jeudi 29 juin 2023

Clarín : un écrivain colombien en mission de solidarité témoigne de l’attaque contre Kramatorsk [ici]

En gros titre : les manœuvres partisanes de
la campagne électorale qui se déchaîne
L' autre photo, à droite, est celle de Héctor Abad
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Après une opération à cœur ouvert dont il était tout juste remis, le célèbre romancier colombien Héctor Abad était en visite en Ukraine pour témoigner au pays martyrisé par la Fédération de Russie la solidarité latino-américaine qui s’exprime si peu et si mal à travers les canaux diplomatiques et politiques officiels. Lundi soir, il se trouvait à Kramatorsk, dans la pizzeria Ria Pizza, lorsque le missile russe est tombé sur le restaurant au moment où le service battait son plein avant le couvre-feu. D’un coup, l’établissement a été réduit en miettes. A cette heure, cette attaque qui a toutes les apparences d’avoir été délibérée a fait douze morts dont trois mineurs et soixante-cinq blessés, dont certains sont toujours entre la vie et la mort.

Héctor Abad était accompagné par son compatriote Sergio Jamarillo, un ancien commissaire de la paix dans leur pays. En février, lors d’une festival à Cartegena, en Colombie, tous les deux avaient lancé une initiative culturelle de solidarité sous le nom de Aguanta Ucrania (ce qui peut s’entendre à la fois comme « Courage, Ukraine » et « L’Ukraine résiste »).

Il y a quelques jours, Héctor Abad avait participé au salon du livre de Kiyv dont la nouvelle édition venait d’être inaugurée par le couple présidentiel, après que celle de l’année dernière avait dû être annulée. Sur place, ils avaient fait la connaissance d’une jeune écrivaine ukrainienne, Victoria Amelina, qui s’était penchée sur les crimes de guerre commis contre ses compatriotes et avait tenu à partager cette réalité avec les deux Colombiens de passage mais bel et bien solidaires. Une reporter de guerre, Catalina Gómez, s’était jointe à leur groupe avec son fixeur, Dmitro.

Impressionnés par l’engagement et l’enthousiasme patriotique de Victoria, les deux Colombiens avaient souhaité découvrir avec elle l’intérieur du pays et se rapprocher de la ligne de front pour aller à la rencontre des habitants du Donbass. C’est ainsi qu’ils se trouvaient à Kramatorsk au surlendemain du coup d’État raté de Prigojine qui semble avoir donné au Kremlin une envie de vengeance (ou de diversion) et provoquer ce nouveau crime de guerre.

L’explosion a gravement blessé la jeune autrice ukrainienne, la laissant entre la vie et la mort, et ses compagnons sud-américains ne savaient pas ce qu’il en était d’elle lorsque Héctor Abad, encore tout secoué par la tragédie et n’en revenant pas de s’en être sorti indemne dans ses vêtements ensanglantés, s’est confié à Clarín dans un train qui les emmenait loin de Kiyv.

Le quotidien, qui consacre presque tous les jours au moins une page au conflit provoqué par une puissance dotée s’abritant derrière ses ogives pour massacrer impunément son voisin qu’il a désarmé en 1994, a mis en une de ce jour cette photo saisissante du romancier rescapé et encore presque hagard. Une manière d’insister encore et toujours pour sensibiliser l’opinion publique argentine sur le caractère criminel de la politique menée par Vladimir Poutine.

Héctor Abad le dit d’ailleurs très clairement :

Es una campaña a favor del sentido común, para llamar las cosas por su nombre. Invadir al vecino es lo que es: una invasión, atacar civiles en sus residencias con misiles es lo que es: asesinar civiles. No necesita más comentario y no se puede ignorar”, explique-t-il au sujet de Aguanta Ucrania.

« C’est une campagne en faveur du sens commun, pour appeler les choses par leur nom. Envahir le voisin, c’est ce que c’est : une invasion. Attaquer des civils chez eux avec des missiles, c’est ce que c’est : assassiner des civils. Il n’y a pas besoin de plus de commentaires et on ne peut pas l’ignorer. » (Traduction © Denise Anne Clavilier)

Rappelons que la Colombie sort à peine elle-même du cauchemar de la guerre civile alors qu’il n’y a que quelques années que les FARC ont fini par déposer les armes.

