mardi 30 janvier 2018

Le gouvernement annonce une réforme de son fonctionnement [Actu]

En haut, photo et gros titre sur les annonces du Président,
que l'on voit de dos
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Le Président Mauricio Macri, de retour de sa tournée européenne, a annoncé une réduction de 25% des postes de dignitaires gouvernementaux (qu'il avait notablement augmenté depuis deux ans) et une interdiction d'embaucher sur des postes publics les proches des ministres et autres responsables nommés par le pouvoir politique.

La Nación a consacré sa photo de une à l'hommage d'un brise-glace
à l'équipage disparu du ARA San Juan
Les décisions gouvernementales ont droit au gros titre
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Pour faire des économies, puisque le pays n'arrive pas à sortir de la crise malgré les espoirs mis sur la politique de libéralisation du marché (qui aurait plutôt aggravé la situation, semble-t-il), le Président a aussi annoncé un gel des rémunérations de tous les ministres et hauts-commis de l'Etat (en argentin, les funcionarios).

Un certain nombre d'enfants, sœurs, frères et neveux de ministre ont démissionné durant les quarante-huit heures dernières. Il faut dire qu'en Argentine le népotisme est un mal endémique à tous les niveaux du pouvoir exécutif. Il est courant qu'un ministre nomme comme directeur dans son ministère l'un de ses parents. Et cela s'est vu à de nombreuses reprises avec le gouvernement Cambiemos, alors que le Président promettait le contraire au moment de sa prise de fonction.

Hier, Clarín a choisi de faire son gros titre sur les annonces de Macri
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Il met ses actes en accord avec ses paroles. Certains observateurs de la vie politique argentine ont rattaché cette décision à la récente rencontre entre Macri et Macron puisqu'on sait très bien en Argentine que la France vient de prendre des mesures du même genre pour le parlement.

Au niveau national, quarante personnes sont concernées par cette mesure anti-népotisme et doivent démissionner ou être révoquées par le ministre dont elles dépendent. La réduction des postes touche quant à elle six cents personnes.

Hier, Página/12 a préféré titrer sur la chute de la popularité
du Président (la grosse chute, bajón) que l'on voit ici bien soucieux

La gouverneure de la Province de Buenos Aires, Eugenia Vidal, l'une des plus subtiles mandataires Cambiemos, et plusieurs maires ont pris la même décision.

Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 d'hier sur la réforme annoncée
lire l'article de La Nación d'hier sur la réforme
lire l'article de La Nación sur les proches de ministres aujourd'hui en poste
lire l'article de Página/12 d'aujourd'hui sur les suites de la décision
lire l'article de La Prensa sur les déclarations présidentielles
lire l'article de La Prensa sur la démission des sœurs d'un ministre qui sort tout juste lui-même d'un scandale
lire l'article de La Nación d'aujourd'hui sur les déclarations présidentielles
lire l'article de La Nación sur la décision anti-népotisme de la Gouverneure Eurgenia Vidal à La Plata
lire l'article de La Nación sur la déclinaison des mesures anti-népotisme au niveau municipal
lire l'article de Clarín sur la déclinaison à Buenos Aires et dans la Province

Ajout du 2 février 2018 :
lire cet article de Clarín sur la réaction du ministre de la Culture qui pense que le décret qui interdit aux proches des membres du Gouvernement d'assumer des fonctions publiques n'est pas juste. Pablo Avelluto est le seul ministre qui ose se prononcer sur ce point en public. Il se murmure qu'en privé, beaucoup de gens grincent des dents.

Ajout du 4 février 2018 :
lire cet article de Página/12 qui dénonce le double jeu du gouvernement et le rôle de cache-sexe du décret anti-népotisme qui ferait diversion aux conflits d'intérêt que les caciques de Cambiemos maintiennent dans la gestion des sociétés qui leur appartiennent ou appartiennent à des membres de leurs familles

lundi 29 janvier 2018

Le mythe de l'Argentine blanche et la résistance historico-humoristique [Actu]

La semaine dernière, au Sommet économique de Davos, Mauricio Macri a déclaré aux hommes d'affaires européens qui y étaient réunis que tous les Argentins descendaient d'Européens, ce qui aurait justifié, selon lui argument, que se développent les relations commerciales et les partenariats économiques entre l'Union Européenne et l'Argentine. Cela a fait réagir toute la presse, de droite comme de gauche, car tout le monde sait très bien dans quelle perspective pour le moins dépassée cet argument a été utilisé par l'oligarchie, à chaque fois qu'elle a gouverné le pays, depuis 1860 jusqu'au retour à la démocratie en 1983, et que cette thèse correspond à un gros mensonge, pour ne pas parler d'une falsification délibérée de l'histoire. Et rares sont sont qui n'en conviennent pas aujourd'hui.

