vendredi 31 décembre 2010

Malbec ou Merlot pour l'Année Nouvelle : les voeux de Luis Alposta [Troesma]

Les voeux ordinaires du poète Luis Alposta, vous les connaissez déjà : ce visage de Gardel qu'il dessina en 1985 pour les 50 ans de la disparition du chanteur, dans le cadre d'un concours de caricature franco-argentin. Son dessin est le premier portrait de Gardel à avoir traversé l'océan à fax.



Ces voeux, avec jeu de mot intégré, je vous les avais déjà présentés le 31 décembre 2008 (cliquer sur le lien pour accéder à l'article de 2008), je viens de vous les donner dans un autre article, publié aujourd'hui, sur les 120 ans de la naissance de Carlitos, fêtés au début du mois par le quotidien Clarín.

Voici la nouvelle fournée... C'est encore un dessin de Luis (1) et ça se passe de commentaires !

(1) qui dans le monde du tango est tout de même plus connu comme poète que comme artiste plastique. Encore que... comme vous voyez. Un chapitre entier de 200 ans après, le bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango, ma nouvelle anthologie à paraître dans quelques jours dans la revue Triages (ed. Tarabuste), est consacré à l'oeuvre de Luis Alposta, qui a aussi eu la gentillesse de postfacer la première, Barrio de Tango, parue en mai 2010 aux Editions du Jasmin.

Amelita Baltar et Horacio Molina à Clásica y Moderna tous les samedis de janvier [à l'affiche]

Ce sont maintenant les grandes vacances d'été en Argentine comme dans tout l'hémisphère sud et les bons spectacles authentiques de tango vont se faire beaucoup plus rares que dans le cours de l'année. Alors si vous êtes à Buenos Aires pour cette période, il ne faudrait pas louper les samedis soir de janvier à Clásica y Moderna, le bar-restaurant-librairie de l'avenue Callao, au n° 892, que vous connaissez déjà bien si vous avez l'habitude de suivre l'actualité culturelle du tango à Buenos Aires sur ce blog francophone...

La chanteuse Amelita Baltar et le chanteur Horacio Molina y partageront la scène les 8, 15, 22 et 29 janvier 2011 à 22h, pour chanter chacun son répertoire personnel et quelques duos inattendus.

Comme toujours à Clásica y Moderna, le prix n'est pas indiqué à l'avance. Vous le connaîtrez en leur téléphonant ou en passant pour réserver votre place. Vu la notoriété et la carrière des deux artistes, on doit être aux alentours des 100 $ pour le droit au spectacle et des 40 pesos pour la consommation minimale mais renseignez-vous directement sur ces points auprès de la salle.

On ne présente plus ni Amelita Baltar ni Horacio Molina, dont les carrières sont couronnées de succès et les discographies respectives très abondantes. Si néanmoins vous avez besoin d'en savoir un peu plus, cliquez sur leur nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus : vous accéderez ainsi à l'ensemble des articles que je leur ai consacrés dans Barrio de Tango (et il y en a eu pas mal en 2010 avec la sortie du nouveau disque de Horacio Molina et le succès retentissant de Tres Mujeres para el Show pour Amelita Baltar, entourée de Susana Rinaldi et Marikena Monti).

Par ailleurs, dans la Colonne de droite, vous trouverez dans la partie inférieure, dans la rubrique Grillons, zorzales et autres cigales, un lien vers leur site Internet respectif...

En février, Amelita Baltar chantera aussi tous les jeudis au Café Vinilo, dans le quartier de Palermo, à 21h30. Son site annonce cette série de concerts à l'époque du Carnaval mais oublie d'annoncer celle de janvier !

La Vidú passera l'été à Buenos Aires [à l'affiche]

La Orquesta Típica La Vidú fait partie de ces quelques très bons artistes de tango qui donneront des concerts cet été à Buenos Aires, laquelle est généralement désertée l'été, au profit d'un certain nombre de festivals et autres manifestations qui se tiennent dans les lieux de villégiature argentins : Mar del Plata, Cosquín, Bahía Blanca, notamment.

Affiche diffusée par les artistes

L'orchestre sera mercredi, à minuit (entrée 20 $), au Centro Cultural Konex, dans le quartier dit de l'Abasto, et tous les dimanches du mois de janvier, il animera la Milonga del Indio, bal populaire gratuit et en plein air fondé par le danseur El Indio, et qui se tient tous les dimanches soirs dans le vieux quartier de San Telmo.

A voir si vous vous trouvez à Buenos Aires pour cet été austral qui s'annonce caniculaire...

Découvrez cette formation formée en 2005 sur sa page Myspace.

Les voeux renversés de Tango Negro [ici]

Tango Negro est l'association fondée à Paris par Juan Carlos Cáceres pour gérer un petit espace où le compositeur donne et fait donner concerts et conférences au pied de la Butte Montmartre.

Cliquez sur l'image pour obtenir la résolution originale

J'ai trouvé cette carte si jolie et si jubilatoire que je fais une entorse à mes principes habituels (1) pour vous la partager ! A près tout, c'est la fête, non !

(1) En général sur Barrio de Tango, je ne parle guère de ce que font les artistes installés en Europe. Pour une raison toute simple : les journées n'ont que 24 heures et il faut bien que je me donne des limites si je veux tenir la route sur ce blog, dont l'objectif principal est de vous faire découvrir le tango tel qu'il se vit en Argentine et en Uruguay et de partager avec vous l'enthousiasme que cela suscite en moi...

Les 120 ans de la naissance de Gardel [Troesma]

Le 11 décembre dernier, l'Argentine fêtait les 120 ans de la naissance de Carlos Gardel. C'était la Fête Nationale du Tango, et il pleuvait. Dans le sud de la capitale argentine, la violence se déchaînait dans les alentours du Parce Indoamericano, dans le quartier de Villa Soldati, à tel point que j'ai reporté plusieurs articles liés à ce Día Nacional del Tango à des moments du calendrier un plus décents (je ne peux pas parler tango lorsque par ailleurs dans cette même ville, qui en est le berçeau, des gens se bataillent avec des armes à feu et des armes blanches).

J'ai donc reporté jusqu'à ce dernier jour de l'année la mention de ce dossier illustré paru sur le site du quotidien Clarín le 11 décembre dernier pour fêter, en photos et en documents, l'anniversaire du Troesma. Cela me permet de l'accompagner de cette très belle esquisse du visage de Carlos Gardel que l'on doit au poète Luis Alposta, qui a préfacé un album philathélique publié en août sur l'ensemble des timbres publiés en Argentine et dans le monde en hommage à l'artiste (voir mon article Retour sur images sur la présentation de ce catalogue). Ce visage dessiné en quelques traits par Luis est l'image qui a été retenue pour le timbre hommage sorti le 24 juin dernier, pour les 75 ans de la mort de Gardel (voir mon article consacré à cette sortie).

En juin-juillet, à l'occaion du 75ème anniversaire de cette disparition tragique sur l'aérodrome de Medellín en Colombie, Clarín avait aussi publié une collection de 11 fascicules sur la vie et l'oeuvre de l'artiste (voir mon article sur cette série commémorative).

Les voeux de l'Ecole Argentine de Tango et de No Avestruz [Coutumes]


La Escuela Argentina de Tango, où enseignent entre autres Aurora Lubiz et son partenaire brésilien, Luciano Bastos (1), dans les murs du Centro Cultural Borges, en plein centre de Buenos Aires, et la salle de spectacle No Avestruz (Autruche interdite), dans le quartier de Palermo, ont envoyé des cartes de voeux à leurs contacts partout dans le monde.


Deux cartes bien différentes, l'une marquée par les traditions hivernales de la vieille Europe, l'autre par l'été suffocant qui règne actuellement sur la capitale argentine...

Pour voyager loin à quelques heures des 12 coups de minuit.

Vous trouverez le site de la Escuela Argentina de Tango dans la rubrique Eh bien dansez maintenant !, dans la partie inférieure de la Colonne de droite.

(1) Ce sont eux que vous voyez sur la couverture de Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, dans les grandes volutes colorées du fileteador portègne Jorge Muscia (ed. du Jasmin, mai 2010).

Bilan 2010 très optimiste pour les voeux présidentiels en Argentine [Actu]

Hier, vers midi, la Présidente argentine, Cristina Fernández de Kirchner a enregistré son discours de voeux. C'est le premier depuis l'arrivée au pouvoir de Néstor Kirchner en décembre 2003 (il faut dire aussi que pendant longtemps décembre a aussi été le mois anniversaire de la grande catastrophe économique de 2001, ce qui n'était pas de très bon augure pour la politique). Le message a été diffusé sur Canal 7, la chaîne généraliste publique argentine, et sur Radio Nacional, dans la soirée d'hier.