Clarín publie sa description de ce qu’il s’est passé, avant et après la chute du missile. La vie calme et intense du restaurant de quartier puis ce chaos : l’obscurité, les sirènes, les cris, les gyrophares, les pompiers, les ambulances, l’incompréhension de ce qu’il vient de vous tomber dessus…

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

Aujourd’hui, l’actualité russo-ukrainienne occupe trois pages du quotidien.

Ajout du 3 juillet 2023 :
La jeune écrivaine ukrainienne est décédée à l’hôpital le 1er juillet. Ses funérailles auront lieu mercredi à Kiyv, avec une cérémonie religieuse dans l’un des hauts-lieux de la foi orthodoxe, puis le lendemain, dans une église de Lviv, avant une inhumation dans cette ville de l’ouest du pays.
La jeune femme avait 37 ans. Elle était membre de la branche ukrainienne de l’association internationale d’écrivains PEN.
Pour aller plus loin :
lire cette dépêche en anglais d’Ukrinform, l’agence de presse publique ukrainienne
lire l’article de Clarín, qui figure sous forme d’entrefilet dans son édition papier de ce matin.

Viktoria Amelina

Ajout du 5 juillet 2023 :
La télévision ukrainienne a rendu hommage à l’écrivaine disparue. Ses obsèques au monastère Saint-Michel de Kiyv ont fait l’objet de ce reportage de cinq minutes, qui prend en compte ses contacts récents avec les trois Colombiens, un romancier, un homme politique et une journaliste correspondante de guerre, qui l’accompagnaient à la pizzeria attaquée au missile. On la voit il y a quelques mois témoigner de la découverte du journal d’occupation laissé par un poète ukrainien assassiné par les ruschistes. La présidente de PEN Ukraine répond à la reporter de la chaîne.
Sur le programme d’information continue et partagé diffusé par les six chaînes d’ampleur nationale qui se sont unies au début de l’invasion, on trouve tout au long de la journée d’autres reportages consacrés à la femme de lettres et à la patriote.

Bien entendu, le reportage est en ukrainien

Mise à jour du 6 juillet 2023 :
Clarín continue à rendre hommage à la jeune écrivaine disparue. Aujourd'hui, c'est une colonne dans la rubrique Regards (miradas).

En haut, à droite, avec photo
En bas, dessin de El Niño Rodríguez :
"Qui aurait dit qu'ils auraient accepté le télétravail ?
Maintenant, ce serait plus simple de les télélicencier"
Traduction © Denise Anne Clavilier
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mercredi 28 juin 2023

L’œuvre de Borges passe aux cinq neveux de sa défunte épouse [Actu]

Borges et sa femme en promenade sur les bords de Seine, face au Louvre
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Trois mois après la disparition de María Kodama, la veuve de Jorge Luis Borges, le tribunal compétent vient de reconnaître les cinq enfants de son frère comme ses héritiers universels. Tous ses biens meubles et immeubles, y compris ceux qu’elle avait hérités de son époux, leur reviennent.

L'affaire est traitée en haut à droite
avec photo de María Kodama
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Des neveux qui n’étaient pas très proches de leur tante. Ils étaient visiblement absents à la mort et aux obsèques de celle-ci et ils se sont fait connaître en se présentant à la justice civile quelques jours après son décès une fois que les confidents de la défunte avaient fait savoir publiquement qu’ils n’avaient pas retrouvé de testament et que les dispositions (très compliquées et assez difficiles à appliquer) dont elle leur avait parlé n’existaient pas en droit. On croyait alors que les biens et surtout la gestion de l’œuvre devaient passer sous la responsabilité de l’État, qu’il s’agisse de l’Argentine ou de la Ville autonome de Buenos Aires.

