mardi 31 décembre 2013

Amelita Baltar de retour à Clásica y Moderna [à l'affiche]


La chanteuse Amelita Baltar commencera l'année samedi prochain, le 4 janvier, avec une soirée dans son quartier (Recoleta, dont je vous parlais dans un article tout récent à propos de séjour culturel) et dans son avenue de prédilection, à Clásica y Moderna, Callao 892, pour interpréter comme d'ordinaire un répertoire avec plein de Piazzolla-Ferrer, les désormais classiques qu'elle a créés dans les années 1970.

Elle sera accompagnée au piano par Aldo Saralegui.

La salle du restaurant à l'heure du service

Il est vivement conseillé de réserver à l'avance.
L'établissement s'est doté il y a peu d'un service de réservation en ligne.

Ce concert aura lieu tous les samedis de ce mois de janvier 2014.

Vœux de Nouvel An depuis les antipodes [Humour]

C'est sûr que ça change les perspectives... Voici la vignette que Miguel Rep nous a concoctée pour l'An Neuf


Pour l'année prochaine, nous souhaitons :
Qu'au Mundial, ce soit un pays d'Amérique Latine qui gagne
Que le Pape ne nie pas le passé de l'Eglise / et qu'il fasse attention aux infusions qu'on lui offre (1)
Que l'Europe adopte des solutions latino-américaines pour des problèmes européens (2) / et que l'hémisphère nord arrête de nous juger et nous fiche la paix (3)
Longue vie à nos gouvernements populaires / et que cette vie finisse dans la jeunesse et le contentement, pas comme cette année 2013 qui s'en va, vieille et ruinée.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Pour le public argentin, c'est très drôle. Pour nous, c'est un peu plus dur à avaler tout de même...


(1) Allusion manifeste aux menaces de mort que Cosa Nostra ferait peser sur le Saint Père qui lui interdit désormais de passer par les institutions financières du Saint-Siège pour blanchir l'argent mal acquis. Notez bien que Rep n'emploie pas le mot mate. L'image se suffit à elle-même pour ses lecteurs argentins.
(2) Allusion aux solutions ultra-libérales que nous avons longtemps imposées à l'Amérique latine, à propos de tout et de n'importe quoi, et qui ont fait tant de dégâts sociaux, économiques et technologiques dans tous ces pays sans distinction. Autant pour nous !
(3) Si seulement nous n'étions pas sourds comme des pots à cette aspiration de l'hémisphère sud ! Ce personnage orange à l'œil mauvais, c'est nous, le continent européen, avec la péninsule ibérique comme tête de pont. Rep reprend ici un dessin qu'il a publié dans Página/12 il y a quelques mois avec pour légende : l'Europe a faim. Où l'on voyait le Vieux Continent lorgner méchamment une fois encore sur les anciennes colonies.

lundi 30 décembre 2013

Miguel Rep s'interroge en cette fin d'année [Humour]

Lukas est une sorte de Droppy argentin ("You kown what ? I am happy..."). Avec le Culpo, c'est l'un des personnages fétiches du peintre et caricaturiste de presse Miguel Rep.
Il s'agit d'un enfant sans âge, quelque peu lunaire et revenu de tout, qui traîne avec lui une insondable tristesse existentielle et généralement contagieuse, le cheveu toujours en bataille, les yeux battus et l'âme blasée.

En cette fin d'année, Miguel Rep, le moral dans les chaussettes, imagine sa rencontre avec le Pape François (cliquez sur l'image pour une meilleure résolution).

François : Pourquoi tant de tristesse, petit bonhomme ?
Lukas : Pourquoi tant de sourire, vieux bonhomme ? (1)
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Décidément, ce Pape fait perdre à Miguel Rep son piquant habituel et la bienveillance et la joie spirituelle dont il rayonne semblent dérouter l'esprit fort qu'il est au point que cette année, j'ai vainement attendu son ordinaire dessin de Noël, toujours très drôle. Et pour vous convaincre de ce chamboulement, il vous suffit d'aller regarder la caricature, encore très peu souriante, que, tout étourdi de découvrir sous un autre jour une personnalité dont il croyait avoir fait le tour, l'artiste avait publiée en mars, quelques jours après le conclave.

J'attends de pied ferme son horoscope habituel ou autre vaticination sur l'année qui vient. D'habitude, c'est à mourir de rire (voir l'horoscope farfelu de cette année finissante).


(1) Hombre est une expression intraduisible en français. Dans Astérix en Hispanie, Goscinny avait réglé le problème à sa façon : il marquait toutes les phrases du chef Soupalognon y Crouton de "Homme !". Hombre, c'est à la fois une ponctuation verbale (comme "une fois" en Belgique et dans le nord de la France ou "pardi" en Provence), une interjection de surprise ou d'admiration (comme "mazette" ou "fichtre", sans la désuétude qui affecte quelque peu ces expressions). Parfois, la valeur est celle d'un juron atténué, et ici, de surcroît, l'expression vient en parallèle à niño (enfant), qui pourrait être lui-même un écho de la crèche de la Nativité.

dimanche 29 décembre 2013

Mercredi à Recoleta : une autre étape du Roman National argentin [Human Trip]

La basilique du Pilar, vu sous un angle inhabituel
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Continuons notre parcours dans l'histoire et la géographie de Buenos Aires avec cette nouvelle journée dans le nord de la ville, grâce au séjour culturel que je vous propose avec l'agence Human Trip, qui organise des voyages de tourisme solidaire et équitable depuis Aix-en-Provence. Destinations proches ou lointaines, à prix plus que raisonnables...

