jeudi 30 juin 2011

Vers une industrie pharmaceutique nationale plus forte [Actu]

Une de Página/12 (le bandeau du bas est consacré à la distinction honorique remise à Estela de Carlotto au Paraguay hier)

Après un vote à l'unanimité à la Chambre des Députés, le Sénat argentin vient d'adopter à l'unanimité une loi qui réglemente et favorise la "Production Publique de Médicaments". Cette loi déclare "d'intérêt national" cette production, à travers le réseau des laboratoires publics, gérés par l'Etat, les Forces Armées, les Provinces et la Ville Autonome de Buenos Aires, de médicaments, vaccins et produits médicaux qu'elle définit comme des "biens sociaux", et non plus comme des marchandises quelconques.

Cette loi a pour objectif de favoriser le développement de la recherche appliquée en pharmacie en liant beaucoup plus étroitement les laboratoires existants avec les différentes universités du pays et demande aux pouvoirs publics, à tous les niveaux, national et provincial, d'appliquer dans leur politique d'achat de médicaments le principe de la préférence nationale. C'est en effet les pouvoirs publics qui achètent tous les consommables des hôpitaux publics, dont la gestion n'est pas autonome et qui sont souvent les distributeurs pharmaceutiques finaux, puisque l'hôpital en Argentine assure également le service de santé qui est en Europe confié à la médecine dite de ville.

Les décrets d'application, qui devront être pris par le ministère de la santé, réglementeront aussi les modalités de gestion des stocks dans les pharmacies publiques (c'est-à-dire majoritairement celles des hôpitaux et des dispensaires). On se souvient qu'on avait découvert il y a quelques mois à Buenos Aires des stocks de médicaments périmés, que le Gouvernement portègne avait achetés, entreposés et manifestement oubliés (volontairement ou non) au lieu de les distribuer pour les mettre à disposition des médecins dans les hôpitaux et les centres de santé de quartier. Ce qui avait défavorisé gravement de nombreux malades tout en engraissant les laboratoires privés et les grossistes d'import-export auxquels ils avaient été achetés sur des fonds publics.

Cette loi est aussi la conséquence d'un énorme scandale qui a éclaté il y a plus d'un an lorsqu'on a découvert une filière extrêmement bien organisée de distribution auprès des malades ou de leurs familles de médicaments de contrebande, contrefaits ou périmés et maquillés. Des personnes très haut placées dans le système sanitaire et social géré par des syndicats (la CGT des Routiers, une section dirigée directement par Hugo Moyano, le Secrétaire Général de la Centrale, et la Asociación Bancaria) ansi que des chefs d'entreprise ont été inculpés et certains d'entre eux sont sous les verrous, alors que la phase d'instruction est toujours en cours.

Après ce vote triomphal, reste à savoir si l'Etat argentin disposera des fonds nécessaires pour investir dans un secteur très gourmand en capitaux, même si l'ambition première s'affiche modeste et progressive, les médicaments concernés dans un premier temps étant ceux destinés à traiter les affections les plus courantes, selon les listes de traitement prioritaire définies par l'OMS en fonction des profils épidémiologiques régionaux, pour aller peu à peu, au fur et à mesure que le pays développera ses capacités scientifiques et technologiques, vers une recherche qui devrait inclure les traitements des maladies orphelines, une niche délaissée par le privé puisque non rentable à court terme mais propre à stimuler la recherche médicale et pharmacologique et donc le développement du savoir et du savoir-faire en Argentine.

Seul Página/12 parlait ce matin de cette loi votée pourtant à l'unanimité (ce qui n'est pas si fréquent). Il y consacre même sa une, avec cette image parodique qui fait pendant à celles que le même quotidien avait consacrée au scandale de la Mafia de los Medicamentos, il y a plusieurs mois. Clarín et La Nación, sur Internet en tout cas, sont muets sur le sujet.

Pour aller plus loin :

Un double CD pour fêter les 15 ans de La Chicana [Disques & Livres]

Le groupe La Chicana fête cette année ses 15 ans d'existence et vient de sortir à cette occasion un double album intitulé Revolución o Picnic, qui mêle des tangos très classiques et des morceaux contemporains, de Acho Estol, le compositeur du groupe, et d'autres musiciens, qui tous n'appartiennent pas à l'univers du tango.

En plus des musiciens de La Chicana, Patricio Bonfiglio au bandonéon, Pablo Clavijo au violon, Patricio Cotella à la contrebasse et Federico Tellechea aux percussions, Acho Estol et sa compagne, la chanteuse Dolores Solá, ont invités une foule d'autres artistes et mélangé les genres, pour aboutir à un album inclassable, bien digne de ce groupe qui ne rentre jamais dans aucun tiroir...

Acho Estol et Dolorés Solá et le reste du groupe présentera ce disque, tous les vendredis et samedis de juillet 2011, à 22h, au Centro Cultural Torcuato Tasso, Defensa 1575, à San Telmo, à partir de demain. Réservation à l'avance : 55 $. Entrée le jour même : 70 $.

Pour en savoir plus :

Estela de Carlotto déclarée Ciudadana Ilustre del Mercosur [Actu]

C'est seulement la deuxième personnalité à recevoir cette récompense internationale à l'échelle du sous-continent. Le précédent était celui de l'écrivain uruguayen Eduardo Galeano en 2008.

C'est à Asunción, capitale du Paraguay, où se tient le 41ème sommet du Mercosur, l'union économique régionale qui réunit presque toute l'Amérique du Sud, et des mains du Président Fernando Lugo, mais en l'absence de Cristina de Kirchner (1), que la Présidente de l'ONG Abuelas de Plaza de Mayo (Grands-mères de la Place de Mai) a reçu une distinction à laquelle elle a aussitôt associé l'ensemble de ses camarades de lutte et surtout les grands-mères qui sont maintenant décédées et dont beaucoup n'ont pas retrouvé le ou les petits-enfants qu'elles recherchaient. Elle a étendu cette attribution aux autres associations, à Madres, à HIJOS, à Familiares et "à tous ces autres organismes qui, en Argentine, ne baissent pas les bras".

“Esta misión lleva 34 años y me ha permitido recorrer el mundo y decir lo que digo siempre: Este dolor de un país es el dolor del mundo y el mundo debe hacerse cargo de que no vuelva a pasar”
Estela de Carlotto, Asunción, 29 juin 2011, citée par Página/12

Cette mission compte déjà 34 ans et m'a permis de parcourir le monde et de dire ce que je dis toujours : ce malheur d'un pays est le malheur du monde et le monde doit s'organiser pour que ça n'arrive plus jamais.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Elle a été récompensée "en reconnaissance de son labeur pour la promotion et le respect sans restriction des droits de l'homme, tout comme sa lutte permanente pour la mémoire, la verité et la justice" (traduction de Denise Anne Clavilier)

“en reconocimiento a su tarea en la promoción y el respeto irrestricto de los derechos humanos, así como a su permanente lucha por memoria, verdad y justicia”.
cité par Página/12

C'est l'occasion pour le quotidien de gauche argentin de développer une petite notice biographique, rappelant aussi la vie courte et tragique de sa fille, Laura, assassinée après avoir donné naissance à un enfant mâle qu'elle avait prénommé Guido, comme son père, le mari, aujourd'hui décédé, de Estela de Carlotto (elle qui a choisi de se faire connaître sous ce nom d'épouse, une pratique qui n'est pas si courante dans l'aire hispanique).
Clarín se contente, lui, du minimum syndical, avec un entrefilet d'à peine trois phrases. Qu'il place dans ses pages économiques (il faut penser à aller l'y chercher, tout de même).
Rien dans La Nación, en tout cas sur le site Internet.

Pour aller plus loin :

(1) La Présidente argentine a subi un coup sur la tête, sans grande gravité, mais qui a nécessité quelques points de suture au niveau du cuir chevelu, et elle a suivi les conseils de ses médecins qui lui ont demandé d'éviter pendant quelque temps les déplacements en avion. C'est le ministre des Affaires étrangères qui représente le pays. Là encore, les journaux d'opposition exploitent l'incident pour tenter de semer le doute sur la capacité de Cristina de remplir sa tâche ou la réalité de son engagement au service du pays.

mercredi 29 juin 2011

Josefina Rozenwasser présente son premier album solo au CCC ce soir [à l'affiche]


La chanteuse Josefina Rozenwasser, qui est la voix du Alan Haksten Grupp, présente ce soir, mercredi 29 juin 2011, à 20h30, au Centro Cultural de la Cooperación Floreal Gorini, Corrientes 1543, son premier album solo, intitulé Proyección.

Le disque se compose de classiques du répertoire et de morceaux beaucoup plus récents.

Elle est accompagnée sur le CD par 5 musiciens, Néstor Díaz à la guitare (il est aussi le directeur musical de l'album et son arrangeur), Matías Albamonte à la guitare, Alejandro Abbonizio à la contrebasse, María Florencia Prieto au violon et Agustín Uriburu au violoncelle. Adolfo Trepiana y est invité au bandonéon.

Entrée : 30 €.

Belle voix et artiste sans prétention, franche, directe, très jeune, qu'il faut découvrir. Le concert de ce soir est une bonne occasion.

mardi 28 juin 2011

Nouveau musée à San Telmo : 400 ans sous terre [à l'affiche]


C'est un musée qui vient s'ouvrir au 755 de la rue Defensa, à San Telmo, dans une maison qui date de 1830, sur un plan très typique du 19ème siècle à Buenos Aires, ces maisons que les Portègnes appellent casas de chorizo (maison en saucisse), parce qu'elles forment de fait comme une demi-maison traditionnelle, de la même manière que le chorizo (saucisse à rôtir, à ne pas confondre avec son homonyme espagnol) est coupé en deux dans le sens de la longueur pour être placé entre deux morceaux de pain et former ainsi le choripan (sorte de hot-dog criollo). La très belle maison traditionnelle est en effet construite sur le modèle de la domus romaine qui a inspiré le plan de l'habitat espagnol. Elle forme un rectangle fermé autour d'un patio central, autour duquel sont distribuées les pièces d'habitation, de service et de réception. Or la casa de chorizo n'a qu'un demi-patio, situé sur le flanc de la construction dont les pièces l'entourent sur trois côtés. La maison de Defensa 755 forme fait en fait partie d'un complexe plus important qui abrite désormais le musée, un complexe résidentiel constitué d'un mille-feuille de logis particuliers où l'on voit les traits de différentes époques et de différentes classes sociales, un ensemble à triple patio à la romaine, où se laisserait deviner la destination sociale des différentes parties du bâtiment comme dans la Rome antique : un premier patio réservé à la vie mondaine et sociale d'une famille de la haute société, un second, un peu plus retiré, réservé à la vie familiale des maîtres, et le plus retiré, le plus reculé, le plus caché, pour le menu fretin de la domesticité.

En dessous de la maison, le propriétaire, Jorge Eckstein, qui l'a achetée en 1983, a découvert à l'occasion d'un effondrement une énorme citerne, les restes d'une maison datant de 1732 et une construction souterraine et voûtée dont les archéologues lui ont confirmé qu'ils s'agissait de vestiges très anciens et donc d'une grande valeur historique pour Buenos Aires, qui est pauvre en éléments archéologiques : cette citerne et ces tunels sont en effet des travaux hydrauliques destinés à domestiquer le cours d'un arroyo à son point de confluent avec le Río de la Plata, el Tercero del Sur (le 3ème au sud). La maçonnerie de ces voûtes rappelle d'une manière frappante celle des acqueducs romains, or les parties les plus anciennes datent à n'en pas douter, d'après les archéologues, de l'année 1580, celle de la seconde fondation de la ville (en juin, l'hiver). Et cette maison est précisément située dans la dernière manzana (1) construite cette année-là par un propriétaire dont on a gardé le nom, Juan González. A cette époque initiale, la rive du Río de la Plata était à 150 mètres de là, donc vers ce qui est aujourd'hui le Paseo Colón, ce qui veut dire que tout ce qu'on appelle aujourd'hui le bajo Buenos Aires (le bas), avec le mythique palais des sports qu'est le Luna Park, et le vieux port (aujourd'hui Puerto Madero, ce chic quartier qui vient de se doter de son premier supermarché, voir mon article du 24 juin 2011 à ce sujet) étaient sous l'eau (2).