Héritage Kodama : extrait du jugement - désignation des héritiers
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Eu égard à l’importance littéraire de l’écrivain, le tribunal a assorti sa décision d’une servitude contre laquelle les cinq frères et sœurs ont aussitôt interjeté appel : il s’agit d’une restriction sur les biens ayant appartenu personnellement à Borges, meubles et immeubles, y compris bien entendu et surtout ses notes et manuscrits, qui doivent demeurés dans l’indivision. En effet, ces témoignages de la vie et de l’œuvre de l’écrivain ont vocation à revenir à la République argentine en 2056, lorsque l’œuvre tombera dans le domaine public. Il s’agit donc d’éviter qu’ils soient dispersés au gré de ventes aux enchères sans doute très juteuses pour les vendeurs, au hasard des besoins de trésorerie des membres de la fratrie ou de leurs héritiers. Il n’est pas question qu’ils intègrent le patrimoine personnel des membres cette famille, comme s’il s’agissait de biens comme les autres. Pour cela, ils ont les biens propres de leur tante, y compris ce qu’elle a elle-même publié sous sa propre signature, et c’est déjà pas mal.


L'affaire est traité tout en bas, à droite
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Le peu d’eux-mêmes que leur comportement a récemment révélé montre qu’ils sont passablement procéduriers et tend à faire craindre que leur démarche soit quelque peu intéressée.

Du vivant de María Kodama, le secteur du livre se plaignait déjà du comportement très difficile de celle-ci mais avec ses neveux et héritiers, ça risque d’être tout aussi peu commode pour les chercheurs, les éditeurs et les traducteurs qui voudront se pencher sur cette œuvre.

Il faut maintenant attendre ce que dira l’instance d’appel sur cette restriction mise à la jouissance de l’héritage.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

mardi 27 juin 2023

Un nouveau musée dans le centre historique de Buenos Aires [à l’affiche]

L'une des vitrines du musée


Il y a cinq ans, un chantier mettait à jour les vestiges d’un patio que les archéologues ont tôt fait d’attribuer à une maison particulière ayant appartenu au gouverneur de la Province de Buenos Aires des années 1835-1852, Juan Manuel de Rosas, haute figure du camp fédéraliste pendant la guerre civile qui suivit l’indépendance argentine.

Despote richissime, il disposait de cette belle maison de maître en centre-ville, à quelques centaines de mètres de la cathédrale, de la place de la Victoire (future Plaza de Mayo) et du Fort de Buenos Aires qui a depuis fait place à la Casa Rosada et d’un vaste manoir au sein d’une gigantesque propriété transformée dans la seconde moitié du 19e siècle en un quartier d’habitations et d’espaces verts, Palermo.

Au sein de cette maison de ville, située en plein Monserrat, rue Moreno 550, où une famille riche a effectivement vécu, on a trouvé des trésors d’informations sur le mode de vie des Portègnes de cette époque, à commencer par une gigantesque citerne destinée à recueillir les eaux de pluie qu’il a été très difficile de préserver de l’avidité de l’exploitant du chantier qui a bien failli la faire disparaître pour ne pas prendre de retard. Cette citerne a donné son nom au musée qui va bientôt ouvrir ses portes dans un bâtiment tout neuf de 14 étages qui accueilleront tous les objets que les archéologues ont sauvés : vaisselle de luxe, bouteilles, cruches, ustensiles de cuisine, ossements, reliefs de repas, objets domestiques, jetons et monnaies, etc.

Le museo de la Cisterna sera ouvert tous les après-midis du mercredi au dimanche et fermés les lundis, mardis et jours fériés.

Entrée et visite guidée de 40 mn gratuites.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

samedi 24 juin 2023

Coup de théâtre à gauche : c’est Sergio Massa qui surgit [Actu]

"Un bon coup de Masse", dit le gros titre
avec son traditionnel jeu de mots
en l'occurrence sur le nom du candidat
qui offre dans ce domaine des choix à l'infini !
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Finalement, après la publication officielle des deux candidats de Unión por la Patria (ex-Frente de Todos), le ministre de l’Intérieur, Eduardo "Wado" de Pedro, et un ancien vice-président puis gouverneur de la province de Buenos Aires, Daniel Scioli, c’est finalement le ministre de l’Economie, Sergio Massa, qui portera les couleurs du péronisme de gauche, avec pour candidat au poste de vice-président, l’ancien ministre de la Défense, Agustín Rossi (Rossi occupe aujourd’hui les fonctions de Jefe de Gobierno, qui se situent entre celles de Premier ministre et celles de Secrétaire-Général de la Présidence dans les institutions françaises).

Il n’y aura donc pas besoin de départager les candidats lors des primaires, les PASO de la mi-août. Il lui suffit de faire un bon score et d’arriver si possible avant le premier candidat de la droite libérale.

