mercredi 31 octobre 2018

La Cour Suprême envoie Luis Chocobar devant ses juges [Actu]

L'affaire Chocobar est traitée en manchette en haut à droite
avec la photo choquante de Macri félicitant le policier après la mort du jeune délinquant
Le gros titre se rapporte aux prévisions du FMI concernant l'économie argentine
un PIB en chute de 6,3% et une inflation de 50%
là où le gouvernement annonce les taux de 1,7% et 32%

La justice avance peu à peu et difficilement. Après bien des gestes de soutien de la part de l'exécutif, Luis Chocobar devra répondre de ses actes et comparaîtra devant la cour pour homicide aggravé et abus de la force dans l'exercice de son devoir.
Le sous-officier de la police de la Province de Buenos Aires a tué, il y a un an, un délinquant armé qui s'enfuyait après avoir poignardé un touriste dans une partie (réputée très dangereuse pour les touristes) du quartier de La Boca, alors qu'il était en congés, tout en portant son arme de service, et qu'il se trouvait hors de son ressort territorial.

A l'unanimité, la Cour Suprême, réputée présidée par un juge très favorable à Mauricio Macri, a refusé le recours présenté par l'avocat de la défense contre les motifs avancés par la chambre d'accusation.

La victime du tir du policier allait sur ses 18 ans. L'affaire est donc du ressort de la justice des mineurs.

L'affaire Chocobar est traitée en manchette, en haut à gauche
tandis que la une se partage entre début du procès contre la corruption du système Kirchner
et les excuses du futur ministre brésilien de l'Economie
relatives à ses propos très peu diplomatiques d'avant-hier sur le Mercosur et l'Argentine
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Seul Clarín présente l'affaire sous un jour très nettement favorable au policier, comme si celui-ci avait fait usage de son arme en légitime défense et pour défendre le touriste, que les délinquants venaient d'abandonner au moment des faits incriminés. Les autres quotidiens prennent la mesure de l'abus de langage lorsqu'on évoque la légitime défense pour justifier un tir qui a atteint la victime dans le dos.

Cette décision de la Cour Suprême met en échec pour le moment la doctrine que la ministre de la Sécurité voulait mettre en place pour donner aux forces de l'ordre toute latitude pour faire feu, ce que Bolsonaro s'apprête à mettre en place au Brésil.

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12, hostile dès le début au soutien que le président et différents ministres ont apporté publiquement au policier inculpé, contre tous les principes de l'état de droit qui appliquent aux représentants des forces de l'ordre des règles très strictes en la matière
lire l'entrefilet de La Prensa, qui ne se prononce pas tout en traitant le sujet en manchette de sa une
lire l'article de La Nación, qui se contente de reproduire, en ligne seulement, la dépêche de Télam sur le sujet.

mardi 30 octobre 2018

Tombée de rideau sur Esquina Carlos Gardel [Actu]

Ce matin (ou plutôt hier soir), La Prensa était le seul quotidien argentin à se faire l'écho de la fermeture définitive d'un des plus célèbres cena-show de la capitale argentine, très fréquenté par les cars de touristes internationaux : la Esquina Carlos Gardel, installée dans les murs d'un ancien restaurant populaire, le Chanta Cuatro, où, après son travail de porte-faix aux halles toutes proches (el Abasto), le futur grand chanteur avait, dans les années 1910, l'habitude de manger un morceau gratuitement contre un petit récital à sa façon pour le public de forts des halles et de marchandes de poireaux qui fréquentaient l'endroit.

L'intérieur de la Esquina Carlos Gardel, tel que je l'ai vu en 2007
Luxe tapageur et bling-bling.

La Esquina Carlos Gardel se situe à quelques centaines de mètres de la dernière maison de l'artiste, aujourd'hui transformée en musée municipal (Museo Casa Carlos Gardel) et non loin de son domicile de l'époque.

Malgré la descente de police venue saisir tout le mobilier et le matériel de valeur qu'il y avait à saisir dans l'établissement après son dépôt de bilan, le site Internet continue à fonctionner comme si de rien n'était.