C'est un peu comme si un chef d'Etat français relançait, devant une assemblée internationale, la fable de "nos ancêtres les Gaulois". Cela le ferait passer pour un crétin qui n'est même pas au courant des avancées de la recherche historique dan son propre pays. C'est ce qui est arrivé à une ou deux reprises à Nicolas Sarkozy, en campagne électorale, lorsqu'il cherchait à plaire, en vain, à une certaine frange de la population française, dont il flattait bassement le racisme plus ou moins ouvert.

Qui plus est, depuis le retour à la démocratie, il y a une prise de conscience de plus en plus nette dans l'opinion publique, et non plus seulement chez les intellectuels et les universitaires, qu'il existe des peuples originels, que ceux-là ne sont pas venus d'Europe et qu'ils ont droit, comme tout un chacun, de participer à la communauté nationale. L'introduction dans le pays d'esclaves africains pendant toute la période coloniale est aussi un fait historique qui remonte à la surface, dans le roman national en cours d'élaboration.

Cette déclaration est donc d'autant plus gênante que Mauricio Macri avait affirmé très solennellement en décembre 2015, lorsqu'il a prêté le serment présidentiel, qu'il comptait bien faire des peuples originels des sujets de droit au sein de la République et non plus des assistés, vivant des subventions de l'Etat (ça, c'était pour le coup de griffe au gouvernement précédent). Depuis, on n'a pas vu qu'il ait pris des décisions spectaculaires à leur endroit, mais ce sont des paroles que tout le monde a pu entendre.

Le duo de la vignette de une, le dessinateur Daniel Paz et le scénariste Rudy, se saisissent de l'événement pour brocarder le président et ses propos malheureux, surtout au moment où l'Argentine fait face à des manifestations mapuches en Patagonie depuis plusieurs années. Juste avant le carnaval, qui commence samedi avec les vacances du lundi et mardi gras, sourire un peu ne nous fera pas de mal et pour une fois, c'est sans aucune caricature ni de Macri ni d'aucun de ses ministres.

Les deux chipies de quartiers chic ont fait leur réapparition dans l'édition d'hier.


Et les peuples originels, d'où est-ce qu'ils descendent ? (1)
Je ne sais pas. Des bonnes des Européens.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

Autres personnages récurrents, à la une de ce matin, le gros moustachu est un représentant de l'oligarchie, un peu bas de plafond comme le montre clairement le crayon de Paz, et son assistant ou son grand dadais de fils ou de neveu...



Et les Diaguitas, les Pampas, les Tehuelches ? (2)
Va savoir de quel coin d'Europe ils sont venus !!!
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 sur les déclarations de Mauricio Macri à Davos.



(1) On entend bien, en fond, la blague ultra-classique : les Mexicains descendent des Aztèques, les Péruviens descendent des Incas. Et les Argentins ? Les Argentins, ils descendent des bateaux. Allusion à la grande immigration pan-européenne qui s'est étalée de 1880 à 1930.
(2) Trois noms de peuples originels argentins.

samedi 27 janvier 2018

Une visite argentine qui passe inaperçue en France [ici]

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La France empêche un accord stratégique
(nous ne nous faisons pas que des amis !)

Le Président Mauricio Macri est en visite officielle à Paris, il est accompagné par son épouse, la toujours très élégante et souriante Julia Awada.

Página/12 paraphrase Jules César, avec son humour de une habituel
Avec un espagnol francisé ou un français espagnolisé, dans le sens que vous préférez
"Je suis arrivé, j'ai parlé, j'ai échoué" sur cette si traditionnelle photo élyséenne

Ce soir, le couple se rend au Parc des Princes, pour y retrouver Anne Hidalgo et voir jouer le Paris St Germain. Les trois internationaux argentins de l'équipe sont priés de fouler le terrain et de marquer des buts (ou d'en faire marquer). Il ne faut pas oublier que Mauricio Macri est un connaisseur : il a été pendant de longues années, à Buenos Aires, le président du club Boca Juniors, ce qui lui a mis le pied à l'étrier de la politique, comme c'est souvent le cas en Argentine (dans les milieux très riches).

