samedi 30 avril 2011

Ernesto Sábato est mort, à la veille d'un hommage qui était programmé à la Feria del Libro [Troesma]

Photo La Nación

A quelques jours de ses 100 ans, l'écrivain argentin Ernesto Sábato vient de décéder chez lui, à Santos Lugares, dans la Province de Buenos Aires.

Il souffrait d'une bronchite depuis 15 jours et y a finalement succombé.

Ses restes seront veillés à partir de 17h aujourd'hui, heure locale, au Club Defensores de Santos Lugares.

Il était né le 24 juin 1911 dans la Province de Buenos Aires dont l'Institut Culturel avait prévu de lui rendre hommage demain à la Feria del Libro, le salon du livre qui se tient en ce moment même à Buenos Aires, à l'occasion de son prochain centième anniversaire.

Ce romancier, poète, essayiste et physicien avait aussi accepté de présider la commission d'enquête sur la disparition des personnes durant la Dictature dans les deux premières années du retour à la démocratie. C'est sur le travail de cette commission que se sont fondés les procès contre les membres de la Junte militaire, qui commencèrent en 1985 et furent très vite arrêtés, avant de reprendre, sous l'impulsion du président Néstor Kirchner, depuis 2003.

En 1984, il avait été le second Argentin à recevoir le Prix Miguel de Cervantes qui récompense tous les ans un auteur de langue espagnole. Le premier de cette nationalité avait été Jorge Luis Borges en 1979.

En France, Ernesto Sábato était commandeur de la Légion d'Honneur.

La presse lui rend hommage aujourd'hui...

Pour aller plus loin :
lire l'article principal de Telam (l'agence de presse argentine présente aujourd'hui un dossier complet sur le grand disparu)
lire l'article de El País (le quotidien uruguayen), qui résume les articles de la presse argentine mais présente le sien aussi sous un format audio, en MP3 en libre téléchargement
lire l'article de El País (le quotidien espagnol), qui offre un petit dossier très bien organisé

Au moment où je publie cet article, Le Monde n'a pas encore relayé la nouvelle et il n'est même pas sûr qu'il le fasse, puisqu'on est demain le 1er mai, fête du travail... A nouveau, comme lors de la disparition de la chanteuse folkloriste Mercedes Sosa il y a deux ans, on ne peut que déplorer ce silence sur la vie culturelle de tout un continent dans les colonnes du quotidien le plus prestigieux de France et qui fait référence en Argentine (comme ailleurs) pour la presse française et francophone.

vendredi 29 avril 2011

Les bons voeux de Miguel Rep aux "mariés du siècle" [Actu]

Les Argentins sont comme les autres Occidentaux : ils se passionnent pour ce qui s'est passé ce matin à Westminster Abbey. Miguel Rep a donc consacré son dessin du jour à l'événement en le liant à ce que rappelle le calendrier argentin aujourd'hui et que tout le monde a oublié : le 29 avril, c'est la Fête des Animaux en Argentine (Día del Animal ) (1).

Or le terme animal a deux sens là-bas : il désigne les êtres vivants animés que les humains, à l'exception notable d'une ancienne star du cinéma français, regardent avec une certaine condescendance par qu'ils n'appartiennent pas à leur genre (les petits chiens, les gros lions, les canaris et les baleines à bosse...), il désigne aussi certains êtres humains et la connotation qu'il comporte alors manque quelque peu d'amabilité. Mais il y a pire que de traiter quelqu'un d'animal. Vous pouvez aussi le traiter de bestia et à ce moment-là, le type est vraiment infréquentable.

Et rappelez-vous qu'en Argentine, lorsqu'on parle d'îles et qu'on pense à celle qui abrite la ville de Londres, on pense ipso facto à d'autres îles, situées aux antipodes, des îles perdues dans l'Atlantique Sud, à la limite du cercle polaire et que les Britanniques ont pris manu militari aux Argentins en 1833, les îles Malouines, que les Argentins appellent Malvinas (comme nous) et les Anglais Falklands (et on se demande bien pourquoi ils ont ainsi exclu de cette dénomination la référence à une belle ville fortifiée française, située sur la côte bretonne nord) (2)...

Ce qui donne le dessin suivant :

Página/12 du 29 avril 2011

Le chat : Aujourd'hui, tout le monde parle des noces pompeuses (3) de certain prince d'un caillou perdu dans la mer (4)...
Le chien : Qu'est-ce qu'ils sont bêtes !
(Traduction Denise Anne Clavilier)

(1) Comme le savent les lecteurs fidèles de Barrio de Tango, les Argentins ont une fête pour à peu près tout ce qui existe sous le soleil et il y a grosso modo 365 fêtes par an (année bissextile ou non).
(2) A l'intention de mes lecteurs sud-américains qui ne connaissent pas toujours le pourquoi des bisbilles franco-anglaises : sous Napoléon, un certain marin malouin, répondant au brillant nom de Surcouf, poursuivait (et atteignait assez souvent) les navires de la marine marchande anglaise, qu'il pillait allègrement avec son équipage d'enfants de choeur (angelitos). De ce côté-ci du Channel (la Manche, en français), on aime bien Surcouf. Du côté de Douvres (Dover), non...
(3) L'adjectif pomposo/sa est relatif à la grande pompe royale que 2 milliards de téléspectateurs ont admirée ce matin mais il est plus souvent employé pour qualifier en fait le comportement arrogant et insupportable de quelqu'un qui joue les importants. Il y a là presque un jeu de mot et j'aurais pu, pour en faire passer l'esprit, traduire par "qui nous pompe l'air". Le substantif pompa désigne quant à lui tout autant la pompe (des cérémonies, joyeuses ou funèbres) et la bulle (qu'on peut faire en soufflant dans une pipette trempée dans de l'eau très savonneuse).
(4) islote : petite île très peu peuplée. Tous ceux qui ont regardé les images de foule excentrique et surexcitée répandue tout au long des différents cortèges, de la mariée, du marié, de leurs parents et même des grands-parents, n'auront sans doute aucun mal à reconnaître la Grande-Bretagne dans ce terme. Ajoutez encore que dans l'histoire de l'Argentine, la Grande-Bretagne a joué longtemps un rôle de puissance post-coloniale tout au long du 19ème siècle et jusqu'à la moitié du siècle dernier et que ça a laissé des traces dans la vindicte populaire.

jeudi 28 avril 2011

Les concerts de Taquetepa à Paris du 5 au 7 mai prochain [ici]


Jeudi 5 mai 2011, à 20h, nous retrouverons nos trois amis musiciens, Daniel Pérez (guitare), Marie Crouzeix (flûtes) et Fabrice Gouterot (contrebasse), à l'Espace Tango Negro, 71 rue Rochechouart, 75009 Paris, M° Anvers.

Participation aux frais : 10 €

Affiche réalisée par les artistes

Vendredi 6 mai, à 20h30, à bord de la péniche Demoiselle, amarrée sur le Bassin de la Villette, M° Barbés ou Jean Jaurès, avec en invité le guitariste Norberto Pedreira (dont je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises ces derniers temps) et le chanteur Alain Gourmanel, pour la milonga qui suivra le concert.

Participation aux frais : 5 €

Affiche réalisée par les artistes

Samedi 7 mai, à 21h, à la Caféothèque, 52 rue de l'Hôtel de Ville, M° Hôtel de Ville.

Prix : 10 € (comprenant une consommation).

Et dès le dimanche 8 mai, le trio sera de retour en Auvergne, où ils sont attendus au Théâtre de Néris les Bains, pour un concert à 15h (entrée : 6 €).

Pour en savoir plus sur ces trois musiciens, cliquez sur le nom du groupe dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus pour accéder à l'ensemble des articles parlant d'eux dans les colonnes de ce blog...

Carne para todos : un nouveau programme alimentaire pour Buenos Aires et la Province [Actu]

Carne para todos est une campagne du ministère du commerce intérieur qui vise à distribuer à Buenos Aires et dans la Province homonyme 10 000 kilos de viande par jour (1) à prix réduit par rapport au prix du marché, en hausse constante depuis quelques années.

Ce programme fait suite à une autre initiative, Pescado para todos.

La campagne sera réalisée grâce à des camions frigorifiques de 25 mètres qui officieront comme des boucheries itinérantes toute l'année.

Carne para todos participe de la politique continue de l'actuelle Présidente pour contrebalancer la politique de prix et de distribution opérée par la majorité des grands acteurs du secteur agro-alimentaire argentin, qui préfère et de loin vendre leurs productions à l'étranger (c'est-à-dire assez cher) plutôt que d'en écouler sur le marché intérieur de quoi satisfaire les besoins des consommateurs locaux, au faible pouvoir d'achat, ce qui a pour effet d'enchérir sans cesse les denrées alimentaires de base (pâtes, pain, viandes, lait, fruits et légumes).