La Esquina Carlos Gardel avait été fondée il y a dix-sept ans par la danseuse Dolores de Amo (excellente) et son mari, Juan Fabbri, l'un des mandarins du tango à touristes dans la capitale argentine (il possède ou du moins possédait plusieurs établissements du même standing, qui servent aux touristes une nourriture chichiteuse et insipide et de prétentieux spectacles à paillettes sans rapport avec la réalité du tango de l'homme de la rue à des prix astronomiques). Le couple avait, dit La Prensa, spéculé sur la chute du peso et espérait que le change avantageux pour les détenteurs de devises fortes (dollar, euro, yen) allait attirer un flot de touristes pleins de sous (1). Ils tomberaient donc victimes de leur stratégie cynique autant que de l'effondrement économique général du pays. La Esquina Carlos Gardel était aussi un lieu où des artistes talentueux trouvaient du travail et des cachets confortables, qui leur permettaient ensuite et ailleurs de se consacrer à leur art véritable, beaucoup moins rémunérateur mais tellement plus authentique. L'établissement faisait aussi travailler du personnel de salle et de cuisine, des costumiers et des décorateurs, des machinistes, des techniciens du son et de la lumière et des fournisseurs.

L'homme d'affaires avait aussi lancé la chaîne de télévision Solo Tango, où des gens de qualité comme Nolo Correa et Gabriel Soria produisaient et animaient de remarquables émissions. Elle est passée maintenant en d'autres mains. Il y a environ cinq ans, il s'était associé à un businessman à la réputation sulfureuse pour divers projets à l'étranger, à Londres, à New York et à Chicago, mais là encore, il a bu la tasse. Un empire des plus ambigus est sans doute en train de s'effondrer. Il n'est pas dit que Juan Fabbri ne s'en relèvera pas !

Pour aller plus loin :



(1) En fait, la crise économique de l'Argentine n'a pas boosté le tourisme. Les touristes ne se sont pas précipité sur la destination. Il faut dire que le gouvernement s'y prend comme un manche pour la développer, quand il tâche de développer quoi que ce soit dans le secteur, et cette contre-productivité n'est pas le propre de cette majorité. La politique touristique était tout aussi inefficace sous les Kirchner.

A peine élu, Bolsonaro casse déjà tout [Actu]

"Avec le cœur regardant vers le nord"
la rédaction de Página/12 a choisi de citer le texte d'un tango de Eladía Blázquez
où elle regardait au sud, c'est-à-dire vers la patrie et vers les classes sociales modestes

Elu dimanche, Bolsonaro a annoncé dès hier que sa première visite à l'étranger, après sa prise de fonction le 1er janvier prochain, serait pour les Etats-Unis, puis Israël et le Chili. Les Etats-Unis pour son alter-ego, Donald Trump, aussi violent, raciste, sexiste, inculte et mal élevé que lui (et à peine plus subtil). Israël parce que Bibi Netanyahou n'est pas mal non plus dans son genre, violent, cynique, belliciste et traînant derrière lui une ribambelle de soupçons de corruption et de malversation. Enfin le Chili parce que les pinochettistes sont alliés à Sebastián Piñera pour former la nouvelle majorité. Ah ! ce bon vieux temps de la dictature militaire où l'on assassinait à plaisir les opposants, forcément communistes (1), après les avoir dûment torturés.

En haut : "Hommage à la démocratie", avec une cérémonie
que Macri a présidée dans le musée de la Casa Rosada
En bas : "Tournant le dos au Mercosur"
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Or la tradition diplomatique brésilienne veut que le premier voyage d'un nouveau mandataire soit pour l'Argentine, le pays voisin, le second de la région par son économie et son extension territoriale.

"Bolsonaro exclut l'Argentine de son premier voyage de président"
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A en croire la presse nationale, les Argentins, déjà assez mortifiés de n'avoir pas encore pu recevoir "leur" pape, se sentent humiliés par cette décision qui n'a pourtant rien de surprenant de la part de l'individu qui l'a prise. Ils sont d'autant plus humiliés que les deux pays sont les seuls Etats de la région à participer au G20, dont l'Argentine occupe cette année la présidence tournante. Et pourtant le président Macri et le ministre des Affaires étrangères Faurie n'ont hésité à transgresser leurs valeurs démocratiques d'abord pour conserver de bonnes relations avec le Brésil de Michel Temer et ensuite pour flatter son sulfureux futur successeur, Jorge Faurie n'hésitant même pas à taxer, de façon exagérément diplomatique, de "projet de centre-droit" le très malfaisant, très fumeux et passablement furibond programme de Bolsonaro... Et pour comble de malheur, ce premier incident diplomatique intervient alors que l'Argentine fête les 35 ans du retour du scrutin démocratique après les sept ans de suspension de la constitution par le coup d'Etat de 1976, ce vote libre qui allait porter Raúl Alfonsín à la Casa Rosada.