Les travaux hydrauliques qui ont été excavés et mis en valeur par les archéologues ont été réalisés, agrandis, réparés, entretenus et améliorés pendant 200 ans, de 1580 à 1780, sur commande des familles riches qui habitaient le coin. San Telmo était en effet alors un quartier patricien de grandes demeures (quintas) occupant généralement une ou plusieurs manzanas et c'est la grande épidémie de fièvre jaune de l'été 1871 qui a fait déserter ce quartier par la bonne société qui a préféré aller se réfugier dans le nord, à Recoleta (alors une campagne déserte autour d'un couvent de Récolets et son cimetière) et à Palermo, construit sur des terrains immenses confisqués à la famille Rosas-Ezcurra en 1852 (3), le nord étant jugé plus sain, moins infesté par les miasmes et mieux ventilé que le sud de la ville (4). Par ces travaux gigantesques, ces familles fondatrices ont dû vouloir, en quelque sorte, arranger leur "jardin", un peu comme Louis XIV le faisait presque à la même époque et avec des techniques assez semblables à Versailles. Pour des raisons de commodité et peut-être aussi d'esthétique, ils ont fait canaliser et enterrer ce cours d'eau pour l'effacer du paysage de surface, car il devait charrier bien des immondices (restes végétaux et animaux particulièrement nauséabonds puisque les gauchos, beaucoup plus en amont, jetaient dans les cours d'eau les carcasses des animaux dépecés et dont la viande n'était pas consommée puisque les bovins étaient élevés essentiellement pour leur cuir, et accessoirement pour la corne) et sans doute en réguler le débit (ces cours d'eau deltaïques sont très capricieux et ont toujours posé beaucoup de problèmes aux édiles portègnes : une grande partie de l'urbanistique de Buenos Aires ne se comprend qu'à la lumière de ce phénomène redoutable et redouté).

Ce musée, baptisé El Zanjón de Granados, le second nom qu'on a donné à cet arroyo une fois canalisé (le fossé des Grenadiers), a été classé par l'UNESCO, qui l'a inscrit à l'un de ses catalogues. Il dispose de quelques guides pour accompagner les visiteurs et semble conçu, pour autant qu'on en croit les photos de Néstor Sieira, selon une muséographie très moderne, avec de nombreux panneaux explicatifs, des patios utilisés comme des puits de lumière naturelle et un éclairage artificiel très étudié. Je brûle d'envie d'y mettre les pieds... Vivement le mois d'août !


L'autre trésor archéologique déjà découvert à Buenos Aires est un galion armé d'au moins deux canons qu'on a retrouvés, appartenant à la marine marchande espagnole de la fin du 17ème siècle, découvert en 2008, dans les fondations d'un programme immobilier de Puerto Madero, dans un bassin aujourd'hui disparu de l'ancien port. Il devrait être exposé à La Boca dans un bâtiment qui lui sera entièrement consacré (voir mon article du 12 janvier 2010 sur cette découverte précédente).

Pour aller plus loin :
lire l'article de Clarín
voir aussi le site Internet du musée lui-même (en espagnol et en anglais). De très belles photos, un plan en coupe où l'on voit bien le plan romain de l'ensemble du complexe qui occupe une bonne partie de la manzana.

(1) Pâté de maison formant un carré d'environ 100 mètres de côté. La manzana est l'unité de construction urbanistique des villes de l'Empire colonial espagnol. La cuadra (le côté du carré) est l'unité de mesure des distances dans la ville. Ce pourquoi la esquina (croisement de deux rues) devient un point de répère pour s'orienter dans cette ville, comme dans les grandes cités européennes les stations de métro.
(2) On prend très bien conscience de ce phénomène du recul de l'eau en visitant Buenos Aires pedibus jambus. C'est une expérience étrange et émouvante à faire, dans une ville de plaine comme la capitale argentine (et toute la région), que de quitter Puerto Madero pour se rendre au Luna Park et là s'engager dans Avenida Corrientes dont c'est le point de départ. Pour aller vous recueillir devant la mythique adresse tanguera du "Corrientes 3-4-8", l'octosyllabe inaugural du célèbre tango A media luz (à découvrir à la page 100 de mon anthologie bilingue, Barrio de Tango, ed. du Jasmin), il faut grimper une jolie pente qui serait classée épreuve de montagne dans le Tour de France. C'est que vous remontez en fait la rive anciennement immergé de l'ancien lit de ce fleuve gigantesque. Autrement dit, dans certaines projections sur les conséquences du réchauffement climatique, c'est un coin de Buenos Aires qui pourrait bien être menacé par une éventuelle montée des eaux.
(3) C'est à cause de la taille de cette immense propriété privée que Palermo est le quartier le plus étendu de Buenos Aires, alors qu'on aurait pu en faire deux quartiers différents. Mais non, on a gardé, malgré la haine contre le tyran, l'intégrité du domaine.
(4) En général, dans l'hémisphère nord, les quartiers pauvres se trouvent dans le nord des grandes villes, parce que les vents dominants vont vers le pôle, épargnant donc au habitants du sud les fumées et autres pollutions de l'air émises par la ville. Dans l'hémisphère sud, le phénomène est renversé. Les quartiers populaires se trouvent donc majoritairement au sud des villes, parce que c'est vers le sud que les vents entraînent les fumées et autres puanteurs de la ville. L'idée que le nord était mieux ventilé n'était donc pas une simple fantaisie pré-pasteurienne, même si cette fuite ne s'est guère révélée efficace contre le vecteur du fléau, un moustique transporté par les troupes démobilisées rentrées de la Guerre du Paraguay.

Pepe Mujica fait rouvrir 88 affaires de disparition [Actu]

En dessous du gros titre sur la Ley de Caducidad, vous reconnaissez les amis du River, dégringolés en seconde division dimanche après-midi

Hier, 27 juin 2011, les Uruguayens commémoraient le 38ème anniversaire du coup d'Etat militaire qui avait mis en place la longue dictature qu'ils ont subie entre 1973 et 1985 et contre laquelle l'actuel Président de la République avait pris les armes pour entrer dans la guerrilla urbaine.

C'est le jour que ce Président, José Mujica, a choisi pour annoncer qu'il allait utiliser son pouvoir exécutif pour faire rouvrir les enquêtes sur 88 cas de disparition sous la Dictature, en débit du maintien en vigueur de la Ley de Caducidad (loi d'amnistie), qui n'a été que légèrement amendée cet été à la suite d'une condamnation de 3 de ses articles par la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme (voir mon article du 25 mars 2011 au sujet de cette condamnation de l'Uruguay et mon article du 21 mai 2011 sur la tentative avortée d'abolir complètement la loi il y a un mois).

Aussitôt l'Armée a fait savoir son opposition en criant à l'acte anticonstitutionnel mais le Pouvoir Judiciaire semble avoir trouvé la parade en déclarant nuls tous les actes administratifs posés entre 1985 et 2005, ce qui enlève aux bourreaux qui pourraient encore être inquiétés par ces 88 enquêtes (parce qu'ils sont encore vivants) le bénéfice de cette loi d'amnistie derrière laquelle tous les criminels de la Dictature trouvaient jusqu'à présent à s'abriter. Et le Président a procédé par décret pour ouvrir aux autorités judiciaires les archives du ministère de la Défense pour les 88 dossiers sélectionnés, dont plusieurs concernent des parents de citoyens argentins ou de résidents en Argentine.

C'est une pétition de l'ONG HIJOS, qui rassemble en Argentine des enfants de disparus en Argentine, qui a déclenché cette décision à la Présidence de la République uruguayenne, dont rien pour le moment ne nous assure qu'elle pourra aller à son terme, la résistance des Uruguayens à faire la lumière sur ce passé douloureux étant beaucoup plus forte que dans les pays qui les entourent, lesquels mènent progressivement en oeuvre les procès des criminels toujours en vie.

Pour aller plus loin :
lire l'article d'hier de La República, annonçant la décision de Mujica
lire l'article d'aujourd'hui de La República sur le décret sur l'extraction des dossiers
lire l'article de El País (le quotidien de Montevideo, et non celui de Madrid)
lire l'article de Página/12 (quotidien argentin favorable à la recherche de la vérité sur les crimes des dictatures)
lire l'article de Clarín (quotidien argentin nettement plus circonspect sur ces affaires politico-judiciaires).

lundi 27 juin 2011

Les deux derniers concerts de Taquetepa en France avant le retour à Buenos Aires [ici]


Le trio Taquetepa, formé par le guitariste argentin Daniel Pérez, le contrebassiste Fabrice Gouterot et la flûtiste Marie Crouzeix, donnera un tout dernier concert en Auvergne le samedi 2 juillet 2011 à 20h à la Salle des Fêtes de Bongheat, dans le Puy de Dôme, avec un programme mêlant empanadas, dulce de leche, alfajores et chacarera (laquelle est une danse et une musique folklorique argentine et non pas une spécialité gastronomique comme les trois précédents), le tout arrosé de Malbec, le cépage et le vin rouge favori des Argentins.

Le 9 juillet 2011, ils reviennent à Paris et se produiront à La Bellevilloise, le restaurant et lieu de rencontres culturelles, du 19-21 rue Boyer, dans le 20ème arrondissement, à 20h.

Canciones de Cuna déclaré de Interés Cultural par la Legislatura Porteña [Disques & Livres]

Le disque Canciones de Cuna (Berceuses), édité il y a quelques mois par la Casa de la Cultura de la Calle (Maison de la Culture de la Rue), grâce à l'appui de nombreux artistes du rock argentin, pour faire connaître des textes de berceuse écrits par des enfants et adolescents désocialisés, recevra ce soir une haute distinction de la Legislatura Porteña, la chambre législative de la Ville Autonome de Buenos Aires.

Le disque a été effet été déclaré de Intéres Cultural par une loi votée par cette chambre.

La distinction sera remise ce soir, lundi 27 juin 2011, à 18h, dans le Salón Montevideo du Palais législatif, situé dans la rue Perú (au numéro 160, juste à côté du carrefour avec Avenida de Mayo).

Le disque, dont je vous ai annoncé la sortie le 28 mars 2011, est vendu au profit de l'association Casa de la Cultura de la Calle, dans les supermarchés Disco. Les informations sont disponibles sur le site Internet que l'association a ouvert pour le disque, qui aura peut-être un jour un petit frère avec tous les artistes qui avaient donné leur consentement à l'opération et dont leurs engagements ne leur ont pas permis d'y participer au dernier moment.

Pour en savoir plus :

Catastrophe du week-end : River Plate retrogradé en seconde division [Actu]

C'est la catastrophe du week-end, l'événement redouté depuis mercredi, le désastre impensable après 110 ans de première division sans solution de continuité, la disgrâce contre laquelle Diego Maradona lui-même avait invoqué l'aide de tous les saints du football, et Dieu sait pourtant qu'il n'a jamais porté ce club dans son coeur ! Hier, en fin d'après-midi, ce dimanche 26 juin 2011, qui restera marqué dans l'histoire, l'équipe de football du Club Atlético River Plate, plus de 30 fois championne d'Argentine, a été rétrogradée en seconde division du classement national après le match à domicile disputé contre le club de Belgrano (non pas l'équipe du quartier homonyme à Buenos Aires mais celle d'un club sportif de Córdoba), un match nul au score lamentable de 1 à 1. "C'est un jour de deuil pour le football argentin", déplore, avec des phrases lyriques, ma foi fort bien tournées, le commentateur sportif de TN, Horacio Pagani.

Il avait été question que ce match, à l'enjeu si symbolique, soit organisé à guichets fermés, sans public. Le Gouvernement national avait finalement pris le risque de le faire jouer en public. Dans tous les cas de figure, à partir du moment où River perdait ou faisait match nul et était ipso facto rétrogradé, avec public ou sans public dans les tribunes, le risque était grand de voir la ou les foule(s) se déchaîner aux abords du stade et faire ce qu'on appelle là-bas un malón, d'un vocable, habilement reconverti pour l'univers des hooligans, que les Portègnes des 17 et 18èmes siècles donnaient aux attaques surprises indiennes très meurtrières dont ils étaient la cible (1). En cas de match à huis clos, il aurait même été possible que des casseurs se manifestent dans tous les quartiers de Buenos Aires (il y a des supporters du River partout dans toute la ville). Les incidents ont commencé avant même le coup de sifflet final et le quartier de Nuñez, qui abrite le stade Monumental, dont River, auquel s'identifient à la fois Nuñez et Palermo, est l'équipe résidente, s'est enflammé dans une nuit d'hiver glacée (une masse d'air polaire couvre actuellement Buenos Aires, où la sensation thermique atteint le jour les – 2° Celsius, tandis que la température mesurée se situe objectivement entre 1 et 2°).

