vendredi 27 octobre 2023

La présidente du Sénat nous fait visiter la Confitería del Molino [Actu]

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La Confitería del Molino était un superbe monument art-déco abandonné depuis de nombreuses années dur Plaza del Congreso alors qu’elle avait accueilli un restaurant et un salon de thé qui avaient accueilli l’élite politique du pays puisqu’elle se trouve à deux pas du palais du Congrès.


C’est Cristina Kirchner qui a voulu récupérer le bâtiment au sein de la Direction du Patrimoine national pour le restaurer, ce qui a pris des années mais est maintenant chose faite.


Elle a donc fait une visite dans ce témoignage de l’art-déco argentin et en publie des photos sur ses réseaux sociaux. On peut voir le brillant travail des restaurateurs. On attend encore l’ouverture définitive au public de l’établissement.

© Denise Anne Clavilier

Sur la terrasse qui domine Buenos Aires
en arrière-plan : la très belle tour qui fait l'angle du bâtiment
et supporte un peu plus bas les ailes du moulin
(comme au Moulin-Rouge à Paris)

Festival de la Fraise à Florencio Varela [à l’affiche]

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Ce week-end se tiendra sur deux jours la Fiesta de la Frutilla à Florencio Varela, une commune située au sud de Buenos Aires.

Les différents fraisiculteurs des environs y ont rendez-vous pour proposer leurs fruits au public, au milieu de toutes sortes d’activités en plein air.

La manifestation serait reportée à une autre date s’il devait pleuvoir ! C’est le printemps de l’autre côté de l’équateur.

A la mi-novembre, une foire similaire se tiendra dans une petite bourgade rurale de la province de Santa Fe, au nord de celle de Buenos Aires.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Info Cielo (info locale)
lire l’article de Viví el Oeste (info locale)

jeudi 26 octobre 2023

Bullrich a fini le boulot : bouquet final façon JxC [Actu]

Gros titre : "Ça a explosé"
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Avant-hier, au cours d’un très discret dîner à son domicile, auquel il avait invité Javier Mileí et la sœur de celui-ci, l'ancien président Mauricio Macri a entraîné la candidate malheureuse Patricia Bullrich dans ce qui sera la dernière dérive politique et éthique de Juntos por el Cambio (JxC), la coalition électorale et gouvernementale qu’il avait mise sur pied il y a dix ans pour gagner l’élection présidentielle et qui vient de se fracasser sur un échec franc et massif au premier tour.

"Deux pôles idéologiques viennent de naître
autour de Massa et de Mileí", dit le gros titre
avec une image de dessin animé employé hier à la télé
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Hier, toute honte bue, Patricia Bullrich a appelé à voter pour Mileí puis elle est allée sur un plateau télé confirmer cette posture avec force sourires et embrassades avec son adversaire politique devenu son grand copain. La convocation du bureau de JxC avait été repoussée à plusieurs reprises tout au long de la journée et n’a finalement jamais été ni réuni ni consulté. La décision a été arrêtée sans autre forme de procès entre ces quatre convives et eux seuls.

Dans les minutes qui ont suivi la publication de cette position, la coalition s’est dispersée façon puzzle : l’UCR (le centre-droit), Horacio Rodríguez Larreta, actuel chef de Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, et Elisa Carrió, fondatrice de Coalición Cívica, organisation elle-même issue d’une scission antérieure de la UCR, ont fait savoir qu’ils refusaient catégoriquement de vendre ainsi leur âme au diable pour un plat de lentilles ou un portefeuille ministériel. Ils appellent à voter blanc ou, en toute cas, à ne pas voter pour Mileí, dont quelques uns déclarent franchement qu’il met en danger la patrie (ce qui est vrai).