Photo officielle diffusée par les services de la Présidence argentine. Cliquez sur l'image pour l'obtenir en résolution originale.

La Présidente, très en beauté et portant le deuil avec son élégance de toujours, s'est félicitée des progrès économiques accomplis par le pays en cette année du Bicentenaire. Elle a rappelé la croissance de l'activité économique générale (un taux de 9,1% au troisième trimestre 2010), la baisse du taux de chômage qui est revenu maintenant à 7,4% (1), l'augmentation des réserves fédérales en dollars américains (2), la hausse de la consommation dans les couches populaires (voir mon article sur les augmentations de prix dues à la spéculation sur la hausse de la demande). Elle a aussi célébré les progrès en matière de droits de l'homme, avec l'événement phare de cette fin d'année qui fut la seconde condamnation à perpétuité de Rafael Videla (3) (voir mon article du 23 décembre 2010 à ce sujet), le putchiste de 1976, une première fois gracié par l'ancien Président Carlos Menem, actuellement sénateur et menacé d'une peine de prison ferme de 5 ans pour trafic d'armes avec la Croatie et l'Equateur (4).

La Présidente a également rappelé le souvenir de son mari, décédé le 27 octobre dernier et dont on pouvait voir deux photos derrière elle (au fond, contre la fenêtre une photo de famille, prise sans doute dans le jardin de la maison familiale de Río Gallegos, et à droite, dans une maquette de panneau officiel de la Ville de Buenos Aires, avec un slogan, Fuerza Cristina, soit "Courage, Cristina", en français). S'exprimant comme d'habitude sans note ni prompteur, elle a a nouveau montré son talent d'oratrice en ne citant jamais le nom du disparu et en étouffant son émotion, bien mieux que ce qu'elle était parvenue à le faire lors de son message du 1er novembre (voir mon article du 3 novembre 2010 à ce propos). Elle a en particulier demandé à tous les Argentins de penser pendant ne serait-ce qu'une seconde à "lui" (pensar en él) à minuit, au moment de porter un toast à la nouvelle année, même à "ceux qui ne l'aimaient pas" pour le dévouement et l'abnégation qu'il a toujours montré pour le pays et dont elle a à nouveau promis qu'elle en ferait son modèle pour tout le restant de son action politique.

A 14h10, la Présidente, accompagnée de sa fille, âgée de 20 ans, s'est envolée pour la Patagonie. La famille passe le Réveillon de Nouvel An (Nochevieja) à Río Gallegos, la ville dont Néstor Kirchner était originaire, où il fut Gouverneur de la Province Santa Cruz avant de devenir Président et où il repose depuis la fin octobre dans le caveau familial. La Présidente revient aux affaires dès lundi, sans prendre de vacances, ce qui bien sûr impose un certain respect.

Il n'en est pas moins vrai que ce message est repris et commenté de façon diamétralement opposée selon les options politiques des rédactions qui s'en font l'écho. Vous trouverez un article élogieux dans Página/12 (on s'y attendait) et des propos grinçants et parfois d'une mauvaise foi un peu irritante dans Clarín et La Nación (rien de vraiment étonnant non plus). Il n'y a pas l'ombre d'un doute que les quotidiens sont déjà en train de batailler, chacun dans son camp idéologique, dans le cadre de la campagne. L'année 2011 s'annonce agitée.

Pour aller plus :
Lire le discours et voir la vidéo du message télévisé sur le site de la Casa Rosada
Lire l'article de La Nación, qui a aussi mis en ligne une chronologie des 60 faits les plus marquants de l'année 2010.

(1) Un taux très bas pour l'Argentine, dont il faut se souvenir qu'elle était totalement ruinée il y a seulement 9 ans. Il y a bon nombre de pays européens qui aimeraient afficher un tel pourcentage. Juste avant la crise mondiale déclenchée en octobre 2008 juste après la présidence de Néstor Kirchner (2003-2007), le taux de chômage en Argentine était de 7,3%.
(2) Evaluées à plus de 5000 millions de USD que le solde constaté en début d'année. Pourtant il y a un an, le changement de mandataire à la tête de la Banque Centrale de la République Argentine avait fait craindre le pire pour la santé monétaire et financière de l'Etat. (Voir mes articles de l'été dernier sur ce conflit qui a opposé la Présidente à l'ancien Directeur de la BCRA).
(3) Libre à l'auditeur d'élargir les exemples. Il est sûr qu'un bon nombre d'Argentins ont à l'esprit en ce moment les enquêtes qui ont suivi la mort de Mariano Esteban Ferreyra, un manifestant ouvrier, tué lors d'une occupation de voies de chemin de fer, à la mi-octobre (lire mes articles sur ce scandale de sécurité publique) et celles qui suivent les incidents de Villa Soldati et de Villa Lugano, quand, en décembre, des immigrés venus de pays voisins, plus au nord, se sont installés illégalement sur le domaine public, déclenchant par là-même des violences épouvantables de la part des habitants de ces quartiers, toutes les parties ayant été visiblement manipulées par des gangsters en quête de profits et/ou des hommes de main servant des intérêts politiques bien peu démocratiques (voir mes articles sur ces incidents en cliquant sur ce lien).
(4) Il y a quelques jours, le Procureur a requis une peine de prison ferme, comme la Direction des Douanes; qui avait déjà réclamé une condamnation à 5 ans de détention (voir mon article du 8 décembre 2010 sur ce sujet). Le verdict, mis en délibéré (ou plutôt la procédure équivalente en droit argentin), devrait être prononcé en avril 2011. Carlos Menem n'en aura pas fini avec ses ennuis judiciaires pour autant. Il est également poursuivi dans l'enquête sur l'attentat de l'AMIA, qui a fait 85 morts, la plupart juifs, à Buenos Aires, en 1994, et dont le Hezbollah est suspecté d'être l'instigateur : l'ancien président play-boy est accusé d'être le complice actif des poseurs de bombe. Rien que ça ! C'est aussi la politique économique de Carlos Menem qui a précipité l'Argentine dans le chaos de décembre 2001. Il faut aussi savoir que le même Menem est l'un des caciques du Partido Justicialista les plus opposés aux Kirchner, mari et femme. Ses fidèles, bâtis sur le même modèle que leur mentor, continuent à causer du souci à l'actuelle Présidente.

Après le ménage à la Fédérale, le ménage à la Métropolitaine ? [Actu]

Il y a quelques jours, dès sa prise de poste, Nilda Garré, nouvelle Ministre de la Sécurité au Gouvernement national, a pris une décision radicale : celle de changer toute la direction de la Police Fédérale, dont l'opposition mettait en doute le comportement sur le terrain et l'intégrité en général. Dans le même temps, la Police Métropolitaine, dont l'inaction devant les émeutiers de Villa Soldati début décembre a été dénoncée -et vertement- par la majorité, était laissée en l'état par le Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, alors que son fondateur, Jorge Palacios, est en prison dans le cadre d'une affaire d'espionnage et d'écoutes téléphoniques illégales, ce qui manque de classe dans le tableau général.

Et voilà qu'avant-hier, une commission de la Legislatura de Buenos Aires a rendu un rapport sur ce corps de Police municipal, mis en place au début de cette année par le Gouvernement portègne. La commission recommande la révocation de 38 officiers supérieurs de la Police Métropolitaine et rappelle que 73% de l'encadrement supérieur de la Métropolitaine a participé, sous une forme ou une autre, à des forces de sécurité sous la Dictature, ce qui suppose qu'ils ont pu bénéficier, il y a de cela une trentaine d'années, d'un apprentissage de haut niveau en matière de violence et de violation des droits de l'homme. Un peu gênant pour une police en temps de démocratie.

La Commission a été créée par 6 des 13 groupes parlementaires (1), après la découverte de 10 cas d'officiers de police ayant eu affaire à la justice, alors que des éléments avec un tel passé n'auraient jamais dû pouvoir être embauchés. Il existe en effet au niveau fédéral un Secrétariat d'Etat aux Droits de l'Homme, qui est habilité à enquêter sur le passé des candidats et à signaler aux autorités dont dépend la police locale (Gouvernement Portègne ou Gouvernement provincial) les éventuel antécédents judiciaires des impétrants. Autrement dit, les embauches ont été faites dans un grand mépris de cette règle démocratique fondamentale, soit parce que les service du Secrétariat d'Etat n'ont pas été saisis avant l'engagement des individus en question, soit parce que les recommandations de ces même services fédéraux n'ont pas été suivis d'effet (2), auquel cas les intéressés auraient été embauchés en toute connaissance de cause.