A l'heure de son bouclage, Clarín annonçait déjà 65 blessés, dont 40 spectateurs et 25 policiers. Pour La Nación, qui boucle un peu plus tard dans la nuit, le bilan s'élevait à 89 blessés, dont 4 dans un état grave, soit 39 policiers et 50 particuliers. Il y aurait eu au moins 50 arrestations, ce qui ne veut pas dire que ces 50 là sont tous des casseurs.

Le stade a été fermé jusqu'à nouvel ordre par décision de justice, pour rendre possible l'enquête sur les violences consécutives au match.

De nombreux commerces, le long de la Avenida del Libertador, énorme artère au trafic infernal qui traverse tout Nuñez, Recoleta et Palermo, tout au nord de la Ville, et qui relie l'ouest de Buenos Aires à ce stade mythique, ont été saccagés : vitrines défoncées, marchandises volées, enseignes hors d'état de marche.

Le rectangle en berne, en bas et à droite, c'est le dessin du jour. La reprise, version deuil, du maillot de River, qui est blanc barré de rouge en diagonale. Juste au dessus, en bleu, le Belgrano saluant la victoire.

Seuls les sites Internet de Clarín et de La Nación relatent ces faits, sportifs et sociaux. Le site de Página/12 est muet sur la question, aussi bien sur le premier que le second aspect. En revanche, les versions imprimées des trois quotidiens font la part belle à ce match et à ses conséquences, Clarín et La Nación profitant bien entendu des graves incidents de la nuit pour en faire porter la responsabilité au Gouvernement. Dans cette campagne électorale où la candidature de l'actuelle présidente vient d'être dopée par l'incroyable habileté de sa communication (voir mon article d'hier et celui du 22 juin 2011 à ce sujet), si le match avait eu lieu dans un stade vide et qu'il avait donné lieu, malgré cela, à des dégradations dans la rue, lorsque les hordes de supporters sont sortis des cafés et des maisons particulières où les gens se sont rassemblés pour assister, collectivement, au match, vous vous doutez bien que les critiques de deux quotidiens contre les pouvoirs publics auraient été sensiblement les mêmes. Il fallait donc que River gagne pour que le Gouvernement soit à l'abri de leurs coups et de ceux des autres candidats, le radical Ricardo Alfonsín s'étant empressé de faire porter le chapeau à Cristina Fernández de Kirchner qui le précède dans les intentions de vote de plus de 30 points...

La ville de Buenos Aires compte au moins un club de foot par quartier (il y a 48 quartiers) et la majeure partie d'entre eux rémunèrent des joueurs professionnels. River Plate et Boca Juniors sont les deux équipes les plus prestigieuses de la ville (et même du pays), ce sont aussi deux équipes socialement, culturellement et géographiquement antagonistes, au style profondément différent l'un de l'autre, italien en diable (façon Naples), très populaire et même plébéien à Boca, beaucoup plus collet-monté et nettement plus anglais à River (même si l'on voit ce matin le Président de River s'exprimer avec la langue châtiée d'un aventurier du Far-West revu et corrigé par Goscinny dans Lucky Luke), avec un budget constitué à hue et à dia à Boca (et pas mal de corruption à la clé) et un budget somptuaire et patricien, un peu plus propre, à River.

C'est donc le club riche, le club de la gentry, de l'establishment, de la haute société (ou les gladiateurs mercenaires censés porter leurs couleurs), le club des beaux quartiers, dans un pays où la pauvreté reste largement prégnante, qui vient de subir cette humiliante défaite, encore inconcevable il y a seulement quelques jours. Le choc subi par les Portègnes hier soir et ce matin est à peu de choses près à l'échelle de la stupeur qui a frappée la France à l'aube du 15 mai dernier, lorsque nous avons appris qu'il s'était passé quelque chose de grave (et de particulièrement ignoble) dans un Novotel de Manhattan...


La comparaison des unes des trois journaux (cliquez sur les images pour les obtenir en résolution plus haute) mériterait une longue étude sur la manière dont la presse influe sur l'opinion. Remarquez sur la une de Clarín la relégation dans les manchettes de bas de page des trois faits politiques majeurs de ce dimanche : la prise de distance de la CGT argentine vis-à-vis de l'actuel (et sans doute futur) Gouvernement national et le résultat de deux élections provinciales à chaque extrémité du pays. En Terre de Feu, au sud, la Gouverneur sortante va devoir affronter la candidate kirchneriste au second tour (elle demeure néanmoins favorite). Dans la Province de Misiones, dans l'extrême nord, c'est le candidat kirchneriste qui l'emporte haut la main, comme le proclame et le montre la première page de Página/12. Quant à La Nación, elle préfère utiliser "le poids des mots et le choc des photos" (mais dans l'ordre inverse, les images avant les mots) pour mettre en avant les incidents d'après-match plutôt que le résultat sportif lui-même, dont, en fait, elle se fiche passablement, il faut bien l'avouer.
Clarín, lui, ne s'en fiche pas, mais alors pas du tout. Clarín est aussi lié à une chaîne de télévision intégrée dans la holding du groupe de presse dirigé par la famille Noble, et le foot à la télé, c'est d'abord une question de gros sous, en Argentine aussi ! Vous trouverez d'ailleurs sur son site Internet de très nombreuses vidéos du match mais également un clip reprenant l'analyse de Horacio Pagani, laquelle aurait pu inspirer à Verdi, s'il vivait encore, l'un de ses plus nobles airs d'opéra pour voix de baryton. A côté de ça, nos commentateurs sportifs peuvent bien aller se rhabiller, et je le dis très sérieusement. Parce que le foot, c'est très sérieux en Argentine (2). Quant à Página/12, comme on peut s'y attendre, la une ne parle que du résultat sportif et encore, sans gros titre, lequel est réservé aux affaires politiques, mises en relief par le déplacement exceptionnel du nom du journal (il n'en va sans doute pas tout à fait de même dans les pages intérieures, où l'événement est manifestement bien commenté, mais pour m'en assurer, il faudrait que je dispose de la version imprimée qui n'est pas disponible en Europe).

Pour aller plus loin :
Lire l'analyse sportive de La Nación
Lire l'article de Clarín sur les déclarations du président du River ("je ne partirai que les pieds devant". Qu'avec élégance, ces choses-là sont dites, n'est-ce pas ?)
Lire l'article de La Nación sur ces mêmes déclarations du sieur Daniel Passarella
Lire l'article de Clarín sur les incidents et les dégradations d'après-match
Lire l'article de La Nación sur le même sujet
Lire l'article de Clarín sur la fermeture judiciaire du Estadio Monumental (en substance : tout ça, c'est la faute au Gouvernement)
Lire l'article de La Nación sur la responsabilité du Gouvernement dans l'affaire
Lire l'article de La Nación sur les déclarations de Ricardo Alfonsín, adversaire déjà malheureux de Cristina de Kirchner dans la course à la Présidence de la République.

(1) Les premières attaques avaient même conduit les Espagnols à abandonner dès 1540 le village vaguement fortifié qu'un été, ils avaient fondé là et pieusement placé sous le patronage de la Vierge sarde de Bonaria, le 2 février 1536. Ils n'allaient revenir qu'en 1580 pour refonder la ville, un Dimanche de la Trinité, à l'automne. Mais le double patronage de la Vierge et de la Sainte Trinité n'a jamais protégé cette enclave espagnole, sise à l'embouchure du Riachuelo et du Río de la Plata, de l'épuisant harcèlement des autochtones, que les criollos finirent, après l'indépendance, par massacrer en les repoussant toujours davantage vers le sud, en deux grands campagnes du désert, menées l'une par Juan Manuel de Rosas au début des années 1830 et l'autre par le Général Roca trente ans plus tard.
(2) Allez donc lire ce formidable poème que le Maestro Héctor Negro a consacré à cette institution argentine qu'est le fútbol dans Desde el tablón (depuis les gradins) et que j'ai présenté, en version bilingue, dans Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango, publié en janvier 2011, chez Tarabuste Editions, revue Triages, Supplément 2010, avec le soutien du Centre National du Livre. Il est à la page 100.

Exposition sur le centenaire de Gallimard à Buenos Aires : ça eut payé [à l'affiche]

Jusqu'au 11 juillet 2011, à la Casa de la Cultura del Fondo Nacional de las Artes (Rufino de Elizalde 2831) et à la Villa Ocampo (Elortondo 1837, à Beccar, dans le Gran Buenos Aires), ainsi qu'à la Biblioteca Nacional (Agüero 2502) jusqu'au 13 juillet à cette adresse, se tient dès aujourd'hui une triple exposition sur les 100 ans de la maison d'édition française Gallimard, en cette année où Buenos Aires est Capitale mondiale du Livre et où elle veut en profiter pour rendre hommage à une institution française qui a pris une grande part au dialogue culturel entre la France et l'Argentine et à la diffusion de l'oeuvre d'un bon nombre d'écrivains argentins dans le monde francophone.

Pour l'occasion, le quotidien Página/12 publie une interview du Secrétaire Général de Gallimard, Alban Cerisier, tout en déplorant par la même occasion que la politique éditoriale de la prestigieuse maison d'édition ne fasse plus cette belle place à l'Argentine et à l'actualité de sa vie littéraire et culturelle actuelle si vigoureusse, pour ne pas dire (elle est plus diplomate que moi et sans doute en admiration devant ce qu'elle imagine être la vie intellectuelle de la France contemporaine) que Gallimard tourne carrément le dos à ce pays, bien triste réalité que j'ai pu à deux reprises et à trois ans d'intervalle recueillir des preuves irréfutables, et ce malgré l'enthousiasme du directeur d'une des collections de la maison, et non la moindre. En revanche, pour ce qui est de voyager jusqu'à l'autre bout du monde pour se faire célébrer par ceux-là même à qui l'on tourne le dos, il semble bien qu'il n'y ait pas d'obstacle insurmontable. Symptôme d'un repli frileux de la France sur elle-même de bien mauvais augure pour l'avenir culturel de ce pays dont l'honneur et la fierté a toujours été d'être en Europe l'un des carrefours des cultures du monde entier depuis Louis XIV, qui ont fécondé la vie artistique et intellectuelle du pays.

L'exposition du Fondo Nacional de las Artes, qui est la manifestation centrale, est intitulée Gallimard, 1911-2011. Un siglo de edición... y de amistades franco-argentinas.
L'exposition installée à Beccar tourne autour de l'oeuvre et de la figure de l'écrivain Victoria Ocampo (1). Elle est intitulée Literatura y otras pasiones: Victoria Ocampo y los escritores de Gallimard.
Celle de la Biblioteca Nacional est consacrée à Jean-Paul Sartre, un intellectuel qui a sans doute marqué plus durablement les Argentins que les Français, auprès desquels il n'est finalement plus très en vogue. Ce volet de la manifestation s'intitule Sartre en Argentina, correspondencia visible e invisible.

Silvina Friera, qui fait preuve à travers son article d'une profonde connaissance de l'histoire de la maison d'édition et des richesses de son catalogue centenaire ou, du moins, d'une lecture attentive de la documentation promotionnelle qu'a sans doute distribué Gallimard à la presse locale. Il y a en France bien des journalistes et dans les colonnes des meilleurs titres qui en disent (ou en savent ?) beaucoup moins que ce qu'elle expose dans son article.

Dans le même temps, s'ouvre à la Alianza Francesa, Córdoba 946, un petit festival de cinéma documentaire consacré à la ville de Paris, en coordination entre l'Institut Français (que dirige Xavier Darcos depuis sa création en janvier dernier), l'Ambassade de France en Argentine, le Ministère de la Culture Portègne (Hernán Lombardi), avec l'appui du Ministère de la Culture et de la Communication de la République Française et la Ville de Paris, dans le cadre de l'opération Tandem Paris-Buenos Aires 2011 dont le moins qu'on puisse dire est que la capitale française ne s'est guère mise en frais de communication en faveur du grand public parisien sur cette opération conjointe.