Sont-ils pas mignons, tous les deux,
avec leur allure de jeunes mariés ?
Le gros titre ne rigole pas :
"Le soutien à Mileí divise JxC : Macri et Bullrich
sont pour, la UCR, Larreta et Lilita contre"
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Les neufs gouverneurs déjà élus sous l’étiquette JxC dénoncent eux aussi cette stratégie court-termiste, suicidaire et anti-démocratique de Macri, depuis longtemps séduit par les outrances de Mileí au point d’avoir saboté coup sur coup les deux candidatures présidentielles de JxC, celle de Larreta, éliminé en août, puis celle de Bullrich, éliminée dimanche dernier, faute d’avoir pu lui-même présenté sa propre candidature.

Les critiques fusent de toutes parts et elles sont cinglantes contre l’ancien président, dont c’est sans doute la dernière félonie qu’il commettra à l’égard de ces et de ses alliés, et contre Patricia Bullrich, la candidate battue qui n’a pas su lui tenir tête et a montré par là-même qu’elle aurait fait une exécrable Cheffe d’État.

Là aussi, une image de jeunes mariés
mais nettement moins nunuche.
"Macri et Bullrich soutiennent Mileí
et Juntos por el Cambio se brise"
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Plusieurs journaux publient aujourd’hui les premiers sondages sur les intentions de vote du second tour. Massa creuse l’écart avec son adversaire : il avait huit points d’avance à la fin du dépouillement et il lui en a déjà pris deux supplémentaires. Quant aux électeurs de Mileí, ils lui resteraient fidèles à 91 % seulement tandis que Massa conserve 98 % des siens. Le report des voix semble donc fonctionner en faveur de la démocratie, de l’État de droit et de la souveraineté nationale avec le maintien de l’ensemble des domaines régaliens (monnaie, armée, justice, sécurité, stabilité diplomatique, fiscalité).

Página/12 se frotte les mains : avant-hier, le journal de gauche prévoyait déjà l’explosion de la droite de gouvernement avec un dessin en une. Sans doute la rédaction ne pensait-elle pas voir ses pronostics validés aussi tôt. Elle reprend donc ce matin le même dessin avec un gros titre qui se lit à la suite de celui d’hier. La droite pourrait bien payer très cher la médiocrité de son comportement dans les urnes à la mi-novembre.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :


Ajouts du 27 octobre 2023 :
Pendant que JxC se déchire à belles dents, Sergio Massa affiche tranquillement l’unité de son camp en réunissant autour de lui les 19 gouverneurs élus sous l’étiquette UxP (Unión por la Patria) ou sous celle de partis locaux qui soutiennent UxP au niveau national.
Pour aller plus loin :
lire cet article de une de Página/12
lire cet article de La Prensa

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Pendant ce temps, la UCR prend un peu partout position contre le ralliement de Macri et Bullrich à Mileí. Página/12 en a fait la une de son édition de La Plata, Buenos Aires/12.
Pour aller plus loin :
lire l’article de la une de Buenos Aires/12

"Nous nous positionnerons contre Mileí", dit le gros titre
C'est une déclaration solennelle de la UCR
dans  la province de Buenos Aires
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mercredi 25 octobre 2023

Mama Antula monte aux autels du monde entier : la première sainte argentine [ici]

La sainte par l'un des tout premiers peintres argentins,
Fernando García del Molino, qui ne l'a pas connue
(il est né en 1813, quatorze ans après sa mort,
mais il avait peut-être un modèle sous les yeux)
C'est en tout cas la plus ancienne représentation de Mama Antula
et elle est déjà comme le veut l'imagerie pieuse :
livre en main et croix dans les bras


María Antonia de La Paz y Figueroa, plus connue sous son surnom populaire de Mama Antula, qui lui avait été donné de son vivant par les Indiens quechuas de sa province natale, Santiago del Estero, dans le nord-ouest argentin, est une religieuse issue de la plus haute aristocratie coloniale qui a rétabli, dans ce qui était encore le Vice-Royaume du Río de la Plata, les exercices spirituels de saint Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus, qui avait été expulsée de tous les territoires espagnols par le roi Carlos III en 1767.

