mercredi 31 mai 2023

La vérité sort devant la justice quarante-cinq ans plus tard [Actu]


En 1978, une jeune femme enceinte et déjà maire d’un petit garçon, Eduardo, de deux ans disparaissait, enlevée par les sbires du régime putschiste. Un peu plus tard, elle a été fusillée dans une exécution extra-judiciaire comme il y en avait tant sous la dictature militaire, connue aujourd’hui sous le nom de « Masacre de la calle Belén » (le massacre de la rue de Bethléém). Son corps a été détruit par le feu pour qu’il ne reste pas une seule trace du crime. Son compagnon a été assassiné au cours du même massacre.

Le petit Eduardo est devenu un cacique de la branche du péronisme qui est actuellement au pouvoir. A gauche, il est même un présidentiable potentiel assez connu pour ne pas être ridicule (de là à être éligible, c’est autre chose dans le contexte actuel, très défavorable aux sortants). Il est actuellement ministre de l’Intérieur du gouvernement fédéral. Il est surtout connu par son surnom plutôt que par son prénom. Il s’appelle Wado de Pedro. Sa maman s’appelait Lucila Révora. Ce matin, sa photo fait la une de Página/12 (qui, au comble de la contradiction, continue de soutenir Poutine au nom de la lutte contre l’impérialisme et en faisant silence sur les crimes contre l’humanité qui se commettent de nos jours en Ukraine – et ailleurs sous l’autorité du dictateur kagébiste).

Dans l’article, le journal met côte à côté la photo en noir et blanc de la maman et celle, en couleurs, du ministre presque cinquantenaire que l’on connaît aujourd’hui : la ressemblance est frappante. Elle est donc aussi très émouvante.

Wado de Pedro a appris le sort réservé à sa mère grâce à l’audition d’un ancien gendarme dans un procès contre les crimes de la dictature. L’homme, qui a participé à la commission des faits, répondait aux magistrats à travers une connexion Zoom.

Il y a quelques temps, le ministre s’était rapproché d’un collectif qui permet aux enfants des criminels de la dictature qui renient le régime militaire de leurs parents de rencontrer les victimes de ce régime : cette institution milite pour une réconciliation à la sud-africaine, dans une démarche de vérité de la part des bourreaux ou de leurs descendants. En complément de son article de tête sur Lucila Révora, Página/12 a donc choisi de publier l’interview d’un des membres du collectif, Analía Kalinec.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 sur les déclarations de l’ancien gendarme
lire l’interview de Analía Kalinec, fille d’un sbire de la dictature.

Le nouvel archevêque de Buenos Aires a déjà la droite contre lui [Actu]

L'évêque de Río Gallegos à Rome, avec le pape
à la fin d'une audience publique du mercredi
place Saint-Pierre (photo AICA)


Au lendemain du 25 mai, où le cardinal Mario Poli, actuel archevêque de Buenos Aires démissionnaire parce qu’il a atteint la limite d’âge, a prononcé, devant les représentants des pouvoirs publics fédéraux, son dernier sermon du Te Deum national, le Vatican a fait connaître le nom de son successeur : l’actuel évêque de Río Gallegos, la ville dont le président de gauche Néstor Kirchner était originaire et où il est enterré depuis sa mort en octobre 2010.

L'info traitée en titre secondaire, en haut, sur la gauche
"Un archevêque qui a des airs du Sud", dit le titre
La vedette est tenue par un scandale de fausses factures
qui impliquent des membres de la haute magistrature
et des ministres provinciaux qui ont bénéficié d'un séjour
fort agréable dans une station lacustre de Patagonie.
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A droite, ce choix a tout de suite fait grincer des dents : le prochain archevêque, Jorge Ignacio García Cuerva, qui a 55 ans et va donc gouverner le premier diocèse d’Argentine durant les vingt prochaines années, si Dieu lui prête vie, est avocat et théologien. Il a engrangé une grande expérience auprès des plus pauvres qu’il a toujours défendus avec courage et cohérence. Dans la très chic et très élégante ville de Tigre, au nord-ouest de Buenos Aires, il a été en mission dans un bidonville au début de son ministère et c’est à ce titre qu’il a noué des relations amicales et confiantes avec l’actuel ministre de l’Economie, Sergio Massa, qui était à la même époque le maire de Tigre, un maire dont tout le monde reconnaissait alors qu’il faisait du bon travail.