Pour aller plus loin :
lire l'interview d'Alban Cerisier dans Página/12

(1) Victoria Ocampo fut et demeure l'une des grandes figures de la vie intellectuelle des beaux quartiers de Buenos Aires au 20ème siècle. Elle a participé au Cercle littéraire Florida, que fréquentaient aussi Borges et Bioy Casares dans les années 20 et 30. Ce cercle a la réputation, pas vraiment juste d'ailleurs, d'avoir promu une littérature élitiste, alors que son opposé, le Cercle Boedo, fréquenté par des anarchistes et des militants ouvriéristes, travaillait au contraire à promouvoir la culture populaire et comptait parmi ses membres quelques uns des très grands auteurs de la toute première vague du tango canción. En fait, il semble bien qu'il existait pourtant quelques ponts ainsi que des échanges cordiaux entre les deux groupes ou certains de leurs membres.

Las Minas del Tango reo demain à Clásica y Moderna [à l'affiche]

Demain soir, mardi 28 juin 2011, à 21h30, les chanteuses Lucrecia Merico et Valeria Shapira, accompagnées de leur guitariste habituel, Juan Ignacio Nacho Iruzubieta, donneront leur récital théâtralisé à deux voix, de tangos faubouriens des années 20 et 30, à Clásica y Moderna, Callao 892, le Bar Notable que vous connaissez bien et qui continuera d'accueillir en juillet les deux concerts phares de cette saison que sont pour lui le duo Susana Rinaldi (chant) et Leopoldo Federico (bandonéon), qui continuent à présenter ainsi leur disque commun (Vos y yo), et l'autre duo, formé par les chanteurs Amelita Baltar et Horacio Molina, chacun accompagné par ses propres musiciens.

De quoi bien occuper les longues soirées d'hiver.

dimanche 26 juin 2011

La lettre ouverte de Estela de Carlotto à son petit-fils pour son 33ème anniversaire [Actu]

Vendredi dernier, les enfants Noble Herrera sont allés à l'hôpital Durand donner des prélèvements de sang et de salive comme ils s'y étaient engagés à travers leur déclaration en justice par laquelle ils prétendaient vouloir accéler la confrontation de leur ADN avec celui de toutes les familles en recherche d'un enfant volé pendant la Dictature. Comme Estela de Carlotto, la Présidente de l'ONG Abuelas de Plaza de Mayo, avait dit le redouter dans une récente interview à Página/12 (voir mon article du 22 juin 2011 à ce sujet), sitôt arrivés à l'hôpital, ils n'ont pas cessé de réclamer des traitements de faveur, refusant en particulier que leurs prélèvements soient remis à la Banque Nationale des Données Génétiques, qui a le monopole légal des comparaisons d'ADN. Il a fallu parlementer avec eux pour les amener à consentir à la procédure ordinaire. Ils auront passé en tout 9 heures dans l'établissement hospitalier, pour de simples prélèvements, quelques signatures et la pose de scellés pour garantir la procédure.

Au lendemain de cette très éprouvante énième péripétie de ce dossier interminable, Estela de Carlotto publiait ce matin, dans Página/12 un petit billet adressé à son petit-fils, qu'elle appelle Guido, et qu'elle ne connaît pas.

Voici cette lettre :

A mi querido nieto Guido
Por Estela de Carlotto

Buenos Aires, 26 de junio de 2011
Hoy cumples 33 años. La edad de Cristo como decían, “decimos”, las viejas. Con esta inspiración pienso en los Herodes que “te mataron” en el momento de nacer al borrar tu nombre, tu historia, tus padres. Laura (María), tu madre, estará llorando en este día tu crucifixión y desde una estrella esperará tu resurrección a la verdadera vida, con tu real identidad, recuperando tu libertad, rompiendo las rejas que te oprimen.

Querido nieto, qué no daría para que te materialices en las mismas calles en las que te busco desde siempre. Qué no daría por darte este amor que me ahoga por tantos años de guardártelo. Espero ese día con la certeza de mis convicciones sabiendo que además de mi felicidad por el encuentro tus padres, Laura y Chiquito y tu abuelo Guido desde el cielo, nos apretarán en el abrazo que no nos separará jamás.
Tu abuela, Estela.

A mon cher petit-fils Guido
par Estela de Carlotto

Buenos Aires, 26 juin 2011
Aujourd'hui, tu as 33 ans. L'âge du Christ comme disaient, comme nous disons, nous, les vieilles (1). Ceci m'inspire une pensée à l'égard des Hérodes qui t'ont tué (2) au moment de ta naissance en effaçant ton nom, ton histoire, tes parents. Laura (Marie), ta mère, a dû pleurer ta crucifixion ce jour-là et depuis une étoile elle doit attendre ta résurrection vers la véritable vie (3), avec ta vraie identité, ta liberté recouvrée, les grilles qui t'oppriment rompues.

Cher petit-fils, que ne donnerais-je pas pour que tu te matérialises dans ces mêmes rues où je te cherche depuis toujours. Que je donnerais-je pas pour te donner cet amour qui m'étouffe avec toutes ces années passées à le garder pour toi. J'attends ce jour avec la solidité de mes convictions, sachant que en plus de mon bonheur de la rencontre, tes parents, Laura et Chiquito et ton grand-père Guido du haut du ciel, nous serreront dans leur bras dans cette étreinte que ne nous séparera jamais.
Ta grand-mère, Estela
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Comment, à la lecture de ce billet, ne pas penser à ce magnifique tango que l'on doit au poète Alejandro Szwarcman et au compositeur Javier González qui traite de ce sujet tragique, Pompeya no olvida (Pompeya n'oublie pas), que je présente, en version bilingue, dans mon anthologie, Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango, parue fin janvier 2011 dans la revue Triages, chez Tarabuste Editions.

Pompeya no olvida raconte, par le prisme du poète lui-même, avec ses souvenirs d'adolescent et de jeune adulte dans ces années-là, la recherche, non pas d'un petit garçon mais d'une petite fille. Et la grand-mère ne s'appelle pas Estela mais Beatriz, une grand-mère évoquée à la fin du tango et qui représente toutes ces militantes de Abuelas. En voici la dernière strophe...

[...] Abril se quedó suspendido en la siesta,
me veo en la anchura de un mar de adoquín.
Un torpe camión se sacude en la cuesta
y escapa la sombra de aquel chiquilín.

Yo era esa sombra mirando la tarde
y a veces me da por pensar que en abril
pasó por Pompeya un fantasma cobarde
llevándose pibas carita de anís.
Alejandro Szwarcman

[...] La sieste a annulé avril
Je me vois dans l’étendue d’un océan de pavés.
Un camion pas rapide cahote sur la côte
Et s’échappe l’ombre de ce pitchounet.

C’était moi cette ombre qui regarde le soir
Et parfois ça me fait penser qu’un jour d’avril
A passé par Pompeya un lâche fantôme
Qui emportait des gamines au visage d’anis.
(Traduction Denise Anne Clavilier,
in Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du Tango)

A écouter chanté par la voix brûlante de Patricia Barone, accompagnée de Javier González et leurs musiciens sur leur disque, intitulé Pompeya no olvida, et ici dans une autre version, où la chanteuse se place sous la direction de Pepo Ogivieki, grâce à Todo Tango, le site encyclopédique argentin consacré au tango par Ricardo García Blaya.

Le billet de Estela de Carlotto paru ce matin dans Página/12 est accessible sous le lien.

(1) Las viejas peut s'entendre de deux manières différentes. Il peut s'agir des personnes âgées et c'est bien sûr le cas. Mais vieja, c'est aussi la mère. Et bien entendu, Estela de Carlotto est aussi une mère.
(2) Allusion limpide en Argentine, beaucoup moins en France (en Belgique et en Suisse, c'est sûrement mieux connu) à un épisode de l'enfance du Christ, le massacre des innocents, le massacre des enfants mâles âgés de moins de deux ans ordonné par le roi Hérode l'Ancien dans le village de Nazareth, où les mages venus d'Orient viennent de lui annoncer qu'était né un certain roi des Juifs. Cela fait parfaitement partie de la culture de tout le monde en Argentine. Ce n'est plus le cas en France.
(3) A noter la manière de détourner le vocabulaire théologique. Lorsque le discours chrétien rapproche crucifixion, résurrection et véritable vie, il fait allusion à la vie d'après le Jugement dernier. Jamais, au grand jamais, la vie sociale et psychique à laquelle elle va maintenant se référer. Et pourtant elle ne commet aucune offense à l'expression de foi orthodoxe et ce n'est en aucun cas son objectif non plus. Comme savent admirablement le faire les Argentins, elle place tout ce matériel conceptuel dans un autre contexte. Et c'est parlant, sans être choquant pour personne.

Il a voulu Buenos Aires, il aura le Sénat [Actu]


Sans surprise mais en gardant néanmoins le suspense jusqu'à 19h15, hier, dans sa résidence de Olivos, la Présidente argentine a annoncé qu'elle se présenterait le 14 août aux primaires du PJ en compagnie de Amado Boudou, le favori des politologues argentins depuis la désignation du sénateur Daniel Filmus et du ministre du Travail, Carlos Tomada, pour la candidature au Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, auquel le ministre de l'Economie avait un temps fait savoir qu'il s'intéressait.

Et à moins qu'un séisme politique fort peu probable se produise d'ici le 23 octobre, Amado Boudou sera bien, en décembre prochain, le nouveau Président du Sénat, puisqu'il sera le Vice Président.

Amado Boudou a fait un parcours politique sans faute jusqu'à présent, mettant en oeuvre, avec enthousiasme et une bonne dose d'originalité, la politique voulue par Cristina Fernández de Kirchner. C'est ce qu'elle a elle-même souligné hier, devant un parterre de 2000 invités où l'on a remarqué le foulard blanc de Hebe de Bonafini, la Présidente de Madres de Plaza de Mayo (1), et le visage de Hugo Moyano, le Secrétaire général de la CGT, écarté des prochains commices (2), en révélant que c'est lui, le brillant économiste, qui lui a proposé la décision de supprimer le régime de retraite par capitalisation en 2008, après la crise de Wall Street, une décision qui avait déjà été envisagée par Néstor Kirchner lui-même, lequel n'avait pas pu la mettre en place parce que l'opportunité ne s'en était pas présentée. Elle a aussi rendu hommage à son action à la tête du ministère de l'Economie, un ministère jusqu'à présent technique et peu efficace où il est en train de régler les problèmes récurrents de dette extérieure nationale, et à son courage politique, lorsqu'il s'oppose aux excès de certaines revendications des partenaires sociaux (pour autant qu'on puisse les désigner par ce terme en Argentine, où syndicats salariés et organisations patronales sont à couteaux tirés en permanence).

La presse quotidienne adopte bien entendu un ton différent selon sa position sur l'échiquier politique, cela ne surprendra pas les fidèles lecteurs de Barrio de Tango, qui savent d'avance que Página/12 présente ce matin des articles dithyrambiques sur le jeune ministre, dont il loue la capacité d'évolution et l'adaptation aux changements intervenus en Argentine ces dernières années, tandis que Clarín et La Nación déversent, autant qu'ils le peuvent, des propos venimeux, faisant même écho aux déclarations amères et définitivement hostiles de Julio Cobos, l'actuel Vice Président radical, dont la politique a fini par échouer complètement et qui se retrouve aujourd'hui totalement et peut-être définitivement marginalisé au sein de son propre parti, l'UCR. Même le choix des photos vous permet de connaître la position du quotidien : des personnages rayonnants dans Página/12, des moues et des grimaces ridicules dans les deux autres titres. Et ça va durer comme ça jusqu'à la fin octobre !

