires :
Pense-Bête que certains lecteurs connaissent déjà (pour le show de Mariel Martínez et Alejandro Picciano quand ils sont venus à Paris présenter leur disque De mi Barrio, chez Melopea, et pour le passage presque simultané dans la capitale française de l'écrivaine et éditrice Sara Melul). Pense-Bête me permettra de conserver constamment en page d'accueil les événements en instance que j'organise moi-même sur Paris (concerts, conférences, rencontres littéraires ou artistiques).
Trois chanteurs, et non des moindres, tous les trois auteurs-compositeurs-interprétes de Buenos Aires, s'annoncent déjà pour le premier semestre 2009 à Paris. Sans parler de Mariel et Alejandro qui ont été appréciés par les convives de la pizzeria, le 18 novembre, et qui devraient revenir nous voir !
En tournée chez nous tiendra la même fonction pour les tournées en Europe, surtout dans les pays francophones, que m'annoncent mes amis chanteurs, musiciens ou écrivains de là-bas.

Mis recaladas présentera divers lieux que j'aime à Paris et que je conseille en particulier à mes amis argentins en visite par chez nous. Des lieux authentiques et dans des gammes de prix aussi raisonnables que possible pour eux (cf. mon article du 10 septembre sur les prix à Buenos Aires).

Barrio de Tango : s'y orienter vous donne quelques raccourcis pour trier les articles selon leur thématique. Vous pouvez vous faire vos propres assemblages en cliquant sur les mots-clés que je dispose sous le titre de chaque article. Le tri thématique permet de croiser et recroiser les articles sous des angles différents.

Barrio de Tango : les archives, une autre façon de se promener dans le blog.

Sous Buenos Aires : infos pratiques (qui vous donne une petite idée de ce qu'est cette mégalopole qui rassemble un quart de la population totale du pays), j'ai chapitré et thématiser les liens. Il me semble que cette liste a ainsi gagné en clarté.
Grillons, zorzales et autres cigales fait allusion à divers particularismes linguistiques de là-bas (grillo, c'est violoniste en lunfardo ; zorzal, c'est un merle brun très fréquent à Buenos Aires, connu pour la beauté de son chant, ce qui en fait un synonyme de "chanteur" ; cigale, c'était un surnom d'Osvaldo Pugliese : Chicharrita, la petite cigale). Bien sûr, tous les francophones font tout de suite le lien avec la fable de La Fontaine en lisant le titre suivant... Pour les hispanophones, "Eh bien dansez maintenant" est un choix moins facile à décrypter. Este título (Bueno ¡bailen ahora!) es la falsa moraleja de una fábula en versos de Jean de La Fontaine (1621-1695) que en nuestras tierras aprenden a los 7 años todos los chicos. Se llama la fábula de la Chicharra y la Hormiga y opone la bohemia de la Chicharra siempre cantando sin trabajar nunca y el ahorro de la Hormiga que trabaja sin cesar. Por eso tiene ella lo que necesita durante el invierno mientras la Chicharra se hace una mendiga sin nada que comer.

La Trousse lexicale d'urgence n'a pas bougé depuis sa création au début septembre.

Et j'ai repoussé le profil de votre servante tout en bas de la colonne.

Vos remarques, constructives, sont les bienvenues par mail ou par commentaire, en français, en espagnol ou en anglais, pour améliorer encore cette colonne permanente, quelque soit la date de l'article que vous lisez.

vendredi 28 novembre 2008

Présentation du nouveau numéro de Buenos Aires Tango y lo demás au Tortoni [à l’affiche]

Le Maestro Héctor Negro, qui est l'un des trois membres du Comité de Rédaction de Buenos Aires Tango y lo demás (Buenos Aires, Tango et tutti quanti, BAT pour les intimes), présentera le nouveau numéro de cette revue (le 57ème) dans la bodega (la cave, le sous-sol) du Gran Café Tortoni, sa recalada préférée (1), un véritable temple de la culture portègne. Cette bodega, qui accueille aujourd’hui des shows de tango, la plupart du temps, et voit défiler les meilleurs musiciens de la ville, jeunes et anciens, a été longtemps le siège d’un cercle d’artistes et d’intellectuels qui a profondément marqué l’histoire culturelle de Buenos Aires. On l’appelait la Peña del Tortoni, elle était animée par le peintre Quinquela Martín. Plus récemment, elle a fait office de siège pour la Academia Nacional del Tango, de sa création en 1990 jusqu’à l’acquisition épique de ses locaux actuels (juste au-dessus) en 2001.

La présentation prendra la forme d’une soirée littéraire et musicale, elle aura lieu lundi soir, le 1er décembre, à 19h30 (entrée libre et gratuite).

Une brochette de participants, plus prestigieux et talentueux les uns que les autres, seront de la fête :

Côté chant : Carlos Andreoli, qui, nous précise le Maestro, rentre tout juste d’Espagne (2), Norberto Roldán (3), Patricia Barone (4) et Caracol (Escargot) accompagné par le duo de guitares Tanguido.

Côté musique instrumentale : el Cuarteto Al Limite.

Côté poètes : Luis Alposta, Eugenio Mandrini (Héctor Negro vient de lui consacrer une entrée de son blog), Hugo Enrique Salerno, Roberto Selles (autre récent article d’Héctor Negro sur son blog), Alejandro Szwarcman (présent sur My Space, comme vous le savez déjà) et Héctor Negro (voir aussi les liens de la colonne de droite). Tous liront leurs poèmes publiés dans ce numéro... (5).

Natalio Etchegarray, le Rédacteur en chef, jouera les Monsieur Loyal de la soirée.

La revue Buenos Aires Tango y lo demás a son siège dans la rue Holmberg au n° 950, C1427CYD Buenos Aires (Argentine). Vous pouvez demander les numéros anciens en adressant un courrier à Héctor Negro. La revue paraît comme et quand elle peut. Conçue comme un bimensuel, elle n'aura publié que deux numéros cette année, le n° 56 est daté de janvier 2008.

Buenos Aires compte de nombreuses revues sur le tango. Les plus connues, à couverture en papier glacé, gratuites, celles auxquelles tous les touristes du tango ont facilement accès, sont en fait des supports de publicité pour les cours de danse, les milongas et les marchands de chaussures (et pas seulement les bons). Buenos Aires Tango y lo demás, que j’ai moi-même connue grâce à Héctor Negro, qui m’en a apporté plusieurs exemplaires quand il m’a reçue pour la première fois à Buenos Aires l’année dernière, est une revue sur la culture du tango dans toute son ampleur et sa profondeur. Elle publie les poètes mais aussi des articles d’histoire, de musicologie, de sociologie tant sur le genre que sur le contexte dans lequel il vit et se déploie.

Si vous préférez le genre feuille de chou, vous jetterez votre dévolu sur El Chamuyo, le mensuel gratuit de la Academia Nacional del Tango, imprimé sur une page A3 recto-verso (un périodique d’entrefilets). En libre service dans l’entrée de l’Academia (1er étage).

(1) recalada : expression maritime très employée à Buenos Aires pour désigner un lieu où l’on vient se ressourcer, se retrouver, faire une pause. Il n’existe pas à ma connaissance d’expression similaire en français.
(2) sur sa page
My Space, cet auteur-compositeur-interprète (cantautor en portègne) se définit comme "un poeta entre la ciudad y el río" (c’est joli et ça se comprend tout seul). Il est rédacteur régulier dans cette revue.
(3) dont le dernier disque, Tangos, valses y milongas por Norberto Roldán, aux éditions Fonocal, comporte un morceau écrit par Héctor Negro (musique de José Colangelo) : Cuando somos (quand nous sommes).
(4) Vous savez déjà aller sur son site les yeux fermés :
baroneygonzalez.com.ar.
(5) La majeure partie de ces écrivains, y compris Natalio Etchegarray, sont des rédacteurs réguliers de BAT, ils collaborent également à la première encyclopédie tango du net,
Todo Tango, de Ricardo García Blaya et siègent, à des titres divers (Académico de numero, Cuadro Jóvenes, Cuadro de Académicos Consultos, etc.), deux étages plus haut à la Academia Nacional del Tango (là, on est sous la belle voûte du sous-sol du Tortoni, donc il faut remonter au rez-de-chaussée, sortir sur le trottoir, longer la façade sur la droite et sur deux mètres pour passer du numéro 833 au numéro 835 de la Avenida de Mayo et emprunter l’escalier qui monte à la Academia, après avoir salué le portier, qui est charmant). Tous se connaissent, se fréquentent, se croisent à tout bout de champ et partout, s’estiment et se respectent... Luis Alposta a croqué Héctor Negro pour la couverture d’une récente anthologie de ce dernier chez leur éditeur commun Corregidor (voir les liens à droite). Alejandro Szwarcman cite Eugenio Mandrini sur sa page My Space... Je ne vous énumère pas tout parce que sinon on y sera encore au réveillon....