Le nouvel archevêque a droit à la vedette sur la une
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Il est clair que García Cuerva exerce son ministère d’une manière innovante et qu’il est proche des périphéries : il est favorable à l’accueil des couples homosexuels dans les communautés paroissiales, il accorde en particulier le baptême aux enfants de ces couples ; il innove dans sa pastorale pour parler à tout le monde, syndicats et coopératives ouvrières compris. Il s’intéresse au sort des prisonniers. Bref, tout ce que la droite politique argentine attribue à une Église qu’elle estime de gauche. Ajoutez à cela qu’on l’accuse (car il s’agit bien d’une accusation) d’être péroniste (et alors ? Il est aussi un citoyen et dispose de sa liberté de pensée).


Le jour de la Pentecôte, a filtré un discours incendiaire qu’un ancien aumônier militaire, qui exerce maintenant son ministère dans la province de Buenos Aires, a tenu dans un groupe Whatsapp, dont un membre l’a publié. Ce prêtre prétend connaître très bien le nouvel archevêque pour avoir étudié à ses côtés dans le même séminaire. Il l’accuse d’être lui-même efféminé et homosexuel et, ô crime impardonnable, d’être amis avec Madres et Abuelas de Plaza de Mayo, les deux associations les plus emblématiques de la lutte des droits de l’homme contre la défunte dernière dictature militaire. Dans sa rage, ce prêtre a aussi craché son rance venin idéologique sur l’archevêque de La Plata, autre prélat nommé par François pour remplacer cette fois-là un épouvantable réactionnaire, Héctor Aguer, qui trouve encore à s’exprimer dans le quotidien La Prensa.

La photo principale illustre la tragédie de la sécheresse
Au-dessus : la photo du nouvel élu et le gros titre
"Pour succéder au cardinal Poli, le Pape a choisi
un évêque qui critique le gouvernement"
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Le prêtre colérique a dû présenter des excuses publiques. Il semblerait que sa hiérarchie a trouvé le propos irrévérencieux ou indiscipliné.

"Le Pape a choisi le pire du pire", une citation
tirée de la diatribe tenue pour un groupe privé Whatsapp
et rendue publique par l'un des destinataires
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En observant le ton général dans la presse, entre l’enthousiasme de Página/12 et la prudence, entre embarrassée et hostile, des trois autres quotidiens, tous trois de droite, on peut d’ores et déjà imaginer que le nouvel archevêque va avoir du fil à retordre pour imposer son autorité dans son diocèse et que l’Église catholique s’approche dangereusement de la fracture pour des motifs politiques et non pas religieux.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

les 26 et 27 mai, l’annonce de la nomination et le premier portrait du nouvel archevêque
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación
les 29 et 30 mai, les déclarations incendiaires whatsappiennes et leurs suites
lire l’article de Página/12 qui en a fait sa une (en pleine campagne électorale, ne l’oublions pas)
lire l’article de La Prensa
lire l’article de La Nación
les 29 et 31 mai, quelques éditoriaux sur les divers aspects du sujet
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Nación avant-hier
lire l’article de La Nación ce matin
Clarín a publié plusieurs opinions mais, même en ligne, elles sont réservées aux abonnés (d’où leur absence dans les références ici).

vendredi 26 mai 2023

Zamba pour se souvenir toujours de Daniel Toro [Actu]

Hommage du quotidien El Tribuno sur son compte Facebook
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A 82 ans et à l'issue d’une pneumonie, Daniel Toro nous a quittés hier, 25 mai, le jour de la fête nationale.


En haut à droite, avec photo
En vedette, la manifestation cristiniste, ultra-partisane
sur Plaza de Mayo hier, sans le président en place
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A la SADAIC, la société des auteurs-compositeurs argentins, ses dépôts témoignent d’une œuvre gigantesque : plus de mille chansons qui illustrent et nourrissent le patrimoine national du folklore du nord-ouest argentin. Plusieurs de ces titres sont devenus de véritables classiques, repris par la plupart des grands interprètes dans leurs disques et leurs récitals, dont la grande Mercedes Sosa, elle-même originaire d’une province voisine de la sienne, Tucumán.


En haut au centre
Dessous : la manifestation cristiniste
(gros succès d'affluence malgré la pluie comme il y a 213 ans)
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Sa chanson la plus connue, Zamba para olvidarte (Zamba pour t’oublier) compte plus de 8 millions d’interprétations diverses et variées sur la plateforme Spotify, nous dit Página/12, qui rend surtout hommage au caractère engagé de l’artiste.