Pour Clarín, journal d'opposition, qui est le seul à parler de cette opération ce matin, il s'agit d'une manoeuvre électoraliste de la Présidente, qui s'appuie pour la réaliser sur le groupe de boucherie industrielle Don Corleone SA, dont le propriétaire s'apprête à se présenter aux élections dans le département de La Matanza, dans la banlieue sud de Buenos Aires, pour le parti péroniste. La viande vendue dans ces conditions serait ce que les boucheries Don Corleone n'auraient pas de mal à récupérer en marchandant leur part du stock de viande réservé au marché intérieur et que se répartissent quelques grossistes de la manière la plus opaque. Le quotidien raille par ailleurs le mode de vie de parvenu du monsieur en question, qu'on a vu parader avec la Présidente sur Plaza de Mayo lors de la vente inaugurale assurée par l'un des camions-boucheries, à deux pas de la Casa Rosada.

Pour aller plus loin :

(1) Clarín évalue à 6 000 tonnes la consommation intérieure quotidienne de viande en Argentine. Les 10 000 kg sont donc un tout petit pourcentage de l'offre totale disponible dans le commerce de détail.

Leopoldo Federico ou le Quinteto Negro La Boca au choix vendredi soir [à l'affiche]

Vendredi 29 avril 2011, à 22h, le Maestro Leopoldo Federico se présente avec son orchestre sur les planches du Centro Cultural Torcuato Tasso, Defensa 1575, à San Telmo.

Ailleurs, à 22h30, le Quinteto Negro La Boca sera quant à lui au Sanata Bar, Sarmiento 3501, dans le quartier de l'Abasto.

Deux concerts, deux styles différents. De quoi se désaltérer et casser la croûte avant le concert dans les deux cas...

Une pétition pour que le tango entre à la télévision et dans l'éducation nationale [Actu]


Un groupe de citoyens portègnes a présenté hier une initiative politique et artistique destinée à collecter un million de signatures sur une pétition réclamant l'introduction du tango à la télévision et à l'école obligatoire à Buenos Aires. C'est le nombre d'adhésion qu'il faut recueillir pour obtenir une réponse des pouvoirs publics locaux. Il s'agirait d'introduire l'ensemble des dimensions du tango, non seulement la danse, mais aussi l'histoire du genre, la poésie, les grands compositeurs, les orchestres, etc. pour donner aux enfants de solides notions sur ce qui consitue une bonne partie de l'identité culturelle nationale.

L'initiative consiste en une série de concerts gratuits qui seront organisés tout au long de l'année 2011, à laquelle des artistes très divers offrent leur soutien : Nelly Omar, qui aura 100 ans en septembre prochain, Susana Rinaldi, María Graña, Roxana Fontán, Sandra Luna, María José Mentana, Cucuza Castiello, Raúl Garello, Julián Hermida et l'animateur radio Marcelo Guaita, grande vedette de la 2x4, la radio publique 100% tango de la Ville de Buenos Aires.

La chanteuse Jacqueline Sigaut, lors du spectacle de présentation de l'initiative hier à la Legislatura

Pour en savoir plus, connectez-vous sur le blog de l'association.

Manzi, una geografía : nouvel hommage cinématographique au grand poète [à l'affiche]


C'est un nouveau film sur le poète Homero Manzi que le Museo Casa Carlos Gardel projetera en avant-première lundi 2 mai 2011, à 18h30, avec des sous-titres en anglais (pour permettre aux touristes d'en profiter eux aussi). La projection sera aussi un hommage à l'artiste, à la veille du 60ème anniversaire de sa mort, intervenue à Buenos Aires le 3 mai 1951.

Entrée libre et gratuite au Museo Casa Carlos Gardel, Jean Jaurès 735, dans le quartier de l'Abasto.

Manzi, Una Geografía est un documentaire de 65 minutes, réalisé en 2007 (pendant l'année Homero Manzi, l'année de son centenaire) en Argentine, par Mario Bellochio, d'après un ouvrage de Diego Ruiz. Leonardo Busquet prête sa voix au poète et Pablo Bellochio lui-même dit les commentaires en voix off.

Le film étudie Manzi, comme on étudie un pays, en cartographiant l'itinéraire de sa vie, qui fut courte (il était né en 1907), depuis Añatuya, le domaine où il vit le jour dans la province lointaine de Santiago del Esterro, son arrivée tout jeune (à l'âge de 5 ans) à Buenos Aires, son parcours dans la ville, où il marqua particulièrement les quartiers de Boedo et de Nueva Pompeya.

Pour en savoir plus sur Homero Manzi et la trace indélébile qu'il a laissée dans l'univers du tango, cliquez sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus. Vous accéderez ainsi à l'ensemble des articles qui lui sont reliés dans ce blog sur l'actualité et la culture du tango argentin tel qu'il est vécu sur les rives du Río de la Plata.

Plus d'échappatoire pour Mauricio Macri : il devra répondre au juge [Actu]

Une instance de procédure pénale vient de rendre un arrêt qui oblige désormais Mauricio Macri, le Chef du Gouvernement de la Ville autonome de Buenos Aires, à se rendre désormais à la convocation du juge qui instruit l'affaire de l'UCEP, cette milice privée de gros bras qui, semble-t-il sous les ordres du Gouvernement Portègne, a persécuté pendant plusieurs mois les sans-abris à Buenos Aires, pour les faire fuir loin de la Ville, dans la Province gouvernée par les péronistes, donc la majorité nationale qui est aussi l'opposition de Macri.

Mauricio Macri a déjà échappé deux fois à la convocation : une première fois en prétendant avoir ce même jour à la même heure une autre obligation à laquelle il ne pouvait se soustraire pour se rendre au cabinet d'un juge (un déjeuner électoral !) et la seconde pour cause de déplacement à l'étranger (il était à Paris... présentant à qui voulait, au Salon du Livre, sa jeune épouse et son ventre arrondi !).

Cette fois-ci, il devra comparaître sous peine d'être démis de ses fonctions politiques.

Dans cette affaire de coups et blessure, le juge a mis en cause une trentaine de personnes dont deux mandataires politiques (Macri est l'un des deux). L'enquête fait suite à une plainte déposée en 2008 par une députée qui siègeait alors à la Legislatura Porteña et a depuis rejoint l'Assemblée Nationale au Congrès.

Il est donc probable que la chambre ait pris une décision pour que l'audition du Chef du Gouvernement Portègne puisse avoir lieu avant les élections locales qui doivent se tenir en juin et pour lesquelles Macri n'a pas encore clairement dit s'il se présentait à sa réélection ou non. Il semble aussi que la justice prend de plus en plus son autonomie comme il se doit dans une démocratie, ce qui indiquerait que cette démocratie est bel et bien en train de se consolider.

Lundi prochain, on attend à Buenos Aires que Pino Solanas annonce sa candidature au Gouvernement Portègne pour Proyecto Sur (gauche socialiste).
A droite, il y a déjà trois pré-candidats déclarés mais les primaires n'ont pas encore eu lieu.

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 sur l'arrêt judiciaire d'hier

mercredi 27 avril 2011

Patricia Barone intègre le corps enseignant de la Academia Nacional del Tango [à l'affiche]


La chanteuse Patricia Barone, créatrice d'un certain nombre de tangos argentins d'auteurs contemporains (1), intègre cette année le corps enseignant de la Academia Nacional del Tango comme professeur de chant.

Son cours prend place dans le programme d'enseignement proposé par le Conservatoire Argentino Galvan destiné à la formation d'artistes professionnels. L'objectif du cours de Patricia est de développer des outils et des éléments de base dans les trois compétences que doit maîtriser un chanteur de tango : le chant lui-même, la musique et le jeu de scène ou interprétation théâtrale. Les élèves travailleront donc spécifiquement l'expressivité de la voix et celle du corps, la façon d'habiter l'espace scénique et les caractéristiques du chant selon les styles variés d'un répertoire désormais centenaire. Le cours s'adresse à des élèves sachant déjà chanter et maîtrisant les techniques de base de cet art.

Les lecteurs habituels de Barrio de Tango connaissent désormais bien cette chanteuse particulièrement brillantes et les participants à mes rencontres littéraires se souviennent de son interprétation poignante de Fuimos...

Ce séminaire se déroulera sur 4 séances, les mercredis à partir du 11 mai, de 18h30 à 21h30.

Les personnes intéressées doivent s'inscrire dès à présent à la Academia Nacional del Tango, du lundi au vendredi, de 15h à 19h. Un certificat d'assiduité sera remis aux participants.

Pour en savoir plus sur Patricia Barone et ses activités, comme chanteuse et enseignante, cliquez sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus : vous accéderez ainsi à l'ensemble des articles que je lui ai déjà consacrés en français dans ce blog sur la culture populaire de Buenos Aires et du Río de la Plata.
Le même sélection d'articles peut être réalisée sur d'autres thématiques grâce aux mots-clés du bloc Pour chercher.