Le rapport parlementaire rappelle également que le Gouvernement portègne n'a jamais répondu aux demandes d'information formulées par la Legislatura (le Parlement monocaméral de la Ville) sur le passé douteux de ces fonctionnaires territoriaux. Et ce n'est pas la première fois que le Gouvernement de Buenos Aires ne donne pas suite à des réclamations constitutionnelles du Parlement local.

L'accumulation des rapports de semblable contenu depuis l'arrivée aux affaires de Mauricio Macri serait surprenante dans les vieilles démocraties européennes qui sont encore les nôtres (pour combien de temps d'ailleurs ?). Il y a beau temps en effet qu'une telle situation aurait abouti à la démission du mandataire politique ou à sa destitution. Même Sarkozy a fini par lâcher Eric Woerth pour beaucoup moins que ça. Or même le procès politique de Mauricio Macri, minoritaire de fait à la Legislatura n'est pas acquis, comme on l'a vu récemment (voir mon article du 17 décembre 2010 à ce sujet) malgré les nombreuses tentatives au sein d'une Legislatura de 70 députés dont seulement 24 macristes (PRO). Les pratiques démocratiques ont donc encore des progrès à faire dans ce pays, traumatisé par plus de 50 ans de coups d'Etat en tout genre et de gouvernements anticonstitutionnels, depuis 1930 jusqu'à 1983, avec une sorte d'accalmie pendant le gouvernement de Domingo Perón, qui ne fut pas, lui non plus, c'est le moins qu'on puisse dire, un règne de grande pluralité politique.

On ne peut malheureusement toujours pas disposer de l'information directe sur le site de la Legislatura, dont la mise à jour est toujours très en retard par rapport à l'activité parlementaire elle-même, sans doute parce que la Chambre semble ne pas faire de la mise à jour du site Internet une priorité d'emploi de ses impressionnantes ressources humaines (3).

Pour aller plus loin en attendant que le site de la Legislatura soit à jour :
Je n'ai pas trouvé mention de la publication de ce rapport ni dans Clarín ni dans La Nación.

(1) sur les 13 groupes (bloques) parlementaires que compte la Legislatura actuelle, ils sont 9 à avoir plus d'un député. Le groupe PRO est le plus fourni, avec 24 membres. L'opposition est extrêmement morcelée. 2 groupes n'ont que 2 députés, 3 en ont 4, dont le bloc péroniste, et le plus fourni, Proyecto Sur, le mouvement socialiste dirigé par Fernando Pino Solanas, en a 8.
(2) L'enquête judiciaire sur les écoutes illégales a révélé que la Présidente Cristina Kirchner avait confidentiellement averti Mauricio Macri du passé des plus douteux de Jorge Palacios. Et il s'avère que Mauricio Macri n'en a tenu aucun compte puisqu'il a tout de même chargé le sulfureux personnage de la sécurité dans la Ville de Buenos Aires. Devant la Legislatura, le 18 août dernier, Mauricio Macri a assuré aux députés qu'il avait obtenu pour cette nomination le feu vert des Ambassades des Etats-Unis et d'Israël, dont on se demande bien à quel titre elles avaient à être consultées sur cette affaire et qui ont d'ailleurs apporté de fermes démentis dans les semaines qui suivirent.
(3) J'ai moi-même eu l'occasion de constater de visu qu'un député dispose d'un personnel beaucoup plus nombreux que ne peut en avoir, par exemple, en France, un membre de la Chambre des Députés ou du Sénat. La liste du personnel de la Legislatura occupe 33 pages d'un tableau très serré (plus de 60 lignes par page), j'ai renoncé à faire la somme des individus émargeant ainsi au budget de la Chambre, d'autant qu'il ne s'agit pas d'un bilan social puisque seul les noms, affectations et dates d'embauche des salariés sont indiqués et en aucun cas leur temps de travail ou leur positionnement hiérarchique. Il n'en reste pas moins que ça fait vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup de monde pour 70 députés en tout et pour tout.

jeudi 30 décembre 2010

Très heureuse année 2011 à tous - Feliz y próspero año 2011

La dernière Gazette de l'année vient de partir.. La dernière Gacetilla (sa version en espagnol) aussi.

Avec une erreur de date.. Cette année du Bicentenaire, je ne veux décidément pas la quitter ! J'ai quelques raisons pour cela.

Mais comme tous les lecteurs de Barrio de Tango ne sont pas abonnés à la Gazette ou à la Gacetilla, je peux faire un erratum :

Très heureuse année 2011 à tous - Feliz y próspero año 2011

mercredi 29 décembre 2010

Les voeux du Maestro Héctor Negro... en forme de sonnet comme tous les ans [Troesma]

Comme en 2008 et en 2009, je vous traduis ici le sonnet des voeux 2011 du Maestro Héctor Negro, un grand poète du tango qui aura toute sa place dans ma toute prochaine anthologie, à paraître dans la revue Triages des Editions Tarabuste, sous le titre définitif de 200 ans après, Le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango (1), et qui était déjà présent avec quatre letras dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, ed. du Jasmin, mai 2010.

Ceux d'entre vous qui suivent l'actualité argentine sur ce blog ne manqueront pas de remarquer à quel point ce poème est profondément ancré dans la réalité immédiate de Buenos Aires et de l'Argentine (pour les autres, renseignez-vous en lisant mes articles sous le raccourci Actu, disponible dans la partie supérieure de la Colonne de droite).

SONETO PARA EL 2011

Plantados en la década primera
que se nos fue furtiva en el milenio,
cargamos desencantos, broncas fieras
y tropeles de iluminados sueños.

Pero, ya duchos de repechar cuestas
en los años cambiantes de la vida,
llevamos siempre la esperanza puesta,
aunque también recónditas heridas.

Por eso ante la entrada al nuevo año,
nos armamos de fe y de fantasía.
Subimos el repecho a tranco fuerte.

Sembramos algo cada nuevo día
y seguimos cuerpeándole a la suerte,
birlándole jirones de alegría.

Héctor Negro
Diciembre 2010

Sonnet pour l'année 2011

Plantés là, dans la première décennie
qui s'est est allée, à l'anglaise, dans le millénaire
nous chargeons des déceptions, de furieuses rages
et une piétaille de songes pleins de lumière.

Mais, experts dans l'art de remonter la pente
dans les versatiles années de la vie,
nous portons toujours sur nous notre espérance
même si c'est aussi avec des blessures inavouées.

Pour cette raison, avant d'entrer dans l'année nouvelle,
nous nous armons de confiance et de rêves
Nous montons la pente à larges enjambées.

Nous semons quelque chose de nouveau chaque jour
et nous continuons à esquiver la malchance
en lui barbotant (2) des lambeaux de joie.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

La traductrice et auteur de ce blog, en compagnie de (de gauche à droite) Luis Alposta, Walter Piazza et Héctor Negro, le 2 septembre 2010, Academia Nacional del Tango (voir mon retour sur image du 27 septembre 2010 sur cette conférence que j'ai donnée ce soir-là dans le salon d'à côté).


(1) Revue Triages, éditions Tarabuste, rue du Fort, 36170 Saint-Benoît-du-Sault, France. La parution doit intervenir dans les premières semaines de janvier 2011. Les longues périodes d'intempéries de ce mois de décembre ont perturbé l'activité de l'imprimerie, comme l'ensemble de l'activité économique dans le centre de la France.
(2) On peut avoir deux interprétations différentes ici. Le verbe désigne originellement un coup particulier dans un jeu d'adresse (on tire une boule depuis l'endroit où elle avait atterri). Métaphoriquement, il permet donc de désigner une forme d'astuce, de tactique, éventuellement de mauvaise foi, pour s'emparer de quelque chose coûte que coûte. Souvent Héctor Negro aime décrire cette manière qu'ont les Argentins de forcer leur chance, allégorie du système D auxquels ils sont réduits par la domination économique et géostratégique qui fragilise le pays et ses habitants depuis toujours.

Une nouvelle chaîne publique : du cinéma argentin et du cinéma tout court [Actu]


Devant un parterre de personnalités cinématographiques, dans la résidence officielle de campagne de la Présidence à Olivos, où elle réside ordinairement, Cristina Fernández de Kirchner (ci-dessus, dans une photo Clarín) vient d'annoncer le lancement dans quelques jours, le 1er janvier 2011, d'une nouvelle chaîne de télévision publique qui sera consacrée entièrement au cinéma : INCAATV. Le signal de la nouvelle chaîne gratuite sera disponible en hertzien, en TNT et sur Internet. L'Argentine dispose ainsi d'un canal généraliste (Canal 7), d'une chaîne culturelle et éducative (Canal Encuentro), d'une chaîne 100% info (Telam TV) et désormais d'une chaîne 100% cinéma. Le bouquet digital gratuit public se compose désormais de 6 signaux distincts. Je me souviens de mon premier séjour à Buenos Aires en août 2007 et l'expression de surprise et d'envie sur le visage de mes hôtes lorsque je leur ai dit que la France comptait elle 5 chaînes publiques !