Depuis Santiago del Estero, elle est allée à pied, avec quelques compagnes, jusqu’à Buenos Aires, la capitale vice-royale, pour y implanter ces exercices malgré l’opposition des autorités impériales et religieuses. A Buenos Aires, elle parvint à force de conviction à faire construire une Maison des Exercices telles que les jésuites en avaient partout avant la suppression de leur ordre et comme ils en ont à nouveau dans toutes les provinces ecclésiastiques où ils sont présents, ce qu’on appelle à Buenos Aires la Casa de los Ejercicios. Le bâtiment, à peu près tel qu’elle l’avait imaginé et animé et qui appartient depuis près d’un siècle au patrimoine national, se dresse toujours dans Avenida de la Independencia, du côté du numéro 1000, c'est-à-dire dans le centre historique de la Ville.

Elle a été enterrée dans l’église Nuestra Señora de la Piedad.


La Casa de los Ejercicios photographiée dans les années 1970
Elle appartient au patrimoine national depuis 1942.
On voit très bien ici les différents corps de bâtiment qu'elle a dû
faire construire au fur et à mesure que ses retraites spirituelles attiraient les foules
le tout sur un plan typiquement colonial, comme on en a conservé, hélas,
très peu de témoignages à Buenos Aires

Le Pape vient d’autoriser la publication du décret de reconnaissance du second miracle (guérison physique inexplicable dans l’état actuel des connaissances) attribué à la bienheureuse, béatifiée en 2016.

La congrégation des Filles du Divin Sauveur,
celle qu'a fondée Mama Antula à Buenos Aires,
remercie Dieu et le pape François pour l'élévation
de leur fondatrice aux autels.
La formule finale est une reprise de la devise des jésuites :
Ad Dei majorem gloriam (pour la plus grande gloire de Dieu)
Ce message a été publiée sur sa page Facebook par
l'archidiocèse de Buenos Aires ce matin

La célébration de la canonisation devrait avoir lieu à Rome, place Saint-Pierre, comme le veut la tradition, au début de l’année prochaine, en présence d’une importante délégation argentine dans laquelle il est probable que prendra place le nouveau président, en tout cas si celui-ci est Sergio Massa. En cas de victoire du super-dingue, ce sera difficile eu égard à son torrent d’injures contre le Saint-Père et son mépris affiché pour toute espèce de politique sociale d’assistance aux secteurs défavorisés de la société, une activité traditionnelle de l’Église dont la Sor María Antonió de San José, appelée aussi Beata Madre de son vivant, est l’un des plus beaux témoignages à la fin du 18e siècle(1).

En haut : "Un autre Macri dans notre [chère]
Cité Autonome de Buenos Aires"
En bas : "La première sainte argentine"
sur fond de statue de la sainte, représentée
ici telle qu'on décrit son arrivée à Buenos Aires,
un livre de prière en main et une grande croix dans les bras

Mama Antula devient la première sainte argentine. Elle est aussi l’un des toutes premières grandes figures promotrices des cultures amérindiennes en Argentine (et Dieu sait si c’était audacieux à son époque, surtout pour une femme).

Le pays a déjà deux saints (un prêtre et un infirmier laïc) et plusieurs autres en attente…

Procession d'une effigie de la bienheureuse et sans doute d'une relique
à Santiago del Estero en 2016 à l'occasion de la béatification

La nouvelle arrive à pic juste avant les fêtes de la Toussaint. La journée n’est pas fériée ordinairement en Argentine mais il n’est pas impossible qu’à Santiago del Estero (province de la naissance) et à Buenos Aires (ville du décès) les pouvoirs publics fassent un petit effort pour l’occasion.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa (journal catholique ultra-conservateur)
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación
lire la dépêche de l’agence de presse de la Conférence épiscopale argentine (AICA).