(1) Parmi ces tangos qu'elle a mis à la disposition du public, la plupart du temps accompagnée par son mari, le guitariste et compositeur Javier González, le plus célèbre aujourd'hui est Pompeya no olvida, de Javier González et Alejandro Szwarcman, un tango qui évoque la recherche des enfants volés sous la dictature et fait écho au combat de l'ONG Abuelas de Plaza de Mayo. Avec d'autres, enregistrés aussi par Patricia et Javier, il figure dans Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango, à la page 118 (Revue Triages, Supplément 2010, Tarabuste Editions). Pompeya no olvida peut être écouté dans la playlist de ma page Myspace consacrée à ce recueil paru le 26 janvier 2011 et que je présenterai bientôt en mai, au Marché de la Poésie de Paris (le lien vers cette playlist est en permanence dans la Colonne de droite de cet écran, sous l'image de la couverture du livre).

Le nouveau projet musical de Hernán Reinaudo ce soir au CCC [à l'affiche]


Música de Viajes est le nouveau projet que le guitariste Hernán Reinaudo, qui joue avec tout ce que le tango compte de musiciens (Melingo, Tomassini, Rinaldi, Argañaraz et Cardenal, je vous en passe et des meilleurs !). Il le présente ce soir, 27 avril 2011, à 20h30, au Centro Cultural de la Cooperación Floreal Gorini (bien connu de mes fidèles lecteurs), Avenida Corrientes 1543, entouré de Patricio Cotella à la contrebasse, Alberto Villafañe à la percussion et Nicolás Enrich au bandonéon.

Entrée : 30 $.

Música de Viajes (musique de voyages) est un concert de musique originale, où se mêlent les influences du rock, du jazz et du flamenco au fond de tango bien criollo y bien porteño (1) apprécié de Hernán (né à Córdoba mais portègne d'adoption) et ses amis.

(1) Bien criollo y bien porteño : si sud-américain et si bien de Buenos Aires. En fait, il s'agit d'une paraphrase du titre d'une célèbre milonga, Bien criolla y bien porteña....

mardi 26 avril 2011

Le retour des Quatre Mousquetaires au CAFF vendredi [à l'affiche]

Le tour de chant à deux voix et deux guitares intitulé ¡Como te quiero hermano! (il faut entendre : C'est que je t'aime bien, mon pote !), qui réunit depuis une bonne année de loin en loin sur une même scène les chanteurs Cucuza Castiello et Chino Laborde, accompagnés l'un et l'autre de leurs guitaristes respectifs, Dipi Kvitko et Moscato Luna (1), revient au Club Atlético Fernández Fierro (CAFF pour les intimes), au coeur du quartier dit de l'Abasto (Sanchez de Bustamante 764), le vendredi 29 avril à 22h.

Affiche diffusée par les artistes et par le CAFF

Le prix de l'entrée s'élève à 30 $ (peso argentin). Mais si vous vous y prenez à l'avance, en allant retenir vos place au Musetta Café (Billinghurst 894, pas très loin de là), elles ne vous coûteront que 25 $ et franchement, ce n'est pas cher !

Pour en savoir plus sur les artistes, déjà bien connus des lecteurs réguliers de Barrio de Tango, cliquez sur leur nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus. Ces mot-clés vous permet de naviguer dans le blog par thèmes (artistes, lieux, grandes rubriques structurantes...)
Vous pouvez les retrouver aussi sur leur raccourci, dans la rubrique Grillons, zorzales et autres cigales, dans la partie haute de la Colonne de droite. Dans un cas comme dans l'autre, vous accédez en un clic à l'ensemble des articles que j'ai consacrés à chacun d'entre eux dans ces colonnes...

(1) Cucuza, Chino, Dipi et Moscato : il s'agit de surnoms et non pas de prénoms. Les intéressés portent respectivement les noms de baptême de Hernan, Walter, Diego et Maximiliano.

lundi 25 avril 2011

Un article de psychologie transgénérationnelle sur les effets de l'immigration [Histoire]

L'hôtel des Immigrants, de sinistre mémoire, dans le port de Buenos Aires vers 1885
C'est dans cet hôtel au standard plus que spartiate que les immigrants pauvres étaient parqués à leur arrivée pendant quelques jours, le temps pour eux de trouver un autre logement dans la capitale.

Le 14 avril dernier, la psychanalyste argentine, Ana Rozenbaum de Schvartzman (1), publiait dans le quotidien de gauche Página/12 un article de fonds sur les conséquences des aspects traumatiques de l'immigration qui refont surface dans bon nombre de familles argentines aujourd'hui, dans lesquels ces blessures ont pris un statut de secret familial. Elle est membre de l'APA (l'association psychanalytique argentine), où elle assume des fonctions d'enseignante.

Elle partage en deux temps le grand flux migratoire, la première époque à la fin du 19ème siècle quand arrivèrent en Argentine des artisans et des paysans qui fuyaient la misère occasionnée par les transformations de la révolution industrielle, et la seconde du fait des deux guerres mondiales, où les immigrants fuyaient moins la misère que la violence sociale liée aux deux conflits. Pour elle, les immigrants de la première époque conservèrent leur identité européenne comme le souvenir d'un paradis perdu (2) tandis que les seconds ont maintenu leur passé européen dans le silence (3). Elle évoque aussi le refus des gouvernements successifs de la Década Infame (1930-1940) de laisser entrer en Argentine des réfugiés juifs, anti-fascites, anti-nazis qui entrèrent néanmoins mais avec des faux papiers et gardèrent le silence sur leur véritable identité comme sur leur origine nationale et géographique (sur la Década Infame, voir mon article Vademecum historique, dont le lien se trouve dans la rubrique Petites chronologies, située en partie médiane de la Colonne de droite).

Ces conditions complexes d'arrivée dans un nouveau pays entraînent, selon la psychanalyse, des traumatismes psychiques graves à la troisième génération, donc en grande partie les adultes qui peuplent aujourd'hui l'Argentine et surtout Buenos Aires et sa région. Cette conséquence du non-dit a fait l'objet de nombreuses publications de psychanalystes européens, notamment francophones, et en particulier dans l'école lacanienne (à laquelle appartient aussi Ana Rozembaum), mais en France, en Belgique, en Suisse, le noeud du traumatisme est un secret de famille liée à l'histoire d'un individu (une naissance illégitime, un meurtre, un suicide, un adultère...), comme le psychanalyste français Serge Tisseron par exemple l'étudie dans l'oeuvre de Hergé (Tintin et le secret d'Hergé, Editions Hors Collection, mais aussi ses ouvrages précédents, Tintin chez le psychanalyste et Tintin et les secrets de famille). Dans son article, c'est un phénomène politique et social qui est à la base du traumatisme transgénérationnel. Un traumatisme qui perturbe le lien des personnes à leur identité et ressemble par bien des traits au combat pour l'identité et sa transparence que mène l'association Abuelas de Plaza de Mayo, sur un phénomène beaucoup plus récent, la survie sous de fausses identités des enfants en bas-âge des disparus de la Dictature de 1976-1983.

Et les deux blessures se recouvrent l'une l'autre dans leurs conséquences psychiques.

Un intéressant recoupement historique qui permet de percevoir mieux un certain nombre de ressorts cachés de la culture populaire de Buenos Aires, notamment dans le tango mais aussi dans le rock ou le jazz, et dans la vie politique, en particulier dans la militance des droits de l'homme. C'est peut-être ce qui fait du mouvement de Abuelas une ONG si à part entre toutes les ONG des droits de l'homme dans le monde.

C'est à lire par toutes les personnes déjà un peu initiées au discours psychanalytique (4). Vous pouvez faire traduire l'article par le traducteur en ligne Reverso dont vous trouverez le lien dans la rubrique Cambalache (casi ordenado), dans la partie basse de la Colonne de droite de ce blog.

Pour aller plus loin :
lire l'article de Ana Rozenbaum dans Página/12
lire également l'entrefilet qui accompagne (du même auteur) : elle y explique les processus psychologique en jeu chez un certain nombre d'Argentins qui s'exilent dans l'hémisphère nord et y renouent avec leur identité argentine, qu'ils fuyaient (5).