L'INCAA est l'institut national du cinéma argentin. Son ancien directeur est devenu récemment le Secrétaire d'Etat à la Culture.

Le cahier des charges de la nouvelle chaîne l'oblige à passer 70% de films argentins, 20% de films ibéro-américains et 10% de films étrangers non hispanophones, en une dizaine de cycles thématiques qui satisferont à tous les goûts. Les court-métrages, les films d'auteurs, la comédie musicale, le polar seront tous représentés.

L'Argentine s'offre ainsi un moyen de promotion et de développement de son propre cinéma qui reçoit depuis quelques années une reconnaissance internationale grandissante bien qu'encore timide. En 2009 néanmoins, l'Oscar du meilleur film étranger avait été décerné au long métrage argentin, El secreto de sus ojos, avec la très populaire Soledad Villamil, une actrice qui s'est, ces dernières années, faite aussi chanteuse de tango.

La Présidente a déclaré que ce lancement représentait une révolution culturelle pour l'Argentine. Elle a aussi rappelé son engagement et son intérêt personnel pour le cinéma avec une allusion à son mari, décédé il y a deux mois :

“Una vez dije que quería un país donde los únicos que hicieran reír y llorar a los argentinos fueran ustedes, los actores, y no los políticos, aunque a veces alguno nos haga llorar no por nada malo, sino porque se fue”

Un jour, j'ai dit que je voulais un pays où les seuls qui nous fassent rire et pleurer, nous, les Argentins, ce serait vous, les acteurs, et nos les politiques, bien que parfois, il y en ait un qui nous fasse pleurer non pas pour quelque chose de mal mais parce qu'il s'est est allé [pour toujours].
(Traducion Denise Anne Clavilier)

Pour aller plus loin :
Vous connecter au site de l'INCAA.

Changement à la tête du Secrétariat à l'Environnement et au Développement durable [Actu]

Sans doute en vue de la période électorale qui s'ouvre en ce moment en Argentine, la Présidente, qui a ces derniers jours renforcé son entourage avec des forces péronistes patagoniennes, renforce au Gouvernement l'autre tendance kirchneriste en nommant un péroniste de la Province de Buenos Aires (dont le chef de file, Daniel Scioli, ancien Vice Président de son mari, est quelque peu contesté). C'est Juan José Mussi, le maire de la ville de Berazategui, dans la grande ceinture du Gran Buenos Aires, qui devra désormais gérer deux dossiers très délicats : la santé du fleuve Uruguay et les relations difficiles avec la république du même nom autour de la papeterie UPM (ex-Botnia) d'une part et la dépollution du Riachuelo, l'un des cours d'eau les plus contaminés du sous-continent, qui ceinture Buenos Aires par le sud avant de se jeter dans le Río de la Plata, à la hauteur du port industriel (et largement désaffecté) de La Boca, d'autre part.

Juan José Mussi devient en effet Secrétaire d'Etat à l'Environnement et au Développement Durable, en remplacement de Homero Bibiloni, dont Cristina Kirchner a demandé la démission et qui s'est exécuté. Juan José Mussi a fait lui-même l'annonce de sa nomination avec autant de tact que Frédéric Mitterand en avait montré en son temps : il a révélé à la presse que la Présidente était insatisfaite du manque d'efficacité de son prédécesseur. Mussi est l'un des bons soutiens de Cristina Kirchner, qu'il a appuyée dans les heures qui ont suivi l'annonce du décès de l'ancien Président Néstor Kirchner. On peut imaginer qu'avec une telle entrée en matière, le nouveau Secrétaire d'Etat a intérêt à faire des étincelles dans son poste, sans quoi les courants adverses du Partido Justicialista ne le louperont pas. Sans parler de l'opposition de droite, qui se régalera de tout raté dans ses services. Or sur le plan de l'écologie en Argentine, il y a du pain sur la planche !

Pour aller plus loin :
lire l'article de Clarín, qui consacre un grosse part de son édition de ce matin à des considérations diverses et variées sur le départ du prochain Dakar (en voilà, un sujet écolo !)
lire l'article de La Nación, dont la rédaction politique profite aussi de l'occasion pour faire un bilan des décisions de Cristina Fernández depuis deux mois que son mari est mort et qu'on ne peut plus penser que c'est lui qui téléguidait sa politique.

Agissements maffieux dans le sud de Buenos Aires ? [Actu]

L'un des squatts emblématiques liés aux émeutes de Villa Soldati au début du mois vient de trouver un curieux dénouement. Une trentaine de personnes s'étaient en effet installées sur un terrain public dont la République Argentine laissait l'usufruit au Club Albariño du quartier de Villa Lugano, ce club dont l'un des dirigeants avait été désigné par Página/12 il y a quelques jours comme mêlé aux agitateurs du Parque Indoaméricano à Villa Soldati (voir mon article du 15 décembre 2010 à ce sujet). Ces squatteurs, qui avaient toujours répondu non à toutes les offres de négociation du Gouvernement fédéral et refusé les propositions d'examen de logement qui leur étaient faites, ont pris la fuite dans la nuit après que la police s'est mise en devoir d'exécuter les 16 mandats d'arrêt délivrés par la justice contre certains d'entre eux. 5 arrestations ont tout de même été réalisées, ce qui porte à 7 le nombre de personnes écrouées dans cette affaire (il y avait déjà eu deux arrestations préalables, celle d'un Argentin de 45 ans et celle d'un Paraguayen de 26 ans).

Les actes d'instruction réalisés par les forces de l'ordre et la justice ferait apparaître les dessous douteux de toute l'affaire : un gang d'escrocs, avec des casiers judiciaires plus vraiment vierges, aurait monté l'occupation des lieux en promettant des actes de vente des terrains ainsi squattés, sous couvert de liens privilégiés qu'ils auraient entretenus (ou qu'ils entretenaient) avec tels ou tels hauts responsables des services techniques de la Ville de Buenos Aires. Or ces derniers temps, les scandales de corruption ont si bien éclaboussé la gestion des affaires immobilières dans la Ville de Buenos Aires que de telles protections ont pu paraître crédibles à une population pauvre qui n'a plus les moyens de se loger à Buenos Aires. Le Gouvernement actuel de la Ville Autonome de Buenos Aires favorise en effet la spéculation immobilière et les projets des promoteurs en direction des entrprises et des classes aisées et fortunées. Les escrocs auraient ainsi engrangé des dessous de table, d'un montant qui se situerait entre 300 000 et 500 000 pesos argentins, pour garantir à des gens démunis l'attribution d'un titre de propriété imaginaire.

Ce qui ajoute bien sûr de l'eau au moulin du Gouvernement, qui continue de dire par la bouche de la nouvelle Ministre de la Sécurité que tous ces troubles à l'ordre public servent bien les intérêts politique de l'opposition, représentée par Mauricio Macri, lequel s'est opposé il y a encore quelques jours au fait que la Police ne soit pas armée lors de ses interventions dans de telles situations (1).

Dans l'autre affaire d'opération de maintien de l'ordre à bavure mortelle, celle de la mort du militant du Partido Obrero Mariano Esteban Ferreyra, l'enquête avance : ce sont maintenant 7 inculpés qui sont sous les verroux. Ils sont poursuivis pour homicide qualifié et tentative d'homicide qualifié. Ils risquent la prison à perpétuité (voir mes articles sur la mort de cet ouvrier à la mi-octobre 2010).

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 sur l'affaire du Club Albariño
lire l'article de Página/12 sur les suites de l'enquête sur le meurtre de Ferreyra
(Página/12 est pro-gouvernemental)
lire l'article de Clarín sur l'affaire du Club Albariño
lire l'article de Clarín sur les suites de l'enquête sur le meurtre de Ferreyra
(Clarín est violemment hostile à la Présidente de la République)
lire l'article de La Nación sur l'affaire du Club Albariño
lire l'article de La Nación sur les suites de l'enquête sur le meurtre de Ferreyra
(La Nación est un journal d'opposition, libéral, mais qui prend peu à peu des distances avec la personne et la politique de Mauricio Macri, dont il soutenait la campagne électorale en 2007).