Sacri Delfino au Festival de Jazz de Madrid [ici]




Sacri Delfino, né à Buenos Aires et installé à Madrid depuis 2002, est guitariste, arrangeur et compositeur, il exerce son métier dans un cadre pédagogique et se promène musicalement entre tango, jazz et musiques pop, reconnaissant l’influence sur son travail de maîtres aussi variés que Juan Carlos Cobián, Astor Piazzolla, Roberto Grela, Aníbal Troilo (ça, c’est pour le tango), John Coltrane, Charlie Parker et Luis Alberto Spinetta (1) mais aussi, et sans faire le distingo d’avec les musiciens, Pablo Picasso, Salvador Dalí et Wassily Kandinsky (pour les arts plastiques).

Sacri Delfino est membre de la Academia Nacional del Tango de Buenos Aires, dans la catégorie Cuadro de Jóvenes (le cadre des jeunes).

En 2003, il a participé à la création pour l’Espagne de María de Buenos Aires, la ópera-tango de Astor Piazzolla et Horacio Ferrer, monument de l’histoire du genre qui fête cette année les 40 ans de sa première représentation dans la capitale argentine.

Sacri Delfino participe depuis hier au 25ème Festival de Jazz de Madrid. Les soirées sont prévues les 27, 28, 29 et 30 novembre, à 23h, au Café El Despertar (le réveil), rue Torrecilla del Leal au n° 18 (dans la catégorie Jazz con sabor a club, Jazz sentant bon le club) avec son trio, composé outre de lui-même à la guitare, de Gerardo Ramos à la basse et de José Manuel Torrego aux tambours.


(1) Luis Alberto Spinetta, un des pères du rock argentin, toujours très actif dans les studios et sur scène. Luis Alberto Spinetta dispose de deux sites qui sont pour le moment en construction et renvoient l’un à l’autre : site n° 1 et site n° 2.

jeudi 27 novembre 2008

La Biyuya au Centro Cultural Adán Buenosayres [à l’affiche]


Comme l’affiche le dit clairement, ce sera un concert a la gorra (voir la trousse lexicale d’urgence dans la colonne de droite, partie basse), demain à 21h, au Centre Culturel Adán (Adam) Buenosayres (avec l’orthographe archaïsante remontant à l’époque de la fondation).

Comme vous ne pouvez pas cliquer sur les liens directement sur l'affiche, les voici sous format cliquable pour aller les écouter : www.labiyuya.com.ar et www.myspace/labiyuya.

Vague de chaleur sur Buenos Aires [actu]

A l’approche de l’été -ça ne rate jamais- les tropiques balancent sur la capitale argentine quelques degrés de trop... Depuis mardi, l’impression de chaleur étouffante (avec seulement une trentaine de degrés au thermomètre, c’est tout le paradoxe climatique de cette mégapole) glisse les pieds des Portègnes dans l’eau des fontaines disposées sur les places (quand vous voyez des grands panards faire trempette (1) à 50 m de la Casa Rosada, la solennité de la Résidence présidentielle en prend un coup) et met à rude épreuve le réseau électrique local, ultra-sollicité par les systèmes de climatisation de toute l’agglomération géante. Il faut dire que les architectes modernes ne tiennent aucun compte du climat et au lieu de conserver les bonnes vieilles normes traditionnelles des maisons particulières à murs épais qui savent conserver une peu de fraîcheur dans les intérieurs et dans le patio, sous la treille qui lui procure de l’ombre, ils conçoivent des édifices aux murs en papier à cigarette et c’est la clim qui se chargera de rendre le lieu habitable l’été... Hier mercredi, Buenos Aires a enregistré un pic historique de consommation d’électricité en période estivale, avec 18 170 M Watts (plus que le 20 février dernier, où la consommation était montée à 17 930 M Watts) et, comme d’habitude dans ce cas-là, il y a eut des ruptures d’alimentation un peu partout. Et paf ! l’ordinateur qui s’éteint ! Et hop ! toute la rangée des caisses qui s’arrêtent au Coto (2) de la esquina... Et je ne vous parle pas du musicien en train d’enregistrer son prochain disque dont il est déjà convenu que je vous parle après Noël. Encore faudrait-il qu’il arrive à sortir à temps, parce qu’enregistrer dans ces conditions, c’est pas du gâteau... (1)

A Buenos Aires et dans sa banlieue, le pic de consommation se situe entre 14h et 15h, à l’heure la plus chaude du jour, lorsque les gens sont au bureau et que les commerces et les restaurants mettent leur système à fond pour conserver le client. Dans l’ensemble du pays, la plus grosse consommation intervient plutôt la nuit, quand les gens, rentrés chez eux, cherchent une fraîcheur artificielle pour pouvoir dormir...

Les producteurs et les distributeurs d’électricité commencent à avoir le système de climatisation dans le collimateur (1). Le phénomène empire d’année en année car les fournisseurs d'énergie ne peuvent pas dimensionner leurs capacités pour des pics de consommation très ponctuels (quelques jours de montée de température comme en ce moment) et certains grands froids en hiver (à la fin juin ou au début juillet, le mercure peut indiquer 0° à Buenos Aires, mais ça ne dure pas plus de quelques jours et ça n’arrive pas tous les ans). Or avec un quart de la population concentrée à Buenos Aires et dans ses environs (el Gran Buenos Aires), la demande est très mal répartie sur le territoire, ce qui ne facilite pas la résolution des problèmes.

L’actuel Gouvernement commence à prendre par ci par là quelques mesures écologiques concrètes pour limiter la consommation d’énergie polluante et non renouvelable (les ampoules basse consommation seront obligatoires à partir de l’année prochaine et on ne pourra bientôt plus trouver autre chose dans le commerce) mais dans un pays où beaucoup de gens pauvres n’ont ni gaz ni électricité, limiter la consommation de ceux qui en disposent en imposant des règles de construction dans un pays qui n’a pas l’habitude d’en respecter beaucoup, pour le Gouvernement, c’est le cadet de ses soucis... (1)

(1) Panards (argot) : pies
Faire trempette (popular) : bañarse sin nadar ni moverse
C’est pas du gâteau (popular) : no es nada facil.
Avoir quelqu’un dans le collimateur (popular) : tener algo que reprochar a alguien, no poder más tolerar a alguien. No se dice para algo material o abstracto.
Le cadet des soucis de quelqu’un (coloquial) : no le importa a uno que...
(2) Coto : chaîne locale et très performante de supermarchés argentins. Cf. l’article du 10 septembre dans Barrio de Tango.

Javier González Quinteto à Don Torcuato [à l’affiche]


Retour à Tertulia... Libros y algo más, un restaurant culturel de Don Torcuato dans le département du Tigre (grande banlieue nord de Buenos Aires). Mais cette fois-ci, en dépit de ses 20 années de labeur dans le domaine du tango-canción, qu’on appelle aussi là-bas le tango cantable (tango à texte ou tango chanté, en français), le compositeur et guitariste Javier González présentera surtout de la musique instrumentale, de sa propre composition et aussi d’autres compositeurs contemporains. Pour apporter la touche de voix humaine à la soirée, il y a tout de même une invitée (en l’absence de Patricia Barone), la chanteuse Graciela Chaine.

A part l’absence de Patricia, le quintette est celui de toujours : Maqui Tenconi au piano, Paula Liffschitz au bandonéon et à la flûte, Carlos Marmo à la basse, Martín Benchimo aux percussions et Javier lui-même à la guitare électrique.

Le spectacle est une cena-show de banlieue nord (1), donc très raisonnable au niveau prix et sans touriste dans les parages. Il aura lieu le 29 novembre à 21h, dans la petite ville de Don Torcuato que je vous ai déjà brièvement présentée lorsque Patricia et Javier sont allés au début du mois animer un premier cena-show (cf. article du 5 novembre).