(1) Mama Antula (1730-1799) a été une guide spirituelle exceptionnelle pour la plupart des futurs révolutionnaires argentins à la tête de la Revolución de Mayo del 1810, qui marqua l’abolition de la vice-royauté et lança le processus politique et militaire qui devait aboutir six ans plus tard à l’indépendance de fait et de droit du pays. La nouvelle sainte a donc une place importante dans la première partie de la biographie que j’ai consacrée à Manuel Belgrano, sous le titre Manuel Belgrano, l’inventeur de l’Argentine, parue aux Éditions du Jasmin en février 2020, à l’aube du Bicentenaire de la mort de ce général, juriste, économiste et homme d’État auquel on doit plusieurs victoires décisives et un drapeau, l’actuel albiceleste qui identifie l’Argentine.

Jorge Macri gagne Buenos Aires par KO [Actu]

Le gros titre dit : "Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse"
(littéralement : n'importe quel bus lui convient)
Le panneau indicateur des bus ressemble à une grille de loterie
En haut, en vert, la photo du candidat défait
avec ce titre : "Stratégie visant le gouvernement national"
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Après une longue réunion qu’il a eue hier avec Sergio Massa, Leandro Santoro, le candidat à la tête de l’Exécutif de la Ville Autonome de Buenos Aires pour Unión por la Patria, a accepté de se retirer de l’élection municipale dans laquelle, au premier tour dimanche dernier, il était arrivé très loin derrière Jorge Macri, le candidat de la droite libérale, la coalition Juntos por el Cambio, qui avait presque atteint les 50 % + une voix.

Leandro Santoro n’avait en effet aucune chance de remporter le second tour. Il préfère donc jeter l’éponge et recevoir la promesse d’un ministère en cas de victoire de Sergio Massa à l’élection présidentielle. Il semblerait que nombre d’électeurs qui en août avaient voté pour Horacio Rodríguez Larreta, l’actuel chef de Gouvernement de Buenos Aires (équivalent du maire), aient dimanche dernier glisse dans l’urne le bulletin portant le nom de Massa. Patricia Bullrich est décidément imbuvable pour beaucoup de monde !

L'info fait l'objet d'un titre secondaire
en haut de la colonne de droite
Tout en haut à droite, nécrologie d'un chanteur
de rock metal qui revendiquait ses idées fascistes
En gros titre : les manœuvres d'entre deux tours
dans la droite libérale prête à vendre son âme à Mileí
En bas, une saisie spectaculaire chez la maîtresse d'un ancien maire
péroniste du Gran Buenos Aires dans la tourmente depuis quelques semaines
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Jorge Macri a donc célébré sa victoire certes par défaut mais qui n’aurait pas manqué d’advenir dans trois semaines. Un représentant de la famille Macri, très bien placée dans le tissu économique argentin (travaux publics et services financiers), revient donc à la tête de la capitale argentine.

Voilà bientôt vingt ans que ce côté-là de l’échiquier politique règne sur la Ville et creuse l’écart de qualité de vie entre les beaux quartiers au nord et les quartiers populaires au sud. Cet écart se voit à l’œil nu. La culture elle aussi souffre : il n’y en a que pour la culture de l’élite (opéra, musées d’art moderne, écoles privées) tandis que la culture populaire est de plus en plus abandonnée à son triste sort. Il ne paraît guère vraisemblable qu’on assiste à un renouvellement politique avec cet autre Macri, qui a déjà montré ce qu’il savait faire dans ces domaines à la tête d’une municipalité du Gran Buenos Aires.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

mardi 24 octobre 2023

Le monde patronal paraît choisir Massa [Actu]

Sergio Massa, debout, s'exprime pendant la campagne
devant une assemblée de patrons


1) On le connaît déjà, on connaît ses idées et sa manière de gouverner.

2) On s’en est accommodé jusqu’ici et on n’en est pas mort.

3) L’autre est un fou furieux dont on ignore tout de la manière dont il gouvernerait.

Trois bonnes raisons pour les dirigeants économiques argentins de penser qu’il faut voter Massa dans trois semaines, commence-t-on à entendre dans les beaux quartiers, d’après Página/12, le seul quotidien à se pencher sur la question aujourd’hui. Les autres journaux (tous de droite), encore sous le coup de la douche froide de dimanche soir, se tâtent encore pour savoir de quel côté ils vont eux-mêmes faire pencher leur rédaction. Quant au patronat, les journalistes ont encore le temps de le laisser s’exprimer de lui-même et ouvertement.