(1) Ce nom très compliqué veut simplement dire qu'il s'agit de demoiselle Rozenbaum qui a épousé un monsieur Schvartzman, une des nombreuses orthographes d'un même patronyme azkenaze ultra-courant en Argentine, qui a accueilli la plus grosse population juive d'Amérique du Sud pendant le grand flux migratoire des années 1880-1930. Nombre de ces juifs fuyaient les pogroms de l'Empire russe, puis la barbarie nazie, dès l'Anschluss, quand de nombreux disciples viennois de Freud vinrent se réfugier en Amérique, avec un chemin plus ou moins direct vers Buenos Aires, qui compte aussi l'un des plus importantes légions de psychanalystes. Et Madame Rozenbaum nous en donne ici l'un des motifs...
(2) Cet aspect du leg de ces immigrants se reconnaît fort bien dans les textes de tango où le quartier est de toute évidence un symbole du lointain village abandonné en Europe. La figure de la mère abandonnée présente les mêmes caractéristiques allégoriques.
(3) Comme le firent en Europe de nombreux sinistrés de l'un et l'autre guerre. Les survivants des camps, en particulier les survivants des déportés pour raison raciale, gardèrent le silence jusqu'au procès de Eichman en Israël, Eichman qui fut capturé par le Mossad en pleine rue à Buenos Aires où il vivait sous une fausse identité. Mais aussi le silence de quelques résistants patriotes sur ce qu'ils firent sous l'occupation, que ce soit celle du Nord de la France et de la Belgique pendant la première guerre mondiale ou celle des partisans sous l'occupation nazie. Pour ne pas parler du silence des collaborateurs et de leurs familles, qui durent parfois jusqu'à changer de nom de famille. Et il y eut aussi d'autres victimes, indirectes cette fois : les femmes, venues notamment de la France sans homme des années 20, qui crurent qu'elles trouveraient à Buenos Aires le mari qui leur manquerait toujours au pays, qui y furent mises sur le trottoir dès leur arrivée au port qui est aujourd'hui l'actuel quartier hyper-chic de Puerto Madero, qui tombèrent enceinte des oeuvres de leur souteneur ou d'un client, qui abandonnèrent leur enfant auprès des soeurs de la Casa de los Niños Expósitos, où furent recueillis le peintre Benito Quinquela Martín (1890-1977) ou le père des frères Homero et Virgilio Expósito, respectivement poète et compositeur de tangos des plus classiques.
(4) Une grille de lecture à garder en mémoire pour écouter ou lire bon nombre de tangos, y compris ceux qui sont écrits de nos jours, et qui portent encore les traces de ces traumatismes collectifs massifs. L'oeuvre d'un Juan Carlos Cáceres par exemple n'en est pas indemne. Celle d'une Marcela Bublik pas plus. Et Alorsa, le descendant d'immigrants grecs, en montre quelques signes dans des textes comme La sonrisa del fasfud ou La cria del Plata. Vous pourrez retrouver certaines des oeuvres de Marcela et d'Alorsa dans Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango, que j'ai fait publier en janvier 2011 chez Tarabuste Editions (revue Triages, Supplément 2010). Pour les oeuvres des frères Expósito (ainsi que celles de Enrique Santos Discépolo, assez fidèle témoin de cet aspect des choses), voir mon autre anthologie bilingue, Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, publié aux Editions du Jasmin.
(5) Sur ces questions d'identité perturbée par le fait de l'exil et de la migration, mais dans l'autre sens, lire également L'écriture retrouvée, l'auto-biographie dialoguée qu'Alfredo Arias a publié aux Editions du Rocher (voir mes articles sur Alfredo Arias, qui me fait l'honneur de faire intégrer Barrio de Tango à la revue de presse sur son travail dans son propre site internet. Le webmaster doit être français, un hispanophone n'aurait jamais écrit barrio avec un seul r !).

Caracol au Mil9once à La Plata le 30 avril [à l'affiche]

Le chanteur Caracol Paviotti (Caracol est un surnom et c'est sous ce surnom qu'il est connu de tous) se produira le samedi 30 avril à 21h au Bar Mil9Once, situé à l'angle des rues n° 17 et 12, à La Plata.

Vous connaissez déjà ce café de la capitale provinciale pour un concert qu'y a donné il y a quelques semaines le chanteur Nicolás Ciocchini, dit Choco, qui sera prochainement à Paris (Espace Tango Negro).

Samedi prochain, Caracol sera accompagné à la guitare par Nehuen Ercoli.

Pour en savoir plus sur le chanteur, cliquez sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus, pour sélectionner l'ensemble des articles que je lui ai déjà consacrés.
Ou connectez-vous à sa page Myspace ou à son site Internet (quadrilingue, espagnol, anglais, français et allemand). Sur son site, vous trouverez sa discographie et quelques vidéos.

Alejandro Dolina est désormais le mardi soir sur Canal Encuentro [à l'affiche]

Le très populaire et exigent animateur radio Alejandro Dolina, qui allie les talents de fantaisiste, de polémiste érudit et de romancier, producteur de l'émission La Venganza será terrible diffusée dans la nuit du lundi au vendredi depuis de nombreuses années et dont je vous ai parfois parlé dans ces colonnes, met depuis la semaine dernière son talent au service de la chaîne publique de télévision culturelle nationale argentine Canal Encuentro. Elle fait partie de la nouvelle grille de rentrée, présentée à la presse il y a quelques jours, à côté d'autres émissions, dont une sur les sciences pratiques, Tecnópolis.

L'arrivée de cet énorme talent sur la chaîne créée par Néstor Kirchner, à la fin de son mandat, en 2007, a donné lieu à une interview de l'animateur en première page du cahier culturel de Página/12 le 19 avril dernier, après un premier article publié sur le thème dès le 15 avril.

L'ensemble de la nouvelle grille a été présenté comme un hommage à l'ancien président défunt dont la mort soudaine a profondément affecté les intellectuels et les artistes.

Le Ministre de l'Education, Alberto Sileoni, qui est le ministre de tutelle de Canal Encuentro (comme il est celui de la Academia Nacional del Tango), présidait cette conférence de presse. C'est lui qui a annoncé que les bureaux de Canal Encuentro allaient prochainement déménager à l'Espacio para la Memoria, les anciens locaux de l'ESMA, cette école militaire qui servit de centre de détention et de torture pendant la Dictature, que l'actuelle Présidente a consacré à un centre culturel pour les droits de l'homme et où ECuNHi, le centre culturel de Madres de Plaza de Mayo, a installé nombre de ses activités.

L'émission de Dolina sera inclassable, comme son créateur. Diffusée le mardi à 23h, elle se présente comme un mélange de parodie de documentaire et de fiction. Dolina y fera ses conférences fantaisistes qui ne sont pas sans nous rappeler le style déployé par Pierre Dac ou Roland Dubillard en français. L'idée de l'animateur est de participer à cette mise à la portée de tous d'une culture de qualité qui ne soit ni solennelle ni ennuyeuse. Et dans les colonnes de Página/12, il se livre à une défense en règle du service public audiovisuel. Un discours qui se répand parmi les intellectuels argentins qui perçoivent de mieux en mieux les avantages qu'un pays démocratique peut tirer d'une programmation publique pour peu qu'elle soit plus ambitieuse que celle des chaînes commerciales. Un de ces petits détails qui montrent que la tradition démocratique s'ancre en Argentine, ce pays dont les médias d'Etat ont plus longtemps servi à enfumer les esprits qu'à les éveiller

Imaginez que dans ses 200 ans d'existence indépendante, l'Argentine n'aura connu avant décembre 1983 que 16 années de démocratie réelle. Ce qui ne pèse pas lourd.

Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 du 15 avril 2011
lire l'article de Página/12 du 19 avril 2011
Connectez-vous au site de Canal Encuentro, où vous pouvez voir en streaming certaines émissions (le lundi midi, heure locale : Tango) et accéder à certaines émissions en téléchargement gratuit, dont une série de reportages sur le tango, par l'acteur et chanteur Rodrigo de la Serna (Tocá Madera, où vous pouvez découvrir un reportage sur l'auteur-compositeur-interprète Alorsa réalisé en 2007).

La presse argentine rend hommage à Marie-France Pisier [Actu]

Comme à chaque fois que disparaît une personnalité du cinéma français, si cher aux Argentins et surtout aux Portègnes amoureux de la culture, l'actrice Marie-France Pisier, disparue accidentellement dans la nuit de samedi à dimanche, a sa nécrologie ce matin dans deux grands quotidiens de Buenos Aires, Clarín et Página/12.

Comme d'habitude aussi, l'article est plus développé sur le site de Página/12 que sur celui de Clarín.

Les admirateurs français (ou d'autres nationalités) de l'artiste n'apprendront rien de neuf sur sa carrière dans ces articles par rapport aux hommages qui fleurissent dans les medias francophones depuis hier mais, pour autant, les notices argentines valent tout à fait la lecture : vous y constaterez la connaissance que les Argentins ont du cinéma français et le regard que leurs media portent sur la comédienne. Rien à voir avec l'ignorance que nous avons de leur cinéma, de leurs acteurs et réalisateurs et de leur vie culturelle en général...