Pour le reste, la visite n'a pas apporté les succès escomptés, en particulier un déblocage des négociations pour le pacte commercial entre le Mercosur et l'Union Européenne. Emmanuel Macron fait partie des dirigeants européens qui s'opposent à une plus grande ouverture des frontières. Elle mettrait en danger nos éleveurs et nos agriculteurs, lesquels ont déjà du mal à vivre de leur travail, étranglés qu'ils sont par la grande distribution et/ou les industriels. Ils ne survivraient pas au bulldozer des exportateurs sud-américains qui produisent à une échelle industrielle – du bon et du mauvais – et avec des normes très différentes.

La Nación a choisi de ne pas illustrer la visite
mais lui consacre son gros titre
"Macron freine l'accord avec l'UE
mais les négociations continuent"
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Il reste le contact personnel entre les deux hommes dont les modèles économiques et sociaux sont très proches l'un de l'autre et qui participent tous les deux au G20, dont Mauricio Macri assure cette année la présidence.

Sur Clarín, l'info a droit à une petite photo et un petit titre
en haut, sous la bande-titre, à droite
Le gros titre est pour le retrait de certaines allocations sociales
aux syndicalistes qui ont coupé les routes
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Les crues dans toute la France et notamment à Paris, qui occupent l'essentiel des bulletins d'info à la radio et à la télévision et les unes des quotidiens, n'ont pas permis au public français de suivre cette nouvelle rencontre internationale où Emmanuel et Brigitte ont fait les honneurs de la capitale (malgré les inondations), de nos monuments et de notre gastronomies à leurs hôtes d'honneur.

Pour en savoir plus :
lire l'article de Clarín sur la partie de foot de ce soir à la Porte de Saint-Cloud
Un certain nombre de journaux ont aussi rapporté l'achat par l'Argentine d'avions de réforme à l'armée de l'air française. Ce qui renvoie obligatoirement à l'ARA San Juan, qui était lui aussi un sous-marin réformé par la Marine allemande avec le sort tragique que l'on sait !

Ajout du 28 janvier 2018 :
lire cet article de La Nación où Macri se déclare heureusement surpris de l'appui que lui a donné Emmanuel Macron quant à la recherche d'un accord entre le Mercosur et l'Union Européenne, soit exactement l'inverse de ce que le même journal écrivait hier.

jeudi 25 janvier 2018

Les Pays-Bas choisissent un outil nucléaire argentin pour leur système de santé [Actu]

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Toutes les unes ce matin consacre une part de la page à la condamnation de Lula

Le Forum de Davos vient d'être le théâtre d'une annonce faite avec beaucoup de fierté par le Président Mauricio Macri qui est en tournée en Europe (Russie, Suisse puis France) : pour la première fois, l'Argentine va fournir à un pays de l'Union Européenne, les Pays-Bas, un réacteur nucléaire qui sera utilisé à des fins médicales. Cela a valu aux Argentins une nouvelle photo du président avec la reine Máxima, qui, comme on le sait, est argentine de naissance.

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Ici, l'info fait un petit titre (en bas, à droite)

Le réacteur argentin est développé par l'agence nationale INVAP qui a déjà pu le vendre à plusieurs pays, dont des pays dits développés comme l'Australie, et par ailleurs d'autres pays émergents ou en voie de développement comme l'Algérie, le Pérou, le Brésil et l'Egypte.

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Ici, l'info est placée en haut à droite, sous une photo de Merkel et Macron !

Página/12 n'omet pas de mentionner que cette vente avait déjà été acquise en 2009 et annulée par les Pays-Bas à cause de la crise des subprimes. L'exploit est donc à mettre, selon lui, au crédit de Cristina Kirchner. Et comme Mauricio Macri a profité de l'occasion pour revenir sur cet épisode politique en affirmant en public que le pays a tourné la page du populisme, Página/12 lui garde un chien de sa chienne.

Pour ce diagramme, l'INVAP a choisi une planisphère traditionnelle, avec l'Europe au centre
En général, les Argentins mettent l'Amérique au centre. Et c'est bien normal !