La photo qui illustre cet article a été diffusée par Javier González, elle a été prise dans le Salón de los Angelitos Horacio Ferrer, à la Academia Nacional del Tango, le 21 août dernier (je reconnais, j’y étais et j’ai pris des photos moi aussi !), pendant le 10ème Festival de Tango, au cours de la présentation du disque de Javier et Patricia, Gestación (cf. l’article du 19 août, dans les colonnes de Barrio de Tango). Malgré les effets spéciaux qu’a subis le cliché, vous reconnaissez Javier (debout à droite), Carlos (assis au milieu) et Paula (debout à gauche, à la flûte traversière avec le bandonéon par terre). Derrière eux, aux murs, reconnaissables uniquement par ceux qui ont déjà mis les pieds dans cette salle, la décoration typique du Museo Mundial del Tango.

(1) attention, on est dans l’hémisphère sud, donc tout est inversé, y compris la répartition geo-sociale de la population. Dans l’hémisphère sud, les banlieues nord sont plutôt résidentielles et les banlieues sud populaires, voire carrément prolétaires. Ce n’est pas une question de saison, c’est une question de vent dominants. Nos vents dominants envoient les effluves de nos villes vers le nord, leurs vents dominants balancent la pollution de Buenos Aires vers le sud. C’est Avellaneda, Lanús et Villa Fiorito (le bidonville où est né Maradonna) qui se prennent tout dans la figure pendant qu’à El Tigre, on respire...

Tango puro au Torcuato Tasso [à l’affiche]

Ce vendredi et ce samedi, les 28 et 29 novembre, à 22h, le chanteur Horacio Molina, le bandonéoniste Julio Pane (un maître du genre) et Hugo Rivas (guitariste de renom) se produisent au Centre Culturel Torquato Tasso, rue Defensa 1575 dans le quartier de San Telmo (entrée : 50 $).

mercredi 26 novembre 2008

Un cadeau super-mega costaud [Disques & Livres]



A l'heure de fermer la saison 2008, ce samedi, à La Plata, au Tango Criollo Club -mais ils reviendront à la rentrée, c'est promis, en mars (on est en Argentine)- Alorsa, auteur-compositeur-interprête et animateur du groupe La Guardia Hereje, vous offre son/leur disque Tangos y otras yerbas où vous trouverez plein de merveilles dont je vous ai déjà traduit des extraits par ci par là, en fonction de l'actualité.

Pour récupérer toute l'info et les traductions dont j'ai pu parsemer Barrio de Tango façon Petit Poucet, cliquez sur le nom d'Alorsa, ci-dessus, dans l'espace Pour chercher.

Pour obtenir votre disque gratuit, il vous suffit d'envoyer à Alorsa un mail avec "un mot de passe" (1) comme objet ("en asunto" en espagnol) et vous recevrez en réponse un lien (venant de La Guardia Hereje) qui vous permettra de décharger en toute sécurité et gratuitement l'ensemble du disque...

La manoeuvre peut paraître étrange. Mais en fait, elle ressemble bien à la mentalité très ouverte d'Alorsa, à son engagement personnel et constant dans le mouvement coopératif et le partage artistique si généreux à quoi le reconnaissent tous ses amis. Alorsa est membre de la Ciudad del Tango au Centro Cultural de la Cooperación Floreal Gorini et il a le coeur sur la main comme on dit chez nous... Il ne compte pas sur ses droits d'auteur sur le disque pour vivre (il vit des spectacles "en vivo" et autres activités en direct avec le public). Et puis, comme il le dit si bien, c'est encore la meilleure réponse à donner à la piraterie sur internet. Le disque est auto-produit, donc il en fait ce qu'il veut...

Tangos y otras yierbas, dans sa version originale (un coffret CD + DVD enregistré en public disponible au Tango Criollo Club à La Plata et à la librairie du CCC à Buenos Aires) comporte 24 pistes, pas moins.

Pour une part, ce sont des récits-poèmes en prose :
Te morfaste las facturas (tu t'es bouffé les gâteaux, une allégorie subtile et très drôle sur le chancre de la corruption qui gangrène le pays)
La sonrisa del fasfud (le sourire du fast-food, catalinaire sur l'invasion par le supermarché et la malbouffe de l'univers de convivialité humble mais chaleureuse des petites épiceries et petits troquets d'antan qui ne payaient pas de mine mais avaient plus d'âme et de cachet)
Vuelve el tango (le tango revient, une très belle hymne au tango racontée comme au cours d'un apéro entre amis)

et ce sont aussi des chansons :
Para verte gambetear (pour te voir dribbler) dédié à Maradonna,
Ezeiza (le nom de l'aéroport international) dédiés à ces Argentins qui ont décidé de partir vivre dans l'hémisphère nord,
La canción de cuña para mi vieja (berceuse pour Maman),
La pesadilla (le cauchemar), une chanson sur les injustices de ce monde vues depuis l'Argentine...
Dans Disco de Yapa, vous aurez les morceaux chantés, dans des enregistrements qui ont été réalisés en studio. C'est un peu différent côté ambiance mais du point de vue musical, c'est du tout bon aussi...

A de nombreuses reprises depuis le 19 juillet, je vous ai déjà invités à aller écouter les quelques extraits de la musique de la Guardia Hereje disponibles sur My Space. Vous pouvez y retourner mais avouez que cette fois-ci, on fait encore mieux. L'opération Disco de Yapa dure tout le mois de décembre et s'arrêtera après. Au 1er janvier, ce sont les Rois Mages qui prendront le relais là-bas. En Argentine et en Uruguay, on offre les cadeaux le 6 janvier et il est plus facile là-bas de conserver cette date qu'en Espagne : en Espagne, après le 6 janvier, les enfants retournent à l'école, en ayant eu à peine le temps de profiter de leurs jouets s'ils les ont reçus le jour de l'Epiphanie. Aussi, de plus en plus, on voit les parents faire les cadeaux à Noël, comme en France, pour que les enfants aient toutes les vacances pour jouer. En Argentine, le 7 janvier, les gamins retournent à la plage faire des pâtés de sable, ce sont les grandes vacances pour encore un bon moment...

Pour envoyer un mail à Alorsa, allez sur le site de la Guardia Hereje. Là, vous trouverez son mail (je vous assure que c'est facile à trouver, c'est écrit partout et vous le verrez, même si vous ne parlez pas un mot d'espagnol). Idem si vous allez sur la page My Space : le mail, vous ne pouvez pas le louper, il se voit comme le nez au milieu de la figure.

Cliquez sur l'adresse mail et lorsque votre logiciel vous ouvre la fenêtre de rédaction, inscrivez en objet le "mot de passe" (1), qui est Disco de yapa (la yapa, c'est la part de produit que l'épicier du coin vous donnait en plus, gratuitement. En français, on parle de "rab", de "rabiot", c'est un vocabulaire de cantine scolaire ou de réfectoire militaire, voire carcéral. Disco de yapa, ça veut dire le disque bonus, le disque cadeau, le disque en prime).

En envoyant votre mail à Alorsa, n'oubliez pas de lui signaler, en français si vous n'osez pas écrire en espagnol, que vous avez trouvé cette info sur Barrio de Tango (je vous promets que vous lui ferez très, très, très plaisir, et peut-être même, si ça se trouve, encore plus si vous écrivez en français...).
Et entre le 6 et le 23 décembre environ, ne vous étonnez pas de recevoir le lien par un message automatique : Alorsa voyage à travers la Province de Buenos Aires pour humer les traditions gauchescas des petits bourgs disséminés le long du Delta et s'inspirer des rythmes de la musique populaire et rurale de ce coin de la planète, en héritier qu'il est des payadors rioplantenses.

A moins d'un mois de Noël, un beau disque comme ça, 100% original, gratuit, c'est pas super-méga costaud comme cadeau ?
(1) Non, je blague... Ce n'est pas un mot de passe (pas besoin de login). C'est juste l'expression qu'il faut écrire en objet de votre mail (disco de yapa).

Tango por la igualdad et Festival du Tango Queer [à l’affiche]

Ici même, dans Barrio de Tango, j’ai déjà eu l’occasion de vous parler du Festival International du Tango Queer (1) à propos de la Milonga homosexuelle La Marshall (fondée en 2003) qui organisait alors son propre championnat de danse, moitié sérieux, moitié pastiche, à la suite du Mundial, très officiel et très sérieux, celui-là, de la Ville de Buenos Aires (cf. article du septembre).