Pour aller plus loin :

mardi 19 avril 2011

Semaine Sainte : quelques jours de repos pour Barrio de Tango

Depuis dimanche, nous sommes entrés dans Semaine Sainte qui coïncide cette année avec la fête de Pessah, qui dure elle aussi une semaine entière. La fête chrétienne se terminera culminera dimanche (et non pas lundi comme il arrive qu'on le croit en France) et comme le Lundi de Pâques est férié par chez nous, je vais cumuler les avantages : Semana Santa, traditionnelle période de congés pour les hispaniques, sous toutes les latitudes, et Lundi de Pâques férié que ne connaissent ni les Argentins ni les Uruguayens (ils ont d'autres jours fériés !).

Sauf événement exceptionnel dans l'actualité argentine ou uruguayenne, je ne prévois donc aucune mise à jour de ce blog avant mardi prochain.

Néanmoins je ne vous laisse pas tout seuls. La Feria del Libro s'ouvre à Buenos Aires, avec l'arrivée ce week-end du très controversé président de la manifestation, Mario Vargas Llosa, Prix Nobel de littérature mais aussi héraut de l'ultra-libéralisme en Amérique du Sud, ce qui a soulevé une énorme bronca de l'intelligentsia et des artistes à Buenos Aires il y a quelques semaines. Aussitôt arrivé, l'écrivain péruvien a d'ailleurs couru rencontrer les champions de la droite la plus conservatrice en Argentine et il a même eu un entretien avec la bête noire de bons nombre de ses confrères locaux, Mauricio Macri. Il risque d'y avoir du sport cette année, alors que Buenos Aires est la capitale mondiale du livre pour 2011 !
Le site de la Feria del Libro est parmi les liens permanents dans la rubrique Cambalache (casi ordenado), de la partie basse, en Colonne de droite.

Et puis demain soir, Néstor Tomassini, Hernan Reinaudo, José Balé et Patricio Cotella présenteront leur nouveau concert au CCC, avenida Corrientes 1543, dans le cadre de Tango del Miércoles que vous connaissez bien. Profitez-en bien...

Affiche diffusée par les artistes

Sans oublier le concert de Laura et Norberto Pedreira à l'Espace Tango Negro, à Paris (ici), jeudi 21 avril à 20h (voir affiche sur la partie haute de la Colonne de droite jusqu'à la reprise de l'activité sur Barrio de Tango).

samedi 16 avril 2011

Lulú et Metejón Malevo dans le cycle de concerts Mis tardes con Gardel lundi soir [à l'affiche]

Affiche diffusée par le musée

Le lundi 18 avril à 18h30, le Museo Casa Carlos Gardel, Jean Jaures 735, reçoit la chanteuse Lulú et l'ensemble Metejón Malevo (entendez amour voyou), un quintette de guitares, flûte et chant, dans le cadre des concerts récitals intitulés Mis tardes con Gardel (mes soirées chez/avec Gardel).

Entrée libre et gratuite.

Lundi, il faudra choisir entre le Plenario de la Academia Nacional del Tango consacré à Astor Piazzolla et ce double récital. Malgré la différence des horaires, les deux événements se dérouleront en fait à peu près en même temps et il vous sera impossible de profiter les deux à la fois... Le monde est mal fait !

Pour découvrir les artistes :

jeudi 14 avril 2011

La Academia Nacional del Tango rend hommage à Astor Piazzolla [à l'affiche]

Le lundi 18 avril 2011, à 19h30, comme d'ordinaire, le Plenario de la Academia Nacional del Tango rendra hommage à Astor Piazzolla, sous le titre, Astor Piazzolla recordado por dos de sus mejores amigos, Victor Oliveros y Horacio Ferrer (Astor Piazzolla dans le souvenir de deux de ses meilleurs amis).

Le tango rituel sera Adiós Nonino, le tango que Piazzolla composa à la mort de son père, dans un enregistrement qu'il en fit avec son Quintette.

On projetera un documentaire de Gabriel Soria, premier Vice-président de l'ANT, sur le compositeur et bandonéoniste.

L'espace artistique de la soirée sera confié à Horacio Ferrer lui-même.

Entrée libre et gratuite dans la limite des places disponibles, comme d'ordinaire, dans le Salon de los Angelitos Horacio Ferrer, du 1er étage, au milieu des vitrines du Museo Mundial del Tango, au 833 Avenida de Mayo.

En mars dernier, l'Argentine célébrait les 90 ans de la naissance d'Astor Piazzolla.

Pour plus d'information sur ce qu'est Astor Piazzolla aujourd'hui là-bas, cliquez sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus. Ces mots-clés feront remonter tous les articles de ce blog relatifs au thème choisi.

mercredi 13 avril 2011

Comment faire un asado à l'uruguayenne : un dossier de El País [Coutumes]


Cette journée uruguayenne ne serait pas complète sans une rivalité gastronomique traditionnelle entre le petit pays de l'est et le géant de l'ouest... L'une de ces rivalités gastronomiques (il y en a plusieurs de part et d'autre du Río de la Plata), c'est celle qui oppose l'asado uruguayen et l'asado argentin, chacun prétendant être le meilleur au monde. Bien sûr...

C'est à nouveau dans le supplément touristique de El País qu'on trouve cet article pour tout savoir sur la meilleure manière de faire un asado, ces barbecues géants des week-ends et des fêtes autour du Río de la Plata.

Grosse rigolade dans ces lignes, où le rédacteur s'offre la tête des Argentins (qui ont une viande beaucoup moins savoureuse que son homologue uruguayenne, à part un morceau dont le journaliste reconnaît qu'il est meilleur de l'autre côté de l'eau), celle des Portègnes qui font le feu au charbon (1) et non au bois, celle des Mexicains qui cuisent la viande au contact de la flamme (quelle hérésie !) et celle d'un prétentieux catalan qui, sur une vidéo, enseignent l'art de l'asado aux Argentins et aux Uruguayens.

L'article est une merveille de drôlerie, d'exagération typiquement rioplatense. Vous y verrez des photos à vous faire prendre l'avion dans le quart d'heure qui suit, dont une en forme de Dernière Cène qui, en ces temps de publicité à outrance pour les chocolats de Pâques, ne vous échappera pas.

Pour aller plus loin :

(1) Les meilleurs sont faits avec du bois de quebracho, un grand arbre dont le bois est recherché aussi pour la construction.

Tout un dossier sur le Museo de Carlos Gardel à Tacuarembó [Troesma]


Le vote de la nuit dernière au Sénat uruguayen me donne l'occasion de consacrer tous mes articles de ce jour à cet autre pays du tango qu'est la République Orientale de l'Uruguay, parce que son territoire se situe tout entier sur la rive est de cet énorme fleuve frontière.

Il se trouve que le journal El País consacre aujourd'hui un article très fourni, presque un dossier à une curiosité dont j'ai peu l'occasion de vous parler. Ne serait-ce que parce qu'il est très difficile de rendre compte d'un phénomène qui n'existe qu'en Uruguay et dont personne ne comprend vraiment la nature, ni en Argentine, où ça énerve, et c'est peu de le dire !, ni en France ou en Europe où il passe pour un symptôme d'incohérence très déroutant. Et le fait est que ça l'est, déroutant...

Tacuarembó est la préfecture du département et le siège du diocèse homonyme, situé au nord de l'Uruguay. Pour l'immense majorité des Uruguayens, c'est le lien de naissance de Carlos Gardel, à une date qui varie selon les différentes versions du mythe. Comme le nom de ses parents. Et les circonstances de sa naissance et les explications de son enfance en Argentine avec une mère qui n'aurait été que sa mère adoptive de fait (puisqu'aucun document officiel ne fait foi d'une telle adoption).

Or il n'en a pas toujours été ainsi. La découverte que Carlos Gardel serait né en Uruguay s'est produite à sa mort, lorsqu'il a été enterré, en Colombie, sous l'identité que déclinaient les papiers qu'on a trouvés sur lui, en juin 1935 (1). Début 1936, le corps a été exhumé et a accompli une véritable odyssée à travers les deux Amériques, à dos de mulet, en automobile, en bateau, jusqu'à revenir à Buenos Aires le 5 février pour y recevoir sa sépulture définitive le lendemain, après une veillée mémorable au Luna Park, une sorte de palais des sports alors réservé essentiellement à la boxe. En avril 1937, la justice uruguayenne déclarait que les documents qui avaient servi à l'établissement des papiers d'identité étaient entachés d'un grave vice de forme et n'auraient donc jamais dû servir (l'acte de naissance avait été établi sur la seule foi de deux témoins alors que la loi uruguayenne exigeait que l'intéressé produise aussi au moins un document écrit faisant foi de sa naissance et du lieu de celle-ci, tel un certificat de baptême par exemple). Cet arrêt judiciaire sembla mettre fin aux revendications nationalistes concernant Gardel. Mais dans les années 60, elles resurgirent avec une force étonnante, à la suite de la publication de travaux d'un passionné se présentant comme un spécialiste de la question. Et depuis, aucun argument, même le plus rationnel, surtout le plus rationnel, n'a jamais pu détourner les Uruguayens de cette vision particulière des choses. Il est vrai que dans les années 60, tous les pays d'Amérique du Sud étaient totalement asservis aux Etats-Unis, que l'enseignement de l'histoire était particulièrement malmené et que ces pays avaient un besoin éperdu de se trouver des raisons d'être fiers d'exister et se raccrochaient à tout ce qui pouvait constituer une identité nationale différente de ce qu'imposait l'Oncle Sam.