Pour aller plus loin :
lire l'article de Clarín, qui publie aussi un sondage d'opinion sur la popularité de Mauricio Macri qui décrocherait brutalement, trois après son succès électoral d'octobre, trois mois qu'il a utilisés pour prendre à rebours toute la politique sociale établie depuis 2007, sans parvenir à juguler ni le chômage ni l'inflation ni même les scandales qui ne touchent pas que son opposition.

Ajout du 29 janvier 2018 :
lire ce billet d'opinion paru dans Página/12 ce matin et signé de deux hommes politiques importants du secteur kirchneriste, Daniel Filmus et Diego Hurtado, qui tâchent de rendre à César (ou à Cristina) ce qui appartient à César.

Ajout du 4 février 2018 :
lire cet article de Clarín sur l'INVAP que le journal a visité et qu'il juge être l'entreprise d'Etat la mieux gérée du pays !

lundi 22 janvier 2018

Nouveaux hommages à El Gráfico [Histoire]

Deux jours après la parution du dernier numéro papier du mensuel sportif nonagénaire, La Prensa, suivi du quotidien uruguayen El País rendaient hommage à El Gráfico.

Sur les pages de Página/12, Miguel Rep s'est uni à l'hommage avec une bande de bas de page.

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Pendant que Tomás m'élaguait les cheveux, ceux qui attendaient lisaient les bonnes pages de El Gráfico (1)
Sur le terrain [vague] (2), il n'y en a pas un qui ne rêve pas de faire la une.
Le spécial Argentine 78 (3) sur lequel Minou a pissé !
2018 : le premier Mundial sans...
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

Pour aller plus loin :



(1) La bulle évoque ici une rubrique en utilisant une expression familière dont la signification exacte m'échappe. Je ne suis pas assez sportive pour avoir été jamais une fidèle lectrice de cette revue !
(2) Les enfants et surtout les enfants des bidonvilles jouent tous au foot sur un terrain vague. Mais du coup, le potrero (le terrain des poulains, les petits chevaux) peut désigner le vrai terrain de foot.
(3) La coupe du monde dont l'Argentine est sortie championne, sous la Dictature. Avec de forts soupçons sur au moins un match de quart de finale, avec le Pérou. Vous reconnaissez cette couverture qui est celle du numéro qui a pulvérisé les records de vente.

Salaire négocié à la hussarde ! [Actu]

Un jeu de mots dans le gros titre comme d'habitude
Faire l'école (l'expression qui s'applique à l'instituteur exerçant son métier)
Défaire l'école

Le gouvernement a profité des vacances pour supprimer par ordonnance (DNU, décret de nécessité et d'urgence, dans la nomenclature constitutionnelle argentine) la commission paritaire sectorielle de l'enseignement, où tous les ans les syndicats négociaient avec le gouvernement la grille des salaires des instituteurs et des professeurs de l'éducation publique.

Cette commission était très emblématique de ces négociations de début d'année qui permettaient de maintenir bon an mal an le pouvoir d'achat des salariés. Elle était particulièrement en vue parce que les syndicats enseignants sont très combatifs depuis de nombreuses années.

Toute la presse a rendu compte de cette décision surprenante, car où est l'urgence alors qu'un congrès est en place et, qui plus est, avec une majorité favorable au gouvernement ?

Daniel Paz et Rudy ont caricaturé à plaisir et à plusieurs reprises ces décisions au cours de la semaine dernière.


Ministre : Les manifestants ont voulu occuper le Congrès mais nous les en avons empêché grâce à la gendarmerie (1)
Journaliste : Et maintenant ?
Ministre : Le Congrès voudrait légiférer mais nous l'en empêchons grâce à des ordonnances.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)


Journaliste : Pourquoi voulez-vous passer outre la commission paritaire de l'Education nationale ?
Ministre : C'est une commission témoin
Jounaliste : Et alors ?
Ministre : C'est un témoin qui en savait trop !
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

Pour aller plus loin :
lire l'article de La Prensa sur les réactions du leader du syndicat majoritaire chez les enseignants
lire l'article de Página/12 le lendemain : il fait écho aux réactions de l'ancien ministre de l'Education nationale qui dénonce un retour en arrière aux années 1990 (l'épouvantail néo-libéral pour toute la gauche)
lire l'article de La Nación du surlendemain qui reprend les réactions des syndicats et les analyse
lire l'article de La Nación qui analyse les réactions lénifiantes du président Mauricio Macri qui relative l'opposition des syndicats à la mesure qu'il a prise.