Pour en savoir plus :

Ajout du 31 août 2018 :
Claudio Guedes, le professeur d'université néolibéral qui occupera prochainement le poste de ministre de l'Economie de Bolsonaro, a pris conscience de l'impair diplomatique qu'il avait commis et a tenté de s'excuser tout en répétant que décidément, le Mercosur et l'Argentine ne sont pas dans le champ de ses préoccupations. Tous les journaux argentins ce matin se font l'écho de ce rétropédalage plus que maladroit.
lire l'article de Página/12
lire l'article de Clarín
lire l'un des deux articles de La Nación



(1) En fait, c'est une vue de l'esprit, un mantra de l'extrême-droite pro-impérialiste. Le communisme est presque inexistant dans l'éventail politique et idéologique d'Amérique du Sud. Même Fidel Castro n'était pas communiste. Il s'était juste déguisé en marxiste pour obtenir l'appui de l'URSS, indispensable pour neutraliser la puissance des Etats-Unis trop proches des côtes de son île.

lundi 29 octobre 2018

L'épopée de San Martín au salon La Plume et l'Epée, à Tours [ici]

Note du 5 décembre 2018 :
La manifestation a été annulée.
En cause : les débordements violents et imprévisibles des manifestations non déclarées en préfecture des "Gilets Jaunes" et des casseurs qui les accompagnent.
La ville de Tours a subi des dégâts samedi dernier.


Le samedi 8 décembre 2018, de 10h à 17h, je serai comme tous les ans depuis 2016 au salon du livre La Plume et l'Epée, le forum de la pensée militaire, qu'accueille l'hôtel de ville de Tours (37), 1-3 rue des Minimes.

Entrée libre et gratuite.


Dès le matin, je serai en dédicace pour mes ouvrages sur la culture argentine et principalement la biographie du général José de San Martín (1778-1850) et l'anthologie de documents historiques que je lui ai consacrée : San Martín, à rebours des conquistadors et San Martín par lui-même et par ses contemporains, tous les deux publiés par les Editions du Jasmin. Comme sur tous les salons, dégustation de maté (à l'argentine) (1) si vous le souhaitez... Je dédicacerai aussi Contes animaliers d'Argentine (à quelques jours de Noël, cela s'impose, non ?)

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Dans l'après-midi, à 15h30, je donnerai une conférence, ouverte à tous et en accès libre, à l'occasion du bicentenaire de la libération du Chili :

Le Passage des Andes et la campagne d'indépendance du Chili (1817-1818)
En janvier 1817, le général San Martín quitte l'Argentine et traverse les Andes à la tête de son armée, afin de libérer définitivement le Chili du joug colonial.
Mission accomplie le 5 avril 1818, avec la victoire éclatante de Maipú.
Bien oubliée en Europe, cette campagne est pourtant la plus prestigieuse et la plus spectaculaire de toute la guerre d'indépendance en Amérique du Sud.
A Paris, elle inspira à Géricault deux gravures, en 1818 et en 1819.

La conférence sera illustrée de documents historiques, de photos, de cartes et de vidéos des différentes reconstitutions commémoratives et historiques qui ont eu lieu ces dernières années. J'attends en particulier des documents produits par Esteban Ocampo pour compléter ceux de la télévision de San Juan et de l'armée chilienne.

Le théâtre de la bataille de Chacabuco, au nord de Santiago du Chili, le 12 février 1817
Une estampe de 1851
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Par ailleurs, le Souvenir Napoléonien sera également présent sur le salon pour la première fois. Je tiendrai aussi cet autre stand en compagnie d'un autre adhérent de cette société d'histoire napoléonienne, la plus importante association européenne sur cet ensemble complexe de sujets (histoire des deux empires, des Napoléonides et des événements et personnages historiques qui ont touché de près ou de loin l'un et l'autre règne).


L'épopée militaire fit beaucoup de bruit en Europe.
Au point qu'elle a inspiré à Théodore Géricault deux estampes :
l'une, publiée en 1818, évoque la victoire indépendantiste de Chacabuco (ci-dessus),
l'autre celle de Maipú (1819), où le peintre français inventa un paysage andin (fort européen)
Au centre, sabre au clair, son San Martín imaginaire !
Les deux estampes sont conservées au musée Condé à Chantilly,
dans la collection du duc d'Aumale

D'ici quelques jours, je vous donnerai des informations sur les autres salons du livre auxquels je vais bientôt participer, sur le stand des Editions du Jasmin, après une trop longue interruption due à de graves soucis d'ordre personnel.


Reconstitution du Bicentenaire de la Traversée des Andes
effectuée par les militaires argentins et chiliens
Photo service de communication de l'armée de terre chilienne
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Pour en savoir plus :



(1) Je le fais à partir de yerba mate que je rapporte moi-même d'Argentine.