En effet, Daniel Toro a connu la censure sous la dernière dictature, celle dont on célèbre cette année les 40 ans de la fin. Pour conserver la vie et continuer à travailler, il avait dû adopter un pseudonyme.

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Il y a deux ans, un documentaire de longue durée (84 mn) lui avait été consacré par la cinéaste Silvia Majul. Sur l’affiche (ci-dessus), le jeune Daniel faisait face au vieux Toro.

Son décès est traité à la une d’à peu près tous les journaux nationaux, à l’exception notable de La Nación, et ce malgré une actualité politique chargée, puisque Cristina Kirchner a été hier l’unique oratrice sur la Plaza de Mayo, où elle avait convoqué ses partisans, malgré le fait qu’elle refuse de se présenter aux élections… Elle a même chassé le président en place de la traditionnelle célébration publique, ordinairement ouverte à tous, sur la place historique de la capitale, là même où s’est produite la révolution qui a mis fin au régime vice-royal.


En bas à droite, avec photo
En vedette, les acrobaties réalisées par Tango 01,
le nouvel avion présidentiel,
sous la pluie, sur l'aéroport domestique de Buenos Aires
alors que le président devait se rendre en Patagonie
pour le long week-end férié
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A Salta, où l’artiste était né et où il est décédé, dans un hôpital de la capitale provinciale, l’un des quotidiens locaux, El Nuevo Diario de Salta, en fait le sujet principal de sa une.

La une locale
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De nombreuses vidéos sont incrustées sur la plupart des articles en ligne.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

dans la province de Salta :
lire l’article de El Tribuno (édition de Salta)

mercredi 24 mai 2023

Festival de tango coopératif à Rosario [à l’affiche]

L'un des participants : Alejandro Guyot et son récent travail
sur l'art gardélien du chant (dont j'ai déjà parlé il y a quelques jours)


Tout ce week-end de fête, qui commence demain avec l’anniversaire de la Révolution de Mai 1810, qui est la fête nationale principale de l’Argentine, se tiendra à Rosario, la capitale culturelle de la province de Santa Fe, la 8e édition d’un festival coopératif de tango alternatif, résolument moderne.


Au programme de ces trois jours, tout ce qui fait un vrai festival : des concerts, des milongas, des ateliers, des cours, des conférences, de la danse, de la poésie, du chant, de la musique instrumentale et de la composition…

Atelier sur la manière de mettre une musique sur un texte
animé par Analia Goldberg

Le festival se déploiera dans plusieurs lieux emblématiques de la cité.

© Denise Anne Clavilier


Pour en savoir plus :

lire l’article de Página/12
consulter la page Facebook de la coopérative d’artistes qui l’organise.

Sortie d’un film historique et féministe pour la fête nationale [à l’affiche]

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Demain, jeudi 25 mai 2023, à l’occasion de la fête nationale, la cinéaste Sabrina Farji sort au cinéma Gaumont, qui est le siège de l’INCAA (l’institut national du cinéma et des arts audiovisuels), à Buenos Aires, son docu-fiction féministe et militant consacrée à une figure aussi prestigieuse que mal connue de l’époque indépendantiste, María Sánchez de Thompson, dite Mariquita

Cette femme a été une patriote de premier plan en son temps. Une féministe à une époque où cette cause avait bien peu d’adeptes. Et comme la marquise de Sévigné, sa correspondance a fait d’elle une des toutes premières figures de la littérature argentine.

Le gros problème est que les historiens disposent de très peu d’archives pour retracer sa vie réelle et que la plupart des récits sur elle s’appuie sur des légendes, répétées, notamment à l’école, de générations en générations depuis 1883, année où l’école primaire est devenue obligatoire, à l’instigation d’un ancien président, Domingo Sarmiento, qui l’avait bien connue et lui avait confié des missions de définitions des programmes d’instruction des fillettes.

Si l’on en croit sa bande-annonce, ce film nous propose un portrait ultra-idéologisé de Mariquita et des images 100 % anachroniques. Rien d’étonnant d’ailleurs : ces grands personnages de l’indépendance servent d’écran géant à la projection de tous les rêves et de toutes les théories, y compris les plus fantaisistes (du point de vue historique), des auteurs qui s’en emparent.

Quelques historiens sérieux apparaissent dans les trois minutes d’extraits. Je ne suis pas sûre que la réalisatrice les laissent remettre les pendules à l’heure.