(1) Allusion aux manifestations violentes qui ont eu lieu à la mi-décembre et dont j'ai rendu compte, lors de la discussion de la loi qui abaissait l'indexation sur l'inflation des miniums vieillesse.

dimanche 21 janvier 2018

Hommage à Paul Bocuse dans la presse argentine [Actu]

Le chef dans son grand âge, avec son col de Meilleur Ouvrier de France

Ce matin, La Nación, Clarín et La Prensa rendent un hommage émouvant, surtout pour les Français, à Paul Bocuse, considéré comme le pape de la cuisine (rien que ça !) ou le meilleur cuisinier du siècle passé...

La mort de Paul Bocuse fait l'objet d'une manchette
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Pour aller plus loin :
lire l'article de La Prensa, que le journaliste ouvre sur une anecdote d'un de ses séjours en France, quand dans un petit village du Lyonnais il s'est trouvé, à l'improviste, presque nez à nez avec Bocuse, sans comprendre de qui il s'agissait. Joli.

mercredi 17 janvier 2018

Un retour en grâce pour le modèle coopératif ? Article n° 5500 [Actu]

Image institutionnelle de la coopérative Liebig

Depuis la prise de fonction de l'actuel gouvernement argentin, les coopératives en ont pris plein la figure dans tous les secteurs, alors que ce modèle d'entreprise avait depuis plusieurs années montré son efficacité économique et managériale, avec des travailleurs satisfaits de leurs conditions de vie et de travail.

Ce matin, La Nación, journal clairement libéral et soutien du gouvernement actuel, publie -on est en plein été, tous les lecteurs ne sont pas au rendez-vous, deux articles élogieux sur ce modèle collectiviste. L'un porte sur la bonne santé d'une coopérative de Corrientes, fondée en 1926 par des immigrants allemands, qui produit et commercialise d'excellentes yerbas mate assez bien distribuées en supérettes, super et hypermarchés, Playadito et ses différentes marques, les plus communes étant Playadito jaune (yerba nature) et Playadito vert (yerba aromatisée avec un mélange d'autres plantes) et le très haut de gamme de Liebig doré (yerba con palo, avec les tiges de la feuille de mate) et Liebig rouge (yerba sin palo, moins goûteuse), sans oublier le mate cocido en sachets, commercialisé sous la charte graphique de Playadito jaune.


Cette coopérative participe à la Ruta de la Yerba Mate, la RYM, un circuit gastronomique à travers les provinces de Corrientes et Misiones, au nord-est de l'Argentine. Le pays natal de San Martín et celui du chamamé, dont c'est actuellement le festival international dans la ville de Corrientes.



L'autre article est une analyse du modèle managérial qu'est la coopérative. Le rédacteur reconnaît que ce modèle fait des salariés épanouis et productifs mais il finit sur une fausse note, en classant les réunions parmi les inconvénients, le danger de la réunionite, alors que c'est ce qui fait la force même du modèle : l'autogestion et la voix délibérative de tous les travailleurs de l'entreprise.

On ne se refait pas ! Capitalistes ils sont, capitalistes ils demeurent.

Pour aller plus loin :
lire l'article de La Nación sur Playadito-Liebig
lire l'article de La Nación sur le modèle coopératif
visiter le site Internet de la Cooperativa Liebig, où vous pourrez même déguster de la musique litoreña (du Litoral) si vous êtes curieux. Avant d'y aller, faites chauffer la pava (bouilloire), remplissez le mate (de yerba Playadito ou Liebig, bien sûr) et armez la bombilla. C'est indispensable pour une bonne écoute !

Disparition d'un magazine sportif presque centenaire [Disques & Livres]

Montage de El Comercio, quotidien du Pérou
Aujourd'hui, une bonne partie de la presse nationale argentine salue la fin d'une aventure éditoriale entamée en 1919 : le magazine sportif El Gráfico disparaît définitivement des kiosques, tué par Internet.