A vrai dire, le quartier de Recoleta reflète le défi qu'a été pour la capitale argentine le fait de satisfaire son ambition politique et de se hisser au rang des grandes capitales du monde et d'abord de son continent. Le quartier trouve son origine au début de la guerre civile consécutive à l'indépendance, définitivement et formellement proclamée le 9 juillet 1816 à Tucumán, de l'autre côté du pays. Curieusement, Recoleta, cet élégant quartier huppé, est né autour d'un cimetière ! Le cimetière du Nord, premier cimetière public institué en 1822 dans ce qui avait été le jardin conventuel des récollets. Le couvent était désaffecté depuis longtemps à cause des troubles révolutionnaires. Or pour des questions de santé publique, il fallait mettre fin à la coutume d'enterrer les défunts de quelque prestige dans les églises de la ville. Bernardino Rivadavia (1780-1845) (1), alors ministre, décida donc de reconvertir ces terres à l'abandon, tout là-haut dans le nord, en pleine campagne, en lieu de repos éternel et de contraindre la population de Buenos Aires à y ensevelir ses morts. Et c'est ainsi que le 4 août 1823 y fut porté en terre le cercueil de doña Remedios de Escalada de San Martín (1797-1823). Tant et si bien que l'une des premières tombes fut celle de l'épouse chérie du plus haï des ennemis de Rivadavia, le Général José de San Martín que retenaient alors comme prisonnier à Mendoza tout à la fois les espions du ministre unitaire et une grave rechute du burn-out qu'il avait fait neuf mois plus tôt, après avoir quitté le pouvoir au Pérou.

A droite, avec l'oeillet rouge, la tombe de
"Remedios de Escalada, esposa y amiga del Gal San Martín"
A gauche, avec le drapeau de l'armée des Andes,
le cénotaphe de Juan de San Martín et Gregoria Matorras
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La petite tombe de Remedios existe toujours avec la phrase que San Martín y a fait graver en décembre 1823 (même si ce n'est pas la pierre originale, qui se trouve dans le jardin d'honneur de la caserne des Grenadiers à cheval à Palermo). C'est l'un des trois tombeaux qui remontent à la fondation de la nécropole et qui n'ont pas été détruits depuis. Près d'elle, on a pieusement placé l'urne de ses beaux-parents, qu'en 1947, Perón a fait apporter d'Espagne où ils avaient achevé leur vie, lui en 1796 et elle en 1813. Et pour honorer la mémoire du fils, on a surmonté ce qui est maintenant un simple cénotaphe (2) d'une copie du drapeau de l'armée des Andes (3).
L'église du couvent des récollets est devenue une basilique, la Basilique du Pilar, consacrée à la Vierge du Pilier, particulièrement chère à la dévotion des Espagnols et dont la vénération s'est répandue dans tout l'empire colonial pour y rester jusqu'à aujourd'hui.
Ainsi donc l'un des pôles de notre promenade à Recoleta sera ce coin qui rassemble l'église, le cimetière où repose tout ce qui a compté dans la vie politique du pays dans une rivalité d'ostentation architecturale à qui aura la dernière demeure la plus imposante, la plus onéreuse et la plus prestigieuse (4) et le centre culturel Recoleta, dont je vous parle parfois parce qu'il accueille en permanence expositions, conférences et concerts.

Un second pôle sera le Museo Nacional de Bellas Artes, un des plus gros musées argentins (mais il est loin d'avoir la taille du Prado). Contrairement à nos musées qui sont constituées essentiellement de collections royales et aristocratiques séculaires, confisquées à la Révolution en France, plus souvent offertes au pays dans des contrées à l'histoire plus calme, et du résultat des pillages de pays que nous avons conquis ou dominés au XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, les musées argentins exposent surtout des collections privées montées dans ce but par des riches amateurs qui y ont consacré une grande partie de leur fortune, il est vrai considérable, et de quelques dons ou legs d'artistes. Le budget que les musées argentins peuvent consacrer aux acquisitions ne leur permet guère de participer aux enchères mondialisées et hyper-concurentielles du marché de l'art et des documents historiques.
Le MNBA a donc pour atouts sa belle collection de peintres argentins, inconnus sur nos rivages mais qui valent pourtant le voyage, et les trois grands grandes donations de beaux-arts, mobilier et vaisselle somptuaire qui nous permettent de comprendre comment l'oligarchie éclairée, en lui consacrant toute ses forces, a pensé la construction du pays et a voulu le hisser à la hauteur des puissances européennes de l'époque. Le musée est situé face à Plaza Francia, où nous ferons un tour bien entendu !


Vue partielle de Plaza Francia (le musée est hors champs sur la droite)
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Troisième pôle, toujours dans la même perspective qu'est l'élaboration du pays et de sa culture, du côté des possédants amoureux du savoir, en un temps où il n'y avait pas de ministère de la culture : le Musée des Arts hispano-américains Isaac Fernández Blanco.

Une aile du Palacio Noel où est installé le Musée Isaac Fernández Blanco
vue depuis le jardin
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Le mécène dont il porte le nom a passé sa vie à constituer un fonds de beaux-arts, de mobilier et objets usuels. Il voulait que les Argentins prennent conscience de l'originalité de leur culture et de leur histoire et sachent les promouvoir face à l'arrivée massive d'Européens et la tentation qui chatouillait une autre partie de l'oligarchie de nier l'américanité du pays pour mieux l'angliciser (ce qui a heureusement échoué).
Le musée offre donc une impressionnante plongée dans le passé de l'Argentine et de l'Amérique du Sud grâce à ce patriote qui, trois générations après l'indépendance, revendiquait à nouveau les racines coloniales de son pays. On repasse ainsi plusieurs siècles que Rivadavia et les successeurs de Rosas avait voulu nié et jeté aux oubliettes : les missions jésuites et le métissage avec les Indiens, les échanges commerciaux avec le Brésil lusophone et les autres zones de l'empire espagnol, ceux avec les Philippines et l'influence de l'esthétique asiatique dans les églises argentines qui s'en est suivi, les conséquences artistico-économiques de la découverte des mines d'argent du Potosí (actuelle Bolivie, province du vice-royaume du Pérou jusqu'en 1776 puis du vice-royaume du Río de la Plata sous le nom de Haut-Pérou).
Vous en sortirez éblouis et ravis...