(1) Au début du mois, des échanges de coups de feu ont causé la mort de deux manifestants immigrés lors d'une opération de maintien de l'ordre monté conjointement par la Police Fédérale et la Police Métropolitaine (celle qui dépend du Gouvernement de la Ville de Buenos Aires). Il s'en était suivi un retrait complet de la Police Fédérale, qui n'a plus apporté son soutien aux opérations relevant du maintien de l'ordre autour du campement illégal de Villa Soldati, au sud de la capitale argentine, et des déclarations fortes du Gouvernement fédéral sur la nécessité de traiter ces occupations illégales de manière pacifique. Ce qui finit par arriver lorsque la Gendarmerie se déploya avec les grands moyens autour du campement, le temps que ses occupants soient recensés par les services sociaux fédéraux, au grand dam de Mauricio Macri, qui n'avait pas de mots assez durs pour discréditer la politique menée au niveau fédéral. Voir l'ensemble de mes articles sur cette successions de faits divers et de manifestations en cliquant sur le mot-clé Villa Soldati dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus.

mardi 28 décembre 2010

Procès symbolique contre le clergé complice de la Dictature [Actu]

Alors qu'à Córdoba, un tribunal condamnait 18 accusés, dont l'ex-Général Videla, à de lourdes peines de prison pour l'exécution sommaire de 31 prisonniers politiques pendant la dernière Dictature militaire (1976-1983) (voir mon article du 23 décembre 2010 sur ce sujet), l'association des Grands-Mères de la Place de Mai (Abuelas de Plaza de Mayo) organisaient, l'avant-veille de Noël, un procès éthique contre cette partie de l'Eglise catholique qui avait soutenu ce régime anticonstitutionnel.

Cette manifestation a montré combien l'Eglise catholique a été divisée pendant cette période, entre des croyants, clercs ou laïcs, qui furent persécutés, torturés et qui ont disparu comme d'autres, qui ne luttaient pas au nom du Christ (1), et des croyants, clercs et laïcs, notamment dans le diocèse aux Armées, qui ont confondu théologie et lutte contre la pseudo-subversion de la revendication nationale confondue elle-même avec l'idéologie communiste, bref une théologie fanatique et égarée, confondant les réalités spirituelles et les réalités politiques (2).

Rubén Dri, professeur à la Faculté des Sciences Sociales de l'Université de Buenos Aires, revient sur le débat dans un éditorial de Página/12, quotidien qui accuse régulièrement le Cardinal Bergoglio, actuel archevêque de Buenos Aires, d'avoir trahi un certain nombre de prêtres pendant la Dictature et d'avoir contribué à les livrer à la police ou aux milices anti-subversion. Rubén Dri tente donc dans son article de distinguer entre l'authenticité de la foi et la mission spirituelle de l'Eglise, qu'il cherche à ne pas attaquer de front, surtout en ce temps de Noël, et l'instrumentalisation qui a été faite, par la Dictature et ses complices, d'un certain nombre de concepts théologiques sortis de leur contexte afin de donner une légitimité divine à la domination des pouvoirs en place et à leur lutte contre les adversaires du système, qui tentaient de rétablir la déclaration universelle des droits de l'homme signée à l'ONU par l'Argentine à la fondation de l'organisation internationale. Dans la furie mystique qui animait un certain nombre de personnes au sein du diocèse aux Armées, l'auteur trouve des explications pour la rigidité idéologique manifestée par Rafael Videla pendant ce second procès, lui qui a maintenu devant les juges, envers et contre tout, le discours qu'il tenait déjà quand il occupait la Casa Rosada il y a 30 ans. L'article fait ainsi de ce dictateur et de ses sbires des sortes d'illuminés asservis à des intérêts qui les dépassaient et qui leur échappaient en grande partie et manipulés par eux à leur insu. Il livre quelques exemples d'arguments délirants, reposant sur une croyance sacrificielle qui rappelle plus les sacrifices humains pratiqués par les Aztèques ou par les peuples sémitiques pré-abrahamiques que la religion chrétienne des Pères de l'Eglise, une croyance selon laquelle l'amour de la Patrie serait l'une des formes de l'amour de Dieu et réclamerait qu'on ne refuse pas de répandre le sang et ferait du héros guerrier quelque chose comme un saint. Des confusions politico-théologiques que l'on rencontre de nos jours dans les arguments des organisations terroristes qui prétendent lutter au nom de l'islam, que l'on avait rencontrées déjà pendant la Guerre Civile espagnole et que Franco a continué à employer jusqu'à sa mort, que des conquistadors avait développées pendant la conquête du Nouveau Monde pour justifier les massacres des Indiens païens au nom de l'Eglise, que les Français se sont jetés à la figure pendant les guerres de religion sous les derniers Valois... Bref un très vieux fonds ultra-régressif qui fait de la Dictature une résurgence de la croisade, ce qui permet de mieux comprendre pourquoi les Argentins parlent de cette période de leur histoire comme d'un génocide (3).

Pour aller plus loin :

(1) Il suffit d'ailleurs pour s'en convaincre de lire les histoires de parents disparus des enfants identifiées par Abuelas de Plaza de Mayo. Le nombre de militants chrétiens dans leur rang est beaucoup plus important que celui des militants communistes, contrairement à ce que laissait croire l'habillage officiel de la répression dans les années 70. C'est aussi en Amérique latine plus globalement qu'est née et qu'a prosperée la théologie de la libération, laquelle a parfois elle aussi donné naissance à des fanatiques et des dérives, tant théologiques que politiques. Et puis les Français ont entendu parler de deux de leurs compatriotes, des religieuses que leurs compagnons d'infortune surnommèrent les Petites soeurs volantes, parce qu'elles moururent jetées à la mer depuis un avion au terme d'une détention au cours de laquelle elles ont été torturées, les soeurs Alice Domon et Léonie Duquet (dont le corps a pu être retrouvé et identifié et qui repose dans le cimetière d'une église à Buenos Aires depuis 2005). Elles s'étaient engagées auprès des fondatrices de Mères de la Place de Mai et furent arrêtés dès le début du mouvement, en 1977.
(2) L'une des grandes tentations de toutes les églises chrétiennes depuis que l'Empereur Constantin a fait du christianisme la religion officielle de l'Empire romain : ne plus savoir lire une phrase très célèbre de Jésus, "Rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu", quand il refuse de mettre sa parole spirituelle au service d'une cause politique (faut-il ou non payer l'impôt à Rome, faut-il ou non accepter Rome comme légitime pouvoir sur ce qui fut le territoire du royaume de David et de Salomon ?).
(3) Pourtant, ce n'en est pas un, selon la définition qu'en donne le droit international, issu du procès de Nüremberg, ce droit qui permet de poursuivre aujourd'hui les criminels d'ex-Yougoslavie ou ceux du Rwanda.

835 mariages homosexuels en un an en Argentine [Actu]

La loi autorisant le mariage entre personnes de même sexe en Argentine, premier pays d'Amérique Latine à adopter une telle législation, malgré le poids politique qu'a traditionnellement l'Eglise catholique sur tous les pays issus des empires espagnol et portugais, a été votée le 14 juillet dernier (voir mon article du 15 juillet 2010 à ce sujet). Le premier mariage s'était célébré à Ushaïa, plusieurs mois auparavant, avec l'appui de la Gouverneur de la Province.

Depuis ces noces patagoniennes, 835 mariages entre époux de même sexe ont été recensés dans tout le pays, qui ne compte qu'une population assez réduite pour une telle superficie (juste un peu plus de 40 millions d'habitants). Une bonne partie de ces mariages ont été célébrés à partir du mois d'août, après la promulgation de la loi. De ces 835 mariages recensés, 320 ont eu lieu dans la Province de Buenos Aires et 305 dans la Capitale fédérale elle-même. A Córdoba, il y en a eu 47. Dans la Province de Santa Fe, dont la capitale, Rosario, est considérée comme la Barcelone d'Amérique du Sud, pour son dynamisme économique et culturel, on en compte 70 à ce jour.

A l'occasion de cet anniversaire du premier mariage, Página/12 interviewe un militant de la cause gay et lesbienne qui se félicite de cette quantité non négligeable d'unions mais pense qu'il en sera en Argentine comme dans les autres pays qui ont adopté le même type de législation : les personnes concernées apprivoiseront peu à peu ce nouveau droit, ce qui  prendra la forme d'un lent phénomène de boule de neige. Pour l'heure, se marier lorsqu'on est deux hommes ou deux femmes, c'est s'exposer à faire les gros titres ou les manchettes des canards locaux et la plupart du temps, ce sont donc des militants déjà très engagés qui s'y risquent.