Mais allez tout de même y jeter un coup d’œil : ça vaut le coup pour comprendre à quels grands écarts sont soumis ces personnages historiques. Ecoutez comment on fait chanter l’hymne argentin à l’interprète de Mariquita, en robe empire et avec des tatouages sur ses bras nus, pour se rendre compte que sur le plan historique, cela ne peut pas tenir la route. En 1812, personne n’aurait jamais eu l’idée saugrenue de chanter ce texte révolutionnaire et hardi avec cette voix déjà pâmée.

Cela n’empêche évidemment pas Página/12 de porter le film et son autrice aux nues en donnant ce matin la parole à Sabrina Farji et en titrant sur la difficulté qu’elle a sans aucun doute rencontrée pour parler des femmes en évoquant la révolution de 1810.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12
lire la fiche du film sur le site Cines Argentinos (la bande-annonce y est incrustée).

vendredi 19 mai 2023

Dinos argentins : nouveau record de taille en compèt patagonienne [Actu]

Vue d'artiste par Sebastián Rozadilla
pour le Museo Argentino de Ciencias Naturales
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Les scientifiques argentins viennent de publier dans la revue spécialisée Cretaceous Research les résultats des fouilles qu’ils ont menées dans la province de Río Negro, en Patagonie.

Ils ont en effet trouvé et identifié des fossiles appartenant à une espèce de sauropode herbivore inconnue jusqu’à ce jour et qu’ils ont baptisé le Chucarosaurus. L’animal vivait il y a 90 millions d’années et ses restes ont de quoi nous impressionner.

Ce dinosaure mesurait 30 mètres de long. C’est le plus gros découvert à ce jour dans la catégorie des herbivores.

La découverte a donné lieu hier à une présentation au grand public, dans un centre culturel de la bourgade de Cipoletti sur le territoire communal de laquelle se trouve le champ de fouille.

Les découvreurs sont une équipe de paléontologues du CONICET travaillant dans un laboratoire du Museo Argentino de Ciencias Naturales Bernardino Rivadavia, comme c’est bien souvent le cas sur ce sujet.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Clarín
accéder aux éléments publics de la communication scientifique sur le site de Science Direct, un portail du groupe Elsevier (revues scientifiques anglophones). L’article complet n’est accessible que sur abonnement.

jeudi 18 mai 2023

Alejandro Guyot présente son nouveau disque à Rondeman Abasto [à l’affiche]


L’auteur-compositeur interprète de tango nuevo Alejandro Guyot (ci-dessus) sort son deuxième disque soliste, sous le titre La guerra es afuera (la guerre, c’est dehors).

Le premier album de la série s’appelait La guerra es adentro (la guerre, c’est dedans).

L’artiste présentera ce disque, un enregistrement public, ce soir, le jeudi 18 mai 2023, à 21h, à Rondeman Abasto, une salle de la rue Lavalle (parallèle à Avenida Corrientes), au n° 3177, dans le quartier de l’Abasto.

Prix des places : 1.800 $ ARG (certains sites de réservations prennent une commission).

Alejandro Guyot a les honneurs des pages culturelles de Página/12 ce matin et pourtant le supplément quotidien Cultura & Espectáculos est surtout consacré au Festival de Cannes.

Le disque est déjà à disposition du public sur certaines plateformes de streaming. N’hésitez pas à aller écouter ça...

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

mercredi 17 mai 2023

Quand Cristina dit non, c’est non ! [Actu]

"Ils ne pourront pas effacer la mémoire ni les rêves
de millions d'Argentins", a déclaré Cristina Kirchner
en annonçant sa décision irrévocable
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Tremblement de terre dans le paysage politique argentin : hier, à travers une lettre ouverte, la vice-présidente et ancienne présidente Cristina Kirchner a définitivement confirmé ce qu’elle avait déjà déclaré en décembre, quelques heures après sa condamnation en première instance.

Cette année, elle ne sera candidate à rien. Elle entend, écrit-elle, ne se faire récupérer par personne, y compris par les plus sectaires [c’est moi qui juge ainsi] du mouvement qu’elle a fondé et qui réclamaient à grands cris sa candidature, surtout depuis que le président Alberto Fernández, lâché par presque tout le monde, avait annoncé qu’il ne tenterait pas un second mandat. Pourtant elle aurait peut-être ses chances mais de quoi aurait-elle l’air en diplomatie, au sein du G20 et à l’assemblée générale de l’ONU, avec cette condamnation déjà prononcée ? A moins qu’elle ne redoute d’avoir affronté la situation économique catastrophique dont va hériter le prochain chef d’État.