Toujours à l’initiative de La Marshall, qui attire aujourd’hui les touristes du monde entier par curiosité ou parce qu’eux-mêmes homosexuels, ils sont bien contents d’avoir leur point de chute dans la capitale argentine, ou, plus exactement, à l’initiative des organisateurs de cette milonga à part, va avoir lieu la semaine prochaine à Buenos Aires le deuxième Festival International du Tango Queer. Aussi avec un peu d’avance sur cet événement, le Teatro Premier, un des théâtres de la Avenida Corrientes (dans les cuadras 1400 à 1600, exactement à la hauteur du n° 1565), donne actuellement un spectacle chorégraphique dansé par 7 hommes, d’âge, de formation et de technique variés, un spectacle baptisé Tango pour l’Egalité, issu d’une recherche artistique et esthétique sur le thème de l’homosexualité conçue comme une des formes légitimes de la relation amoureuse.

Le spectacle a été chorégraphié par Carola Ojeda, une artiste qui a elle-même déjà travaillé avec des grands, comme le danseur Juan Carlos Copes et le pianiste et compositeur Osvaldo Requena, avec la complicité des danseurs qui ont leur part dans l’élaboration du spectacle au cours des répétitions qui furent, au dire de la chorégraphe, autant d’ateliers de recherche. Carola Ojeda s’est aussi déjà distinguée par son travail sur plusieurs spectacles de tango donnés dans les divers Cena-shows de la capitale.

Confiée à un orchestre exclusivement féminin, la partie musicale comporte des grands classiques du tango de scène tel qu’il se pratique à Buenos Aires : Quejas de Bandoneón de Juan de Dios Filiberto (rendu célèbre par Aníbal Troilo), Gallo ciego de Agustín Bardi (rendu célèbre par Osvaldo Pugliese et Horacio Salgán), A Evaristo Carriego de Eduardo Rovira (rendu célèbre surtout par Osvaldo Pugliese mais il en existe aussi un remarquable et tout aussi historique enregistrement par Horacio Salgán). Pour les besoins de ce show, ces dames ont également à leur répertoire des pièces peu connues d’Astor Piazzolla (sur la musique de Piazzolla, seuls des professionnels osent danser. Pour le commun des mortels, il s’avère impossible de s’y risquer). Deux chanteurs, fort peu connus, s’ajoutent à la distribution : Jorge De Brun (qui vient d’Uruguay) et Restivo, si inconnu que même le programme du théâtre hésite sur l’orthographe de son nom. Enfin le spectacle présente une interprétation théâtralisée de La última curda, un tango classique de Aníbal Troilo et Cátulo Castillo, sur un enregistrement de la chanteuse Susana Rinaldi.

Ce spectacle audacieux, qui joue sur les idées toutes faites et l’esthétique traditionnelle du tango et en même temps s’amuse à les bousculer, a été conçu à et pour l’étranger mais le succès remporté à encourager les artistes à venir le présenter pendant tout le mois de novembre en plein Buenos Aires. La première a eu lieu le 7 novembre. La dernière aura lieu ce samedi à 22h. Página/12 lui-même, un quotidien d’ordinaire très prompt à sauter sur tout ce qui dérange et gratouille dans la société portègne, n’en parle que dans son édition du 26 novembre, sous la plume de l’un de ses chroniqueurs culturels, Carlos Bevilacqua, que vous pouvez aussi écouter chaque semaine dans l’année, dans l’émission Fractura Expuesta, disponible en podcasts téléchargeables si vous ne pouvez pas l’écouter en direct le lundi de 22h30 à 24h (heure locale).

Tango por la igualdad tournera cet été (en décembre et janvier) dans l’intérieur de l’Argentine, où il est programmé dans les villes de Córdoba et de Rosario, puis en mars, il repartira vers Hambourg en Allemagne...

(1) Queer : "bizarre" en anglais. A New-York, c’est un adjectif qui désigne l’homosexualité.

Expropriation : c’est parti [actu]

C’était dans l’air depuis plusieurs semaines, depuis en fait que la première évaluation financière de la Compagnie aérienne Aerolineas Argentinas avait été publiée, depuis qu’il apparaissait de plus en plus clairement que le groupe de tourisme espagnol Marsans, propriétaire de jure du capital de la Compagnie était décidé à ne pas respecter la République Argentine et à lui vendre à un prix démesuré une société qu’il avait depuis 2001 matériellement dépouillée et financièrement ruinée par une politique d’argent jeté par les hublots.

Cette fois-ci, c’est en route. Les députés de la majorité à la Chambre Basse se sont emparés du dossier et ont rédigé un projet de loi (1) qui va exproprier les actions des sociétés Aerolineas, Austral (les deux compagnies d’aviation qui desservent l’Argentine en vols domestiques et en vols internationaux) et des entreprises annexes non connues du public mais dont l’activité est indispensable aux deux premières, Optar, Jet Paq et Aerohanging. Marsans se verra offrir en compensation un peso symbolique (ou n’importe quelle autre somme tout aussi dérisoire) puisqu’il est établi que la compagnie Aerolineas a un passif d’exploitation excédant les proportions lui permettant de continuer son activité selon le droit des affaires argentin et un patrimoine négatif et que depuis juillet, c’est l’Etat argentin qui pourvoit aux besoins de trésorerie pour assurer la continuité du service aérien.

Le Gouvernement argentin avait bien offert à Marsans la possibilité de capitaliser tout cet argent public déjà versé et de le faire entrer dans un prix de rachat raisonnable mais Marsans a choisi une stratégie d’esquive, de mauvaise foi et a maintenu depuis septembre un prix de rachat exorbitant, après s’être assuré du soutien diplomatique de l’Espagne. Excédé par ces atermoiements, la majorité parlementaire est donc en train de décider d’en finir.

Le projet de loi déclare Aerolineas et Austral d’utilité publique pour le maintien du service de transport de voyageurs, de courrier et de fret pour le pays, à l’intérieur et à l’extérieur (ce qui reflète l’exacte réalité géo-économique de ce pays immense). Le texte légal passe actuellement les étapes procédurales préalable à son adoption et son entrée en vigueur : passage en commission puis mise à l’ordre du jour de l’Assemblée suivi, après vote positif, de la mise à l’ordre du jour du Sénat. Lorsque le texte sera publié au Bulletin officiel de la République Argentine, Marsans sera effectivement exproprié et l’Etat aura toute latitude de gestion sur l’avenir et la gestion de la Compagnie et de ses filiales.

L’opposition, Coalición Cívica (à droite) et Unión Cívica Radical (à gauche), qui sont par ailleurs en train de constituer un accord électoral ou même de gouvernement pour les prochaines échéances, ont émis des avis contraires pour la forme, critiquant les aspects technico-légaux de l’expropriation mais ont fait savoir par ailleurs qu’ils étaient d’accord sur le principe même de l’expropriation. Même les plus ardents défenseurs de la liberté d’entreprendre, qui trouvaient encore il y a quelques mois des motifs pour défendre Marsans contre le vilain gouvernement de Cristina (2), ont à présent changé d’avis.

Il semble que le vote sera acquis avec un quasi-consensus sur l’ensemble des bancs du Congrès, qu’en tout état de cause le oui débordera largement la stricte majorité K, el oficialismo K (2) comme on dit à Buenos Aires, pour la première fois depuis bien longtemps.

Côté économico-social, le projet de loi prévoit que 10 % du capital d’Aerolineas et d’Austral sera réservé aux salariés de ces entreprises comme le prévoit le programme de propriété participative (aujourd’hui seul 1% du capital est aux mains des salariés). L’Etat devra aussi couvrir les besoins financiers des entreprises, puisqu’elles remplissent une mission de service public (l’Etat le fait déjà depuis le 17 juillet), et réaliser toutes opérations de crédit nécessaires à l’acquisition de biens d’équipement destinés à l’exploitation commerciale aérienne (en d’autres termes, la République Argentine va acheter des avions pour reconstituer la flotte d’Aerolineas, composée en quasi-totalité aujourd’hui d’aéronefs en leasing). Depuis août, en effet, le Gouvernement argentin négocie en coulisses avec les grands avionneurs mondiaux (Boeing et Airbus au premier rang) dans ce but.