Le quatrième pôle d'intérêt du quartier, dans cette intense journée, est le sceau que la famille Alvear a voulu mettre sur ce quartier lorsque don Torcuato de Alvear (1822-1890), fils d'un héros ambigu de la guerre d'indépendance, devint le maire (intendente) de Buenos Aires (1883-1887) où il se voulut le baron Hausmann... au profit de la gloire familiale. C'est lui qui fit percer Avenida de Mayo et d'autres grandes artères de la capitale. Pour cela, il n'hésita pas à éventrer le très beau Cabildo qui avait été le berceau de la Révolution de 1810 (voir mon article sur notre premier jour à Buenos Aires). Et puis il commanda à Antoine Bourdelle, le sculpteur français (tant qu'à faire!), un monument mégalomane à la gloire de son papa, le général Carlos María de Alvear (1789-1852), officier ambitieux et paranoïaque qui prit ombrage des succès de son ami San Martín au point de financer les pamphlétaires qui, au service de Rivadavia et de ses sbires, tentaient de le flétrir et de le perdre dans l'opinion publique (raté!). Politicien ambigu après un premier et fougueux engagement révolutionnaire (il fut le très actif président de l'Assemblée de l'An XIII). Le monument, érigé entre Avenida Alvear et Plaza Intendente Torcuato de Alvear, entend rivaliser, en taille et en hauteur, avec le monument de Plaza San Martín (Retiro). Il faut dire que la famille Alvear avait très très mal vécu le retour solennel des cendres de San Martín en mai 1880, son mausolée dans la cathédrale et la popularité inouïe dont il jouissait encore et toujours dans la nation argentine.

L'invraisemblable monument au Général Alvear, vu dans son intégralité
depuis Plaza Intendente Alvear
(cliquez sur l'image pour une meilleure résolution)
La très placide statue équestre, juchée sur son perchoir de granit rose, fut inauguré en 1926 sous la présidence de... Marcelo Torcuato de Alvear (1868-1942), petit-fils du statufié et fils du maire... En contrebas de la basilique et du cimetière, ce coin-là résume assez bien la manière dont certaines familles coloniales surent, non sans génie, tirer partie de la Révolution et de l'indépendance pour conquérir fortune et pouvoir pour se rendre maîtresses du pays. Son histoire est emblématique d'un processus historique très répandu en Argentine comme dans le reste de l'ex-empire espagnol.

La journée commencera avec un bref exposé de ma part pour mettre en place les grands repères de l'histoire, depuis les récollets jusqu'au mandat de don Torcuato et sa folie des grandeurs en passant par cette épidémie de fièvre jaune, la dernière à Buenos Aires, qui à l'été 1871 poussa les riches à quitter San Telmo et à se réfugier dans le nord où les cabanons du dimanche se transformèrent très vite en demeures de maître, donnant au quartier sa sociologie actuelle. Nous quitterons l'hôtel de bonne heure pour monter vers Recoleta. Nous y prendrons ensemble le déjeuner dans un restaurant du coin.

Soirée et dîner libres.
Les danseurs de tango pourront aller user les planchers
(sacar viruta (5) al piso, comme on dit à Buenos Aires).

Les autres préféreront peut-être faire trempette dans la piscine et le jacuzzi de l'hôtel ou profiter d'un spectacle à l'affiche, se faire un restaurant ou un pique-nique dans leur chambre qui est équipée pour (frigo, micro-ondes, bouilloire, plaque de cuisson et vaisselle)...

* * *

Grâce à son correspondant sur place, Human Trip peut vous offrir des extensions vers d'autres destinations, en Argentine ou dans les pays limitrophes, à votre guise, à l'intérieur des dates prévues (vous pouvez sauter des étapes de notre programme si vous le voulez), soit avant l'arrivée du groupe, le 25 avril, soit après son départ le 7 mai.

L'agence se tient à votre service pour vous construire un programme sur mesure.
Contactez-la par mail (info@humantrip.fr) ou par téléphone (04 86 11 01 71).

* * *

Pour en savoir plus sur le voyage :
consultez le programme sur le site de l'agence
téléchargez-le en version imprimable sur mon site Internet
découvrez l'Apart Hotel Monserrat grâce à son site Internet (qui est tout à fait fiable)
reportez-vous aux autres articles sur le voyage déjà parus dans ce blog en cliquant sur le mot-clé Human Trip dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus. Les articles se lisent à l'écran du plus récent au plus ancien.

Pour en savoir plus sur Recoleta et les différents pôles touristiques décrits dans cet article :
visitez les pages du Museo de Arte hispano-americano Isaac Fernández Blanco sur le portail de la Ville Autonome de Buenos Aires (nous visiterons l'exposition permanente du Palacio Noel) et connectez-vous à sa page Facebook
visitez le site Internet que deux passionnés ont consacré à la basilique del Pilar (validé par le Ministère de la Culture de la Ville Autonome de Buenos Aires)
La paroisse Nuestra Señora del Pilar dispose de son propre site (à forte dimension confessionnelle, comme on peut bien le penser) mais c'est le site "officiel" de ce lieu. Ne vous étonnez pas d'y trouver force référence au Pape François. Il y a un lien !
Cette paroisse s'est aussi installée sur Facebook.
Vous pouvez aussi visiter le site Internet du quartier et lire la letra de tango que Horacio Ferrer a dédiée à son quartier d'adoption (qui est aussi le quartier natal de sa mère) et que j'ai traduit dans un cahier bilingue publié dans la revue Triages (n° 20, Tarabuste Editions, juin 2008) (6)

Dans ce blog, vous pouvez accéder aux diverses entrées sur l'actualité de Recoleta en cliquant sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.