La venue au monde de Carlos Gardel à Tacuarembó n'est donc nullement attestée au regard des critères historiques qui font foi en la matière (existence de documents écrits contemporains du fait étudié). Mais cela va encore plus loin : plus les Argentins (et les autres) apportent de preuves historiquement incontestables de la naissance de Gardel à Toulouse, plus les Uruguayens s'accrochent à leur dogme sur Tacuarembó et le défendent bec et ongles, avec un ton dont l'agressivité n'est pas le caractère le moins surprenant. Dans la version historique, qui veut que Gardel soit né à Toulouse, ils voient ainsi la preuve d'une sorte de complot malveillant et de mauvaise foi de la part "des autres" pour leur voler le mérite ou les dépouiller de l'honneur d'avoir donné le jour au grand artiste. De longues démonstrations souvent violentes circulent ainsi sur Internet, sur des forums de discussion auxquels des partisans de cette thèse m'ont même abonnée sans que je n'aie rien demandé.

Aussi Tacuarembó tient-il à revendiquer bien fort son identité de département natal du grand homme. C'est ainsi qu'un musée a été fondé, il y a 12 ans, sur le territoire de Valle Eden, dans une ancienne pulpería (limonadier de campagne) où Carlos Gardel chanta un jour, à 22 km de la préfecture de département. Non loin de là, on vous montrera le manoir Santa Blanca où il passe pour être né, d'une mère appelée María Lelia Oliva, alors âgée de 13 ans (sic !) et de son beau-frère et futur mari, un certain colonel Escayola, qui remplissait des fonctions militaires dans la région (2). A la grande fierté des habitants du lieu, le Museo de Carlos Gardel attire chaque année 10 000 visiteurs, ce qui n'est pas si mal pour une petite bourgade rurale totalement perdue dans une zone essentiellement agricole.

Le quotidien El País présente ce matin dans ces pages voyage un ensemble de photos, de vidéos et de liens Internet renvoyant à des blogs de promotion touristique et à celui de ce musée dont le plus grand trésor est une série de papiers attribués à Gardel, trouvés au Venezuela par un ambassadeur de ce pays à Montevideo, qui les a offerts à l'Uruguay. Le tout est passablement tiré par les cheveux mais le quotidien soutient sans rire que les visiteurs sortent de là très édifiés, voire ébranlés dans les convictions que El País n'est pas loin d'attribuer à une technique de lavage de cerveau pratiquée sur les braves amateurs de tango par "certains Argentins" et même "certains Européens" (sans doute Français) avec ces billevesées de la naissance toulousaine.

La lecture de l'article est intéressante même si le caractère forcé de la démonstration peut être agaçant, difficile de le cacher. Quoi qu'il en soit, elle permet de toucher du doigt cette passion que la question déchaîne en Uruguay, sans qu'on puisse l'attribuer à une exploitation commerciale d'un avantage touristique visiblement inexistant (imaginez ce que représentent 10 000 visiteurs par an sur la quantité d'admirateurs que comptent le chanteur à travers le monde entier !). Allez regarder les photos que vous propose le journal : facsimilé du passeport trouvé sur le corps de Gardel après l'accident de Medellín, une étiquette de bagage d'une compagnie transatlantique de New-York (aucun de ces documents ne prouve rien), la petite cathédrale locale qui affiche des faux airs d'église romane de village bourguignon et quelques vues très pittoresques de la région...

Pour en savoir plus :

(1) Si Carlos Gardel est né à Toulouse, le 11 décembre 1890, il était français de naissance. On n'a aucune trace qu'il se soit fait naturaliser argentin avant les années 1920. On n'a aucune trace non plus qu'il ait répondu à la mobilisation générale d'août 1914 comme il aurait dû le faire en sa qualité de citoyen français. A condition qu'il ait eu conscience que ce devoir civique était le sien, ce qui est fort peu probable à cette époque de sa vie, où il devenait un artiste très populaire qui gagnait enfin confortablement sa vie. Mais n'ayant pas répondu à l'appel sous les drapeaux, il ne pouvait plus se présenter au consultat français pour obtenir des papiers avec lesquels voyager hors d'Argentine. Aussi, en 1915, quand il fut engagé dans une tournée internationale qui le faisait passer par l'Uruguay, le Brésil, le Paraguay et le Chili, avait-il besoin de faux papiers. Ses puissants admirateurs s'arrangèrent pour lui en fournir. Avec des données invraisemblables mais qui firent l'affaire tant que le conflit mondial occupait les chancelleries de tous les pays, belligérants ou non. Après le retour de la paix, il dût obtenir d'autres faux papiers plus crédibles et si possible qui le tiennent à l'écart de la moindre tentative des autorités françaises de le réclamer comme l'un de leurs ressortissants insoumis. Or il n'y avait pas d'accord d'extradition entre l'Uruguay et la France.
(2) Selon une autre version, le chanteur serait le fils d'un couple légitime, María et Carlos Gardel, selon ce que dit le seul document officiel qui atteste de la naissance d'un certain Carlos Gardel dans la région dans les années 1880. Si cet acte de naissance n'est pas un faux malgré l'absence du patronyme de la mère (fait pour le moins troublant dans un pays hispanique), ce Carlos Gardel semble bien être un homonyme, d'environ dix ans plus âgé que le chanteur. Mais rares sont les Uruguayens qui en acceptent le principe. A noter aussi que, pour expliquer que Carlos Gardel ait été élevé à Buenos Aires par une femme qui se disait sa mère et s'appelait Berta Gardés, deux faits vraiment très difficiles à contester, les tenants de la naissance en Uruguay décrivent Berta comme une prostituée exerçant ses coupables activités à Montevideo. Pour cacher l'existence de l'enfant adultérin, le colonel le lui aurait confié pour qu'elle l'élève, telle Fantine remettant Cosette en pension aux Thénardier. Outre le fait qu'il est peu vraisemblable qu'un notable sud-américain confie l'éducation d'un enfant, surtout le sien, à une prostituée étrangère, cet acharnement à salir la mémoire de la mère de Gardel est étrange : Berta est en effet celle qui a pu prouver, après la mort du chanteur, qu'elle était bel et bien sa mère ou qu'il était bien son fils, ce qui a contribué à faire rapatrier le corps en Argentine, où il repose au cimetière portègne de La Chacarita, et non en Uruguay. En revanche, jamais aucun témoin de la naissance uruguayenne ne s'est jamais manifesté au cours d'aucun des deux procès qui se sont tenus de part et d'autre du Río de la Plata, ni aucun parent ou proche des supposés père et mère de ce garçonnet.

Affaire rondement menée en Uruguay mais qui laissera des traces [Actu]

Il y a quelques jours, la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme a pris un arrêt qui faisait obligation à l'Etat uruguayen d'abolir plusieurs articles d'une loi d'amnistie ou plus exactement de prescription des crimes politiques commis pendant la Dictature de 1973-1985 (voir mon article du 25 mars 2011 sur ce sujet). Cette loi, dite Ley de Caducidad, votée en 1986, empêchait en effet de lancer les enquêtes sur les crimes commis pendant les années de plomb, ce qui laissait sans réponse des milliers de familles qui ont perdu un proche sous la Junte et ont vu disparaître un enfant en bas-âge, retiré frauduleusement à ses proches pour être confié en adoption à des sbires du régime en place. Quelques aménagements de cette loi avaient toutefois été rendus possibles, grâce à des arrêts de la Cour Suprême uruguayenne, sous le mandat du précédent président de la République, Tabaré Vázquez, le premier chef d'Etat de gauche de l'histoire du pays, qui voulait même la faire disparaître du code pénal national. Il n'y parvint cependant pas. Un cas particulier, porté devant la Cour interaméricaine, celui de la belle-fille du poète argentin Juan Gelman, a permis de faire faire un pas de géant dans le rétablissement de l'exercice de la justice dans le pays et c'est sans désemparer que les assemblées législatives d'Uruguay ont mis le dossier à leur ordre du jour.

Hier, le Sénat, à une très courte majorité, 16 pour sur un total de 31 votants, a voté l'abolition des trois articles incriminés, en instaurant une loi interprétative de la Ley de Caducidad. Les militants des droits de l'homme vont, quant à eux, continuer leur combat pour l'abolition pure et simple de cette loi faite pour protéger des criminels qui se font vieux et disparaissent les uns derrière les autres sans avoir été jugés.