Le ton des journaux, le vocabulaire qu’ils manipulent en racontant les péripéties de toute cette histoire, cette manière de parler systématiquement de "los Españoles" pour désigner Marsans et ses mandataires sociaux sont riches d’enseignement sur l’enjeu symbolique qui double l’enjeu socio-économique évident de toute cette complexe opération politico-économique... De toute évidence, peut-être sans en être toutefois pleinement conscients et même si la défaite de leur champion devant le champion espagnol dimanche, lors la finale de la Coupe Davis à Mar del Plata, vient bien un peu gâcher le tableau général, les Argentins sont en train de se repasser, en 3D et son 4 points, le film de leur Revolución de 1810 (la guerre d’Indépendance) et ils prennent le temps de savourer la satisfaction de bouter une nouvelle fois l’Espagnol hors d’Argentine. Il faut dire aussi que Marsans est vraiment très bon dans le rôle ingrat de l’Espagnol ! Tout y est : les prétentions outrées, le souverain mépris affiché pour tout ce qui est Argentin, personnels au sol et volant et obligations fiscales inclus, la façon de parler du Chef d’Etat comme on parlerait d’un fétus de paille qu’on peut faire plier d’un simple souffle, le petit tour cauteleux à la Zarzuela à Madrid pour quêter l’appui du Roi... Du grand art !

Alors il en coûtera ce qu’il en coûtera, peu importe : du vent, du balai ! et débarrassez le plancher, on vous a assez vus. Bien le bonjour chez vous... Pourtant Marsans peut faire le beau et menacer d’aller devant les tribunaux, il n’aura peut-être pas intérêt à trop chercher la petite bête (3) : à Madrid, un juge enquête en ce moment sur l’usage qui a été fait de 300 millions de dollars d’argent public espagnol (une broutille !) destinés à absorber les dettes d’Aerolineas (dont celle qu’Interinvest avait envers l’Etat argentin pour l’achat de la Compagnie) au moment où Marsans en a pris le contrôle en octobre 2001, derrière Iberia-Interinvest qui l’avait acquise, pour une bouchée de pain, auprès de l’Argentine en 1990 des mains du président Carlos Menem aussi contestable que souriant. Pas plus que Marsans n’a été en mesure de produire sur Aerolineas des comptes d’exploitation à jour aux autorités judiciaires argentines, pas plus elle n’est capable de justifier devant les pouvoirs publics espagnols l’emploi qu’elle a fait de sa part de ce très gros paquet d’argent public. Le Parquet de Madrid envisage un procès pénal contre les dirigeants de l’époque de la SEPI (la société qui a disposé de cet argent public et devait en garantir le bon emploi) et contre éventuellement ceux de Marsans si l’enquête prouve qu’ils ont effectivement détourné ces sommes à d’autres fins que celles auxquelles elles étaient destinées.

"Aerolineas otra vez Argentinas", annonçait triomphalement Página/12 le 21 juillet, lorsque la Présidente avait annoncé sa décision de renationaliser (reestatizar) la compagnie de bandera (portant pavillon argentin). Ce sera fait sans doute d’ici 10 jours. Il est possible que Marsans porte plainte devant un tribunal, argentin ou international, pour avoir été injustement dépouillé de son bien dont il réclamait beaucoup de sous parce que, paraît-il, il allait (enfin) être (très, très) rentable... dans un proche avenir. Vous m’en direz tant ! (4)

Et -c’est en tout cas tout le mal qu’on peut leur souhaiter - les salariés deces compagnies d’aviation vont enfin pouvoir respirer, regarder devant eux un avenir aussi sécurisé que la récession qui s’annonce le permet, monter à bord d’avions "à eux" (les personnels de cabine et de cock-pit ont horreur de voler à bord d’avions loués), s’entraîner sur des simulateurs "à eux", bref retrouver une légitime fierté d’appartenance à une compagnie dont il seront les propriétaires à 10%, ce qui n’est pas mal quand on sait de quel statut de véritables pions (peones) peut les sortir l’application effective de cette décision après ces 18 années de régime privé catastrophique sur tous les plans, social, commercial et économique.

(1) en Argentine, on dit projet de loi (proyecto de ley) pour toute loi en cours d’approbation au Congrès, que l’initiative soit gouvernementale ou parlementaire. En droit constitutionnel français, on parle de projet de loi lorsque le texte émane du gouvernement et de proposition de loi lorsqu’il s’agit d’une initiative parlementaire. En France, jusqu’à une très récente réforme constitutionnelle (cet automne), le dépôt sur le bureau de l’Assemblée d’une proposition de loi restait une possibilité presque théorique, la marge d’initiative du Parlement étant des plus réduites et ce dans tous les domaines. En Belgique, en Suisse, qui ont des régimes parlemantaires, les institutions démocratiques fonctionnent différemment.
(2) Cristina Fernández de Kirchner, dite aussi plus synthétiquement de son nom d’épouse Cristina Kirchner, et appelée très couramment par son seul prénom par... ses partisans ou ses sympathisants, comme le fut son ancien Président de mari avant elle, comme l’est actuellement son homologue uruguayen tout au bout du bout de l’autre côté du delta du Río de la Plata. Idem à Cuba : Fidel...
El oficialismo K, c’est la majorité (oficialismo en Amérique du Sud, mayoría en Espagne).
K, c’est pour Kirchner, le kirchnerisme est une tendance du parti justicialiste (le parti fondé par et pour Perón) qui soutient la politique de la Présidente et emboîte le pas du président (du parti), son mari, l’ancien Président de la République Néstor Kirchner (2003-2007).
(3) chercher la petite bête : hacer quejas ridículas, protestas mesquinas, molestar con detalles o cualquier cosa de importancia menor.
(4) Tu m’en diras tant ! Vous m’en direz tant ! : giro idiomático para poner irónicamente en duda lo que dice el interlocutor. En Buenos Aires se diría "ni que ocho cuartos".

mardi 25 novembre 2008

Festival du cinéma juif argentin [à l’affiche]



Du 27 novembre au 3 décembre, se tiendra à Buenos Aires, au cinéma Hoyts au Centre Commercial de l’Abasto (Shopping Abasto, en portègne dans le texte), un festival de cinéma juif avec des films argentins et des films en provenance d’autres pays, aux premiers rangs desquels Israël et la France. Ces deux pays sont d’ailleurs (avec la Pologne) parmi les partenaires les plus importants de la manifestation. Je suis toujours très émue lorsque je vois l’engagement dans ces manifestations de l’Ambassade de Pologne en Argentine, sachant le grand nombre d’Argentins qui descendent de réfugiés juifs débarqués à Buenos Aires pour fuir les pogroms polonais, à la fin du 19ème siècle ou au tout début du 20ème, avant la Première Guerre mondiale, et qu’une partie de la Pologne d’aujourd’hui, membre de l’Union Européenne, reste malade de certains relents de cet antisémitisme d’abord chrétien, puis pagano-nazi puis enfin athéo-communiste qui a ravagé ces terres pendant des siècles...

Ce sera la 6ème édition de ce festival, à l’annonce duquel Página/12 consacre un long article dans son édition d’aujourd’hui et dont vous pouvez prendre connaissance de toute la programmation à travers son site web.

Seront projetés 28 longs métrages d’au moins neuf pays, dont outre la France, la Pologne et Israël déjà cités, la Belgique, l’Espagne, la République Tchèque et la Grande-Bretagne (pour nommer les pays de l’Union). L’objectif est de présenter des films qui ne parviennent pas dans les circuits commerciaux en Argentine ni parfois en Europe non plus (dont un film d’Andrzej Wajda et un autre avec Kirk Douglas dans le rôle principal) et de le monter pour le grand public, bien au-delà de la seule communauté juive (très présente dans le quartier de l’Abasto). Au point que la programmation a soulevé une difficulté : pur la première fois cette année, l’AMIA, représentante de la Communauté juive argentine dans ses dimensions sociales et culturelles, ne soutient pas le festival parce qu’il y aura des projections pendant le shabbat.

Le Festival présentera 3 films argentins (c’est déjà pas mal).