Or ces derniers mois, dans l’espoir d’aider Patricia Bullrich à l’emporter, ce même patronat argentin menait la vie dure au gouvernement, croyant sans doute affaiblir ainsi le présidentiable de gauche et ministre de l’Economie au profit de la candidate du parti libéral de gouvernement (le PRO, leader de l’alliance électorale Juntos por el Cambio, « ensemble pour le changement »). Ils refusaient de négocier ou de faire des concessions sur les prix pour lutter contre l’inflation des prix au détail et limiter la livraison des produits de sorte que les magasins aient une offre décevante pour leurs clients qui l’auraient alors attribuée à la mauvaise gestion de la crise par ses incapables du gouvernement.

Mais le résultat du premier tour bouscule ces certitudes erronées et sème la panique un peu partout dans les rangs avec l’arrivée à la deuxième place d’un fou échevelé et grossier que les économistes de tous bords avaient la semaine dernière supplié les électeurs d’écarter du pouvoir, y compris le Français Guy Sorman qui a eu Mileí parmi ses étudiants à Buenos Aires et s’est exprimé avec sévérité à son égard depuis l’Espagne dans les dernières minutes de la campagne.

Dans un article intitulé Triple salto arrière au cœur du Cercle rouge (un bastion patronal), Página/12 analyse les rapides changements d’attitude tant dans les argumentaires politiques des responsables patronaux que dans leurs négociations avec le gouvernement.


Temporairement soulagée, la rédaction de Página/12 rigole.
Le gros titre dit : "Ça va bientôt exploser"
Tout autour, les visages des principaux caciques de la droite libérale
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Du côté de Juntos por el Cambio, il semblerait aussi qu’on rebatte les cartes et qu’un certain nombre d’alliés se tournent à présent vers Sergio Massa, qui inspire davantage confiance aux personnes sensées par-delà les divergences idéologiques. De son côté, Patricia Bullrich a jusqu’à présent préconisé de ne voter ni pour l’un ni pour l’autre des deux candidats en lice. On la voit mal assouplir sa posture puisque tout son comportement laisse croire qu’elle est psychorigide. Mileí l’invite toutefois à le rejoindre mais vu toutes les insultes qu’il lui a balancées pendant la campagne, il est permis de douter et de sa sincérité et de la capacité de la candidate battue d’accepter pareille humiliation. L’alliance à droite semble n’avoir plus que quelques jours à vivre.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :


Ajout du 25 octobre 2023 :
lire cet article de Página/12 sur le raisonnement des dirigeants économiques concernant la stratégie perdante de Mauricio Macri, très tenté depuis longtemps d’apporter son soutien à Mileí.

lundi 23 octobre 2023

La démocratie semble sauvée en Argentine [Actu]

"Un gros coup de Massa", dit le titre jeu de mot
que Página/12 partage pour une fois avec La Prensa
En haut : "Une victoire par KO", à propos de Kiciloff
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Les derniers sondages publiés les mettaient tous les trois au maximum à huit points d’écart dans l’ordre suivant : Mileí, Massa et Bullrich. On était dans la marge d’erreur : erreurs d’interprétation de la part des sondeurs mais aussi cachotteries et « pudeur de gazelle » de la part des sondés.

Hier, le premier tour du scrutin a donné pour la présidentielle un ordre un peu différent mais pas tant que cela, même si les observateurs feignent la plus grande surprise : Sergio Massa emporte la première place, avec 36,7 % des voix exprimées, devançant de près de 7 points son adversaire libertaire et facho à ses heures Javier Mileí, qui clamait qu’il allait être élu au premier tour (soit avec un score net de 45 % ou un score de 40 % à condition de devancer son premier adversaire de 10 points). Quant à Patricia Bullrich, elle s’effondre et voit sans doute se profiler la fin de sa carrière politique (elle n’aura plus aucun mandat pendant les deux ans qui viennent), après une campagne désastreuse, pleine de cris et de hargne et plus encore de dissensions spectaculaires au sein de l’alliance électorale dominée par la droite libérale mais qui rassemblait aussi les radicaux (centre-droit) et les sociaux-démocrates, idéologie ultra-minoritaire en Argentine.