"Tous unis... et déconcertés", dit le gros titre
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Cristina Kirchner continue à clamer son innocence et parle toujours d’un complot de la majorité du corps judiciaire alliée à la droite libérale proche de Mauricio Macri, un corps judiciaire qui donne tout le bois pour se faire battre avec de récentes décisions qui défient l’entendement.

Le camp péroniste n’a donc toujours pas de candidat. Or les primaires se tiennent à la fin du mois d’août, dans trois mois et quelques jours. Cette étape électorale est obligatoire pour tous les candidats. Elle a pour but de faire apparaître le favori de chaque parti ou alliance électorale et d’écarter les candidatures qui ne rassemblent pas le minimum légal de voix pour participer au 1er tour.

"Cristina se taille et la crise politique s'approfondit
à la tête de l'Etat" dit le gros titre
au-dessus de cette photo de la nuit d'horreur à Kiyv
du 15 au 16 avril
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L’actuel ministre de l’Economie, Sergio Massa, caresserait l’idée d’être ce candidat, il est et de loin la plus présidentiable des personnalités politiques de ce côté-ci du spectre politique national mais les chiffres désastreux de l’inflation, de la pauvreté et du cours du dollar ne sont pas de nature, raisonnablement, à lui rallier beaucoup de voix. Mais on ne sait jamais : les scrutins avancés dans différentes provinces ont réservé de bonnes surprises au camp péroniste. Et puis de l’autre côté, à droite, le tableau est encore plus chaotique : ils se tirent tous les uns sur les autres et le seul qui voit sa côte monter dans les sondages est un libertaire d’extrême-droite agressif et à moitié fou (façon Steve Bannon) et, par-dessus le marché, d’une vulgarité sans fond. Sa dernière trouvaille, s’il parvient à la présidence, est de supprimer tous les régimes de retraite et d’allocations sociales. Or l’ensemble de ce système est déjà très faible et n’apporte guère de sécurité à ses bénéficiaires.

"Cristina confirme qu'elle ne sera pas candidate
et la querelle pour choisir un candidat s'aggrave dans la majorité",
dit le gros titre
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© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

L’inflation s’acharne sur les plus pauvres [Actu]

Infographie de synthèse réalisée par l'INDEC
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Avec une inflation mensuelle qui a atteint en moyenne nationale 8,4 % en avril, il n’y avait guère de doute sur le fait que le rapport sur les seuils de pauvreté et d’indigence, mesurés dans Buenos Aires et sa banlieue, allaient afficher des hausses considérables.

C’est le cas. Le panier mixte de vivres et de services qui sert à évaluer le seuil de pauvreté(en orange sur le schéma) marque une augmentation de 6,3 % pour le mois écoulé et celui réduit à l’alimentation, qui mesure l’indigence (en orange), affiche un point de plus.

A trois mois du premier scrutin de élections générales, c’est aussi une catastrophe politique dans un paysage où les leaders brillent par leur absence et où aucun camp ne peut afficher son unité.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire le rapport complet de l’INDEC, l’institut national des statistiques.

lundi 15 mai 2023

Heureusement que le pape est argentin ! [ici]

"Devant le pape, Zelensky a refusé de négocier
si les Russes ne se retirent pas", dit le gros titre
A noter que ce gros titre n'est pas hostile à Zelensky
Un éditorialiste du journal est actuellement en Ukraine
et il documente depuis plusieurs semaines les horreurs
de cette guerre d'agression non provoquée.
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En Argentine, un dicton prétend que « Dieu est argentin » et en l’occurrence, on ne parle pas ici de Maradona… S’il n’est pas certain que l’affirmation soit exacte en ce qui concerne le Créateur, pour ce qui concerne son vicaire sur Terre en revanche, c’est incontestablement le cas et on en voyait les effets ce week-end dans la presse argentine : tous les journaux ont en effet commenté l’audience accordée par le Saint-Père au président ukrainien, Volodymyr Zelensky.

Et il faut au moins cela pour que le dignitaire slave ait droit aux unes argentines au milieu de sa tournée pourtant exceptionnelle en Europe. Le reste des rencontres internationales n’a pas les honneurs de ces unes australes.

"Ce n'est pas la même chose, Votre Sainteté",
dit le gros titre secondaire à côté de la photo
Notez, là encore, que le journal se positionne du côté ukrainien
et pourtant la ligne du quotidien aurait bien des points communs
avec Poutine, à commencer par la politisation du christianisme.
En haut, des vitrines qui témoignent de l'inflation qui frappe le pays
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Sans surprise, si Página/12 évoque bien la rencontre dans un article en pages intérieures, pas un mot sur l’Ukraine en une ni hier, ni aujourd’hui.