Un vote aussi serré laissera des traces dans le personnel politique du pays. Des dissensions graves se sont fait jour à l'intérieur de la majorité au pouvoir, celle du Frente Amplio, la grande coalition de la quasi-totalité des partis de gauche. Un sénateur va passer devant le conseil de discipline du Frente Amplio pour avoir refusé de voter selon la consigne politique de sa formation, dont il sera très certainement exclu. Un autre, qui a respecté cette consigne mais à contre-coeur, a, aussitôt après le vote, annoncé qu'il quittait le Frente Amplio. Or la majorité qui soutient l'actuel Gouvernement est étroite. Il est donc possible que le Président Pepe Mujica rencontre des difficultés sérieuses dans la suite de son mandat. Il doit encore gouverner le pays pendant trois ans et ne pourra pas briguer un second mandat, puisque la Constitution l'interdit. Y aura-t-il après lui un troisième mandat présidentiel du Frente Amplio ? Un triplé de gauche serait un véritable exploit dans ce pays qui a toujours été gouverné à droite sauf dans les 5 dernières années. Les dissensions récentes semblent bien en écarter la perspective.

D'un autre côté,ce vote de la Chambre Haute a provoqué un enthousiasme considérable dans les tribunes qui surplombent l'hémicycle, occupées qu'elles étaient par des militants des ONG des Droits de l'Homme. Parmi les personnes qui assistaient à ce vote historique, se trouvait Macarena Gelman, la petite-fille de Juan Gelman, qui avait obtenu, de concert avec son grand-père, ce récent arrêt de la Cour Interaméricaine sur le cas de sa maman, enlevée en Argentine et déportée dans un centre de détention clandestin en Uruguay, où elle a sans doute fini par être exécutée tandis que l'enfant, elle, disparaissait, volée à sa famille légitime pour être éduquée dans l'idéologie du régime, comme cela s'est aussi fréquemment pratiqué en Argentine, ce dont je ne cesse de vous parler ici depuis dimanche (voir mes articles du 10 avril 2011 sur le témoignage du 102ème petit-fils recherché par Abuelas de Plaza de Maho et du 12 avril 2011 sur le témoignage de Estela de Carlotto au procès argentin contre les criminels du vol systématique des enfants d'opposants).

Pour en savoir plus sur le vote historique intervenu la nuit dernière en Uruguay :
lire l'article de El País sur la tenue du vote et ses conséquences politiques immédiates (il s'agit bien sûr du quotidien d'Uruguay à ne pas confondre avec son homonyme espagnol)
lire l'article de El País sur les positions des uns et des autres et sur les procès qui sont susceptibles d'être organisés (1)
Les articles de El País sont disponibles sur le site du quotidien en version audio, téléchargeable (format MP3)
lire l'article de Página/12, le quotidien argentin de gauche et pro-droits de l'homme

(1) Parmi les criminels qui pourraient se retrouver bientôt dans le box des accusés, on compte Juan María Bordaberry, l'un des dictateurs de la Junte, qui n'est autre que le père d'un des deux candidats de la droite à la dernière élection présidentielle. L'homme avait été éliminé dès le premier tour et avait donné à ses électeurs une consigne de vote en faveur de l'autre candidat de droite. Votes que cet autre candidat était allé lui-même quêter à grand coup de propos démagogiques, qui ne lui ont servi de rien puisqu'au jour J, c'est bien le candidat de gauche qui a remporté le scrutin. Dans l'un des cas de torture qui pourrait arriver devant la justice, l'actuel président pourrait être amené à comparaître en qualité de témoin. En effet, il fut lui aussi prisonnier politique, il a été lui-même torturé mais n'aime pas beaucoup l'idée de traîner devant les tribunaux les anciens tortionnaires. Il a tendance à penser que derrière le souhait de justice se cache une solide dose de désir de vengeance. Tous les événements récents à Buenos Aires semblent au contraire fait la preuve du contraire. Mais l'Uruguay n'a pas encore conduit de grands procès. On ne peut pas savoir ce qu'il en sortirait.

mardi 12 avril 2011

Quand Estela de Carlotto témoigne au procès historique du système de captation illégale d'enfants sous la Dictature [Actu]

Estela de Carlotto, mes lecteurs habituels le savent, est la présidente de l'ONG Abuelas de Plaza de Mayo (Grands-Mères de la Place de Mai), qui recherchent les enfants enlévés en bas-âge à leur famille légitime après l'arrestation et la disparition de leurs parents, militants des droits de l'homme ou de l'indépendance politique nationale. Dimanche, le quotidien de gauche, très pro-droits de l'homme, Página/12, publiait une interview étonnante et particulièrement émouvante d'un de ces enfants qui ont découvert leur réelle identité et l'histoire tragique de leur naissance et de leur enlèvement une fois devenus adultes (voir mon article du 10 avril 2011).

Hier, Estela de Carlotto témoignait donc à la barre du tribunal de Comodoro Py où sont jugés les décideurs de la politique systématique de destruction des familles des opposants à la Dictature (voir mon article du 1er mars 2011 au sujet de l'ouverture de ce très long procès, dont les accusés sont plusieurs anciens chefs d'Etat, dont le putchiste Jorge Rafael Videla, et de hauts responsables des centres de détention clandestins où les prisonniers furent torturés et exécutés).

Estela de Carlotto a elle-même perdu sa fille Laura, qu'elle avait vue pour la dernière fois en août 1977, un an et demi après le putch qui institua la dictature, dont on vient de commémorer le 35ème anniversaire, le 24 mars dernier. L'histoire de la Présidente de Abuelas est particulièrement horrible. Laura était enceinte au moment de son arrestation, dont sa mère eut connaissance grâce à une lettre anonyme le 31 décembre 1977. En octobre 1978, elle et son mari, lui-même victime quelques temps auparavant d'une séquestration illégale, furent convoqués dans un commissariat sans que la raison leur en soit donnée. Ils espéraient retrouver leur fille en vie et faire connaissance avec son enfant, dont une co-détenue les avait informés de la naissance.

Au commissariat, les attendait la pire des épreuves. On leur présenta le corps sans vie de leur fille, le ventre horriblement mutilé de sorte qu'avaient disparu toutes les traces de la grossesse. A côté d'elle gisait un autre cadavre, celui d'un jeune homme inconnu, anonyme. A tel point qu'au cimetière, le couple entendit le fossoyeur se plaindre du trop grand nombre de cadavres anonymes qu'il était obligé d'enterrer sous l'intitulé NN (la manière ordinaire de la Dictature de retirer leur identité jusqu'aux morts).

Le combat de cette femme s'ancre dans une expérience particulièrement traumatisante. On n'en admire que plus le sourire toujours sur les lèvres de cette dame et la dignité de cette couronne rayonnante de cheveux blancs.

L'article de ce matin sur Página/12 reprend l'essentiel de son témoignage et retrace sa difficile enquête pour reconstituer les derniers mois de la vie de la sa fille.

L'enfant de Laura est l'un des 34 mineurs disparus dont les hommes, dans le box, sont accusés d'avoir délibérément et systématiquement organisé le vol en vue de l'adoption frauduleuse par des sbires du régime. Grâce à une co-détenue de Laura, sa mère sait à quelle date est né son petit-fils et qu'il s'agit d'un garçon qui a pu vivre 5 heures avec sa maman, avant qu'on l'arrache à la jeune accouchée. Lorsqu'elle avait appris ces faits, Estela de Carlotto avait engagé une action en justice, dit de l'habeas corpus (1), qui avait abouti à une réponse officielle deux jours après l'enterrement : cette notification judiciaire informait le couple que sa fille ne se trouvait pas en prison et que les autorités ignoraient où elle se trouvait.

Un peu plus tard, dans sa recherche éperdue de son petit-fils, Estela de Carlotto pensa que l'enfant pouvait être certaine petite-fille qui avait été recueillie dans un orphelinat. Elle s'y rendit pour comprendre que tel ne pouvait pas être le cas.

Dans son témoignage, elle a raconté le début de l'ONG qu'elle préside aujourd'hui, les réunions clandestines d'une poignée de jeunes grands-mères à La Plata puis à la confitería Las Violetas, dans le quartier de Almagro, à Buenos Aires, sous des faux prétextes de prétendues célébrations festives, des conversations téléphoniques codées en cas d'écoute clandestine.

Parecen humanos, pero no lo son, a-t-elle asséné devant les accusés dont le procès est aussi celui du système qu'ils avaient monté pour extirper à la racine toute éducation prenant en considération la question des droits de l'homme et de la démocratie.

Ils ont l'air humain mais ils ne le sont pas.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

D'un autre côté, le Ministère public argentin vient d'émettre un mandat d'amener contre trois membres de l'équipage d'un des vols de la mort du Plan Condor, cet avion de 1977 dont furent jetés dans le Río de la Plata l'une des fondatrices de l'ONG Madres de Plaza de Mayo (Mères dela Place de Mai, qui recherchent les disparus adultes) et la religieuse française Léonie Duquet. Le 24 mars dernier, pour le 35ème anniversaire du putsch de 1977, les autorités judiciaires avaient annoncé qu'elles avaient pu mettre enfin des noms sur ces équipages au service des basses oeuvres de la Dictature (lire mon article du 24 mars 2011 à ce propos).