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Il y aura donc à la mi-novembre, dans trois semaines, un second tour entre l’actuel ministre de l’Économie, le très méthodique et très tenace Sergio Massa, et le candidat à demi-fou, qui se rêve en Bolsonaro et en Trump de l’Argentine.

Dans la Province de Buenos Aires, le candidat péroniste à sa réélection, Axel Kiciloff, est réélu gouverneur dès le premier tour, le seul à avoir réussi cet exploit hier.

"Surprise : victoire de Massa et second tour avec Mileí
Débâcle de Bullrich", dit le gros titre
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Dans la Ville autonome de Buenos Aires, un cousin de Mauricio Macri, de la même alliance que Patricia Bullrich, passe si près de l’élection au premier tour qu’il a demandé le recomptage des bulletins. On devrait savoir dans quelques jours le résultat définitif.

Du côté du Congrès, Unión por la Patria (Sergio Massa) emporte le plus grand nombre de sièges mais sans atteindre la majorité absolue. La gouvernabilité des deux assemblées semble donc assez improbable avec un bloc droitier (Bullrich + Mileí) qui comptera plus de voix que celui de Unión por la Patria. Reste à savoir comment les élus de Juntos por el Cambio (Bullrich) se disperseront au gré des séances, comme se dispersent déjà leurs intentions de vote au second tour de la présidentielle : un certain nombre a déjà appelé à voter pour Massa, tant le programme cinglé de Mileí menace l’avenir du pays et sa démocratie.

A ce stade de l’évolution des esprits, ce que nous apprend déjà ce premier tour, c’est que Mileí aurait atteint son plafond lors du scrutin d’août puisqu’il n’a gagné que quelques centaines de voix supplémentaires par rapport à son résultat des primaires. Son parti (ou ce qui en tient lieu), LLA, pour La Liberté Avance, a reculé dans plusieurs provinces par rapport à ce premier scrutin il y a trois mois. De son côté, Sergio Massa a gagné plus de 3 millions de voix par rapport à août et à ses côtés, il a bel et bien déjà le jeune et puissant gouverneur de Buenos Aires, si brillamment réélu cette nuit. D’aucuns disent qu’aujourd’hui, le ministre-candidat exerce déjà l’intégralité ou presque des prérogatives présidentielles, le président en fonction, Alberto Fernández, étant déjà démonétisé en cette fin de mandat sinistrée par l’inflation et les convulsions sociales. En outre, Massa est une bête politique, un tacticien de premier ordre et un homme qui a toujours pu concourir, souvent contre Cristina Kirchner, les postes politiques qu’il convoitait, jusqu’à ce super-ministère de l’Économie dont il a lui-même dessiné le profil il y a deux ans et à son actuelle candidature, arrachée au dernier moment, à quelques heures de l’échéance du dépôt officiel des candidatures, là encore contre les calculs de Cristina, qui s’est d’ailleurs amèrement plainte hier qu’elle n’ait pas été écoutée pendant le mandat sortant (comme si, de son côté, elle écoutait attentivement les autres dans son camp !).

"Massa surprend avec son triomphe
et sera au second tour avec Mileí", dit le gros titre
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Dès le résultat connu, Mileí, déçu et vexé d’avoir raté l’élection au premier tour qu’il avait annoncée à cor et à cri tout au long de ces dernières semaines, a commencé à faire du gringue aux membres de Juntos por el Cambio, qui risquent de lui vendre chèrement leurs voix, eu égard au torrent d’injures avec lequel il les a arrosés depuis plusieurs mois et aux écarts politiques et idéologiques qu’il y a entre lui et beaucoup d’entre eux, nettement plus modérés et raisonnables que Bullrich.