Pour aller plus loin :

(1) actuellement dans l'oeil du cyclone, à cause d'un scandale de malversations financières récemment mis à jour dans la gestion de la fondation qui mène les campagnes de construction de logements sociaux de l'ONG un peu partout dans le pays (voir mes articles précédents sur le thème de Madres). A son entrée dans la salle de conférence, Madame Bonafini a été chaleureusement applaudie.
(2) Ce fait que la Présidente ait écarté cette année ce syndicat (qui est le poids lourd du péronisme depuis 1944) provoque beaucoup de questions chez les analystes de la vie politique argentine... ainsi qu'une polémique enflammée chez les adversaires politiques de l'actuel Chef de l'Etat. On peut interpréter de trois manières différentes ce virage dans sa stratégie politique.
Soit, c'est l'explication à court terme, la plus simple mais sans doute la moins convaincante, Cristina a écarté Moyano parce qu'il est compromis dans ce scandale financier pour lequel un juge suisse veut le poursuivre.
Soit la Présidente a décidé de s'écarter de la CGT pour s'appuyer désormais sur un autre allié, le mouvement La Campora, dirigé par son propre fils, et dans ce cas, serait-ce pour instituer un pouvoir personnel et le munir de contreforts sûrs tout en palliant la disparition de son mari, ancien Président, Néstor Kirchner, auquel, neuf mois après sa disparition, elle continue de faire référence dans chaque prise de parole publique ? Auquel cas, nous serions bel et bien en train d'assister à une tentative de mise en place d'une dynastie familiale type Kennedy mais à la mode argentine, avec déjà le fils ici et la belle-soeur ailleurs. Pourtquoi pas ? Ce ne serait sans doute pas de bonne augure pour le développement d'une saine démocratie mais on ne peut pas exclure une telle stratégie de conquête et de maintien au pouvoir, qui entrerait en compétition frontale avec les traditionnelles puissances de l'argent, qui gouvernent elles aussi le pays, mais en dehors, et parfois contre, les institutions constitutionnelles Cela s'est passé ainsi dans de nombreux pays européens quand nous sommes passés de l'Ancien Régime aux régimes post-révolutionnaires. La France n'a-t-elle pas été tentée par l'insitution d'une nouvelle dynastie impériale ?
Soit enfin la Présidente essaye de séparer l'action syndicale de l'action gouvernementale, qui sont de deux natures différentes, et cherche à mettre en place les conditions techniques et politiques d'un vrai dialogue social, entre partenaires sociaux, comme cela existe en Europe Atlantique, comme source première du droit social. Ce n'est pas non plus impossible. Elle a suffisamment de connaissance de la manière dont les choses se passent dans l'Union Européenne pour s'inspirer d'une telle évolution. Lors de son discours d'investiture devant le Congrès, le 10 décembre 2007, elle avait annoncé clairement qu'elle veillerait au développement des droits des travailleurs mais qu'elle n'entendait pas être "le gendarme" des relations sociales ni intervenir dans les conflits sociaux qui devaient trouver leur solution sur le terrain et non pas à travers un interventionisme d'Etat. Or, au cours de ce premier mandat qui s'achève, elle a effectivement renforcé le droit du travail (j'ai rendu compte de plusieurs de ses réformes dans Barrio de Tango) et elle éloigne à présent le syndicat historique sur lequel le péronisme s'est toujours appuyé. Il y a là une certaine cohérence et dans ce cas, ce serait de bon augure pour la suite de la restauration démocratique en Argentine. Le second mandat permettra sans doute de lever le doute, lequeln à ce stade, n'est pas de nature à poser la moindre hypothèque sur la plus que probable victoire de Cristina le 23 octobre prochain.

samedi 25 juin 2011

La chanson de campagne de Pino Solanas est une murga... à écouter sur le site de La Nación [Actu]

Le sénateur et cinéaste Fernando "Pino" Solanas, à la tête de Proyecto Sur (Projet Sud), un parti politique issu du PSA (Partido Socialista Argentino), l'un des nombreux partis se réclamant du socialisme dans le pays, vient de faire connaître la chanson qui accompagnera sa campagne électorale pour briguer la direction du Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, où, dans les sondages, il arrive très, très loin derrière Mauricio Macri et son challenger, Daniel Filmus, qui n'est pas sans espoir de provoquer une élection à deux tours, un fait très rare dans le sous-continent, sur des scrutins uninominaux de cette nature (gouverneurs et chefs d'Etat).

Il s'agit d'une murga, ces chansons de carnaval qui sont caractérisées par la force de leur critique sociale et leur humour, à travers des jeux de mots, des pastiches, des allusions à des situations connues de tous.

Et, ô surprise, c'est le quotidien La Nación qui présente la chose à ses lecteurs, pour s'en moquer, naturellement puisque La Nación se situe sur une ligne politique frontalement opposée à celle de Pino Solanas.

Le texte promet de nettoyer la ville de Buenos Aires, au propre (c'est le cas de le dire) et au figuré (allusion aux pratiques de corruption déjà plusieurs fois dénoncées du présent Gouvernement portègne) et joue sur le sens du surnom du candidat. Pino, c'est aussi le pin, un conifère bien vert (un brin écolo, peut-être) qui serait planté en pleine ville (le jeu de mots avait été fait par le quotidien Página/12 après la première grande percée électorale de Solanas sur Buenos Aires en juin 2008)

La chanson électorale est une véritable tradition en Argentine. J'en ai même introduite une dans mon anthologie, Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins (ed. du Jasmin, mai 2010) : Hipólito Yrigoyen (page 183), un tube de l'année 1928, tango enregistré par le chanteur Ignacio Corsini pour soutenir l'ancien président radical, qui se présentait alors pour un nouveau mandat, après le passage à la Casa Rosada d'un autre radical, Marcelo T. de Alvear. Yrigoyen fut réélu, à peu près dans les conditions prédites par ce tango, mais ne survécut pas politiquement au déferlement de la Grande Dépression du Black Thursday sur l'Argentine. Son renversement, le 6 septembre 1930, initiait une série invraisemblable de coups d'Etats militaires, de révolutions de palais et d'élections truquées, de manière presque ininterrompue, jusqu'en 1983, année du retour durable à la constitutionnalité et à la démocratie.

Pour aller plus loin dans la connaissance concrète de ce qu'est cette campagne à Buenos Aires :
écouter la murga de Pino Solanas sur le blog de la rédaction politique de La Nación
visiter le site Internet de campagne du candidat (attention : Pino Solanas dispose aussi d'un site consacré à son travail cinématographique. Ne les confondez pas)
visiter le site Internet de Daniel Filmus (candidat du Partido Justicialista) – Vous y trouverez un spot de campagne qui ne dit pas grand-chose du programme péroniste mais démolit en règle la gestion de Mauricio Macri, avec sa réponse presque automatique à toutes les revendications sociales, éducative, sanitaire et culturelle : No se puede - C'est impossible.
visiter le site Internet de Mauricio Macri (candidat ultra-libéral à sa propre réélection et qui n'hésite pas à promettre, sur le site, de l'aide aux groupes de jeunes musiciens. Au fait, pourquoi a-t-il si peu fait pour eux depuis 3 ans et demi ?)

vendredi 24 juin 2011

Hommage à Carlos Gardel chez lui en ce 76ème anniversaire de sa disparition [à l'affiche]


C'est une belle affiche que propose gratuitement toute l'après-midi aujourd'hui, 24 juin 2011, depuis 13h, le Museo Casa Carlos Gardel, rue Jean Jaures 735, dans le quartier de l'Abasto.

Jugez-en plutôt :

13h, 14h et 15h : Guitarras Saavedrinas (15 minutes)
16h : Cordal Trío (15 minutes)
17h : Cordal Trío et l'auteur-compositeur-interprète Carlos María Seta (15 minutes)
18h : Cordal Trío (15 minutos)
19h : le chanteur Esteban Riera accompagné par le Trío Nazareno Altamirano (guitares)
19h45 : la chanteuse Lulú (dont le programme n'indique pas qui l'accompagnera)
20h30 : le folkloriste Juan Alberto Peinado et le dúo Cesar Angeleri (guitare) y Pablo Mainetti (bandonéon)

Vingt ans après, Puerto Madero ouvre son premier supermarché ! [Actu]

Il y a 20 ans, le Gouvernement de Carlos Menem (encore lui !) décidait de créer un nouveau quartier résidentiel dans ce qui était le vieux port international de la capitale argentine (1), cette partie du port où Berthe Gardes, la mère de Carlos Gardel, perdue parmi la cargaison de nouveaux immigrants crachée par le Don Pedro, en provenance de Montevideo, et avec son fils de 2 ans dans les bras, avait débarqué en mars 1893. Ce nouveau quartier, conçu comme une vitrine de ce qu'il y a de plus chic en Argentine, s'appelle Puerto Madero et c'est le plus cher de toute la ville. C'est aussi un quartier sans âme, qui abrite quelques grandes fortunes patriciennes (mais la majeure partie de cette élite sociale habite Recoleta, Palermo, San Nicolás ou Monserrat, quand ce ne sont pas les villes de la banlieue nord) et un bon nombre de parvenus pas toujours des plus raffinés (stars du sport et de la télévision, traders heureux en affaires, et sans doute aussi quelques mafieux internationaux qui viennent investir le marché local). A part la jolie promenade qui a été aménagée sur le quai lui-même, le long des anciens docks transformés en lofts, en boutiques de luxe, en restaurants luxueux, en palaces 5 étoiles, on ne rencontre pas âme qui vive dans ces rues ultra-propres mais uniformément grises où tentent de grandir quelques arbres d'apparence rachitique, bref une sorte d'envers du décor de la Buenos Aires populaire, voire du centre-ville (pas à la portée de n'importe qui non plus), tellement plus enchanteurs, l'une comme l'autre.

Et dans cet univers de verre et de béton, aux architectures identiques à celles qui s'élancent audacieusement à la conquête du ciel dans n'importe quelle autre ville poussée trop vite, en Amérique, en Asie, en Afrique ou dans la péninsule arabe, la chaîne de grandes surfaces Jumbo vient d'ouvrir son premier supermarché. Dans ce quartier, il apparaît comme une espèce de luxe superflu, puisque c'est la bonne ou le chauffeur qu'on envoie faire les courses et est-ce qu'il importe vraiement dans ce cas qu'il faille courir à l'autre bout de la ville.

Ainsi donc le nouveau Jumbo, à l'architecture esthétisante, loin des façades pas spécialement soignées des supermarchés des autres quartiers de la ville, y compris le Carrefour situé presque au pied de l'Obélisque (avenida Corrientes, côté pair), propose une sélection de produits standards, disponibles dans n'importe quel autre supermarché de la chaîne ailleurs en ville, dans une échelle de prix similaire, mais aussi, à côté, une gamme de produits de luxe, de fruits et légumes hors saison (et même en ce début d'hiver des fleurs comestibles !) et de produits d'importation.

Et le quotidien Clarín, qui ne rate jamais une occasion de mettre son grain de sel dans la campagne électorale en cours (2), en profite, d'un air détaché, pour lancer quelques coups de griffe en direction de la Casa Rosada, puisque que le quartier ne passera sous la responsabilité administrative du Gouvernement Portègne que l'année prochaine. Ainsi donc le supermarché, auquel la rédaction est très favorable, est présenté comme un grand progrès urbanistique, sur le ton "Depuis le temps qu'on l'attendait, celui-là", et le journal ajoute, d'une manière assez perfide, il faut bien l'avouer, que les habitants du quartier (les pauvres !) attendent toujours un hôpital (pour les domestiques sans doute, car les propriétaires locaux, eux, se font soigner dans des cliniques privées 5 étoiles) et une école. C'est vrai, quand même, tous ces petits bouts de chou, obligés de prendre la Rolls, la Porsche ou le 4x4 japonais de Papa pour aller à l'école (privée) à la Recoleta ou à Palermo ! Et l'effet de serre, vous y avez pensé ? Et l'article de conclure que vivement que le quartier passe à la gestion municipale, pour que les choses rentrent enfin dans l'ordre...

Pour aller plus loin :
lire l'article de Clarín (dont le sel ne vous pourra pas vous échapper si vous avez eu l'occasion de visiter le quartier).

(1) dont une grande partie du trafic, en particulier du trafic voyageurs mais aussi du fret, a été déplacée sur l'aéroport international d'Ezeiza comme partout ailleurs dans le monde.
(2) Du côté de la majorité, Página/12 fait de même, mais en faveur du Gouvernement. 1 point partout, la balle au centre !

Autre centenaire du jour : Juan Manuel Fangio [Actu]

Avec l'écrivain Ernesto Sabato, c'est l'autre centenaire argentin de ce 24 juin 2011. Et celui-là était coureur automobile, quintuple champion du monde de Formule 1, entre 1949, début de sa carrière internationale, et 1958, année de sa retraite des circuits, et il est mort, dans sa vieillesse, le 17 juillet 1995. Juan Manuel Fangio est l'un de ces 9 Argentins (1) dont on peut dire qu'ils ont accédé à une gloire mondiale. C'est au point qu'en français, même encore aujourd'hui, plus de 50 ans après ses derniers exploits de pilote, on traite encore, et de manière déjà proverbiale mais pas toujours en bonne part, de "Fangio" (2) le moindre conducteur de bolide dont la vitesse nous surprend sur la route.