Pour aller plus loin :

lundi 27 décembre 2010

Les voeux 2011 du peintre Chilo Tulissi [Coutumes]

Comme tous les ans, le peintre argentin Chilo Tulissi a envoyé à ses amis une belle carte de voeux : l'un de ses tableaux, intitulé Volver a empezar (Recommencer ou reprendre du début), accompagné par un texte, très beau comme d'habitude.

On peut toujours reprendre du début.
Que 2011 t'offre l'occasion de mettre toute ton énergie, ton amour et ta passion à reprendre du début.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Chilo Tulissi est l'un des artistes plastiques que j'ai mis à contribution dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, que j'ai publié en mai 2010 aux Editions du Jasmin, Clichy, 92 (France). Les deux autres sont Luis Alposta, qui est aussi l'un des poètes traduits dans l'anthologie, et Jorge Muscia, le fileteador qui a signé la couverture. Chilo m'a accompagnée lors de ma toute première présentation de ce livre à Buenos Aires, c'était le mercredi 1er septembre 2010 au Centro Cultural de la Cooperación Floreal Gorini. Luis Alposta et Jorge Muscia était eux aussi de la partie (voir mon article Retour sur images du 17 septembre 2010 sur cette toute première conférence dans la capitale argentine).

Pour en savoir plus sur Chilo Tulissi, vous pouvez cliquer sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus, ou dans la rubrique Vecinos del Barrio, dans la partie haute de la Colonne de droite.
Dans la partie basse de la Colonne de droite, vous trouverez le raccourci vers son site Internet où vous pourrez découvrir quelques unes de ses oeuvres.
Pour accéder à l'ensemble des articles concernant les peintres, cliquez sur ce mot-clé dans le bloc Pour chercher, déjà cité.
Pour accéder à l'ensemble des articles concernant les présentations de ma première anthologie en Argentine, cliquez sur le raccourci spécifique que vous trouverez dans la rubrique Agenda de Barrio de Tango, tout en haut de la Colonne de droite.

Soirée d'août au Torcuato Tasso [Retour sur Images]

Au Torcuato, on ne fait pas qu'écouter de la musique et applaudir. On peut dîner aussi...

Voilà l'un de ces articles que mon emploi du temps et la nature de l'actualité depuis mon retour d'Argentine ne m'avaient pas permis de publier encore dans Mes Chroniques de Buenos Aires : le retour en images sur la soirée à laquelle m'avait invitée l'ami Juan Vattuone au Centro Cultural Torcuato Tasso le mercredi 25 août 2010 (voir mon article du 26 août 2010, décalage horaire oblige), le jour où j'ai appris que le Conseil d'Administration de la Academia Nacional del Tango venait de me décerner le titre d'Académicienne correspondante à Paris (voir mon autre retour sur images sur la séance académique du 2 septembre 2010).

Le Quinteto Angel Pulice y Ruth de Vicenzo au complet
(vous reconnaissez même Carolina Cajal, à la contrebasse, dans le fond)

Los Hermanos Butaca, sans couvre-chef et avec leur pianiste titulaire

Ce soir-là, sur la scène du 1575 de la rue Defensa, à San Telmo, il y avait le Quinteto Angel Pulice y Ruth de Vicenzo, suivi des Hermanos Butaca (à l'humour un rien potache et parfois d'un franc mauvais goût), eux-mêmes suivi de l'auteur-compositeur-interprète Juan Vattuone, accompagné de son vieux compère, compagnon de toute une carrière musicale, Victor Lasear à la guitare et de Gustavo Corrado au piano.

Et maintenant les mêmes Hermanos Butaca avec leur couvre-chef carnavalesque de scène et un invité au piano

Juan Vattuone, en vedette américaine...

Une soirée inoubliable, passée à la même table que Lucio Arce et un autre ami, au cours de laquelle nous avons été servis par une jeune Française, visiblement en séjour d'étude et qui n'avait pas repéré ma francitude (bon point pour moi, et toc !), une soirée qui s'est éternisée dans les conversations après le spectacle... Comme souvent à Buenos Aires. Il est vrai que les nuits d'hiver sont longues là-bas aussi.

Juan Vattuone, le "blouson rouge" du tango underground

Las Minas del Tango Reo : la dernière de 2010 [à l'affiche]

Le tour de chant à deux de Lucrecia Merico et Valeria Shapira, accompagnées cette fois-ci encore par Nacho Iruzubieta, se donnera pour la dernière fois cette année à Clásica y Moderna, Callao 892, demain, mardi 28 décembre 2010, à 21h30.

Droit au spectacle : 40 $.
Comptez la consommation minimum (environ 20 $).

Je vous parle souvent de ce spectacle, je vous épargne donc une énième description. Les internautes qui découvrent ce blog à cette occasion peuvent s'informer facilement : en dessous du titre de l'article, vous disposez d'un bloc de mots-clés thématiques (Pour chercher, para buscar, to search) qui vous facilitent la navigation dans les 1900 et quelques autres articles que compte Barrio de Tango.

vendredi 24 décembre 2010

Noël au tison ici, Noël au balcon là-bas [Actu]


C'est le dessin de Noël de Miguel Rep, publié hier sur le site du quotidien Página/12. Pendant que l'Europe atlantique grelotte sous la neige ou la pluie glacée, les Portègnes fondent sous la canicule. Buenos Aires et sa région sont sous alerte orange et le Père Noël, habillé comme sous nos latitudes, prend un bain de pieds pour se rafraîchir dans une fontaine de Plaza de Mayo.

Le texte se comprend tout seul, non ? A partir du moment où l'on connaît le sens de vez (fois) et de trabajador (travailleur). L'Argentine entame aujourd'hui la saison estivale et les grandes vacances sont les bienvenues.

L'Argentine, le plus beau pays du monde, un Web documentaire d'Arte Reportage [ici]

Le site Internet d'Arte vous propose, en version argentine avec des sous-titres en français, un excellent Web documentaire sur l'Argentine, sa culture, sa population, son histoire, ses enjeux politiques passés et présents, réalisé en cette année où le pays fête le bicentenaire de son indépendance.

Capture d'écran du site d'Arte TV

Vous y découvrirez, entre autres, un reportage de 4 mn 31 sur la Orquesta Típica Fernández Fierro, un reportage de 3 mn sur Victor Hugo Morales, journaliste, conteur et commentateur sportif uruguayen d'un immense talent (1) qui vous expliquera un peu la dimension politique et culturelle du football (c'est lui qui a dit le commentaire le plus lyrique et le plus célèbre sur la Main de Dieu lors de la Coupe du Monde du Mexique en 1986), vous pourrez vivre dans les tribunes un petit quelque chose de la folie d'un match de foot, avec des supporters du Club Independiente, une des grandes équipes de Buenos Aires, sur un stade d'Avellaneda (dans la banlieue sud, populaire).

Un chapitre entier, de 10 minutes, repasse les grands traits de la situation politique et économique actuelle, telle que l'ont façonnée la Dictature militaire (dont le premier président vient d'être à nouveau condamné à la prison à perpétuité, voir mon article d'hier sur le sujet) et le gouvernement de Carlos Menem, tous les deux mis dans le même panier. Vous y entendrez un historien très clair et Estela de Carlotto, la très dynamique présidente de Abuelas de Plaza de Mayo dont je vous parle souvent dans la rubrique Justice et Droits de l'homme de ce blog (voir le raccourci dans la rubrique Quelques rubriques thématiques, dans la partie supérieure de la Colonne de droite).

Un beau diagramme, très bien fait, vous donne l'essentiel des repères chronologiques indispensables à la bonne compréhension de l'histoire argentine (voir également sur ce sujet mon article Vademecum historique, dans la rubrique Petites chronologies, dans la partie médiane de la Colonne de droite).

Le documentaire de David Gormezano revendique une certaine partialité, qui n'est pas mauvaise en soi puisqu'elle est clairement annoncée. Il me semble, pour mon humble part, qu'on ne peut pas s'exempter d'une part de subjectivité ni d'une prise de position lorsqu'on parle de l'Argentine. L'impartialité et l'objectivité sont une vue de l'esprit, elles font le lit d'un plus ou moins gros mensonge ou d'un reportage insipide et superficiel qui traiterait ce pays comme un pays exotique de pacotille. Et c'est malheureusement souvent le cas des reportages télévisuels en Europe. Raison de plus pour nous précipiter sur ce documentaire engagé, passionné et passionnant, au concept nouveau rudement bien pensé...

A voir sur le site d'Arte-TV (je vous donne ici la version francophone, mais vous pouvez cliquer sur les onglets des autres langues de la chaîne, l'allemand et l'espagnol, en haut à droite).