Quoi qu’il en soit, en ce lendemain de scrutin, ces résultats, obtenus avec une participation des plus belles pour l’Argentine, un peu plus de 77 % des inscrits, montrent que les Argentins sont conscients des enjeux, même si, avec leur condescendance habituelle, les observateurs, surtout étrangers, n’ont pas arrêté de prétendre l’inverse ces derniers temps, et que les reports de voix pourraient bien bénéficier à Sergio Massa, de loin le plus présentable, le plus présidentiable et le plus crédible des deux candidats (même si un éditorialiste de La Prensa écrit déjà qu’il faut voter pour l’autre, le seul candidat, selon lui, digne de confiance).

Mais quel pourrait être le sort de la majorité des Argentins en cas de victoire de Mileí et quelle détestable image le pays se gagnerait-il dans le monde s’il installait à la Casa Rosada ce demi-fou grossier, d’une vulgarité sans fond et… en prime aussi mal peigné que mal fagoté !

Trois semaines après le second tour doit avoir lieu, le 10 décembre, la passation de pouvoir entre Alberto Fernández et son successeur. L’Argentine fêtera ce jour-là les quarante ans du retour de la démocratie après sept ans d’une épouvantable dictature militaire qui a laissé environ 30 000 disparus que Mileí ne veut pas reconnaître.


© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :


Ajout du 24 octobre 2023 :
lire cette analyse de Página/12 sur les données contenues dans les sondages non publiés réalisés la semaine dernière : ils prévoyaient bien la remontée de Sergio Massa au-dessus de Mileí et la chute vertigineuse de Patricia Bullrich. D’où la colère des journaux de droite vendredi devant la dernière affiche de Massa sur les quais des gare ! (voir mon article du 20 octobre 2023)


Ajout du 25 octobre 2023 :
lire cet article de Página/12 qui analyse comment la meilleure mobilisation de l’électorat et les reports de voix par rapport aux PASO expliquent la première place de Sergio Massa.

vendredi 20 octobre 2023

La presse de droite jouerait-elle contre son camp ? [Actu]

En gros titre : la baisse spectaculaire des dépôts en banque
et le cours du dollar qui s'envole sur le marché noir
En-dessous : l'affiche électorale parfaitement lisible
avec les trois prix en pesos (56,23 contre 1 100 pesos)
En plus, cette affiche est minimaliste et se fond dans le décor :
on dirait des horaires de train !
Cela doit faire longtemps qu'ils y réfléchissaient.
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L’équipe de campagne de Sergio Massa, l’actuel ministre de l’Economie et le candidat de la gauche gouvernementale, qui arrive en deuxième position dans tous les sondages publics parus jusqu’à la semaine dernière, vient de dégainer un dernier argument, le dernier jour de la campagne puisqu’on est maintenant entré dans la veda electoral (le silence que doivent respecter tous les candidats 48h avant le scrutin, qui se tiendra dimanche pour le 1er tour, afin de laisser les citoyens réfléchir en paix).

Sur les quais des gares (donc essentiellement à Buenos Aires et dans sa région), sont apparues hier matin de grandes affiches très colorées et très sobres qui comparent le prix du billet actuel, avec une subvention publique que verse l'Etat aux exploitants des transports en commun, avec celui qu’il faudrait payer sans cette subvention que les deux candidats se revendiquant du libéralisme, Javier Mileí (premier dans les sondages) et Patricia Bullrich (troisième) ont promis de supprimer pour alléger le budget national ou pour laisser tout le monde se débrouiller tout seul.

En haut : l'Eglise catholique réagit à une
déclaration du camp Mileí qui a annoncé
la future rupture des relations diplomatiques
avec le Vatican tant que François sera pape
En bas : la belle affiche massiste.
Ce qui est incroyable c'est qu'ils publient une image
où le passager (à droite) n'est même pas encore
passé devant pour occulter ce texte !
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La violence des réactions de Bullrich et des journaux de droite, qui dénoncent une « campagne sale », c’est-à-dire déloyale, et des mensonges éhontés, pourrait bien indiquer que cet argument est très efficace. Leur problème est que selon la loi électorale, plus personne ne peut répliquer. Bien joué donc, côté Massa !