On est à quelques jours de la clôture des candidatures et du début de la campagne électorale officielle pour ce premier round que représentent les PASO. Sans aucun doute possible, Massa était le meilleur présidentiable de ce camp. C’est lui qui a la plus forte notoriété et la plus belle trajectoire. En revanche, il va être fortement handicapé pur ne pas dire plus par les chiffres de l’inflation et de la pauvreté dont il porte la responsabilité politique depuis deux ans. L’effet de surprise est donc peut-être son meilleur atout dans des circonstances aussi difficiles.


"Cristina fait marche arrière : elle écarte De Petro
et Massa devient le candidat unique", dit le gros titre
sur cette photo du ministre satisfait cette nuit
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De toute évidence, pendant les dernières heures, pendant que Prigojine lançait son coup de force à la frontière russo-ukrainienne et stupéfiait le monde, cette nomination a été arrachée de haute lutte à Cristina Kirchner qui aura tout fait jusqu’au dernier moment pour pousser son poulain, le ministre de l’Intérieur, qui a depuis renoncé à sa candidature, comme l’a fait son compétiteur, Daniel Scioli. De toute évidence, ce qui vient de se passer correspond à une défaite pour Cristina et comme elle n’est candidate à rien pour les deux années à venir, on peut se demander si sa carrière politique n’est pas en train de prendre vraiment fin. Massa ne manque en effet ni de charisme ni de capacités. Il est encore jeune et de toute évidence, il en veut et il obtient ce qu’il veut. Il s’était imposé à la présidence de la chambre au début du mandat, puis il a arraché à la majorité la constitution de son super-ministère et enfin il se bat toute la journée d’hier et une partie de la nuit pour se faire nommer candidat à la présidence au tout dernier moment… Costaud !

"Cristina a dû céder et le tandem de la majorité
sera Massa-Rossi", dit le gros titre
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Le coup de tonnerre est tel qu’il éclipse complètement dans les journaux argentins les événements en cours à Rostov sur le Don, Voronej et Moscou, même dans les colonnes de Página/12, un quotidien qui est resté poutinien malgré les dix-huit mois de guerre épouvantable sur le sol ukrainien.

A l’heure où je publie cet article, toutes les unes ne sont pas encore disponibles. Je reviendrai donc sur les illustrations dans la suite de la journée s’il y a lieu.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

jeudi 22 juin 2023

Marche aux flambeaux en soutien aux victimes de la répression à Jujuy [Actu]

"Une mer de petites lumières", dit le gros titre
sur cette photo de la foule manifestant hier à Buenos Aires
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La répression policière qui s’est abattue avant-hier sur les manifestants (pas très pacifiques) qui s’opposaient à l’adoption de la réforme constitutionnelle provinciale a choqué toute la gauche argentine.

"Le conflit de Jujuy s'installe dans la campagne",
dit le gros titre
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Hier, plusieurs marches ont eu lieu dans différents endroits du pays, en particulier une marche aux flambeaux au cœur de Buenos Aires.

"Morales [le gouverneur] redouble d'accusation contre le gouvernement
à propos de la violence après l'ultimatum du président",
dit le gros titre
A droite : l'enquête sur le féminicide en province de Chaco
met de plus en plus en évidence la culpabilité de la famille
de militants de gauche, dont la jeune femme était une des pièces rapportées
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Malgré ces réactions publiques très spectaculaires et l’avis de plusieurs organismes américains chargés de dire le droit sur l’ensemble du continent, lesquels demandent au gouvernement provincial de Jujuy d’arrêter les violences policières et de laisser les opposants manifester, ce même gouvernement signe et persiste : le gouverneur cherche à prouver, en pleine campagne électorale, que le gouvernement national aurait payé certains opposants pour provoquer les rixes dans sa capitale.

"Enquête pour savoir si la majorité
a payé les agresseurs de la Législature de Jujuy",
dit le gros titre sur ces photos détaillées
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De son côté, le président Alberto Fernández a annoncé qu’il en référait à la justice pour faire annuler les deux articles contestés qu’il estime inconstitutionnels. Certains kirchneristes commencent même à réclamer que les pouvoirs publics nationaux interviennent dans la province, déposent le gouverneur et le remplacent jusqu’aux élections. Une solution extrémiste très improbable à ce stade du processus démocratique.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

L’article de une de La Nación n’est pas disponible sur le site du quotidien.