El tercero en camino (le troisième est en chemin), un documentaire d’un journaliste argentin, Shlomo Slutzky qui vit en Israël et qui soutient la thèse selon laquelle les deux seuls attentats antisémites et anti-sionistes perpétrés à Buenos Aires, l’un contre l’Ambassade d’Israël le 17 mars 1992 (29 morts et 242 blessés), l’autre contre l’AMIA le 18 juillet 1994 (85 morts et des centaines de blessés), pourraient bien être suivis d’un troisième, car ni l’un ni l’autre n’a encore débouché sur une inculpation plausible, encore moins sur un procès. Le journaliste assimile cette incapacité de la justice argentine à découvrir et poursuivre les auteurs à une complicité politique avec eux, accusation grave et à laquelle l’actualité judiciaire récente semble hélas donner quelques fondements au moins en ce qui concerne les pouvoirs publics des années 1990 (1).

Moisés Ville, La fuerza de la integración (ça se comprend sans traduire) de Fabián Braña parle d’une ville de la province de Sante Fe fondée par des pionniers juifs (l’Argentine intérieure s’est elle aussi construite comme le Far-West, grâce à des pionniers), où aujourd’hui vivent en parfait voisinage un cocktail d’habitants de toutes origines et de toutes cultures, phénomène récurrent dans l’histoire de l’Argentine indépendante qui n’est pas tombée dans le piège de la communautarisation culturelle dans laquelle nous autres pays d’Europe occidentale sommes en train de nous noyer...

En 818 Tong Shan Road de Marlene Lievendag raconte la vie du père de la cinéaste, qui parvint à quitter en 1941 l’Allemagne où il avait vécu jusque là et se réfugia dans la communauté juive de Shanghai qui comptait alors environ 20 000 personnes, dont plusieurs venaient d’Europe. Ces derniers, lorsqu’ils choisirent l’Argentine pour y refaire leur vie à la fin du conflit, y parvinrent pour la plupart avec les immigrants japonais dès la capitulation du Japon. D’autres, immédiatement ou à partir de 1948, partirent s’installer en Israël.

Les artistes argentins sont souvent aux avant-postes de ces questions lancinantes et douloureuses dans la société argentine : la place des Noirs dans la culture et l’histoire du pays (ces bataillons de libertos, des esclaves affranchis parce qu’ils s’enrôlaient dans l’armée insurgée, qui ont tant fait lors de la Guerre d’indépendance et sur lesquels les livres et les cours d’histoire sont si souvent muets), celle des juifs arrivés pour la plupart pendant le grand flux migratoire de 1880-1930 (2), fuyant les persécutions qui se succédaient en Europe, de mal en pis, eux qui ont joué leur rôle dans l’édification de la culture populaire portègne et dans le développement du pays et ont pu trouver leur place dans un peuple argentin peu enclin à l’anti-sémitisme mais au milieu duquel (avec l’appui des gouvernements, notamment celui de Perón) ont pourtant trouvé refuge quelques bourreaux nazis, peut-être pas très nombreux mais le nombre ne fait rien à l’affaire : un seul, c’était déjà un de trop.... Alors le cinéma argentin lui aussi s’est emparé de ces questions, ce cinéma qui a tant de mal à exister parce que c’est un media artistique qui, au-delà du talent (qui ne manque certes pas en Argentine) exige beaucoup, beaucoup, beaucoup de sous...


(1) dans un article récent consacré à Carlos Menem, je vous disais que grâce à l’ouverture des archives présidentielles par le couple Kirchner, aujourd’hui au pouvoir et vivement attaqué par Carlos Menem dans les instances du parti justicialiste, l’ancien Président est soupçonné par le juge d’instruction en charge de l’enquête sur l’attentat contre l’AMIA d’avoir couvert dans les dix jours qui ont suivi les faits au moins les poseurs de bombes, sinon aussi les commanditaires (que les autorités argentines croient être aujourd’hui des organisations aux ordres de la Syrie et/ou de l’Iran).
(2) Les juifs étaient interdits de séjour dans tout l’Empire colonial comme en Espagne même, jusqu’aux indépendances successives des pays d’Amérique Latine. Ce qui en Argentine, ô paradoxe, renvoie accueil des juifs ET disparition des noirs à une seule et même réalisation politique : la fin du régime colonial et le départ des Espagnols, du Grand Inquisiteur, du Vice-roi et pata couffin...

lundi 24 novembre 2008

Mafalda à la Station Perú [actu]



Mafalda, le monde entier la connaît. Sans toujours savoir qu’elle est argentine, et plus précisément portègne, et plus précisément encore de San Telmo. C’est en effet dans ce quartier du commencement du sud de Buenos Aires que son créateur, Quino, a longtemps vécu et qu’il a tout naturellement situé son personnage de petite fille insolente, vive, observatrice et terriblement désabusée par le monde tel qu’il est...

Le personnage, dont la série est arrêtée il y a bientôt 40 ans, s’affiche depuis le 19 novembre sur plus de 400 carreaux (20 cm par 20) en un grand mural de carrelage dans un couloir de correspondance entre les Stations de métro Perú et Lima en plein centre de Buenos Aires (on dit Subte à Buenos Aires), nouvelle étape de la célébration des créateurs graphiques et plastiques dans la ville et singulièrement son réseau ferré souterrain. Son papa, Quino, qui vit en Europe depuis de nombreuses années, est venu pour l’occasion, poser à côté d’une Mafalda de faïence en noir et blanc... Cette station de métro est située au début de la ligne A, qui file sous la avenida Rivadavia et dans les années 60 conduisait Quino de son quartier à son travail, au quotidien El Mundo, au 300 calle Rio de Janeiro, dans les pages duquel Quino a publié les premières planches de son personnage.

Il y a environ 6 mois une plaque a été posée sur la maison de la rue Chile dont le numéro figure dans l’un des albums de Mafalda comme celui de la maison où habite la fillette (c’était en fait l’adresse du dessinateur lui-même à cette époque-là, près de la esquina Chile y Defenza, d’où le métro, pris à Independencia, le conduisait rapidement jusqu’à Perú puis jusqu’à Rio de Janeiro en une petite demi-heure.

Pour les fans de Mafalda qui ne l’auraient pas encore découvert (je doute qu’il en existe), voici le site de Quino... Bonne lecture (le site est quadri-lingue).

La Noche de los Museos dans la Revue de l’Abasto

Lundi dernier, la Revista del Abasto s’est fait écho de la Noche de los Museos qui avait eu lieu pendant le week-end. C’était la 4ème année que le Museo Casa Carlos Gardel, phare culturel du quartier et sa gloire tanguera, se joignait à cette manifestation festive (que je vous décrivais la semaine dernière et la semaine d’avant déjà). Le quartier de l’Abasto est resté au coeur de Buenos Aires un quartier populaire, dès que l'on quitte les abords immédiats de la avenida Corrientes et de la façade Corrientes du Centre commercial de l’Abasto. Ce bâtiment, que Carlos Gardel ne connut jamais, a longtemps abrité la halle aux fruits et légumes de Buenos Aires (on peut d’ailleurs encore lire à quelques endroits de la façade les indications de ce temps là : vente en gros au rez-de-chaussée, vente au détail monter à l’étage...). Le bâtiment lui-même a été construit en 1934, pour abriter ce gros marché de maraîchers qui s’était constitué sauvagement en 1893, l’année d’après l’arrivée de Carlos Gardel (2 ans et demi) et de sa maman dans la capitale argentine (en mars 1892). En 1988, le bâtiment a été désaffecté et il a été racheté par une grosse entreprise immobilière qui en a fait un centre commercial dénué de cachat à l'intérieur (à part un Mac Do... cachère pour tenir compte de la nombreuse communauté juive qui vit dans le secteur).
Ce coin de la ville se situe à la jonction des quartiers de Almagro et Balvanera au sud et La Recoleta et Palermo au nord. C’est sur son territoire que se trouvent outre le centre commercial, reconnaissable entre tous, la Esquina Carlos Gardel, sompteux cena-show ne fonctionnant qu’en soirée (et hors de prix), le pasaje Carlos Gardel (petite rue longeant la Esquina Carlos Gardel et ornée de la seule statue du Zorzal Criollo qui existe dans Buenos Aires... Elle n’est d’ailleurs pas très belle), le magasin de souvenirs qui lui fait face et où Elvio Gervasi dispose ses murales fileteados que tous les touristes du monde entier photographient puis dont ils inondent Internet, la boutique de chaussures artisanales de Loló Gérard (à peu près à l’angle avec Zelaya), une belle boutique à la devanture ornée d'une belle arabesque de fileteado : vous y trouverez les chaussures les plus solides et les plus confortables pour danser de toute la ville (ce n’est pas des blagues ! Il y a des maisons plus célèbres que celle-là à Buenos Aires, avec des chaussures plus prestigieuses et plus chères, mais elles ne vous aideront pas à danser mieux sans fatigue ni torture de vos pieds, Mesdames... Tandis que Loló Gerard, c’est du chausson et du chausson élégant avec ça !), la rue Zelaya dont malheureusement les pittoresques peintures murales représentant les partitions des grands succès de Gardel sont en train de disparaître... La rue Zelaya, du temps de Gardel c’était un coin à mauvais garçons, une de ces rues retirées, parallèles aux grands axes très passants mais pas trop loin d’eux non plus où ils pouvaient profiter de l’obscurité pour vaquer à leurs petits et gros trafics. Elle débouche pratiquement face au 735 rue Jean Jaurès, la maison de Carlos Gardel, aujourd’hui Museo Casa Carlos Gardel, aux alentours duquel vous admirerez les façades multicolores aux couleurs voyantes des maisons particulières entièrement ornées de somptueux fileteados, jusqu’au rideau de tôle qui ferme l’atelier de mécanique automobile mitoyen du Museo...