Beaucoup de gens se souviennent encore (ils n’ont guère de mérite à cela) des effets désastreux pour les budgets familiaux des premières décisions économiques de Mauricio Macri, il y a huit ans, lorsqu’en arrivant au pouvoir, il avait supprimé les subventions aux fournisseurs d’énergie : les factures de gaz et d’électricité s’étaient envolées du jour au lendemain, laissant beaucoup de gens dans la précarité énergétique. Les journaux évoquent l’illégalité du procédé. Bullrich porte même plainte devant la justice.

La Prensa se montre plus discrète :
l'information est traitée tout en bas à gauche
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La presse de droite est tellement révulsée qu’elle met l’affiche à la une, avec photo en couleurs en ce qui concerne les deux journaux les plus vendus, Clarín et La Nación ! A première vue, ce choix éditorial relève d’une erreur stratégique : ils donnent du retentissement à un argument de leurs opposants quand ni Bullrich ni Mileí n’ont le temps de concevoir, faire imprimer et distribuer des affiches ou des tracts pour démentir ce raisonnement. Stupéfiant !


La Nación publie même sur son site cette photo d'un écran d'automate
de validation de la carte de transport (SUBE) :
on lit : "Montant payé : 59 pesos. Solde : 3885,94 pesos.
[prix] sans subvention publique : 700 pesos"
SUBE (entendez : "monte !") n'est pas un abonnement mais une carte prépayée
où les trajets sont décomptés au fur et à mesure de l'utilisation du crédit
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Dans les derniers sondages publics, les trois candidats se tenaient dans un mouchoir de poche. Les intentions de vote pour tous les trois présentaient un écart maximum de 8 points, ce qui est peu pour ce nombre de candidats (on est dans la marge d'erreur pour tous), d’autant que deux d’entre eux se disputent le même secteur de l’électorat, la droite partisane de la dérégulation économique et sociale, de la répression brutale (de tout et de n’importe quoi, depuis les voleurs de pomme jusqu’à la corruption en passant par les crimes de sang) et de la réduction de l’État.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

jeudi 19 octobre 2023

Le seuil de pauvreté suit l’inflation [Actu]

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L’INDEC, l’institut argentin des statistiques nationales, aura donc publié les deux principaux rapports mensuels avant le premier tour de scrutin et les chiffres ne sont vraiment pas bons pour le gouvernement sortant. On ne pourra plus dire que l’institution est un laquais de l’exécutif, une réputation qui lui colle aux murs et aux vitres !

Le panier alimentaire qui sert à évaluer le seuil d’indigence a augmenté de 13,2 au cours du mois de septembre, ce qui le met à + 160,7 % sur douze mois.

Le panier complet (alimentation et services élémentaires) a subi une hausse inférieure d’un point, soit un cumul sur douze mois de + 149,1 %.

Javier Mileí, le candidat libertaire crypto-fasciste qui rassemble le plus grand nombre d’intentions de vote, trouve dans cette partie de la population une bonne partie de ses électeurs, aussi invraisemblable que cela soit. Il y a fort à parier que beaucoup de gens comprennent de travers ses promesses folles, notamment celle d’abandonner la devise nationale pour le dollar. Des citoyens croient qu’ils vont ainsi recevoir les allocations en dollar à taux de change de 1 pour 1, un taux de change qui a déjà été pratiqué sous Carlos Menem, dans les années 1990 et qui a contribué, avec sa politique économique générale, à mettre le pays en faillite.

L’information n’apparaît pas à la une des quotidiens de ce jour mais tous la traitent après les remugles de la campagne et l’inquiétante actualité internationale, pendant que le président sortant est parti en Chine faire le point sur les Routes de la Soie avec Xi et Poutine auquel il continue de sourire !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire le rapport complet de l’INDEC (téléchargeable en pdf)