La couverture du numéro qui a fait les plus grosses ventes
pendant toute la vie du magazine

Il était paru en 1919 comme hebdomadaire. C'était devenu un mensuel en 2002 et il cesse de paraître en format papier aujourd'hui.

Cela va faire un gros vide sur les étals des kiosquiers, dans le métro et dans la rue !

Pour aller plus loin :
lire l'article du quotidien sportif espagnol, Marca.

Les danseurs dans la rue [Actu]

Les danseurs avaient tous revêtu un t-shirt militant

Les danseurs de la Compagnie nationale de Danse classique pour l'Intégration, dirigée par Iñaki Urlezaga jusqu'à la semaine dernière, ont manifesté hier sous les fenêtres du ministre Pablo Avelluto, qui a signifié il y a quelques jours la dissolution de ce ballet, la seule institution nationale dans cette discipline et qui, de surcroît, recrutait dans les quartiers défavorisés de tout le pays, permettant ainsi à cette population de gagner en dignité et en prestige, ce qui n'est pas un luxe pour le développement social et économique général.


Ils ont apporté les barres et ont organisé une classe dans toute sa splendeur, avec exercice à la barre et milieu, comme on dit dans le monde de la danse. En pointes et demi-pointes sur le bitume et à l'ombre des grands arbres qui bordent toutes les avenues à Buenos Aires.

Página/12 est le seul quotidien à rendre compte de cette manifestation, tandis que La Nación était le seul journal à avoir publié une longue interview du chorégraphe démis, qui déplorait la maltraitance institutionnelle grandissante.



Pour en savoir plus :
lire l'interview de Iñaki Urlezaga, publiée dans La Nación le 11 janvier 2018.

La CIDH lève son alerte sur l'Argentine dans l'affaire Maldonado [Actu]

Première page de la résolution
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Malgré l'insistance de la famille de Santiago Maldonado, qui s'est noyé au début du mois d'août dans un cours d'eau glacé de la Patagonie et dont certains courants de gauche ont voulu croire qu'il avait été victime d'une opération de répression criminelle de la part de la Gendarmerie, comme au temps de la dernière dictature militaire, la CIDH, organisme continental de surveillance des droits de l'homme dans tout le Nouveau Monde, vient de lever l'alerte qui avait été placée sur la situation en Argentine, devant les errements de la première phase de l'instruction.

La CIDH reconnaît donc qu'il n'y a pas de risque pour les droits de l'homme en Argentine dans cette affaire, qui semble se résumer à un triste accident comme il peut en arriver en plein hiver dans ces régions très froides.

Seule La Nación semble reprendre cette nouvelle, aujourd'hui dans son édition imprimée, au cœur des vacances d'été, en soulignant qu'il s'agit d'un revers pour la famille du disparu. Le journal publie l'intégralité de la résolution publiée par la CIDH.
Página/12 a réagi sur son site dans la journée.

Ce soir au Torquato Tasso, Sciammarella Tango [à l'affiche]

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Ce soir, 17 janvier 2018, à 22h30, le sextuor féminin Sciammarella Tango se produit au Centro Cultural Torquato Tasso, Defensa 1975, dans le quartier de San Telmo.

Le groupe a eu droit il y a deux jours à un article complet dans les colonnes de La Nación qui y voit un orchestre de femmes qui fait fi de la question du genre, qui hante si bien le tango, traditionnellement assez machiste.

lundi 15 janvier 2018

Deux mois sans nouvelle à Mar del Plata [Actu]

Mural de Miguel Angel Brule (photo ACS Cuna de la Bandera)

Página/12 consacre aujourd'hui une grande partie de son édition quotidienne aux familles des sous-mariniers du bâtiment disparu le 15 novembre dernier. La semaine dernière, es experts des Etats-Unis ont publié un rapport où il est énoncé que le sous-marin ARA San Juan a subi une explosion qui l'a détruit en moins d'une seconde, sans que les hommes d'équipage n'aient pu prendre conscience qu'il se passait quelque chose. Ces conclusions ont été reprises par la presse argentine sans que le gouvernement ne prenne la parole et ne fasse un geste envers les familles qui attendent toujours une réaction officielle.