(1) Rivadavia est en quelque sorte l'âme damnée de la période indépendantiste. Certes, c'est lui qui fonda l'Université de Buenos Aires et son nom mérite de rester dans l'histoire pour cela. Mais le reste ! Personnage fourbe, arrogant, anti-social, raciste, ivre de pouvoir, belliqueux... Bref, tout ce qui peut le rendre sympathique aux yeux d'un homme du XXIème siècle... Sa tradition politique a été reprise à partir de la fin du XIXème siècle par les penseurs de l'oligarchie, comme Sarmiento et Mitre, et portée au pinacle par la Generación del Ochenta (1880-1916). En toute logique, il est honni par l'actuel courant historique que les Argentins appellent le révisionnisme et qui institutionnalise l'interprétation du passé national, une vision à la fois souverainiste et sociale, c'est-à-dire péroniste pour l'essentiel et un peu radicale à la marge.
(2) L'urne a en effet été placée en 1998 dans le gigantesque reliquaire qu'on a bâti à Yapeyú, dans la Province de Corrientes, autour de ce qui doit avoir été la maison natale du général San Martín et a dû servir de palais (fort modeste) au capitaine de Juan de San Martín (1728-1796) au temps où il était le vice-gouverneur du district de Yapeyú, de 1776 à 1781. La ville a été incendiée en 1817 par une expédition luso-brésilienne et il ne reste rien de la cité jésuite où San Martín a vu le jour, pas même les archives paroissiales où son baptême et celui d'un de ses frères ont dû être inscrits. Tant et si bien qu'on n'a pas la preuve qu'il est né là. Ce qui fait naître des tas de spéculations plus oiseuses les unes que les autres mais qui sont le revers de toute transformation d'un personnage historique en mythe (c'est la même chose pour Carlos Gardel).
(3) Sur la vie de ce héros de l'indépendance, des droits de l'homme et de l'abolition de l'esclavage, qui a rendu le dernier soupir en France, à Boulogne-sur-Mer, sous la Seconde République, voir la biographie San Martín, à rebours des conquistadors, que j'ai publiée aux Editions du Jasmin en décembre 2012. Voir également la journée de ce voyage consacrée entièrement à ce personnage, deux jours auparavant (le lundi de cette dernière semaine d'avril 2014). L'original du drapeau de l'armée des Andes est conservé dans la ville de Mendoza.
(4) Mais la tombe la plus visitée est un caveau familial qui à première vue ne se distingue pas des autres. Si ce n'est par la quantité de fleurs déposées devant. La concession des Duarte. C'est là que repose le corps embaumé d'Evita (1919-1952).
(5) Comme ça, vous savez pourquoi une milonga de Palermo s'est baptisée La Viruta (le copeau... d'une des lattes du plancher -piso-, ce copeau qu'arrachent les semelles de danseurs si pris par leur passion qu'ils en transforment leurs inoffensives chaussures en rabots).
(6) Vous pouvez retrouver toutes les références de mes livres, leur présentation et leurs modalités d'achat (prix, lieux, commandes...) sur mon site Internet.

Les vœux de la Maison de l'Argentine à Paris en français [ici]


La révocation de Claudio Espector continue à faire des vagues [Actu]

Sur les réseaux sociaux comme dans la presse de gauche, l'éviction inattendue de Claudio Espector, fondateur et coordinateur général du Programa de Orquestas Infantiles, continue à faire du bruit.

Claudio Espector chez lui (photo Ezequiel Torres, pour Veintitrés)

Le jour de Noël, Claudio Espector a été interviewé sur les ondes de Fractura Expuesta, l'émission sur le tango et la culture populaire, dont je vous parlais souvent il y a quelques années (je dois avouer que le temps me manque parfois pour le faire avec la même régularité maintenant). Une interview d'une dizaine de minutes, avec quelques problèmes de communication au départ. Claudio Espector y déclare qu'il se maintient à la tête du programme et qu'avec le soutien des syndicats, il se prépare à attaquer en justice la décision du Gouvernement portègne, qui ne lui a toujours pas été formellement notifiée.

Tels que je les ai vus en août dernier, il est probable que le soutien de tous les enseignants lui est acquis et qu'aucun d'entre eux ne veut avoir affaire au clarinettiste de troisième zone que la secrétaire adjointe à l'équité musicale a nommé à sa place. La résistance peut donc durer longtemps, pour autant que la mobilisation des parents se maintiennent elle aussi.

Dans cet entretien, Claudio Espector expose les contradictions des explications que le Gouvernement portègne donne à l'arrêt du budget alimentaire du Programa. L'exécutif dit vouloir obliger les parents d'élèves à prendre en charge la nourriture des enfants (1) mais d'un autre côté, rappelle Claudio, dans le peu d'habitations que la Ville a fait construire dans ces quartiers populaires, les architectes ont omis d'intégrer une cuisine et pour ce qui est des meubles, ils n'ont même pas pensé qu'une famille avait besoin de chaises et d'une table.
On se croirait revenu en France au temps de l'épopée minière lorsqu'un patronat arrogant et méprisant justifiait l'absence de salle de bain dans les corons : "une baignoire, pensez-donc, ils y mettraient le charbon !". (2)

Cette interview décapante, vous pouvez l'écouter en ligne et même la télécharger gratuitement en cliquant sur le lien.

Deux jours plus tard, le 27 décembre, le magazine hebdomadaire Veintitres a consacré au musicien et enseignant un article élogieux. Le journaliste remarque que Claudio Espector a échappé au système des dépouilles qui existe en Argentine comme aux Etats-Unis et qui veut que chaque nouvel exécutif, au moment où il prend ses fonctions, renouvelle l'ensemble du personnel dépendant d'une nomination gouvernementale. Il rappelle le parcours de Claudio et la façon dont a surgi l'idée du Programme : lorsque le gouvernement de la ville, sous l'impulsion de Fernando de la Rúa (pourtant de sinistre mémoire), avait créé, sur le modèle français, des Zones d'Action Prioritaire, dans le but de combattre l'absentéisme scolaire et le fort taux de redoublement des enfants issus des populations les plus fragiles. C'est dans ce cadre que Claudio proposa de créer dans ces écoles des ZAP des orchestres pour redonner aux enfants le goût d'apprendre et des savoir-être socialisants, comme le fait de s'écouter mutuellement, de se respecter, de travailler en équipe. Il a fondé le premier orchestre dans le quartier de Villa Lugano, un quartier du sud-ouest de la capitale argentine. "[A Villa Lugano], aller à l'école avec un violoncelle, une flûte ou un violon, ça faisait son effet", raconte Claudio Espector, dans cet article interview que vous pouvez lire en cliquant sur ce lien.