Les plus pauvres payent l’addition encore et toujours [Actu]

Infographie présentant la synthèse du rapport
de l'INDEC publié hier à Buenos Aires
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118 et 122 % d’augmentation des deux paniers, en bleu celui qui définit la pauvreté et en rose pour celui qui définit l’indigence, en mai 2023 (voir schéma ci-dessus), en valeur cumulée sur douze mois contre 114 % d’inflation moyenne nationale sur la même durée et pour le même mois, selon l’INDEC, l’institut national des statistiques en Argentine.

Il faut maintenant près de 100 000 pesos de revenus mensuels pour qu’une famille moyenne se situe au-dessus du seuil d’indigence.

Ce rapport mensuel est établi à partir d’un relevé de prix effectué à Buenos Aires et dans sa banlieue, la zone où la pauvreté se concentre.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

mercredi 21 juin 2023

A Jujuy, la réforme constitutionnelle met le feu à la rue [Actu]

"Jujuy en feu", dit le gros titre
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Depuis une dizaine d’années, la province de Jujuy est au pouvoir d’un gouverneur plutôt droitier et passablement provocateur, qui passe son temps à chercher querelle à la gauche péroniste qui en a bien entendu autant à son service.

"Jujuy approuve la Constitution malgré la violence séditieuse",
dit le gros titre
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Depuis plusieurs jours, les manifestations succèdent aux manifestations dans l’espoir de le faire reculer sur sa réforme constitutionnelle dont la gauche et certains organismes représentant les peuples premiers disent qu’elle va réduire la liberté de manifester et livrer à la vénalité capitaliste certaines terres que les Amérindiens considèrent comme ancestrales, voire sacrées.

"Des groupes violents ont tenté d'incendier la Législature de Jujuy",
dit le gros titre
En-dessous, les recherches policières ont abouti à
la découverte des restes d'une personne
dont on a tout lieu de penser que c'est la victime d'un féminicide
qui bouleverse l'Argentine et surtout la province de Chaco
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Deux articles soulèvent la colère de ces secteurs. Le premier oblige les organisateurs de manifestations de rue à se déclarer à l’avance auprès des pouvoirs publics pour que la police connaisse l’itinéraire empruntée et puisse le sécuriser tout en assurant la circulation dans le reste de la ville. Il interdit les barrages routiers (piquete), l’occupation des édifices publics et l’entrave au fonctionnement des services collectifs. Trois techniques traditionnelles en Argentine et auxquelles les organisations de gauche n’imaginent même pas pouvoir renoncer. Elles y voient un renoncement à leur liberté d’expression. Le second organise l’exploitation des gisements de lithium et devrait aboutir à la concession, voire à la vente de ces gisements à des grands groupes miniers internationaux dont nul n’ignore plus ce que, par pure vénalité, ils en font sur ce continent comme en Afrique : crimes d’écocide en pagaille à prévoir dans toute cette magnifique province andine.

Hier, la réforme a été adoptée et les élus ont prêté serment à la nouvelle constitution, malgré d’importants rassemblements dans la rue. Comme on peut s’en douter, chauffée à blanc par plusieurs jours de manifestation qui n’ont reçu pour toute réponse que l’éternel mépris du gouverneur et de sa majorité, la foule des mécontents s’est livrée à des actes de violence particulièrement spectaculaires. Dans la foulée de la prise du Congrès à Washington et de la place des Trois Pouvoirs à Brasilia, on a même craint ou feint de craindre que la Législature provinciale allait elle aussi y passer…

"Tentative d'incendier la Législature de Jujuy :
[la droite libérale] accuse le gouvernement [national]",
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La majorité actuelle affirme que des cars, afrétés par La Campora, l’organisation de la jeunesse kirchneriste, le bras armé de Cristina dirigé par son fils, Máximo Kirchner, ont déversé des flots de manifestants étrangers à la province. Ce qui n’est pas impossible – ils sont assez organisés pour ce genre de choses.

Hier, le centre-ville de San Salvador de Jujuy était donc sens dessus-dessous, alors que le reste du pays célébrait son drapeau et la mémoire du général Manuel Belgrano, un personnage très présent dans cette province puisque c’est dans cette capitale qu’il fit bénir pour la première fois le drapeau national qu’il avait créé pour le champ de bataille révolutionnaire quelques mois plus tôt, dans la pampa, sur les rives du Paraná.