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 sur le témoignage de la Présidente d'Abuelas
lire l'article de une de Página/12 sur le mandat d'amener de l'équipage du vol de la mort

(1) L'Argentine libérale et européanisante des années 1852-1816 a obstinément voulu devenir l'Angleterre de l'Amérique du Sud. Au point d'en singer la tradition judiciaire à l'intérieur d'un fonctionnement institutionnel et politique pourtant fort peu démocratique dans ces années-là et c'est peu de le dire. Puis à nouveau dans les années 1930-1940 puis enfin après la chute de Perón, en septembre 1955, jusqu'à la chute de la Dictature, en 1983. Entre 1916 et 1930 puis entre 1956 et 1955, la vie politique argentine a suivi un cours, sinon inbuditablement démocratique, en tout cas formellement constitutionnel, ce qui était déjà une étape certaine sur le chemin d'un fonctionnement légal de l'Etat.

Nouvelle conférence sur Mercedes Simone au Museo Casa Carlos Gardel [à l'affiche]

A l'occasion de l'exposition qui se tient en ce moment sur la chanteuse Mercedes Simone au Museo Casa Carlos Gardel, dans le cadre des expositions temporaires qui se rapportent aux partenaires et contemporains du Zorzal Criollo (1) ainsi qu'aux auteurs-compositeurs de son répertoire, la fille de l'artiste viendra donner une conférence sur sa mère en ce mois d'avril où elle était née (le 21 avril 1904).

Cette conférence se tiendra le jeudi 14 avril à 19h dans le patio du musée, situé rue Jean Jaurès 735, dans le quartier de l'Abasto tout habillé aux couleurs de Gardel...

Entrée libre et gratuite.

Sur l'exposition qui se tient en ce moment, voir mon article du 14 mars 2011.
Pour entendre la voix de cette chanteuse qui marqua l'histoire du répertoire du tango, connectez-vous à la page qui lui est consacrée sur le site encyclopédique argentin Todo Tango.

(1) Surnom de Carlos Gardel (entendez en français quelque chose comme le rossignol sud-américain ou le rossignol de chez nous)

Viviana Scarlassa dimanche au Torcuato Tasso et Cucuza et Moscato dès demain [à l'affiche]

La chanteuse et comédienne Viviana Scarlassa se présentera le dimanche 17 avril à 22h au Centro Cultural Torquato Tasso, Defensa 1575, accompagnée par le guitariste Darío Barozzi qui assure la direction musicale de ce tour de chant. Autres musiciens invités : Leandro Nikitoff à la guitare, Marisol Andorrá à la flûte traversière et Matías Novelle aux percussions.

Entrée : 20 $. Ce prix couvre le concert et la milonga du dimanche soir.

Mercredi 13 avril, c'est le spectacle El Tango vuelve al Barrio (ETvaB pour les intimes et dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, qui chapeaute chaque article de ce blog) du chanteur Cucuza et du guitariste Moscato, qui occupera cette même scène, à 22h, avec plusieurs musiciens invités, comme à l'ordinaire avec ce duo.

Jacqueline Sigaut ce soir à Espacio Dada [à l'affiche]

La chanteuse Jacqueline Sigaut, une nouvelle fois entourée d'invités surprises, sera ce soir, mardi 12 avril 2011, à 21h à l'Espacio Dada, situé rue Borges n° 1655 dans le quartier de Palermo. Elle sera accompagnée par le guitariste Abel Tesoriere pour un tour de chant composé de tangos classiques et de tangos plus récents. Jacqueline est l'une de ces trop rares interprètes qui prennent le risque aujourd'hui de ne pas s'enfermer sur le répertoire confirmé mais de s'ouvrir aux créateurs contemporains, et en particulier aux nouveaux poètes comme Raimundo Rosales, Ernesto Pierro, Alejandro Szwarcman...

Entrée : 30 $.

Pour en savoir plus sur Jacqueline, cliquez sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus. Les mots-clés de ce bloc vous permettent d'accéder à des sélections thématiques d'articles à l'intérieur de ce blog consacré à l'actualité du tango aujourd'hui à Buenos Aires, dans sa région ainsi qu'à Montevideo.

Mauricio Macri décide de privatiser une partie de la police à Buenos Aires [Actu]

La semaine dernière, la Ministre de la Sécurité, Nilda Garré, (1) a annoncé qu'elle retirait un contingent de Police Fédérale qui était mis à la disposition du Gouvernement Portègne (2) depuis trois ans et pour lequel ce même Gouvernement Portègne n'a jamais remboursé à l'Etat central le moindre sou, alors que ce genre de mise à disposition fait l'objet normalement et légalement d'un échange budgétaire entre l'Etat central et la collectivité locale bénéficiaire de la mise à disposition.

Mauricio Macri, qui dirige le Gouvernement Portègne sur une ligne ultra-libérale du tout payant, a émis toute une liste de raisons pour justifier son attitude, sans faire bouger d'un pouce la Ministre, très combative contre lui et sa politique depuis les incidents mortels de Villa Soldati (voir mes articles de décembre 2010 sur la question) qui lui ont valu de passer du Ministère de la Défense à ce tout nouveau ministère de la Sécurité (3), créé pour répondre à la crise (en Europe, nous parlerions plus volontiers de ministère de l'Intérieur, le choix du terme de Sécurité répond à une sensation diffuse dans la population d'une insécurité grandissante sur laquelle jouent les démagogues de tout bord).

Ne pouvant donc pas récupérer gratuitement les policiers fédéraux sur lesquels il avait la haute main, Mauricio Macri a annoncé qu'il privatisait de nouveaux secteurs de la sécurité dans sa ville. La sécurité à l'intérieur de 13 hôpitaux publics est déjà assurée par des milices privées, elle le sera désormais dans de nouveaux lieux de la ville. Et vu la manière dont Mauricio Macri est accusé de diriger les milices privées (il est poursuivi en justice pour les agissements d'un groupe de gros bras qui ont semé la terreur la nuit parmi les sans-logis de Buenos Aires pendant plus d'un an), on peut se poser des questions sur les consignes qui seront données à ces sous-traitants de la sécurité publique !

Ainsi donc Mauricio Macri préfere-t-il payer les prestations de sociétés commerciales plutôt que d'acquitter les factures liées à l'exercice d'un service public contrôlé par les élus du peuple (Parlement, gouvernements, etc.). Au début de son mandat, en décembre 2007, il prenait des gants pour que sa collusion avec les intérêts privés ne se voie pas, sauf aux yeux d'observateurs très attentifs. Maintenant, voilà plusieurs mois qu'il ne dissimule même plus son manque de respect pour la chose publique et son dévouement corps et âme au système commercial et à ses contingences financières. Cet homme, qui est un chef d'entreprise propriétaire d'une grosse holding de travaux et d'équipements publics, aspire aujourd'hui à exercer la magistrature suprême en Argentine, il veut être le candidat unique de la droite à l'élection présidentielle qui devrait se tenir en octobre prochain. Il a même fait avancer la date des élections locales à Buenos Aires à juin sans doute pour se donner une plus grande marge de manoeuvre liberté pour se déclarer candidat au meilleur moment possible, en fonction des sondages d'opinion et du calendrier judiciaire.

Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 de ce matin.

(1) Ministre du Gouvernement fédéral, dit Gobierno de la Nación. Les Argentins n'utilisent presque jamais l'adjectif fédéral, qui est chargé d'un souvenir de guerre civile et sert donc essentiellement à désigner le mouvement politique favorable à l'organisation fédérale de l'Etat dans les 50 premières années de l'indépendance du pays.
(2) Le Gouvernement Portègne est l'autre désignation du Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires qui est l'une des entités de la fédération argentine. Il dispose d'une large autonomie dans presque tous les domaines, à part la défense nationale et la politique monétaire.
(3) En Argentine, la création d'un Ministère est chose exceptionnelle. Le Gouvernement, qu'on appelle en Argentine el gabinete, est composé d'un certain nombre (fixe) de portefeuilles dont la dénomination et les compétences sont maintenus de président en président. Ainsi lorsqu'un chef d'Etat crée un nouveau ministère, cet acte politique revêt  une grande signification et signe un tournant considérable de la manière de concevoir la conduite du pays. Cristina Fernández de Kirchner, l'actuelle présidente, a ainsi beaucoup frappé les esprits lorsqu'elle a créé un Ministère de la Recherche à son arrivée au pouvoir en décembre 2007. Elle a aussi élevé au rang de ministère ce qui n'était que le Secrétariat d'Etat au Travail.