Clarín consacre donc un entrefilet, au ton passablement dithyrambique, à cette gloire nationale du vrombissement et des circuits. Quelques jours après les 24 heures du Mans et pendant le Salon de l'Auto de Buenos Aires (à Palermo), si ça vous dit...

Pour aller plus loin :

(1) Carlos Gardel, Astor Piazzolla, Jorge Luis Borges, Ernesto Guevara dit El Che, Juan Domingo Perón, Eva Duarte de Perón, dite Evita, Carlos Monzón et, toujours bien vivant mais seul dans cette catégorie, Diego Maradona. La culture, la politique, le sport, tous les champs sont couverts... Un impressionnant palmarès que ne peut afficher aucun autre pays du sous-continent. Et c'est sans parler des personnalités au rayonnement régional ou exclusivement culturel (José San Martín, Domingo Sarmiento, Guillermo Villas et sa palanquée de successeurs argentins, les Leonel Messi et autres surdoués de la baballe, Julio Cortázar, Julio Bocca, Marta Argerich, je vous en passe et des meilleurs !). Et je n'ai pas cité dans cette liste impressionnante les ONG, très connues pour leur combat dans l'univers de la militance des droits de l'homme, Abuelas de Plaza de Mayo et Madres de Plaza de Mayo, qui bénéficient dans ce paysage dominé par Amnisty International une singularité qui les met à part.
(2) "Regarde-moi la vitesse de ce type, il se prend pour Fangio, ma parole !"

Ernesto Sabato aurait eu 100 ans aujourd'hui [Troesma]

En ce jour où les Argentins (et les Uruguayens) ont coutume de célébrer le souvenir de Carlos Gardel, décédé il y a 76 ans à Medellín, c'est surtout au grand écrivain Ernesto Sabato, disparu le 30 avril dernier, que les quotidiens rendent hommage. En effet, il aurait eu 100 ans aujourd'hui même.

Hier, un hommage académique lui a été rendu, par la Fondation qui porte son nom, à Palermo, sur une décision de sa veuve, Elvira González Fraga, qui a succédé à son mari à la tête de l'institution qu'il avait fondée après la grande catastrophe économique de décembre 2001, comme un geste de soutien à son pays.

C'est cet hommage auquel ont participé intellectuels, artistes et amis que relatent Silvina Friera, dans un long article de Página/12, qui consacre à l'écrivain la une de ses pages culturelles, et dans un article beaucoup plus bref, Susana Reinoso, dans Clarín.

Pour accéder aux autres articles que j'ai consacrés, dans ce blog, à Ernesto Sabato, au moment de sa disparition, cliquez sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.

jeudi 23 juin 2011

Chino Laborde et Dipi Kvitko partageront l'affiche avec Demoliendo Tangos demain soir [à l'affiche]

Le duo formé par le chanteur Walter "Chino" Laborde et le guitariste Diego "Dipi" Kvitko se produiront demain soir, vendredi 24 juin 2011, à 22h30, au CAFF (Club Atlético Fernández Fierro), rue Sánchez de Bustamante 764, derrière el Abasto, dans le quartier auquel ce bâtiment a donné son nom.

Les entrées sont à 30 $, jusqu'à la veille y compris, au Musetta Caffé, Billinghurst 894 (à l'angle avec avenida Tucumán). Sur place à l'entrée de la salle, elles sont à 40 $.

Samedi, comme un samedi sur deux, c'est l'orchestre Fernández Fierro, connue comme la Fernández Fierro ou la OTFF, qui se produira dans ce lieu qui est le sien. Avec son chanteur soliste, Chino Laborde.

La Vidú au Malevaje Arte Club ce samedi [à l'affiche]


La Orquesta Típica La Vidú se produira ce samedi 25 juin à 22h30 au Malejave Arte Club, Avenida Garibaldi 1670, dans le quartier de La Boca.

Droit au spectacle : 10 $ (peso argentin).

Une soirée bon enfant, comme vous pouvez le constater sur l'affiche qu'ils ont diffusée pour cette date (la photo a été prise au Salón de los Angelitos Horacio Ferrer, à la Academia Nacional del Tango).

Pour écouter le groupe :
connectez-vous à sa page Myspace.

mercredi 22 juin 2011

Estella de Carlotto réagit au revirement des enfants Noble Herrera dans Página/12 [Actu]


Dimanche matin, le quotidien Página/12, qui est le quotidien national qui soutient le combat des Grands-Mères de la Place de Mai (Abuelas de Plaza de Mayo), publiait une interview assez longue de la présidente de cette organisation, Estela de Carlotto, qui réagissait au curieux revirement des enfants Noble Herrera qui a surpris tout le monde en Argentine vendredi dernier.

Dans cette interview, elle parle des deux jeunes gens qu'elle ne connaît pas personnellement en les appelant los chicos. Un terme quasiment impossible à traduire en français dans une telle situation. Il désigne les enfants en général (les petits), les adolescents, les jeunes adultes, les amis aussi... Or en français, on ne peut pas imaginer cette dame, qui n'a pas de relation personnelle avec ces deux trentenaires, arrogants et multi-milliardaires, parler d'eux comme de "petits". Estela de Carlotto n'a jamais un vocabulaire bêtifiant. Sa parole est toujours d'une grande dignité. Je vais donc naviguer dans la traduction qui suit entre différentes nuances, à peu près acceptables de notre langue, pour rendre au plus près de ce qu'il me sera possible d'atteindre, cette expression si courante et si fréquente en Argentine mais si limitée en français.