On compte de nombreux blessés parmi les manifestants et il y a eu d'encore plus nombreuses arrestations. Le gouverneur Gerardo Morales a la main lourde en matière de répression. Il est largement connu pour cela dans le pays.

Selon l’appartenance idéologique de leurs rédactions, les journaux donnent des versions assez différentes de ces événements très inquiétants en plein cœur d’une année électorale.

© Denise Anne Clavilier


Pour en savoir plus :

lire l’article principal de El Tribuno (édition de Jujuy).

mardi 20 juin 2023

Fête du Drapeau… en musique [Coutumes]

Affiche de l'Instituto Nacional Belgraniano,
qui dépend du ministère de la Culture
L'illustration est un portrait de Belgrano réalisé à Londres en 1815
le peintre était un réfugié français qui avait fui le retour des Bourbons à Paris
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C’est jour férié aujourd’hui en Argentine : el Día de la Bandera se fête à l’anniversaire de la mort du général Manuel Belgrano (1770-1820), qui créa l’emblème national en février 1812 sur le front de Rosario, contre les absolutistes qui voulaient rétablir l’ordre colonial aboli le 25 mai 1810.

Une cérémonie officielle s’est tenue ce matin à 11h (heure locale) dans le patio de la basilique du Rosaire, l’église de la maison provinciale des dominicains, qui accueille le mausolée du héros depuis 1903 (et où il avait été enterré au lendemain de son décès, selon les coutumes locales).

Le même jour, le ministère de la Culture publie une nouvelle version d’une partie des chansons patriotiques que tous les Argentins apprennent à l’école : elles ont été enregistrées par différentes formations musicales nationales, orchestres et chœurs, et doivent être rendues disponibles avec téléchargement gratuit sur le site du ministère dans la journée…

Prochain férié national : le 9 juillet. Les Argentins fêteront alors l’anniversaire de la déclaration d’indépendance, en 1816, à Tucumán.

L'article est annoncé dans le petit titre violet
Le gros titre est dédoublé entre la manifestation
contre la disparition d'une jeune fille à Chaco
(de forts soupçons de féminicide pèse contre
une famille qui figure dans les petits papiers
du gouverneur péroniste
qui s'est pris dimanche une veste de première aux primaires)
et la visite de Blinken en Chine
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© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire l’article de La Prensa sur ces enregistrements à haute valeur symbolique (un article annoncé en une)
lire le communiqué officiel sur le portail du gouvernement national.

vendredi 16 juin 2023

Inflation de mai : on a connu pire mais il n’y a toujours pas de quoi pavoiser [Actu]

La photo relate une marche en hommage à
une nouvelle victime de féminicide dans la province de Chaco
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Synthèse du rapport sur l'inflation en mai
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Avec une moyenne générale nationale de 7,8 % en mai, l’inflation semble ralentir sa montée folle entamée il y a un an environ. Le mois précédent, l’inflation mensuelle avait atteint un taux de 8,4 %.

Même choix de la rédaction de La Nación :
inflation et féminicide
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En cumul sur douze mois, l’Argentine souffre donc maintenant d’un taux annuel supérieur à 114 % et ce chiffre ne cesse d’augmenter au fil des mois. Une catastrophe en tout temps mais particulièrement en année électorale où l’on peut craindre que une partie des électeurs perdent leur calme. Or le paysage politique est explosé mille morceaux : la division est dans tous les camps et dans aucune formation, on ne voit surgir de personnalité dont on puisse d’ores et déjà imaginer qu’elle pourrait être à la hauteur de la situation. Bref, il n’y a pas de présidentiable sérieux en vue.

Les variations du taux d'inflation dans le temps et l'espace
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En mai, la répartition des prix sur les différents postes de dépense montre que la nourriture est parmi les postes les plus sages et que tout ce qui touche à la maison (énergie, eau, loyer et prix à l’achat) mêle le bal avec un taux (en entrée d’hiver) de 11,9 % en moyenne nationale. Dans trois régions, ce poste accuse des augmentations dont on peut dire sans exagérer qu’elles sont démentielles : 30,8 à Buenos Aires et sa banlieue, 23,7 dans las pampas centrales et 26,8 dans le semi-désert de Cuyo (provinces de Mendoza, San Juan et San Luis), qui est pourtant le verger du pays.