Le gros titre cite certaines familles :
"Si l'on ne nous écoute pas, nous nous enchaînerons devant la Casa Rosada"
en manchette : un titre sur la décision de Oscar Aguad d'entraîner les enfants au tir

A Rosario, une des associations culturelles sanmartiniennes, la ACS Cuna de la Bandera (1), a inauguré une fresque murale, au pied d'un établissement scolaire, pour rendre hommage aux quarante-quatre sous-mariniers disparus. On y voit la silhouette du San Juan, celle du général José de San Martín (1778-1850), le père de la Patrie, les figures de trois soldats représentatifs des forces militaires populaires pendant la guerre d'indépendance et une Vierge de Luján, si chère au général Manuel Belgrano (1770-1820), le créateur du drapeau (bandera) national, avec une paraphrase de la déclaration de l'ange annonçant la Résurrection aux saintes femmes près de la tombe vide du Christ : Pourquoi cherchez-vous dans les profondeurs ce qui est dans les cieux, avec moi. Un émouvant hommage, à voir sur la page Facebook de l'association de Rosario et sur son site Internet.

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 sur les exigences des familles vis-à-vis du Président Macri, curieusement absent dans cette tragédie
lire l'article de Página/12 sur l'état d'esprit des familles
lire l'article de Página/12 sur la lente création d'une commission d'enquête parlementaire
lire l'article de Página/12 sur la prochaine audition du ministre de la Défense par le juge d'instruction qui enquête sur l'accident
lire l'article de La Nación sur la constitution de la commission d'enquête
lire l'article de La Prensa sur le même sujet
lire l'article de La Prensa sur l'inauguration de la fresque à Rosario

Par ailleurs, Página/12 s'attaque à une nouvelle décision du ministre de la Défense, le radical Oscar Aguad : celle de remettre au programme des lycées militaires l'entraînement à manipuler des armes à feu (ces élèves sont des mineurs, qui n'ont aucune vocation institutionnelle à entrer dans les forces armées, même si un certain nombre d'entre eux le font à l'âge adulte) :
lire le billet d'opinion de Nilda Garré, aujourd'hui députée au Congrès national et ancienne ministre de la Sécurité sous Cristina Kirchner, que la mesure scandalise à l'heure où les organismes internationaux tâchent de lutter contre la mobilisation des enfants dans tant de pays.



(1) C'est à Rosario que pour la première fois, en 1812, Manuel Belgrano a utilisé en campagne le futur drapeau national de l'Argentine, qu'il avait créé pour distinguer les troupes révolutionnaires des troupes absolutistes, puisqu'elles arboraient toutes les mêmes couleurs du drapeau national espagnol, le rouge et l'or, qui restent les couleurs de la Péninsule. D'où le nom de l'association : Berceau du Drapeau. San Martín est l'autre grande figure locale de Rosario : il a remporté, avec ses grenadiers à cheval, la victoire contre les troupes absolutistes à San Lorenzo, à une quinzaine de kilomètres de Rosario, le 3 février 1813.

L'épopée sud-américaine des jésuites dans L'Osservatore Romano [Histoire]

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A la veille du départ du Pape François pour un voyage au Chili et au Pérou, le quotidien du Vatican, L'Osservatore Romano, a publié samedi dernier une double page sur l'histoire de la Compagnie de Jésus dans le sud du sous-continent : c'est en effet une histoire exceptionnelle qui concerne l'Argentine, le Paraguay, l'Uruguay, le Chili, la Bolivie et le Pérou, sur les thèmes de la culture des peuples originaires et l'éducation, dont les jésuites ont été souvent les seuls acteurs dans tous ces pays, jusqu'à l'expulsion des jésuites en 1767, sur ordre du roi Carlos III.

L'aventure missionnaire, économique, politique et culturelle avait duré plus de cent-cinquante ans.


Dans le haut, à droite, de la double page, L'Osservatore Romano
a publié une traduction en italien d'un poème de Gabriela Mistral,
poète et écrivaine chilienne qui a obtenu le Prix Nobel et donné son nom à une décoration

En Argentine, trois sites historiques jésuites sont devenus des musées : à Buenos Aires, la Manzana de las Luces et à Córdoba, la Manzana Jesuítica et la Estancia Jesús María. De plus, les vestiges des anciennes missions dans le nord-est du pays, là où se tient actuellement le Festival du Chamamé, sont inscrites au Patrimoine de l'UNESCO. C'est dans une ancienne ville jésuite que San Martín a vu le jour, le 25 février 1778, à Yapeyú (province de Corrientes).