Me quieren hacer creer que me convierten en maestro de los maestros pero claramente me corren, eufemísticamente y mintiendo. Más allá de lo personal, es una decisión política. No les parece bien que visualicemos las carencias que existen. No acuerdan con que vayamos a los barrios y no le pongamos límites a la educación de los pibes, pensamos que los chicos pueden hacer todo. Ellos le ponen techo al desarrollo de los pibes. Cuando viajaron a Berlín les dijeron: ‘Esto es un privilegio para ustedes’, a lo cual una de las chicas de la orquesta les contestó: ‘Esto no es un privilegio, esto es un derecho’. Para el Pro, en un barrio pobre la educación tiene que ser pobre. Nosotros creemos que tiene que ser la mejor”.
Claudio Espector, dans Veintitres

Ils veulent me faire croire qu'ils me reclassent comme formateur de formateurs (3) mais il est bien clair qu'ils me foutent à la porte avec des euphémismes et des mensonges. Au-delà de l'aspect personnel, c'est une décision politique. Ils n'aiment pas que nous ayons identifié les éléments qui font défaut (4). Ils ne sont pas d'accord qu'on aillent dans les quartiers et qu'on ne mette pas de limite à l'éducation des gamins, que nous pensions que les mêmes peuvent tout faire. Eux ils mettent un plafond au développement des gamins. Quand ils sont allés à Berlin, ils leur ont dit : C'est un privilège pour vous. Ce à quoi une des gamines de l'orchestre leur a répondu : Ce n'est pas un privilège, c'est un droit (5). Pour le PRO (6), dans un quartier pauvre, l'éducation doit être pauvre. Nous, nous croyons qu'elle doit être la meilleure.
(Traduction Denise Anne Clavilier)


Pour en obtenir une traduction complète, utilisez le service Reverso, dont vous trouverez le lien dans la rubrique Cambalache en bas de la Colonne de droite de ce blog.


(1) En Argentine, l'école publique et obligatoire jusqu'à 12 ans prend en charge gratuitement les repas des enfants qui ne peuvent pas rentrer déjeuner à la maison, tout au long de l'année scolaire (et même parfois pendant les vacances). Ce service de cantine est suffisamment stigmatisant pour qu'aucun parent de la classe moyenne ne songe à essayer d'en profiter (et en plus, comme les moyens sont maigres, ce n'est vraiment pas fameux). Il s'agit de garantir que, dans la République argentine, tous les enfants bénéficient de bonnes conditions pour étudier même si leurs parents sont trop pauvres pour les nourrir convenablement. La politique de Mauricio Macri tend à tout individualiser, à dévitaliser la solidarité effective et il cherche donc à criminaliser la pauvreté et en particulier le fait que les parents n'assurent pas eux-mêmes un régime alimentaire équilibré à leur enfants, par manque de moyens matériels et de connaissance diététique. Lui et ses ministres insinuent ainsi que les pauvres vivraient en assistés aux crochets de la collectivité (c'est-à-dire de la classe moyenne où se recrute le gros de l'électorat macriste). Il prétend donc qu'il faut les obliger à s'occuper de leur progéniture. Voir à ce propos la letra de tango de Raimudo Rosales, Mañana Clara, que j'ai traduite dans Deux cents ans après, Tarabuste Editions, janvier 2011, sur la vie d'une cuisinière de cantine scolaire qui tous les matins fait la polenta pour les estomacs des écoliers qui arrivent à l'école à jeûn.
(2) N'oublions pas qu'à la même époque, dans nos pays, il existait aussi un patronat social, qu'on a plus tard taxé de paternaliste, que sa conscience obligeait à créer dans ses cités ouvrières une école (avant que l'instruction soit obligatoire), un dispensaire, une pouponnière dont l'accès était de droit pour leurs salariés et leurs familles. Une tendance patronale qui  n'a jamais existé significativement en Argentine.
(3) La secrétaire adjointe à l'équité musicale Soledad Acuña, en le recevant le 20 décembre, a proposé à Claudio Espector un poste d'enseignant pour former des professeurs de musique.
(4) Claudio fait ici référence aux  nombreux chapitres du budget de fonctionnement qui ne sont pas pourvus par le Gouvernement portègne : achat et entretien des instruments, matériels auxiliaires tels que sièges et pupitres, partitions et goûter des enfants.
(5) Qu'une gamine voie si clair dans leur jeu, ça n'a pas dû leur plaire, en effet. Et pourtant, la petite avait raison. Dans son interview, Claudio souligne que lorsque les enfant ont reçu des reconnaissances internationales après certains concerts, il n'y a jamais eu un seul représentant du Gouvernement portègne pour les féliciter ni par écrit ni par la moindre visite.
(6) Parti politique de Mauricio Macri, qui forme la majorité relative à la Legislatura de Buenos Aires et auquel tout le gouvernement municipal appartient, directement ou par alliance stratégique.

Les vœux de l'association de tango argentin d'Orléans [ici]


jeudi 26 décembre 2013

Le sonnet de Nouvel An de Héctor Negro [Jactance & Pinta]

Héctor Negro, le 17 août 2011, à  l'Alliance Française de Buenos Aires
présentant avec Marcela Bublik et moi mon livre Deux cents ans après

Tous les ans à la même époque, c'est pour moi un grand plaisir (1), un plaisir gourmand oserais-je dire, entre la bûche et le champagne, de vous présenter, en version originale et en français, les vœux de ce grand poète portègne et tanguero qu'est Héctor Negro (2).
Tous les ans, un sonnet digne de La Pléiade ou de Pétrarque.
Quatorze alexandrins vêtus comme les princes de faubourg qu'ils sont (Nobleza de Arrabal nous aurait dit Homero Manzi, et ce pour saluer Nelly Omar, qui nous a quittés il y a quelques jours à cent deux ans).

Pour ne pas changer, cette cuvée négréenne se présente comme un excellent millésime, gouleyant à souhait. Le Bon Dieu en culotte de velours qui vous descend dans la feuille...

SONETO DESDE EL 2013 HACIA EL FUTURO

Ya van quedando restos de este trece
que con dos mil arriba entra al pasado.
Y mientras su final, presto acontece,
le carga al que lo sigue, su legado.

Sonnet de 2013 vers le futur

Il reste bien quelques miettes de cette année 13
qui entre dans l'histoire avec deux mille autres par-dessus
Mais tandis qu'elle se meurt, voici que je fais le compte
sur l'ardoise de la suivante de ce qu'elle nous laisse.

Un cambalache atroz, un rejuntado
de insensatez feroz se desvanece.
Mientras sufrimos todo lo aguantado
y apenas si salvamos lo que crece.

Un effroyable souk, un aggloméré
de folie furieuse disparaît en fumée.
En supportant tout ce qu'on s'est farci
Nous préservons à grand peine ce qui fleurit.