(1) Le groupe de presse Clarín en prend pour son grade au passage, sur sa confiscation des droits de retransmission des matchs de foot. Je publie cet article au moment où la polémique autour de ce groupe monopolistique vient encore de rebondir avec la énième astuce procédurière des enfants Noble Herrera pour éviter de se soumettre aux tests ADN qui devraient pouvoir mettre en évidence leurs liens avec telle ou telle famille de disparus en recherche de leurs petits-enfants. Sur cette affaire, voir mes articles consacrés au combat de l'ONG Abuelas de Plaza de Mayo (les grands-mères de la Place de Mai).

jeudi 23 décembre 2010

One man show humoristique pour l'été : Rudy sur scène [à l'affiche]

Après son spectacle sur le tango, la psychanalyse et l'utilisation d'Internet l'été dernier; intitulé Arrobaleros, avec la chanteuse Silvina Gregori, qu'ils donnaient encore il y a 15 jours (voir mon article du 28 janvier 2010), l'humoriste Rudy (Marcelo Rudaeff), dont je vous commente de temps à autre la vignette dialoguée quotidienne de la une de Página/12, reprend à Buenos Aires un one man show qu'il a créé en octobre 2008 et où il fait rire sur la technologie, le couple, la psychanalyse (il l'a pratiquée lui-même côté fauteuil) et les régimes amincissants, dont il vient de tester l'efficacité. "Je l'ai fait pour divorcer d'avec mon ventre", explique-t-il à sa collègue et consoeur de la rédaction, María Daniela Yaccar, qui l'interviewe dans les pages culturelles de l'édition de ce matin.

Photo extraite du site de Tandil

Cela fait huit ans maintenant que l'humoriste monte sur les planches. Ce soir, il donne la première portègne de cette version 2010 du spectacle au Café Monserrat, San José 524, et en janvier, il continuera à The Cavern, un café de Buenos Aires consacré à la gloire des Beattles (Complezo La Plaza, Corrientes 1660), où il avait fait la toute première de ce show. Le spectacle a déjà été donné dans l'intérieur du pays (la photo est tiré du site de la ville bonaerense de Tandil, où il s'est produit en mars, site qui m'a fourni une autre citation que je vous donne en bas d'article) (1).

Dans ce one man show qui promet des soirées rien moins que sinistres à en croire les réparties loufoques dont l'interview est semée, Rudy invitera chaque soir une personnalité différente et Silvina Gregori en sera.

Quelques blagues en attendant le Père Noël (en version bilingue) :

“Yo me sentía bien y una vez me picó un mosquito y se murió de diabetes”
Rudy, Página/12

Moi je me sentais bien et un jour, un moustique m'a piqué. Il est mort du diabète.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

“Cuando era chico la gente se conocía en un baile, en una fiesta, en la facultad, en el cine. Ahora se conoce en l'espace de chat. Y el ‘conoce’ lo pondría entre signos de pregunta, porque estás hablando con alguien que no sabe quién sos y vos no sabés quién es, en un lugar que no existe”
Rudy, Página/12

Quand j'étais petit, les gens se rencontraient au bal, lors d'une fête, à la faculté, au cinéma. Maintenant, ils se rencontre dans une salle de chat. Et le "se rencontrent", je le mettrais entre guillemets parce que tu es en train de parler avec quelqu'un qui ne sait pas qui tu es et toi tu ne sais pas qui il est, dans un lieu qui n'existe pas. (2)
(Traduction Denise Anne Clavilier)

“En el escenario me presento como un neurótico. Les digo: ‘Ustedes se están preguntando cómo es que un neurótico llegó a ser psicoanalista, y es precisamente por eso: sólo un neurótico se banca escuchar a otro neurótico”
Rudy, Página/12

Sur scène, je me présente comme un névrosé. Je vous dis : Vous êtes là à vous demander comment est-ce qu'un névrosé parvient à devenir psychanalyste et c'est précisément pour ça : il n'y a qu'un névrosé pour se taper d'écouter un autre névrosé.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

“Vengo de una familia de mucho sentido del amor... digo, del humor”, se ríe Rudy de su acto fallido. “Mi abuelo era violinista y peluquero de barrio. Un día llegó tarde al trabajo porque se había quedado dormido, lo esperaba un cliente y le dijo: ‘Tenía que ir a cortarle el pelo a Perón’. Mi mamá, odontóloga, tenía el fichero de los pacientes ordenado por apodos y no por apellidos, y a veces en idish.”
Rudy, Página/12

"Je viens d'une famille qui avait beaucoup de sens de l'amour... je veux dire de l'humour", et Rudy rit de son acte manqué. "Mon grand-père était violoniste et coiffeur de quartier. Un jour, il arriva en retard au travail parce qu'il avait dormi trop longtemps, un client l'attendait et il lui dit : "Il fallait que j'aille couper les cheveux à Perón". Ma mère, dentiste, tenait le fichier de ses patients par ordre de surnom et non par ordre de patronymes, et parfois en yiddish".
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Et à la question de la journaliste sur ce que signifier détecter l'inconscient dans une nouvelle ou un fait (il affirme que c'est là sa spécificité comme humoriste), Rudy répond par un exemple :

En 1989, cuando asumió Carlos Menem, había una discusión sobre si sus medidas eran peronistas o no. El le dijo a un periodista: “Yo nací peronista y me voy a morir peronista”. La interpretación que hicimos con Daniel ese día es la siguiente: Menem dijo “nací peronista y voy a morir peronista”. Y otro le dice: “¿Y mientras?”. En el discurso se da por obvia una cosa que en realidad no lo es. Hay una verdad en lo que se dice y una parte que no es verdad. Como humorista, uno muestra eso, como analista lo preguntaría.
Rudy, Página/12

En 1989, quand Carlos Menem a prêté serment comme président de la République, il y avait une discussion pour savoir si les mesures qu'il prenait étaient péronistes ou non (3). Lui a dit à un journaliste : Je suis né péroniste et je vais mourir péroniste. L'interprétation qu'on a faite avec Daniel [Paz] ce jour-là, c'est la suivante : Menem dit : Je suis né péroniste et je vais mourir péroniste. Et l'autre lui dit : et entretemps ? Dans le discours, une chose se fait passer pour évidente et en réalité, elle ne l'est pas. Il y a une vérité dans ce qui se dit et une partie qui n'est pas la vérité. Comme humoriste, on met ça en lumière, comme analyste, on le renverrait sous forme de question. (4)
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Puis questionné sur le lien qu'il fait entre son travail de comédien sur les planches et son travail d'humoriste au sein de la rédaction du journal, il répond :

En el unipersonal no cuento historias ni eventos: es humor de observación. La diferencia es que en el diario es un trabajo en equipo. Hay que pensar de a dos, concederse mutuamente. Se logran consensos interesantes. Por otro lado, el espacio del diario es más público: tu chiste lo va a leer un montón de gente que no sabés quién es. El monólogo tiene cierta intimidad. Por eso hasta pienso en la ropa: me gusta que sea bonita pero que remita a que estamos charlando. Hay una actitud de confesión, un diálogo.
Rudy, Página/12

Dans le one man show, je ne raconte pas d'histoire ou d'événement : c'est de l'humour d'observation. La différence est qu'au journal, c'est un travail d'équipe. Il faut penser à deux, se faire des concessions mutuelles. On obtient des consensus intéressants. D'un autre côté, l'espace du journal est plus public : ta blague, il y a un tas de gens qui va la lire qui ne sait même pas qui tu es. Le monologue a une certaine intimité. C'est pour cela que je pense même au costume : j'aime bien qu'il soit chic mais qu'il renvoie au fait que nos sommes en train de bavarder. Il y a une attitude de confidence, un dialogue.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Le spectacle s'intitule Rudy Vicepresidente ou, en pour faire plus snob en anglais, Rudy for Vice President. C'est à 21 h ce soir et jeudi 30 décembre 2010.
Entrée : 40 $ (comptez le repas en plus comme toujours dans ces cas-là mais le prix moyen est dès plus modeste : environ 8 $ par personne).
Le spectacle dure environ 80 minutes.