La victoire de Bolsonaro vue du Río de la Plata [Actu]

Sur fond noir et en lettres aux couleurs du Brésil : "C'est la haine qui a gagné"

Aujourd'hui, les sites Internet de deux grands quotidiens, l'un argentin, l'autre uruguayen, Clarín et El País, présentent des anomalies à l'ouverture, El País se révèlent même tout simplement inaccessible. Malgré ce manque conséquent, on peut dire que globalement, la presse se montre préoccupée par le résultat de l'élection au Brésil voisin. La plupart des titres parlent franchement de victoire de l'extrême-droite (1). Et l'inquiétude est d'autant plus grande que le Brésil est l'un des moteurs économiques du continent, qu'il est membre du G20, comme l'Argentine qui en assure la présidence cette année, et qu'il est membre fondateur du Mercosur et de la presque désormais défunte Unasur (l'alliance de coopération politique dont le Chili, l'Argentine et le Brésil ont déjà annoncé qu'ils s'en retiraient).

"La tristesse n'est pas que brésilienne"

A Buenos Aires, La Prensa, vieux quotidien qui exprime le point de vue souvent rétrograde de l'oligarchie catholico-mercantile ancrée dans la tradition coloniale, semble garder deux fers au feu : sa une et l'un des éditoriaux, signé par Guillermo Belcore, manifeste une satisfaction certaine devant le nouveau panorama politique brésilien (il en est même indécent) tandis qu'en pages intérieures, un autre article s'inquiète pour la coopération économique internationale, puisque le futur ministre de l'Economie brésilien a déjà annoncé que le Mercosur n'était pas dans la liste de ses priorités ; or le Mercosur s'est révélé jusqu'à ce jour l'un des plus efficaces vecteurs du développement pour toute la région (2). Comme trop souvent, La Prensa adopte aujourd'hui une position très ambiguë sur la démocratie et l'état de droit (c'est le seul journal argentin qui avait soutenu récemment un groupuscule de catholiques pro-dictature qui a osé se rendre à Rome pour présenter au Saint Siège un dossier de contestation de la béatification d'un prélat assassiné par le dictature, sous prétexte que l'évêque de La Rioja n'aurait pas été martyr ni de la foi ni de la charité pastorale, comme argumente le décret de canonisation, mais de ses très vilains penchants politiques de gauche – ce groupe n'a pas obtenu gain de cause, la béatification sera célébrée en avril). A l'opposé, El Observador parle de l'arrivée du fascisme au pouvoir à Brasilia.

"Le triomphe incontestable de Bolsonario ouvre
une nouvelle ère pour le Brésil et le Mercosur"
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En Argentine, Página/12 proteste en une contre le désastre démocratique qui vient de s'abattre sur un Brésil dont les citoyens se sont beaucoup abstenus tandis qu'en Uruguay, c'est La República qui occupe ce créneau.

"Bolsonaro a triomphé de façon incontestable
et il a promis de «changer le destin du Brésil»"
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Les deux autres quotidiens accessibles en ligne ce matin, La Nación et El Observador, ne cachent pas leur inquiétude devant la victoire d'un histrion d'extrême-droite, hostile à la démocratie, favorable à l'instauration d'une dictature de la majorité exprimée, vulgaire, ignorant, incohérent et haineux. Peut-être la presse, de gauche comme de droite, tant en Argentine qu'en Uruguay, a-t-elle appris, durant ces dernières décennies, à apprécier la vie constitutionnelle qui s'acheminait lentement vers une pacification dans les pays sud-américains, en donnant une bonne image internationale, ce que l'élection de Bolsonaro aura vite fait de détruire alors que tout le continent bascule progressivement à droite.

"Virage à droite" : le gros titre est rédigé en portugais

Rappelons que l'Argentine est gouvernée à droite depuis trois ans et que l'Uruguay reste gouverné à gauche depuis plus de dix ans (et c'est la première fois de son histoire depuis l'indépendance en 1830).

A la une de Página/12 ce matin, cette vignette de Daniel Paz et Rudy
Lui : La victoire de Bolsonaro est un cauchemar
Elle : Pas sûr. Après un cauchemar, on se réveille.
Traduction © Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :
en Argentine
lire l'article de La Prensa sur les préoccupations quant au futur du Mercosur
lire l'article de Clarín (s'il s'ouvre)
En Uruguay :