Y allá sigue, eterno y barajando,
el barba que invocó el candor humano:
el Dios que sabe como, donde y cuando

Et là-haut, battant éternellement les cartes
encore et toujours le barbu suscité par la candeur des hommes :
ce Dieu qui sait quand, où et comment


te espera ese futuro que soñamos.
De la cola lo estamos agarrando.
No vaya a ser que venga a contramano...

Héctor Negro/ Diciembre 2013

T'attend ce futur de nos rêves.
Nous le tenons par la peau des fesses.
Pourvu qu'il ne s'amène pas en sens inverse...

Héctor Negro, décembre 2013
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Héctor Negro et moi, après la conférence
le 17 août 2011 à l'Alliance Française de Buenos Aires

(1) J'en ai hélas été privée depuis quelques années, la faute sans doute à une messagerie alors quelque peu capricieuse, qui aura mangé la commission ou qui aura confondu sonnet et spam (ignare, comme dirait l'ami Assurancetourix). Ce ne serait pas le seul tour qu'elle m'aura joué ces dernières années.
(2) Héctor Negro dispose de son chapitre, avec une dizaine de textes, en vers, en prose et en vers libres, dans l'anthologie bilingue de dix poètes et paroliers que j'ai publiée chez Tarabuste Editions, à la toute fin 2010 sous le titre Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers la littérature du tango (présentation de l'ouvrage dans ce blog, en cliquant sur l'image de la couverture dans la Colonne de droite, ou sur mon site Internet, où sont rassemblés les différents moyens de vous procurer un exemplaire et même un bon de commande en version imprimable).
Comme Claudio Espector aujourd'hui, Héctor Negro lui aussi a fait les frais, il y a plusieurs années, de la gestion arbitraire et "entrepreunariale" de l'actuel Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires (voir à ce sujet mon article du 20 mars 2009)

Les vacances d'été de Barrio de Tango [ABT]

Aníbal Troilo (à gauche) et Astor Piazzolla, avec Amelita Baltar, un été à Mar del Plata

Comme tous les ans à pareille époque, le rythme de Barrio de Tango va ralentir pendant l'été austral, c'est-à-dire jusqu'à la rentrée générale argentine du début mars.

Bien entendu, je continuerai à décliner le contenu du Roman National argentin, voyage culturel, solidaire et humain que j'ai monté en partenariat avec l'agence de tourisme solidaire et durable Human Trip et à suivre l'actualité, notamment sur ce qui va se passer durant l'été autour du Programa de Orquestas Infantiles si durement frappé la semaine dernière, par l'inadmissible révocation de son fondateur et coordinateur historique, le Maestro Claudio Espector.
Jusqu'aux premiers jours de janvier, je continuerai aussi à vous transmettre les différents vœux des artistes et des institutions culturelles à Buenos Aires et ailleurs dans la région...

Pour le reste, je vais comme d'habitude rentrer en coulisses où m'attendent de pied ferme d'autres tâches. Ce n'est pas le travail qui manque. A commencer par la publication de mon prochain livre, une sorte de portrait épistolaire de San Martín, confectionné à partir d'une documentation historique tout au long de sa longue vie passée à cheval sur deux continents, soit sept pays différents (en trois langues distinctes : l'espagnol, le français et l'anglais). Sans parler d'autres projets sur lesquels je garde pour le moment le secret.

Pendant ces vacances d'été de Barrio de Tango, j'assurerai plusieurs rencontres avec le public à travers des conférences, des dédicaces et des salons du livre. Tout cela sera présenté au fur et à mesure dans ces colonnes mais l'agenda complet (avec une plus grande anticipation) se trouve sur mon site Internet.

Et ce premier rendez-vous de 2014, qui sera aussi l'année d'un double centenaire, celui de Julio Córtazar et celui de Aníbal Troilo (photo ci-dessus), sera à Paris, à la Maison de l'Argentine, le 7 janvier pour une conférence-débat sur la préhistoire du tango. Avant qu'il n'apprenne à parler et à écrire.

Une des plages de Mar del Plata, en cette saison.
Mais attention : on a beau être l'été, l'eau est très froide
La ville a vu naître Astor Piazzolla
et mourir Alfonsin Storni, la grande poétesse suisso-argentine
(photo Leonardo Libisz)

Les bons vœux de La Viruta [Coutumes]


La Viruta est une célèbre et traditionnelle milonga du quartier de Palermo (Armenia 1366), dans cette zone que les Portègnes appellent Palermo Viejo (voir notre visite du quartier au cours du séjour culturel que je vous propose avec l'agence Human Trip en avril-mai 2014).

Pour suivre les activités proposées par La Viruta :
consulter leur site Internet.

mercredi 25 décembre 2013

Un écran de veille au pied du sapin de Barrio de Tango [Activités Barrio de Tango]

Un show de la Biyuya pendant l'hiver 2009 au Centro Cultural Chacra de los Remedios
Cette année, je vous propose un écran de veille sur Buenos Aires, la Buenos Aires que j'aime, sans le bariolage artificiel de Caminito ni aucun des clichés ordinaires qui abondent sur Internet. La Buenos Aires que je vous invite à venir découvrir avec moi, grâce à Human Trip (voir mes articles sur ce voyage).

Il existe en deux formats, avec les extensions .exe ou .scr. Il pèse 7 Mo environ.

Vous pouvez le télécharger dans l'un ou l'autre format en cliquant sur ce lien qui vous enverra sur un dossier d'archives en libre consultation.
Podés descargar el salvapantalla especial Buenos Aires que te propongo gratis al hacer clic acá. Está disponible en una carpeta libre.
You can download a Buenos Aires special free screensaver on clicking here and opening a free folder.

Cet économiseur d'écran comporte une photo de nos chères Orquestas Infantiles de Buenos Aires pour lesquelles on espère que les Rois Mages seront un peu plus généreux que l'affreux jojo de Père Noël yanqui, si cher au Gouvernement Macri, qui vient de les priver de leur coordinateur historique, le Maestro Claudio Espector.