La revue utilise pour les sous-titres de son papier des titres de succès de Carlos Gardel :

Volver (Revenir, l’un des tout derniers tangos du duo Gardel y Le Pera écrit, composé et enregistré en 1935, quelques mois à peine avant leur mort) pour décrire en un petit paragraphe la parade d’une baudruche caricature de Carlitos, qui fut gonflée à l’Obélisque et se retrouva devant la maison de Gardel au terme d’une pérégrination dans tout le centre de la Buenos Aires,

Callecita de mi barrio (Ruelle de mon quartier, Alberto Laporte - Otelo Gasparini et Enrique Maroni) pour décrire la rue Jean Jaurés en cette nuit de fête printannière,

Viejo rincón (le vieux coin, Raúl de Los Hoyos et Roberto Lino Cayol) pour raconter l’intérieur de la maison-musée et le programme des visites guidées de la nuit,

Barrio Viejo pour des bribes d’interview avec Carola Sánchez, une charmante dame qui travaille au Musée (dirigé par Horacio Torres) et à qui est revenu l’honneur d’organiser cette Noche de los Museos dans ce sanctuaire de la mémoire gardélienne,

Guitarra, guitarra mía regroupe quatre prestations, celle de Tito Alonzo, le professeur de chant qui officie au Musée et donnait ce soir-là lui-même un récital, celle de Lucrecia Merico accompagnée par le guitariste Daniel Pérez (les deux étaient ensuite attendus au Musée argentin de la Marionnette, pour un spectacle musical avec Sarah Bianchi), celle de Gloria Díaz, une chanteuse plus très jeune, fidèle à un ancien tour de chant, Alma corazón y tango, et enfin celle de Cucuza et Moscato (Hernán Castiello et Maximiliano Luna). Le journaliste rapporte que Cucuza était venu en chaussures de foot (le foot et le tango sont ses deux passions, sûrement une tenue pour étrenner son premier show dans un lieu aussi prestigieux que celui-là...

Medianoche (minuit, Eduardo Méndez y Alberto Tavarozzi), c’est pour l’heure et cette heure fut celle du tango électronique de Tanghetto (bandonéon et travail de sample, il faut aimer).

Enfin, bien sûr, l’article se conclut par une despedida (un au-revoir) sous le titre d’Adiós Muchachos (de Julio César Sanders et Cesar Vedani ) sur l’ambiance qui régnait dans la rue à l’heure l’aube pointait déjà...

Ceux qui veulent lire cet article peuvent cliquer ici.

Ceux qui veulent découvrir la revue dans son ensemble cliqueront plutôt ici. (Elle vaut le coup d’oeil). Elle comporte en particulier en ce moment un article sur une manifestation de théâtre de rue qui parcourt tout le quartier, en marquant les haut-lieux culturels de son histoire (souvent en lien bien sûr avec Gardel) et que l’on peut suivre, le 22, 29 novembre et 6 décembre contra la modique contribution de 20 $. La promenade théâtrale commence à 17h à l’Hotel Abasto Plaza.

dimanche 23 novembre 2008

Tertulia au Smoke : retour sur image avec traduction [ici]


Cette fois, je ne vous mets pas des tonnes de photos. Je ne suis que médiocrement contente de mes clichés d'hier soir...

En revanche, histoire de rentabiliser le travail de rédaction de la Gacetilla, la newsletter mensuelle que j'envoie à mes contacts hispanophones, je vais sacrifier au côté guide gastronomique auquel je me suis déjà essayée il y a quelques jours. Ensuite, je passe au contenu de la tertulia...

Le Smoke : típico boliche parisino como en aquél entonces cuando el barrio de Montparnasse era la guarida de los músicos, poetas, artistas plásticos y bohemios de ley de la capital... (El café está abierto hasta las 2 de la noche). Se ofrece una ancha selección de cocteles "del dueño", cervezas y vinos, refrescos y bebidas calientes en la tradición del "bistro parisien" tal cual como lo conocieron Arolas, el Zorzal y Pizzaro. Para almorzar y cenar, el cocinero propone sobrantes y baratos menús (plato del día con copa del vino del mes y postre sale a un poco menos de 15 €). En esta verdadera recalada de cultura, entre paredes desapareciendo bajo afiches y fotos de jazzmen estadounidenses y cantores franceses... se celebran tardes y noches cordiales y sinceras con charlas y música de todo el mundo.

En savoir plus sur le volet café-restaurant du Smoke : cliquez sur ce lien.
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Lors de cette tertulia, qui s'est tenue entre filles, venues des quatre coins du monde certes (Argentine, France, Mexique), mais seulement entre filles, nous avons parlé de choses et d'autres, et pas mal de politique (les élections ahurissantes à la tête du Parti Socialiste français sont tout fraîches et font beaucoup causer le pays en ce moment), et de questions plus épineuses et plus sérieuses comme par exemple de l'art et la manière de traduire le lunfardo en n'importe quelle langue sans en trahir ni l'esprit ni le génie...

En français, l'argot est bien souvent à côté de la plaque lorsqu'il s'agit de traduire le parler populaire de Buenos Aires (1). Le lunfardo est né comme langue des hommes marginaux ou marginalisés et alors souvent marginalisés par leurs activités illégales et leurs séjours en prison (la mala vida, comme on dit en Argentine) mais il est sans doute avant tout un acte politique fondateur de la part d'une population réduite à néant par le système de l'époque, dans les années 1880 (un patronat en très petit nombre mais tout puissant, exploitant sans vergogne les ouvriers au-delà de l'imaginable, pour la grande majorité tous des immigrants de fraîche date venus d'Europe, où se mettaient en place les premières lois sociales). En France, au contraire, l'argot est essentiellement un phénomène social que ne soutient, ni ne sous-entend ni ne dissimule aucun projet politique (une langue de voyous cherchant à tromper la surveillance des hommes de la Préfecture de Police).

Cette différence explique peut-être que le lunfardo soit devenu la langue populaire de tous les jours pourf l'immense majorité des Portègnes (et des Rioplatenses en général) avec une littérature qui a exploré tous les champs de l'humain alors que l'argot est resté une langue incorrecte, de gens peu éduqués, peu ou pas diplômés, toujours interdite et très mal vue dans les dîners en ville et avec un développement littéraire restreint, cantonné dans le cinéma et le roman policier, avec des chefs d'oeuvre, comme les immortels dialogues de Michel Audiard (1920-1985)... Ah Les Tontons Flingueurs et la scène de la cuisine !!!! et Les Nouveaux Mystères de Paris de Léo Malet) et dans la parodie, par exemple dans les traducions des fables de Jean de La Fontaine (1621-1695) : le corbac sur un touffu planté / tenait en su fuel un coulant baraqué. Le Racniaud par l'odeur alléchée / lui tint à peu près cette jactance... (2).