–¿Cómo tomó la noticia?
–La noticia nos sorprendió muchísimo. No fue de una alegría absoluta por dos razones: muchas veces en estos largos diez años brindamos por un triunfo por ciertas circunstancias que luego resultaron totalmente adversas, porque las opacaron las actitudes de los abogados de los chicos. Y por otro lado, el contenido de la decisión es muy extraño. Aceptar todo, no sólo los exámenes, sino la comparación con todo el Banco. Y además el pedido de urgencia. Que se avengan a todo después de haberlo discutido durante diez años de manera atroz y la urgencia, después de haber perdido diez años, es una cosa extraña. De todas formas, los que trabajamos en esto nos reunimos y no llegamos a ninguna aclaración formal. Pensamos que puede ser que estos dos jóvenes estén muy cansados de ser manejados. Ellos, por supuesto, nos echan la culpa a los demás, pero yo creo que están muy manejados por sus abogados y su entorno. A lo mejor, decidieron terminar con esta historia. No sé si les habrá entrado en algún momento el mensaje que mandamos acerca de que nada en la vida de ellos iba a cambiar, sino sólo saber la verdad. Porque nosotros nunca dijimos son, sino que dijimos que podrían ser. Podrían ser o no nuestros nietos, lo que ocurre es que las fuertes denuncias dan bastante seguridad, pero esto sólo lo puede decir la sangre. Salga lo que salga, esto es la respuesta a lo que buscamos desde hace tantísimos años. Y si no son hay una responsabilidad terrible de aquellos que hicieron sufrir a estas dos personas durante diez años de manera formal y mucho antes de que empezara el juicio también, que los victimizaron.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Comment avez-vous reçu la nouvelle ?
- La nouvelle nous a énormément suprises. Et ce n'a pas été une joie sans partage pour deux raisons : bien des fois durant ces dix longues années, nous avons levé nos verres à une victoire dans certaines circonstances qui par la suite se sont révélées totalement contraires, parce que les démarches des avocats de ces jeunes gens les ont opacifiées. Et par ailleurs, le contenu de la décision est très bizarre. Accepter tout, pas seulement les examens mais aussi la comparaison avec toute la Banque [nationale de données génétiques]. Et par-dessus le marché, la demande de traitement en urgence. Qu'ils se rendent à tout après avoir tout contesté pendant 10 ans d'une manière horrible. Et puis l'urgence, après avoir perdu dix ans, c'est quelque chose de bizarre. Ceux d'entre nous qui travaillons là-dessus, nous avons eu une réunion et, en prenant la chose de toutes les manières possibles, nous n'aboutissons à aucune explication satisfaisante. Nous pensons qu'il pourrait se faire que ces deux jeunes en aient eu assez d'être manipulés. Eux, bien entendu, ils rejettent la faute sur nous, sur les autres, mais moi je crois qu'ils sont manipulés par leurs avocats et leur entourage. Dans le meilleur des cas, ils auront décidé d'en finir avec cette histoire. Je ne sais pas si le message que nous leur avons adressé sur le fait que rien dans leur vie à eux n'allait changer, qu'il s'agissait uniquement de connaître la vérité, a fini par leur parvenir à un moment ou à un autre. Parce que nous, nous n'avons jamais dit "Ils sont nos petits-enfants", nous avons dit qu'ils pourraient l'être. Ils pourraient l'être ou ne pas l'être, ce qui se passe c'est que les plaintes solides s'avèrent plutôt sûres mais ça, il n'y a que le sang qui puisse le dire (1). Quoi qu'il en soit, c'est là la réponse à ce que nous cherchons depuis tant et tant d'années. Et s'ils ne sont pas nos petits-enfants, ceux qui ont manifestement fait souffrir ces deux personnes pendant 10 ans et bien avant que ne commence la procédure, ceux qui en ont fait des victimes, ceux-là, leur responsabilité est lourde.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–El argumento de sus abogados es que si el resultado no se supo antes es porque Abuelas no quiso, que ellos aportaron la sangre antes y que Abuelas puso las trabas...
–Eso no es cierto de ninguna manera. Primero, la señora (Ernestina Herrera de Noble) dijo en una carta pública, en una declaración pública, que ella más de una vez había hablado con ellos porque dudaba que podían ser hijos de personas detenidas o víctimas del régimen militar. Es decir que esto lo podría haber resuelto sin necesidad de que recurramos a nada, sino como una ciudadana con obligación de establecer el origen de los chicos. La responsabilidad empieza en esta persona. Esto dicho con mucha compasión, porque en realidad los expedientes contienen irregularidades muy sentidas, falsedades, historias que no son ciertas. Todo el proceso es dudoso. La responsabilidad de la situación de los chicos viene primero por quien los adoptó con tantas irregularidades y no les dio las respuestas necesarias. Nosotras fuimos a hablar dos veces con ella pero no nos recibió. Nos atendió el señor (Héctor) Magnetto. Queríamos buscar respuestas y soluciones de una manera rápida y discreta. Fue en el ’90 o ’91, mucho antes de que iniciáramos la causa, porque nosotras pensábamos que era una señora civil que habría adoptado dos chicos, quizá, sin saber el origen y dijimos, ‘vamos a hablar’, como lo hicimos en otros casos, porque eran personas de buena fe. Pero lejos de recibirnos nos mandó con este señor, que terminó queriendo cambiar información que él tenía por que nosotras denunciáramos a los denunciantes.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- L'argument de leurs avocats, c'est que si le résultat n'a pas été connu plus tôt, c'est parce que Abuelas n'a pas voulu, qu'eux ils se sont soumis à la prise de sang plus tôt mais que Abuelas leur a mis des bâtons dans les roues...
- Ça c'est faux de bout en bout. D'abord, cette dame [Ernestina Herrera de Noble, la mère adoptive] a dit dans une lettre ouverte, dans une déclaration publique, qu'à plusieurs reprises, elle avait parlé avec eux parce qu'elle soupçonnait qu'ils pouvaient être les enfants de personnes arrêtées ou victimes du régime militaire. Autrement dit, elle aurait pu résoudre cette histoire sans que nous ayons besoin de faire quelque recours que ce soit, en tant que citoyenne qui a l'obligation d'établir l'origine des gamins. La première responsable, c'est cette personne. Et je suis bien gentille de le dire comme ça, parce qu'en réalité, les prodécures [d'adoption] contiennent des irrégularités carabinées, des falsifications, des histoires qui ne tiennent pas debout. Toute la procédure est suspecte. La responsabilité de la situation des jeunes gens, c'est d'abord celle de qui les a adoptés avec autant d'irrégularités (2) et ne leur a jamais apporté les réponses indispensables. Nous, nous sommes allées parler deux fois avec elle mais elle ne nous a pas reçues. C'est Monsieur Héctor Magnetto qui s'est occupé de nous. Nous voulions chercher des réponses et des solutions avec rapidité et discrétion. C'était en 90 ou en 91, bien avant que nous n'entamions la procédure, parce que nous, nous pensions qu'elle était une dame de la société civile (3), qu'elle avait adopté deux gamins sans connaître leurs origines, si ça se trouve, et nous nous sommes dit "Allons lui parler", comme on l'a fait dans d'autres cas, parce que c'était des gens de bonne foi. Mais loin de nous recevoir, elle nous a adressées à ce monsieur, qui a fini par vouloir modifier les informations qu'il détenait pour que nous, nous portions plainte contre les familles qui avaient porté plainte (4).
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–Y una vez que se inició la causa, ¿cuáles fueron las trabas? Ellos sostienen que ya entregaron muestras de sangre.
–Dieron la sangre pero en un lugar totalmente desconfiable, en el Cuerpo Médico Forense, que estaba intervenido por irregularidades y no tiene un laboratorio. Y entregaron prendas que está claro que fueron contaminadas por varias personas. Eso ni hay necesidad de repetirlo. Además tenían la pretensión de que se cruzara sólo con dos o tres familias y que se destruyeran las muestras, que no quedara rastros de su sangre o estudio en el Banco, cosa que también es ilegal. Siempre buscaron la ilegalidad. Por supuesto que los que entorpecieron fueron ellos. Pero esto ya tiene un tiempo corto porque ahora la urgencia de ellos se suma a la urgencia nuestra. Yo me he cansado de decir que hay abuelas que han muerto esperando encontrar a sus nietos y si alguno de ellos es uno de esos nietos buscados, no van a poder conocer a sus abuelos. Quienes les negaron esa posibilidad fueron los de su entorno. Por eso tenemos dudas y podemos suponer muchas cosas, pero son todas cosas inconsistentes, sólo supuestos.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Et une fois que la procédure enclenchée, quels ont été les obstacles ? Eux soutiennent qu'ils se sont déjà soumis à des prises de sang.
- Ils ont eu des prises de sang mais dans un endroit absolument pas fiable, à l'Institut Médico-Légal (5), qui était alors sous tutelle pour des irrégularités et qui ne dispose pas d'un laboratoire. Et ils ont remis des vêtements dont il est clair qu'ils avaient été pollués par plusieurs personnes. Ce n'est même pas la peine de revenir là-dessus. En plus, ils avaient l'outrecuidance de réclamer qu'on recoupe seulement avec deux ou trois familles et qu'on détruise les preuves, qu'il ne reste aucune trace de leur sang ou des examens dans la Banque [nationale de données génétiques], chose qui est tout aussi illégale. Ils ont toujours recherché l'illégalité. Bien sûr que ceux qui ont tout embrouillé, c'est eux. Mais ça a fait son temps, parce que maintenant leur urgence à eux s'ajoute à notre urgence à nous. J'en ai assez de dire qu'il y a des grands-mères qui sont mortes en attendant de trouver leurs petits-enfants et si l'un d'eux est un de ces petits-enfants recherchés, ils ne pourront pas connaître leurs grands-parents. Ceux qui leur ont refusé cette possibilité, c'est les gens de leur entourage. C'est pour ça que nous avons des doutes et que nous pouvons faire beaucoup de suppositions, mais tout ça, c'est des choses qui ne reposent sur rien de concret, juste des hypothèses.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–¿Por ejemplo?
–Por ejemplo, que puede haber diferencias en el propio emporio mediático. A veces esas cosas pasan. O que hay una decisión personal de ellos o que tiene que ver con la salud de la mujer. O cosas externas. Porque ellos también tienen intereses foráneos y hay un desprestigio. La frase devuelvan a los nietos, que se dice cuando se hace un reportaje, por ejemplo, que fue tomada por muchas personas, también es un descrédito para ellos, que tienen también que cuidar sus intereses económicos.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Par exemple ?
- Par exemple, il peut y avoir des différends dans leur propre empire médiatique (6). Des fois, ce sont des choses qui arrivent. Ou bien il y a une décision personnelle de leur part, ou ça a à voir avec la santé de cette femme [leur mère adoptive]. Ou des choses au-delà des frontières. Parce qu'eux aussi, ils ont des intérêts à l'étranger et il y a une dévalorisation de leur image. La phrase qui se dit quand on fait un reportage par exemple, qui a été entendue par beaucoup de gens, ça renvoie aux petits-enfants, et c'est aussi un discrédit pour eux, qui doivent aussi protéger leurs intérêts économiques.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–Marcela y Felipe sostienen que se van a hacer el análisis para preservar a su madre adoptiva pero hasta ahora sostenían que se negaban a hacerse los estudios para preservarla. ¿Cómo se explica?
–Por eso hablamos en el comunicado de ser cautelosos. Nuestros abogados no han podido leer la presentación completa. Cuando tengamos la lectura completa de la presentación formal, podremos quizá sacar algún otro tipo de conclusión.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Marcela et Felipe soutiennent qu'ils vont faire faire l'analyse pour préserver leur mère adoptive mais jusqu'à maintenant, ils soutenaient qu'ils refusaient de faire les examens pour la préserver. Comme vous comprenez ça ?
- C'est pour ça que nous parlons dans le communiqué de rester prudents. Nos avocats n'ont pas pu lire la présentation complète. Quand nous aurons la lecture complète de la présentation effective, nous pourrons, si ça se trouve, en tirer un autre type de conclusion.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–¿Ella fue sobreseída por las irregularidades en los expedientes de adopción?
–El delito de apropiación de menores durante la dictadura no prescribe y sólo cesa de ser delito a partir de que las personas víctimas recuperan sus derechos. Si no fueran nietos, los delitos que se han observado en los expedientes de adopción, que efectivamente están, ya prescribieron.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Elle [Ernestina Herrera de Noble] n'est plus poursuivie pour les malversations sur les papiers d'adoption ?
- L'infraction d'adoption frauduleuse de mineurs pendant la dictature n'est jamais prescrite et ne cesse d'être une infraction qu'à partir du moment où les victimes retrouvent leurs droits. S'il s'avère qu'ils ne sont pas des petits-enfants, les infractions qui ont été observées dans les procédures d'adoption, et qui y figurent bel et bien, sont prescrites maintenant.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–Entre las muchas teorías conspirativas que están dando vueltas hay una que sostiene que ellos saben que no van a dar positivo con las familias del Banco. ¿Es posible que sepan eso?
–Pero entonces lo hubiesen hecho antes. ¿Por qué a nosotros se nos reforzaba más la idea de que fueran nuestros nietos? Por la negativa, porque ellos se negaban, porque engañaron, mintieron, los abogados los hicieron responsables de entregar ropa contaminada. Fue una estrategia para promover el olvido, dejar sin efecto nuestro trabajo. Entonces uno pensaba son...
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Parmi les nombreuses théories du complot qu'on entend ci et là, il y en a une qui soutient qu'eux savent que les tests sur eux ne vont être positifs avec aucune des familles de la Banque. C'est possible qu'ils sachent ça ?
- Mais dans ce cas-là, ils auraient fait ça plus tôt. Pourquoi notre idée qu'ils doivent être nos petits-enfants s'est-elle renforcée ? A cause de leur refus, parce qu'eux, ils refusaient, parce qu'ils ont dissimulé, menti, leurs avocats leur ont fait prendre la responsabilité de remettre des vêtements pollués. Cela a été une stratégie pour favoriser l'oubli, laisser sans effet notre travail. Alors on pensait qu'ils étaient nos petits-enfants...
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–¿Pero puede ser que se enteraran ahora? ¿Es posible que tuvieran acceso a información del Banco?
–No, no. Tendría que haber sido una cosa... es imposible casi... que ellos se hayan hecho sus análisis en un laboratorio y los hayan mandado para comparar y que haya en el Banco alguien que lo haya hecho... el Banco está muy bien resguardado, hay cosas que las hacen unos y otros no lo saben y está bajo custodia de gente que nos merece total confianza. De todas formas, si llegara a pasar que no dan inclusión con ningún familiar, este mapa genético queda en el Banco porque el día de mañana puede aparecer la familia. Eso ha pasado, que tardíamente una familia se enteró que una joven había dado a luz. Las mamás que no tenían tanto contacto con sus hijas no saben si estaban esperando un bebé cuando fueron secuestradas y hay denuncias que han llegado tarde. El caso Amarilla-Molfino es un caso de un chico que se presentó y se analizó y no daba con nadie y de repente hubo un testimonio de una liberada y la familia se analizó sin saber que este chico ya estaba en el Banco y se lo encontró inmediatamente.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Mais il serait possible qu'ils sachent maintenant ? Est-il possible qu'ils aient eu accès à l'information de la Banque ?
- Non, non. Il faudrait que ce soit une chose... C'est impossible presque...Qu'ils aient fait leurs analyses dans un laboratoire et qu'ils les aient envoyées à comparer et qu'il y ait eu à l'intérieur de la Banque quelqu'un qui l'ait fait... La Banque est très bien protégée, il y a des choses que les uns font et que les autres ne savent pas, c'est placé sous la surveillance de gens qui méritent une totale confiance de notre part. Et dans tous les cas de figure, s'il arrivait que leurs résultats ne se recoupent avec aucun membre d'aucune famille, cette carte génétique (7) reste à la Banque parce que demain, la famille peut apparaître. C'est arrivé que sur le tard, une famille se rende compte qu'une jeune femme avait donné la vie. Les mères qui n'avaient pas tellement de contact avec leurs filles ne savent pas si elles attendaient un bébé quand elles ont été séquestrées et il y a des dépôts de plainte qui arrivent tard. Le cas Amarrilla-Molfino est le cas d'un jeune qui s'est présenté et a fait faire son analyse et ça ne correspondait à personne et soudain, il y a eu un témoignage d'une personne libérée et la famille a fait faire ses analyses sans savoir que ce jeune homme était déjà à la Banque et elle l'a trouvé tout de suite (8).
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–Otra teoría dice que el Gobierno (o Abuelas) hizo el estudio cuando se entregaron las prendas y dio negativo y que Marcela y Felipe saben que no dan porque el Gobierno lo sabe...
–También pueden decir que yo no tengo ningún nieto, que mi hija está viva, que está en España... Son infamias.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Une autre théorie dit que le Gouvernement ou Abuelas a fait faire les examens quand les vêtements ont été remis et qu'ils ont été négatifs et que Marcela et Felipe savent que ça ne marche pas parce que le Gouvernement le sait...
- Et puis on peut dire aussi que je n'ai pas de petit-fils, que ma fille est vivante, qu'elle est en Espagne... C'est ignoble. (9)
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–Si pudiera hablar un rato tranquila con ellos ahora, ¿qué les diría?
–Nosotros no fuimos a hablar nunca con ellos porque no queremos molestarlos, para que no sientan un acoso. Los hemos respetado. Ellos jamás han tenido un gesto para con nosotros. Cuando se fueron a analizar al Cuerpo Médico Forense los nietos recuperados hicieron una carta y se la acercaron a la joven. Se la dieron y ella inmediatamente se la pasó a otra persona. Eran unas pocas palabras de aliento, les decían que no les iba a pasar nada, que todo era para bien, que tuvieran confianza. Que entendían lo que estaban pasando pero que tuvieran fuerza y se animaran porque lo único que iban a recibir era la libertad. Era un texto de los jóvenes, las Abuelas nunca. Ahora les diría que nos han dado una alegría, porque por fin se inicia el camino de la verdad y los principales beneficiados van a ser los chicos. Si son, van a resolver una situación de vida, que es natural y necesaria en todo ser humano: saber quién se es. Y si no son, también, porque por lo menos por parte nuestra este tema se cierra... se cierra en tanto en un futuro no se sepa que corresponden a otra familia que ingresó luego. Y quedarán los chicos con estos años de arrastre, manoseo y victimización por parte de la gente que decía que los ayudaba. Y si llegaran a ser, que se queden tranquilos porque lo único que van a conseguir van a ser beneficios y tranquilidad de vida y libertad, nadie los va a sacar de donde están, ni va a querer cambiarles la existencia, las relaciones sociales o económicas que tengan. Lo que sea de ellos es de ellos solamente y van a ser libres y personas plenas. Y van a encontrar a los abuelos, si están, o a lo mejor tíos, hermanos, nunca se sabe.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Cela vous ennuie que l'affaire se présente au milieu d'un contentieux entre le Groupe Clarín et le Gouvernement ? Et qu'on interprète le résultat négatif des analyses comme une défaite pour le Gouvernement ou vice-versa ?
- Cela m'ennuie parce que ce n'est pas du tout ça. Nous, les Grands-Mères de la Place de Mai, nous avons engagé cette procédure bien, mais bien avant qu'il y ait les Kirchner au Gouvernement. Nous, nous travaillons indépendamment avec nos investigations et avec la Justice. Ce qui se passe, c'est que comme l'Etat, par obligation aussi, est en train d'enquêter sur Papel Prensa et l'affaire Graiver (10). Eux, ils mêlangent tout. Pour Abuelas, cette affaire est une affaire comme les autres. Ce n'est pas parce que c'est Madame Herrera de Noble. Je n'arrête pas de le dire, elle pourrait s'appeler Juana Pérez que nous aurions exactement le même comportement d'enquête et de persévérance pour aboutir aux résultats et pour connaître la vérité avec un seul objectif qui est que ces personnes retrouvent leurs droits.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–Si pudiera hablar un rato tranquila con ellos ahora, ¿qué les diría?
–Nosotros no fuimos a hablar nunca con ellos porque no queremos molestarlos, para que no sientan un acoso. Los hemos respetado. Ellos jamás han tenido un gesto para con nosotros. Cuando se fueron a analizar al Cuerpo Médico Forense los nietos recuperados hicieron una carta y se la acercaron a la joven. Se la dieron y ella inmediatamente se la pasó a otra persona. Eran unas pocas palabras de aliento, les decían que no les iba a pasar nada, que todo era para bien, que tuvieran confianza. Que entendían lo que estaban pasando pero que tuvieran fuerza y se animaran porque lo único que iban a recibir era la libertad. Era un texto de los jóvenes, las Abuelas nunca. Ahora les diría que nos han dado una alegría, porque por fin se inicia el camino de la verdad y los principales beneficiados van a ser los chicos. Si son, van a resolver una situación de vida, que es natural y necesaria en todo ser humano: saber quién se es. Y si no son, también, porque por lo menos por parte nuestra este tema se cierra... se cierra en tanto en un futuro no se sepa que corresponden a otra familia que ingresó luego. Y quedarán los chicos con estos años de arrastre, manoseo y victimización por parte de la gente que decía que los ayudaba. Y si llegaran a ser, que se queden tranquilos porque lo único que van a conseguir van a ser beneficios y tranquilidad de vida y libertad, nadie los va a sacar de donde están, ni va a querer cambiarles la existencia, las relaciones sociales o económicas que tengan. Lo que sea de ellos es de ellos solamente y van a ser libres y personas plenas. Y van a encontrar a los abuelos, si están, o a lo mejor tíos, hermanos, nunca se sabe.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Si vous pouviez leur parler tranquillement un moment, que leur diriez-vous ?
- Nous, nous ne sommes jamais allées leur parler parce que nous ne voulons pas les importuner, pour qu'ils ne se sentent pas harcelés. On les a respectés. Eux n'ont jamais eu un geste envers nous. Quand ils sont allés faire faire une analyse à l'Institut Médico-Légal, les petits-enfants retrouvés leur ont fait une lettre et l'ont tendu à la jeune fille. Ils la lui ont donnée et elle, immédiatement, l'a passée à une autre personne. C'était quelques mots de soutien, ils leur disaient qu'il n'allait rien leur arriver, que tout était à bonne fin, qu'ils gardent confiance. Qu'ils comprenaient ce qu'ils étaient en train de vivre mais qu'ils aient du courage et qu'ils tiennent bon parce que tout ce qu'ils allaient recevoir, c'était la liberté. C'était un texte des jeunes, les Grands-Mères jamais. Maintenant, je leur dirais qu'ils nous ont fait plaisir parce qu'enfin on prend le chemin de la vérité et que ceux qui vont en tirer le plus grands bénéfices, ce sont eux, ces jeunes gens. S'ils sont nos petits-enfants, ça va résoudre une situation de vie, qui est naturelle et nécessaire à tout être humain, savoir qui l'on est. Et s'ils ne sont pas nos petits-enfants, c'est pareil, parce que de notre côté, on tourne la page. On la tourne pour autant que, dans le futur, on n'apprenne pas qu'ils correspondent à une autre famille qui intégrerait [la Banque] par la suite. Et ces jeunes resteront avec ces années de tirage à hue et à dia, de manipulation et de victimisation de la part des gens qui leur disaient qu'il les aidaient. Et s'il se trouvent qu'ils sont nos petits-enfants, qu'ils restent calmes parce que tout ce qu'ils vont obtenir c'est d'en tirer bénéfice, une vie tranquille, la liberté, personne ne va aller les retirer de là où ils sont ni ne va vouloir leur changer l'existence, les relations sociales ou économiques qu'ils ont. Ce qu'il en sera d'eux, c'est eux seuls qui en décideront et ils vont être libres, des personnes à part entière. Et ils vont rencontrer leur grands-parents, s'ils sont toujours de ce monde, ou au moins des oncles et tantes, des frères et soeurs, on ne sait jamais.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–Si no da positivo, ¿sería una decepción en lo personal?
–Nosotros estamos buscando centenares de chicos y ya nos ha pasado que chicos que creíamos casi con certeza que eran nuestros nietos no dieron. Incluso en lo personal, cuántas veces tuve la esperanza de que el que se analizara pudiera ser mi nieto y no resultó ni mi nieto ni un nieto buscado. Es un poco la rutina de nuestro trabajo. Buscamos sin saber el resultado, porque es buscar una aguja en un pajar. Los que saben no lo dicen. Seguro que los entregadores de nuestros nietos saben muy bien a quiénes se los dieron y quiénes los tienen.
Estela de Carlotto, dans Página/12