Vous pouvez également accéder à ce téléchargement à travers mon site Internet et très bientôt, un peu plus tard dans la journée, sur ma page Facebook.


mardi 24 décembre 2013

Manifestation hier pour soutenir Claudio Espector [Actu]

Claudio Espector répondant à l'agence de presse argentine (Télam)

Hier, sur le Paseo Colón, à San Telmo, devant le ministère de l'Education du Gouvernement portègne, une foule d'enseignants, de parents, d'enfants et d'élus s'est rassemblée pour réclamer le retour dans son poste du Maestro Claudio Espector, révoqué la semaine dernière pour des motifs qui laissent sans voix en démocratie : 100% à la tête du client. Des motifs très arbitraires puisque la Secrétaire adjointe à l'équité pédagogique lui reproche pour l'essentiel d'avoir une personnalité qui lui déplaît à elle. Peu importe que les enfants lui sautent au cou à lui comme je le ai vu faire de mes propres yeux au mois d'août dernier à Buenos Aires.

Les manifestants portaient tous un petit autocollant bricolé à la va-vite : Claudio no se va (Claudio reste).

Claudio lui-même a été fort sollicité hier par les journalistes et la page Facebook de soutien au programme relaie les interviews écrites, télévisées et radiophoniques comme cette interview sur Radio Continental : 


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Parmi ses déclarations les plus importantes, la dénonciation du choix d'une date qui devait empêcher les gens de se mobiliser (entre la fin de l'année scolaire le 15 décembre et le début des fêtes de fin d'année), les motifs arbitraires et cyniques avancés par les responsables ministériels et la persécution idéologique dont il se voit l'objet depuis deux ans, c'est-à-dire depuis l'arrivée de Soledad Acuña au poste de secrétaire adjointe à l'équité pédagogique (1), sa récente élection, en juin, comme Personnalité de la Culture, grâce au vote de tous les groupes politiques de la Chambre législative de Buenos Aires (Legislatura). On le sent assez souvent ému. Il y a de quoi ! Seize ans de travail passionné et cette révocation brutale, humiliante et injuste...

Photo CTA

La manifestation a été appuyée par les syndicats, notamment la CTA (un syndicat radicalisé), Centrale des Travailleurs Argentins, et l'UTE, Union des Travailleurs de l'Education. Ils vont se mobiliser pendant l'été et revenir en force en février au moment de la négociation paritaire obligatoire de pré-rentrée. Les relations entre les syndicats et le Gouvernement de Mauricio Macri n'ont jamais été bonnes mais là, ça s'annonce explosif une nouvelle fois.

Reportage au journal de mi-journée de Canal 7 (la Tele Pública), hier (partie 1)

Sur Página/12, on trouve ce matin un reportage sur la manifestation d'hier et un billet d'opinion de Diego Fischerman qui compare les parcours de Claudio Espector et de son remplaçant aussitôt nommé (de toute évidence pour détruire le caractère social du programme). C'est saignant. Je vous le traduis ci-dessous, non sans déplorer auparavant que certaines accusations soient portées sans citation des sources ni aucune preuve à l'appui, ce qui fragilise l'argumentation, quand bien même celle-ci refléterait effectivement des comportements fort bien identifiés et fort habituels au sein de l'administration Macri (et ce n'est pas une raison pour s'abstenir de documenter un billet d'opinion).

OPINION

Vidas paralelas

Por Diego Fischerman
Uno de ellos es pianista. El otro tocaba el clarinete. El primero dirigió el Conservatorio Manuel de Falla y creó y coordinó el programa de orquestas infantiles y juveniles de Buenos Aires, por donde han pasado más de 15.000 alumnos a lo largo de 16 años, muchos de ellos sumamente humildes y una buena cantidad proveniente de villas de emergencia. El segundo se dedicó a negocios relacionados con la música, patentó varios dominios de Internet y desde la asunción de Macri como jefe de Gobierno de la Ciudad ha pasado por varios puestos de importancia. Claudio Espector, el primero, fue echado de su cargo. Eduardo Ihidoype, el segundo, es el reemplazante elegido por el gobierno porteño.

Opinion
Vies parallèles
par Diego Fischerman
L'un d'eux est pianiste. L'autre jouait de la clarinette. Le premier a dirigé le Conservatoire Manuel de Falla, créé et coordonné le programme des orchestres d'enfants et de jeunes de Buenos Aires, par où sont passés plus de 15 000 élèves en seize ans, beaucoup d'entre eux étant des gens très humbles et un bon nombre venant de bidonvilles. Le second s'est consacré à faire des affaires autour de la musique, a déposé des noms de domaines sur Internet et depuis l'arrivée de Macri à la fonction de Chef de Gouvernement de la Ville, il est passé par plusieurs postes importants. Claudio Espector, le premier, a été viré de son emploi. Eduardo Ihidoype, le second, a été choisi pour le remplacer par le Gouvernement portègne.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Este funcionario, hasta ahora “gerente” (sic) del programa Música para la equidad del Ministerio de Educación de la Ciudad, tiene un impactante currículum reciente: en 2008 fue ascendido por decreto, dentro de la planta de la Filarmónica de Buenos Aires, donde tocaba el tercer clarinete. Ese mismo año fue nombrado director ejecutivo de esa orquesta y entre 2010 y 2012 fue el director del Instituto Superior de Arte del Teatro Colón, cargo que, según fuentes fidedignas, debió abandonar tras haber participado en activas conspiraciones contra el director del teatro, Pedro Pablo García Caffi. En 2011 fue nombrado integrante de la Comisión Permanente del Estatuto del Docente para Areas de Enseñanza Específica, sin que eso significara que dejara de percibir el sueldo como director ejecutivo de la Filarmónica, que aún sigue cobrando aunque no desarrolla tal función. Y, por otra parte, sigue figurando en el padrón del Ente Autárquico Teatro Colón, conservando su cargo de clarinetista aunque ya no actúa en la Orquesta. Su antecedente más significativo, no obstante, es muy anterior: fue compañero de escuela del jefe de Gobierno.
Diego Fischerman