L'argot parisien n'a connu une petite fortune dans la chanson, avec des auteurs comme Pierre Perret, Renaud (voir le site que lui ont dédié un groupe de ses admirateurs) et même Georges Brassens qui a utilisé tous les registres lexicaux et stylistiques (voir le site que lui consacre Universal music - Pas sûr qu'il aurait apprécié, vu le monstre commercial qu'est aujourd'hui devenu Universal). Pourtant, comparé au sort du lunfardo en la matière et malgré la qualité de ces trois auteurs, cette carrière de l'argot français dans la chanson populaire reste très modeste. Et ces développements historico-littéraires distincts entraînent une différence essentielle : le lunfardo sait parler de tout, y compris de sentiments et de beauté ; l'argot non.

Du coup, traduire le lunfardo en argot se revèle en de nombreux cas un contresens : l'argot apporte trop souvent une connotation vulgaire ou incorrecte, étrangère au texte original. Pour ma part, j'ai déjà lu des traductions consternantes et qui insuportent les Argentins de France parce qu'elles substituent systématiquement aux termes de lunfardo les termes de l'argot le plus vulgaire, comme "curda" traduit par "biture" ou "bulín" traduit par "gourbi".
Pour éviter ce piège, il faut concilier de nombreux paramètres, parfois contradictoire, connaître le sens des mots dans les deux langues (3), l'histoire linguistique et littéraire de chaque mot (4) et les réalités socio-politiques et autres faits récurrents de la vie quotidienne sur lesquels se construisent tout dicton et toute tournure idiomatique, prendre en considération que le langage évolue et que le sens des mots change donc au fils du temps et, enfin, avoir fréquenté assidument les grands auteurs et les avoir travaillés et retravaillés pour s'imprégner de la musicalité du phrasé des deux langues en présence.
Comme dit l'autre, un peu d'inspiration et beaucoup de transpiration.

C'est la raison pour laquelle Sara Melul nous a confié son insatisfaction de n'avoir pas pu trouver dans la langue anglaise des solutions plus fines qu'une traduction du lunfardo en slang (dans son dictionnaire mais aussi dans le résumé en anglais qui conclut El Chamuyo en las milongas) alors qu'en français (les deux langues sont linguistiquement plus proches) il semble qu'il soit possible de réaliser des traductions plus proches du génie de l'original, plus fidèles à ce qu'entend une oreille portègne. Sara compte donc sur Bibi (5) pour lui réaliser une version en français - pour vous- de El Chamuyo en las milongas (la Tchatche ou Le gringue dans les milongas). Merci, Sara, d'avoir pensé à moi. Ta confiance et ton amitié m'honorent... C'est vrai qu'entre mon métier, mon blog, mes cours de tango, le bouquin qu'un éditeur du centre de la France m'a commandé pour 2010 (et que j'ai accepté avec plaisir), je m'ennuyais un peu... Alors si vous permettez, les lecteurs, puisqu'on est dimanche, je vais avancer le boulot tout de suite. En espérant faire d'une pierre deux coups. Si ça se trouve, ça vous donnera aussi envie d'aller lire ce livre...

On commence par le commencement. L'intro... en bilingue !

No es nuevo: la milonga tira, bailar el tango se convierte en una obsesión... se goza, se disfruta y también a veces se sufre. El tango es el único lugar del mundo donde dos extraños se unen en una situación de absoluta intimidad.

Ça n'est pas nouveau. La milonga vous en met jusque là, danser le tango se transforme en une obsession. On y prend du bon temps, on en profite, et parfois, aussi, on souffre. Le tango est le seul lieu au monde où deux étrangers peuvent s'unir dans une situation d'absolue intimité.

En este libro intenté plasmar una obsesión: historias de vida originadas y relatadas por los propios protagonistas, que son los hombres y las mujeres que fueron o van a las milongas de Buenos Aires, que no necesariamente son famosos, que son personas con un denomidador común: su pasión por el tango.

Dans le présent livre, j'ai cherché à donner forme à une obsession : histoires de vie conduites et relatées par leurs protagonistes eux-mêmes, qui sont les hommes et les femmes qui sont allés ou qui vont dans les milongas de Buenos Aires, qui en sont pas forcément des gens célèbres, qui sont des personnes avec un dénominateur commun : leur passion pour le tango.

En algunos casos son entrevistas grabadas; en otros se trata de la elaboración a través de mi recuerdo de las historias que me relataron. Cada uno de estos encuentros me llenó de placer y de emoción, reí, lloré y sobre todo aprendí de cada uno de ellos.

Dans quelques cas, ce sont des entretiens enregistrées, dans d'autres il s'agit d'une élaboration à travers le souvenir des histoires qu'on m'a racontées. Chacune de ces rencontres m'a remplie de plaisir et d'émotion, j'ai ri, j'ai pleuré et surtout j'ai beaucoup appris de chacune d'elles.

Muchas de las mujeres cuyas historias aparecen aquí tienen una coincidencia en sus vidas: son mujeres abiertas, inteligentes, y a las que les gusta jugar y tratar de comprenderse, que eligieron el camino del tango y la milonga como el lugar donde dejar volar sus ilusiones.

Beaucoup des femmes dont des histoires apparaissent ici ont un point commun dans leurs vies : ce sont des femmes ouvertes, intelligentes et qui aiment jouer et essayer de se comprendre, qui ont choisi le chemin du tango et de la milonga comme celui du lieu où laisser aller leurs rêves...

Los hombres de las milongas tienen un denominador comun: todos van por ellas, aunque quieran disimularlo.

Les hommes des milongas ont un dénominateur commun : tous y vont pour les femmes, même s'ils aiment (6) s'en cacher.

Esto no los hace ni mejores ni peores; sólo es un marco de referencia para poder entender este chamuyo de las milongas.

Cela en les rend ni pires ni meilleurs (7) ; c'est juste un cadre de référence pour pouvoir comprendre ce gringue des milongas.

Este libro no es un tratado, no es una investigación, ni pretende ser la única verdad. Sólo intenta abrir el fuego para reconocerse en alguna de estas historias.

Ce livre n'est pas un traité. Ce n'est pas une enquête. Il n'a même pas la prétention d'être l'unique vérité. Il n'essaye que d'ouvrir les réjouissances pour se reconnaître dans l'une ou l'autre de ces histoires.

Y como una buena parte de los personajes de hoy en las milongas de Buenos Aires son extranjeros y hablan inglés, es un libro bilingüe para que ellos también puedan entenderlo.

Et comme une bonne part des personnages d'aujourd'hui dans les milongas de Buenos Aires sont des étrangers et parlent anglais (8), c'est un livre bilingue pour qu'eux aussi ils puissent comprendre (9).
(Traduction de Denise Anne Clavilier)

(1) être à côté de la plaque (argot) : equivocarse
(2) Le corbeau sur un arbre perché / tenait en son bec un fromage. / Le renard par l'odeur alléché / lui tint à peu près ce langage...
(3) C'est déjà, en France, un savoir qui n'est pas si courant chez ceux qui se mêlent d'écrire ou de parler , notamment, hélas, de trop nombreux journalistes, qu'ils travaillent dans la presse écrite, sur les chaînes de télévision ou sur les ondes de radio. Et je en parle pas là que des seuls commentateurs sportifs, chez qui le problème est tragique pour l'avenir de notre langue. Et je ne parle pas d'Internet où le massacre de la langue de Molière tourne au culturocide...
(4) "gourbi", par exemple, est un mot arabe, adopté par les colons français au début de la colonisation de l'Algérie, au milieu du 19ème siècle, pour désigner avec mépris et racisme les habitations des "indigènes" (qui leur paraissaient sales, mal odorantes et dans lesquelles eux-mêmes n'auraient pas aimé vivre). Ce mot comporte aujourd'hui encore une bonne dose de mépris incompatible avec la majorité des sens du mot "bulín".
(5) Bibi : voz popular para hablar de uno mismo. En argot, uno mismo en primera persona se dice mézigue, tézigue en segunda persona (casi nunca se escuchar) y sézigue en tercera persona. No lo conozco al plural.
(6) ou "qui veulent". Distinction dont je discuterai le moment venu avec l'auteur et éditrice...
(7) encore une autre bizarrerie de l'art de la traduction : entre deux langues soeurs, de l'une à l'autre, l'ordre des mots peuvent changer du tout au tout...
(8) Donc ce n'est peut-être pas des Français. Des Belges, des Suisses, des Luxembourgeois entre autres et d'autres nationalités non francophones...
(9) ceci dit, rien ne vaut la VO. En tango, c'est comme au cinéma...