- Et si ce n'est pas positif, ce serait une déception sur le plan personnel ?
- Nous, nous sommes à la recherche de centaines d'enfants et il nous est arrivé que des enfants que nous croyons avec une quasi-certitude être nos petits-enfants ne l'étaient pas. Sur le plan personnel même, combien de fois j'ai eu l'espoir que celui dont on pratiquait l'analyse pourrait être mon petit-fils et il s'est avéré qu'il n'était ni mon petit-fils ni un petit-fils recherché. C'est un peu la routine de notre travail. Nous cherchons sans connaître le résultat, parce que c'est chercher une aiguille dans une botte de foin. Ceux qui savent ne le disent pas. C'est sûr que ceux qui ont remis nos petits-enfants savent très bien à qui ils les ont donnés et qui les détient.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Pour aller plus loin :
lire également, dans la même édition du même journal, l'éditorial de Horacio Verbitsky, qui préside un conseil officiel lié aux droits de l'homme en Argentine
Sur ces affaires de rétablissement des droits de l'homme en Argentine et en Uruguay, cliquez sur le mot-clé JDH dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus, pour lire tous les articles qui s'y rapportent sur Barrio de Tango
Pour mieux connaître le combat de Abuelas, visitez le site Internet de l'ONG (le lien se trouve dans la Colonne de droite, dans la partie basse réservée aux liens externes, dans la rubrique Cambalache casi ordenado, sous-rubrique Droits de l'Homme).

(1) Je garde une traduction littéraire mais spontanément en français, je pense que personne ne s'exprimerait ainsi. En français, surtout en Europe, dans un cas comme celui-là, on dirait : il n'y a que l'ADN qui puisse le dire. Dans l'expression employée par Estela de Carlotto, il n'y a ni connotation superstitieuse ni connotation passéïste, juste la trace sémantique d'un long combat législatif sur le type de prélèvement efficace qu'il fallait que la loi impose pour assurer que le test soit bien réalisé sur un prélèvement de la personne à identifier, sans substitution possible. La prise de sang présente cette assurance. Le recueil de cheveux sur une brosse ou un peigne ou de salive sur une brosse à dents a donné bien des désillusions dans le passé, avec des faux cheveux ou une fausse brosse à dents. Un peu mais en plus grave, puisqu'il s'agit ni plus ni moins que de l'inscription d'une personne dans une lignée familiale, que de l'identité de naissance d'un être humain, un peu comme la lutte anti-dopage sur des prélèvements d'urine a laissé passer bien des tricheurs à travers les mailles du filet.
(2) En effet, les vices de forme sont légions dans cette histoire, avec des témoignages de gens qui n'ont même jamais existé ou d'autres qui n'ont rien vu ni connu, et qui ont disparu depuis.
(3) La plupart des parents adoptants d'enfants volés étaient des militaires, des policiers ou des officiers de renseignement. Il est très rare qu'il se soit agi de personnes sans lien avec ces corps constitués qui étaient le bras armé du régime, en matière technique et idéologique.
(4) Il s'agit de trois ou quatre familles qui pensent que Felipe et Marcela Noble pourraient être les enfants qu'elles recherchent. La denuncia est un acte de procédure qui correspond à peu près à notre dépôt de plainte de droit français mais ça n'est pas exactement la même chose non plus. Les procédures judiciaires argentines fonctionnent selon un schéma global qui vient du droit romain, comme la justice espagnole dont le droit argentin est issu, en procédure contradictoire, mais elles ont aussi subi ici et là des influences du droit anglais et du droit des Etats-Unis.
(5) Vous imaginez un peu la difficulté que rencontrent les justiciables argentins, dans de simples affaires de droit commun, sans même parler de ces causes particulières que suit Abuelas et qui sont à l'origine des affaires politiques, si ce qui tient lieu d'institut médico-légal n'est pas fiable. Textuellement, il s'agit du "corps médical du Parquet".
(6) Il s'agit du groupe de presse Clarín qui comprend plusieurs quotidiens, des magazines et une chaîne de télévision (TN, todo noticia, une chaîne du câble, payante, sur laquelle Mauricio Macri exige que se tienne l'unique débat du premier tour des élections portègnes, toutes proches, alors que son principal adversaire, Daniel Filmus, vient de le refuser tout net, pour ne pas donner ce coup de pouce de plus à un groupe qui jouit d'une position hégémonique dans le paysage médiatique argentin). Toute cette partie de l'interview rappelle furieusement les méandres de l'affaire Bettencourt qui atteint l'image de L'Oréal, pourtant totalement étranger à cette histoire de famille si malodorante.
(7) Estela de Carlotto parle de mapa genético, de plan génétique, de carte, au sens géographique du terme, là où nous, en Europe, nous parlons d'empreinte génétique. Je tiens à signaler cette différence sémantique parce qu'elle est très importante : nous parlons, nous, d'empreinte génétique par assimilation à l'empreinte digitale parce que la recherche de l'identité par l'ADN, chez nous, s'est mise en place essentiellement dans un contexte de lutte contre la criminalité de droit commun, dans des affaires crapuleuses, de viol pour la majeure partie des affaires. En Argentine, dans ce cas précis, il est inenvisageable de recourir à un vocabulaire policier, car les tests sont pratiqués pour établir l'identité de victimes d'un système politique honni, les enfants de disparus d'une part et les membres survivants de leur famille d'autre part. Donc on ne peut pas parler d'empreinte génétique. Même si techniquement, il s'agit bel et bien du même travail scientifique.
(8) Sur l'affaire Amarilla-Molfino, voir mon article du 4 novembre 2009.
(9) Sur l'histoire personnelle de Estela de Carlotto, voir mon article du 12 avril 2011 sur le témoignage qu'elle donné au procès de Comodoro Py, où sont jugés cette année les responsables du système d'adoption frauduleuse des enfants des opposants arrêtés et assassinés.
(10) Papel Prensa, la seule papeterie argentine produisant du papier journal, était la propriété de Monsieur Graiver, qui était très opposé à sa cession au Groupe Clarín, qui l'a finalement achetée, sous la dictature, après la mort accidentelle du propriétaire, pour un prix dont on soupçonne qu'il était largement sous-évalué. Le reste de la famille a connu de graves ennuis après la mort du patriarche et il est très difficile de faire la lumière sur la réalité de cette transaction, les survivants de la famille semblant eux-mêmes peu enclins à revivre ces années sombres de leur histoire en répondant aux questions des enquêteurs. Cette enquête a été lancée l'année dernière, à partir d'un rapport commandé par le Gouvernement et dont le résultat, très accusateur pour le groupe Clarín, a été présenté à la presse et assumée en personne par Cristina Kirchner, la Présidente.