Ce dignitaire, jusqu'à présent directeur (2) du programme Musique pour l'équité du Ministère de l'Education de la Ville, a, ces derniers temps, un CV de poids : en 2008, il a été promu par décret, au sein du Philharmonique de Buenos Aires, où il était troisième clarinettiste. La même année (3), il a été nommé directeur exécutif de cet orchestre et de 2010 à 2012, il a été le directeur de l'Institut Supérieur des Arts du Teatro Colón, poste que, selon des sources dignes de foi, il a dû quitter après avoir participé à d'actives conspirations contre le directeur du théâtre, Pedro Pablo García Caffi. En 2011, il a été nommé à la commission permanente du Statut de l'Enseignant pour l'Enseignement spécialisé, sans que cela emporte qu'il arrête de percevoir son salaire de directeur exécutif du Philharmonique, qu'il continue même de toucher alors qu'il n'occupe pas cette fonction. Et d'autre part, il continue à figurer sur l'organigramme de la Société indépendante du Teatro Colón, où il conserve son poste de clarinettiste alors qu'il ne joue plus dans l'orchestre. Son antécédent le plus significatif date cependant de bien plus longtemps : c'est un camarade d'école du Chef du Gouvernement.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Reemplazar a un funcionario es una de las atribuciones de un gobierno. Podría ser que las autoridades del caso, expertas en la materia, desde ya, juzgaran la tarea de Espector insatisfactoria. O que Ihidoype, fruto del saber adquirido a lo largo de una profusa carrera educativa, hubiera presentado un nuevo proyecto, tan atractivo como superador. Las cosas, sin embargo, no fueron así. “Hubo una reunión con la subsecretaria de Equidad Educativa, Soledad Acuña, en la que también estuvo presente el jefe de Gabinete del Ministerio de Educación porteño, Diego Fernández, y ambos me notificaron que quedaba desvinculado de las orquestas juveniles”, contó Espector. Y los argumentos esgrimidos por su superior jerárquico fueron, por lo menos, curiosos: “Acuña dijo que no sabía si me separaban por un tema personal, ideológico o político”. Respaldado en una carta firmada conjuntamente por Daniel Filmus, Mariano Narodowski y Mario Giannoni, tres ex ministros de Educación de la Ciudad de distinto signo político, Espector fue apoyado ayer en un acto masivo donde tocaron los chicos de las orquestas. Premiado este año como personalidad destacada de la cultura por el mismo gobierno que ahora intenta echarlo, Espector venía denunciando la reducción de las viandas de los niños, la quita del subsidio de cooperadora con el que se compraban los instrumentos e insumos, la dilación y discriminación en el pase a Interinato de sus docentes, la falta de nombramientos y, últimamente, la misteriosa aparición del gerente de Música para la Equidad y de unas orquestas paralelas sobre las que no se le informaba. Acuña no “sabe” si las causas del despido –y el consiguiente reemplazo por Ihidoype– son “personales, ideológicas o políticas”. Sabe, eso sí, que no son profesionales.
Diego Fischerman

Remplacer un responsable est une des attributions d'un gouvernement. On pourrait comprendre que les autorités compétentes, expertes en la matière, aient jugé la prestation de Espector désormais insatisfaisante. Ou que Ihidoype, fruit d'un savoir acquis au long d'une longue et belle carrière pédagogique, ait présenté un nouveau projet, aussi séduisant que plus abouti. Toutefois, ce n'est pas ça qui s'est passé. "Il y a eu un rendez-vous avec la secrétaire adjointe de l'équité pédagogique, Soledad Acuña, auquel a aussi participé le Secrétaire général du Ministère de l'Education portègne, Diego Fernández, et tous deux m'ont notifié mon éloignement des orchestres d'enfants", dit Espector. Et les arguments que lui a servis sa supérieure hiérarchique ont été pour le moins curieux : "Acuña m'a dit qu'elle ne savait pas s'ils me congédiaient pour un motif d'ordre personnel, idéologique ou politique". Soutenu par une lettre signée conjointement par Daniel Filmus (4), Mariano Narodowski (5) et Mario Giannoni, trois ex-ministres de l'Education de la Ville de différentes couleurs politiques, Espector a reçu hier l'appui d'une manifestation massive où les gamins des orchestres ont joué. Distingué cette année en qualité de personnalité de la culture par ce même gouvernement (6) qui maintenant essaye de le virer, Espector ne cessait de dénoncer la réduction des goûters des enfants, la disparition des subventions d'achat des instruments et des consommables, le retard et la discrimination dans la titularisation des enseignants, les nominations restées en souffrance et, ces derniers temps, la mystérieuse apparition du directeur de Musique pour l'Equité et de certains orchestres parallèles sur lesquels il n'avait pas d'information. Acuña ne sait pas si les causes de la révocation et le remplacement par Ihidoype qui l'a suivie sont d'ordre personnel, idéologique ou politique. Mais il y a une chose qu'elle sait, c'est qu'elles ne sont pas d'ordre professionnel.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Reportage de Visión 7 d'hier (partie 2)

Pour aller plus loin :
lire le reportage de Página/12 sur la manifestation d'hier
lire et écouter le reportage de Radio Central (CTA)
lire la dépêche de Télam sur la lettre conjointe des trois ex-ministres portègnes de l'Education
Se connecter sur la page Facebook de soutien au programme


(1) La bureaucratie argentine n'a rien à envier à son homologue française. C'est une véritable armée mexicaine, avec des chefs et des sous-chefs de tout et de n'importe quoi à tous les étages et ce sont souvent autant de petits chefs hargneux et vindicatifs comme c'est le cas de cette femme.
(2) gerente est un substantif en usage dans le secteur marchand, dans les entreprises privées, il n'est pas en usage dans le service public et le secteur non marchand. Cela sonne comme directeur commercial. D'où le sic dont Fischerman l'affecte parce que c'est un terme tout à fait déplacé.
(3) 2008 est le début du premier mandat de Mauricio Macri.
(4) Daniel Filmus est aujourd'hui une des fortes pointures du Frente para la Victoria (le partie de la présidente Cristina Kirchner).
(5) Mariano Narodowski a été le premier ministre de l'Education de Macri. Il a été remplacé aujourd'hui par Bullrich, dont le journaliste de Radio Continental dit à Claudio au cours de son interview qu'il l'a lui-même entendu louer le travail qu'il réalisait à la tête de son programme pédagogique. Le fait que ces deux hommes aient signé ensemble une pétition commune est en soi un événement politique de première importance. Cela n'existe jamais dans la vie politique argentine où la conflictualité est presque érigée en règle de vie et de comportement.
(6) Erreur d'analyse : c'est la Legislatura qui lui a accordé ce titre honorifique et pas le Gouvernement. En revanche, les députés macristes ont voté cette distinction.