De l’autre côté de l’échiquier médiatico-politique, la photo de Zelensky faisait hier la une des trios autres titres, qui s’inscrivent dans les différentes droites du pays : la droite catholique réactionnaire et anti-scientifique dans La Prensa, la droite populaire dans Clarín et la droite éclairée, bourgeoise et libérale dans La Nación.

"Zelensky a porté ses revendications au pape",
dit le titre de la photo
Le gros titre quant à lui porte sur les suites de la publication
vendredi après-midi des taux d'inflation mensuels
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La remise du prix Charlemagne, à Aix-la-Chapelle hier, n’a eu que peu d’écho dans cette presse ce matin. La récompense est pourtant lourde de sens sur l’intégration à l’Europe démocratique du plus grand pays non russe issu de l’empire russo-soviétique.

A noter toutefois que tous les journaux argentins reprennent les informations communiquées par Zelensky qui a déclaré avoir demandé au pape François de condamner désormais clairement les crimes commis par l’État terroriste (ça devrait parler à la gauche sud-américaine mais ça ne l’émeut guère) et de ne plus faire peser la responsabilité du conflit à égalité entre l’agresseur et l’agressé.

A noter aussi que l'on voit bien ici comment le Saint-Père a bousculé le protocole pour faire perdre le moins de temps possible à son hôte. D'ordinaire, les chefs d'Etat sont obligés de faire tout un parcours sous les dorures du palais pontifical encadré par un détachement de la Garde suisse. Cette fois-ci, c'est le pape qui est venu à la rencontre de son visiteur et qui l'a accueilli dès sa descente de voiture...

Si François n’avait pas été argentin, il est permis de douter que ces journaux en aient fait autant.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

L’inflation s’envole, s’envole, s’envole : 8,4 % sur le mois d’avril [Actu]

"Le ballon rouge", dit la une
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Synthèse générale publiée par l'INDEC
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8,4 % d’inflation mensuelle (moyenne générale nationale) en avril dernier : tel est le chiffre effarant que l’INDEC, l’institut national des statistiques, a publié vendredi après-midi, ce qui porte à déjà 32 % le taux cumulé depuis le mois de janvier, soit un tiers des 100 % en un quadrimestre.

"L'inflation a grimpé jusqu'à 8,4% en avril
et le pronostic pour mai est encore pire" dit le gros titre
En dessous : photo symbolisant la ruée des Chiliens
sur les grandes surfaces de Mendoza
pour profiter du taux de change très avantageux
(les Chiliens achètent trois fois plus en Argentine pour la même dépense)
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Certains aliments deviennent à peu près inaccessibles, comme les tomates (mais ce n’est déjà plus vraiment la saison). Clarín a fait un petit calcul et estime qu’une famille argentine moyenne travaille pendant une semaine pour acheter de quoi se nourrir pendant un mois.

Synthèse des différentes variations spatio-temporelles
dans le rapport de l'INDEC
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Le poste alimentation (hors vins et alcools) est d’ailleurs ce mois-ci largement au-dessus de la moyenne de 8,4 points. En revanche, la région de Buenos Aires revient en tête dans les variations régionales, ce qui avait cessé d’être le cas pendant quelques mois.

"L'inflation a bondi à 8,4% en avril,
le chiffre mensuel le plus élevé depuis 21 ans", dit le gros titre
au-dessus d'une photo de caddies remplis par un couple chilien à Mendoza
où des mesures de rationnement ont été adoptées par certaines surfaces
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Le poste Santé n’est pas bien placé, pas plus que ceux de la culture et du tourisme. Quant aux vêtements, c’est une catastrophe : le taux le plus élevé en moyenne nationale pour ce mois.

Synthèse des variations régionales établie par l'INDEC
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Malgré ces résultats catastrophiques et que les Argentins ressentent au jour le jour en faisant leurs courses, les élus péronistes locaux semblent bien s’en sortir lors des élections qui se tiennent avant les scrutins nationaux dans plusieurs provinces. Deux vagues de scrutins ont déjà eu lieu. En sera-t-il de même au niveau national en août, pour les primaires, puis en octobre pour le 1er tour, cela paraît mal parti.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire le rapport complet à télécharger en pdf sur le site Internet de l’INDEC