Pour en savoir plus :
lire l'intégralité de l'article de Página/12

(1) Le spectacle s'intitule Rudy for Vicepresident et il faut savoir que la personnalité et le comportement de l'actuel vice-président argentin sont quelque peu particuliers et entraînent des incidents politiques assez nombreux. “Me dicen ‘¿para que querés ser vicepresidente, si los vicepresidentes no hacen nada?’ ¡Por eso, justamente por eso!” - On me dit : pourquoi est-ce que tu veux être vice-président puisque les vice-présidents ne fichent rien ? - Pour ça, justement, pour ca !
En Argentine, en fait le Vice Président assume les fonctions présidentielles à chaque fois que le chef de l'Etat est en voyage à l'étranger ou indisposé par sa santé et préside le Sénat où il ne vote que dans un seul cas, lorsque le scrutin montre une exacte égalité de voix entre le oui et le non et qu'il faut départager. Généralement, le vice président vote alors oui. L'actuel a un jour voté non et on n'a toujours pas fini d'en parler (voir mon article du 19 juillet 2008 à ce sujet).
(2) Ce thème de la non-communicabilité dans notre monde de la pseudo-communication en ligne a inspiré à Verónica Bellini un très joli tango que j'ai intégré dans ma nouvelle anthologie, qui s'intitulera bien 200 ans après, et qui va paraître d'ici quelques jours aux éditions Tarabuste (revue Triages). Verónica Bellini est la pianiste et la compositrice (autant que la parolière) du groupe musical féminin China Cruel et elle aime bien brocarder dans ses chansons les travers de notre société et de ses modes imbéciles.
(3) Carlos Menem, président de décembre 1989 à décembre 1999, a été élu sous étiquette péroniste (ce qui sous-entend un fort interventionisme d'état dans la politique économique nationale pour faire diminuer la part de l'importation et développer les activités de transformation et de manufacture sur le sol national) et a mené d'emblée une politique ultra-libérale, bling-bling au possible, avec une forte valorisation des activités spéculatives, qui a 10 ans plus tard conduit le pays à la faillite que l'on sait.
(4) Les fidèles lecteurs de Barrio de Tango qui lisent régulièrement ce blog et se régalent des vignettes de Rudy et Paz peuvent constater qu'effectivement, c'est exactement comme cela que procèdent les deux journalistes et ce qu'ils ont eu tant de mal à faire ces derniers temps avec les émeutes de Villa Soldati. Il y a eu une dizaine de jours où ils se sont bien battus les flancs, tous les deux, pour arriver à nous arracher un sourire. Devant le tragique de la situation et dans un journal aussi militant que Página/12, qui ne veut surtout faire de l'information un divertissement, le défi était difficile à relever et je n'ai jamais pu rire ouvertement de leur blague journalière pendant ces événements.

Palmarés des turrones de Noël sur La Nacion et recette de Pan dulce sur Clarín [Coutumes]

Il y a 15 jours, le quotidien La Nación dressait un palmarés des meilleurs Pan dulces de la capitale argentine, ce gros gâteau brioché qui descend en droite ligne du Panetonne italien et cousine allègrement avec la Couronne des Rois bordelaise et la pompe à l'huile du gros souper provençal (voir mon article du 8 décembre 2010).

Aujourd'hui, La Nación s'intéresse au turrón, la spécialité levantine espagnole (1), dont tous les Espagnols se régalent à Noël et dont 4 variétés principales sont passées d'Espagne à la table de Noël argentine (par 40° à l'ombre à Buenos Aires) : le turrón guirlache (sorte de nougatine faite à base d'amandes entières), le turrón blando de Jijona (une confiserie à la consistance pâteuse faite d'amandes en poudre, de blanc d'oeuf et de sucre, cousine du halva turc, où la poudre de sésame occupe la place des amandes), le turrón duro de Alicante (que l'on connaît aussi sous sa forme de torta imperial, proche du nougat dur de Montélimar) et enfin le turrón de yema, où la poudre d'amande est mélangée à du jaune d'oeuf (yema) en plus du blanc d'oeuf et du sucre. Les autres existent aussi mais ils se présentent comme plus fantaisistes (ceux au chocolat, au praliné, au whisky, aux cerises...). Jetez donc un coup d'oeil sur l'article de La Nación et vous vous retrouverez pour une fois en pleine Espagne : sur les 5 produits recommandés par le quotidien, il y a 4 marques péninsulaires. Ces produits sont très chers et pour cause : ils sont directement importés de la vieille Europe. Seule l'abbaye Sainte Scholastique de Victoria, dont La Nación recommandait déjà l'excellent Pan Dulce, qu'on peut acheter dans une boutique monastique du quartier de Recoleta, fabrique artisalement un turrón argentinisé, qui tout en suivant les techniques ancestrales ibériques, remplace les amandes (que les Espagnols importent désormais massivement de Californie) par des cacahuètes (qu'on appelle mani en Argentine).

Parmi les produits spécifiques de Noël, autant le Pan Dulce et le cidre se sont adaptés à leur sol d'adoption et se sont différenciés des produits d'origine en étant fabriqués sur place, autant le turrón est resté, lui, totalement espagnol. Vous trouverez donc en Argentine des turrones Delaviuda, Doña Jimena, 1880 et El Abuelo (c'est le palmarés de La Nación). J'en ai personnellement vu (hors saison, en août) d'une autre marque très répandue aussi, El Almendro.

Et pendant ce temps, Clarín, dans son supplément Ollas y Sartenes (Marmites et poêles), nous donne une recette de pan dulce à faire soi-même. Excellente recette mais difficile à réussir sous la vague de froid polaire qui couvre l'Europe en ce moment : le Pan Dulce est une pâte levée, pétrie à la levure de bière. Je vous la traduis à ma façon (2) :

Faire d'abord une poolish en mélangeant 60 grammes de farine (type 45 ou 55), 60 grammes de levure fraîche (en France, choisir de la levure de boulangerie fraîche ou lyophilisée), 55 cc d'eau tiède et 1 cuillérée de sucre en poudre (ou un ou deux morceaux de sucre). Laisser pousser à l'abri de la poussière dans un endroit chaud.

Pour la pâte, mélanger 600 gr de farine de blé (type 45), 150 gr de beurre (mou, vu les températures qu'il fait au bord du Río de la Plata en ce moment !), 180 gr de sucre en poudre, 6 oeufs, 1 cuillère à café d'eau de fleur d'oranger et le zeste râpé de 2 citrons (non traités). Ajouter la poolish poussée et pétrisser puis laisser pousser la pâte au moins une demi-heure, à l'abri de la poussière et dans une pièce chaude (il faut une température d'au moins 22° et c'est vraiment un minimum minimorum).

Après la première pousse, rabattez la pâte et pétrissez-la à nouveau puis mêlez-y 40 grammes de fruits confits (Clarín vous conseille de les hâcher, mais d'autres recettes vous diront de les intégrer entiers en les ayant farinés au préalable pour les empêcher de tomber au fond du moule au moment de la cuisson), 80 gr de fruits secs (hâchés à nouveau pour Clarín, entiers pour d'autres pâtissiers) (3) et 30 gr de cerises confites égouttées et macérées préalablement dans du marasquin (une liqueur italienne, ça ne vous aura pas échappé).

Une telle quantité vous permettra de faire deux pains de 500 gr chacun environ.

Remettre la pâte à lever, au chaud et à couvert. Rabattez-la une seconde fois et mettez-la dans un moule que vous aurez chemisé de papier cuisson qui vous évitera de le beurrer lourdement (le moule à Pan dulce est traditionnellement rond, haut et droit). La pâte doit remplir la moitié de la contenance du moule. Laisser monter une troisième fois jusqu'à ce que la pâte atteigne presque le bord du moule (mais laissez-vous de la marge, sinon la montée va se poursuivre dans le four et votre Pan dulce va s'effondrer sur les bords).

Préchauffez votre four entre 180 et 200° (comme pour une brioche, du pain ou une pizza).

Sur le dessus des pains, dessinez délicatement une croix au couteau ou au rasoir. Ces entailles vont guider la montée de la pâte au début de la cuisson et éviter au dessus du gâteau de se déchirer d'une manière peu élégante.

Faites cuire pendant 50 minutes (un peu moins pour un four à chaleur tournante).

Pour décorer chaque pain, il est d'usage de passer sur le dessus un sirop de sucre glace et d'eau (ou de blanc d'oeuf) et d'éparpiller par dessus des amandes ou des cerises confites.

Se déguste froid.

Pour en savoir plus :
lire l'article de La Nación sur le turrón

(1) à ne pas confondre avec le touron fabriqué dans le sud-ouest de la France, à Bayonne notamment. C'est proche mais c'est différent malgré tout.
(2) Vous disposez d'une autre recette, rédigée autrement, dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, éditions du Jasmin, mai 2010, page 178.
(3) Par fruits secs, il faut entendre raisins secs (de la couleur que vous préférez), amandes, noix, noisettes (recette initiale apportée par les immigrants italiens). Vous pouvez américaniser le pan dulce en y introduisant des noix spécifiques au Nouveau Monde : noix de cajou et du Brésil. En revanche, la noix de coco n'a pas trouvé sa place dans la recette, sauf si vous voulez à toute force jouer la fantaisie et l'originalité.