Synthèse des variations régionales
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Heureusement, le prix de la viande semble ralentir, pour une fois, la monté des prix pour l’ensemble de la nourriture (hors alcool).

L’ensemble de ces niveaux rend difficile toute projection dans l’avenir pour la classe moyenne, sans parler de la quasi-moitié de la population qui vit au niveau du ou sous le seuil de pauvreté.

"Dis-moi avec qui tu es" dit le gros titre
avec ces deux alliances et ces deux logos
à gauche : le nouveau nom du camp péroniste
"Union pour la Patrie"
(en lieu et place de "Front de Tous")
Les péronistes ont choisi un champ lexical
qui renvoie à une tradition qui appartient maintenant au centre-droit
On n'y comprend plus rien
L'inflation fait l'objet d'un petit titre en haut à gauche
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Ces chiffres ont été publiés mercredi et ont fait la une des journaux nationaux hier, malgré l’actualité politique : Cristina Kirchner a fini par faire son choix et a dû laisser deux candidats se disputer l’honneur de représenter la gauche péroniste à l’élection présidentielle. Il s’agit de Wado de Petro, l’actuel ministre de l’Intérieur, dont on dit qu’il est son candidat, et de Daniel Scioli, l’ancien vice-président de Néstor Kirchner, ancien gouverneur de la province de Buenos Aires et actuel ambassadeur au Brésil, dont tout porte à croire qu’il est soutenu par le président Alberto Fernández, qui a renoncé à briguer un second mandat. Les urnes rendront leur verdict entre les deux à la fin du mois d’août, lors des primaires obligatoires pour tous les candidats et tous les partis, les PASO.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

mercredi 14 juin 2023

Procédure contre Cristina annulée en Cassation [Actu]

Le gros titre est réservé à une nouvelle attaque
d'une ministre très droitière de la Ville de Buenos Aires
contre des organisations populaires
L'affaire de Cristina se retrouve avec sa photo tout en haut
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Un autre dossier qui se clôt pour Cristina Kirchner, une affaire ouverte par un juge maintenant décédé et qui lui était très hostile : une affaire d’utilisation de l’avion présidentiel, lorsqu’elle était chef d’État, pour transporter des meubles et des objets de décoration de Buenos Aires à El Calafate, dans la province de Santa Cruz, en Patagonie, pour décorer l’hôtel de prestige que le couple Kirchner avait fait construire et que Cristina et leurs enfants ont continué d’exploiter après la mort de Néstor Kirchner, en 2010, dans ce haut-lieu du tourisme dans la région.

L'affaire de Cristina est traitée en bas, à gauche
En haut à droite, l'annonce d'une analyse politique
très favorable à Orban sous le titre :
"Néo-conservateurs - l'expérience réussie de la Hongrie"
Cela vous donne une indication de la couleur politique de ce journal
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La chambre de la Cour de Cassation compétente pour cette affaire qui relevait des juridictions pénales (abus de biens publics mis à disposition dans le cadre de l’exercice d’un mandat) vient d’annuler l’instruction du défunt magistrat parce que celui-ci aurait manqué d’impartialité (et en effet, il était connu pour son acharnement idéologique contre les péronistes).

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C’est la deuxième fois en peu de temps qu’une affaire judiciaire montée contre l’actuelle vice-présidente et candidate à rien cette année s’évapore par décision de justice.

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La nouvelle est traitée par tous les journaux avec plus ou moins d’insistance comme le montrent les unes de ce matin.


© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12, supporter de Cristina
lire l’article de La Prensa, rigoureusement hostile à la personne et à la ligne politique qu’elle représente
lire l’article de Clarín, tout aussi opposé sur le plan politique, qui évite d’en faire mention sur sa une, préférant laisser la place au casse-tête électoral dans la gauche péroniste pour trouver le candidat qui la représentera à l’élection présidentielle qui s’annonce
lire l’article de La Nación, l’autre quotidien qui n’en dit rien à la une (le quotidien a lui aussi préféré ne traiter que le casse-tête partisan : la campagne officielle s’ouvre dans deux semaines).