(1) Il y a quelques jours, le ministre des Affaires étrangères argentin, Jorge Faurie, issu du sérail diplomatique et politiquement originaire du centre, parlait au sujet de Bolsonaro, alors candidat qualifié pour le second tour, d'une "proposition de centre-droit" opposée à une autre de gauche. Cette définition lénifiante (et inattendue de la part de son auteur) d'un candidat aussi sulfureux lui avait valu une volée de bois vert de la part de Página/12, dont la rédaction est effrayée de trouver dans la bouche d'un ministre du gouvernement national une telle tentative de légitimer des postures aussi grossièrement antidémocratiques.
(2) L'intégration économique à l'échelle continentale a toujours été un axe de développement local. Les premières tentatives dans ce domaine remontent au règne de Carlos III (1759-1788) qui, avec son Règlement du Libre Commerce de 1778, encouragea les échanges entre les différents vice-royaumes et capitaineries-générales des Indes Occidentales afin de désenclaver les villes et les régions qui constituaient l'empire colonial américain. Après les indépendances, cette intégration a été fortement combattue par les nouveaux Etats, tous plus chauvins les uns que les autres et en guerre fréquente entre eux. Ce grand chantier politique a été relancé il y a une quinzaine d'années par les dirigeants alors en poste, Néstor Kirchner en Argentine, Hugo Chávez au Venezuela et Lula au Brésil, avec le soutien du président uruguayen, revenu depuis quelques années aux affaires à Montevideo, Tabaré Vázquez, l'un des rares survivants d'une vague rose qui se meurt à présent.

lundi 22 octobre 2018

L'histoire de San Martín : un nouveau livre en souscription [Disques & Livres]

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L'historien Esteban Ocampo va publier en novembre un nouveau libre où il recense tous les événements intervenus dans la vie du général José de San Martín et l'existence du régiment des Grenadiers à cheval dans la phase de fondation (1812-1826) (1).

Esteban Ocampo, mes lecteurs assidus le connaissent déjà : j'ai partagé avec lui une émission de télévision l'année dernière à Buenos Aires, Por el Tango, du producteur et animateur Nolo Correa (2).

C'est un des rares historiens argentins (3) qui travaille à partir des sources. En général, les historiens sud-américains travaillent à partir de ce qu'ils appellent les sources secondaires, c'est-à-dire les ouvrages des historiens du dix-neuvième siècle et de leurs successeurs. C'est-à-dire que Esteban se donne la peine de faire de la recherche au sens plein du terme.

Esteban Ocampo pendant une reconstitution de la Traversée des Andes,
dans la province de San  Juan, l'année dernière
Le vent souffle ! Cela se voit : il est tout décoiffé !
Photo Escuadrón de Caballería Histórica

En février prochain, Esteban se lancera dans une nouvelle reconstitution de la Traversée des Andes dans des conditions aussi semblables aux conditions historiques qu'il est possible de le faire aujourd'hui. Ce sera sa cinquième traversée !

Son prochain ouvrage est d'ores et déjà en souscription en Argentine auprès de l'éditeur, El Húsar. Si vous vous trouvez en Argentine ou si vous y vivez, profitez-en. Les références mail sont inscrites sur le dépliant de promotion ci-dessus.

Esteban Ocampo est un authentique sanmartinien : il continue ses projets en dépit de la pénurie et de la crise qui semble être un obstacle à entreprendre. Il imite San Martín !
Seamos libres y lo demás no importa nada, José de San Martín, Mendoza, en 1819
(Soyons libre et le reste n'importe vraiment pas).

Pour aller plus loin :
retrouvez Esteban Ocampo sur son profil Facebook, Caballería Histórica.



(1) Le régiment a été dissous en 1826 par Bernardino Rivadavia, le premier président de la République Argentine, qui haïssait San Martín (pour des raisons qui restent assez obscures et vraisemblablement irrationnelles). Il a été reformé en 1903, lorsque le pays s'apprêtait à fêter le centenaire de la Révolution de mai, comme symbole d'unité nationale. Esteban Ocampo a servi sous cet uniforme pendant quatre ans, comme simple grenadier, au moment de la grande crise économique de Noël 2001, donc sous le régime de la démocratie constitutionnelle revenue en 1983.
(2) L'émission est disponible en vidéo sur ma page Facebook et sur mon site Internet.
(3) spécialisés en histoire événementielle.

Les mauvaises affaires de la Fête des Mères [Actu]


La chambre des entreprises moyennes argentines a fait paraître ses statistiques sur la consommation en ce lendemain de fête des Mères argentine : le chiffre d'affaires des magasins a baissé en moyenne sur l'ensemble du pays de 13,3% par rapport à la même date l'année dernière.

Une baisse considérable due à la dégringolade du peso argentin qui pèse très fort sur le pouvoir d'achat des consommateurs. Une baisse qui fait suite à d'autres baisses successives depuis l'arrivée au pouvoir de Mauricio Macri, qui a rompu brutalement avec les politiques de soutien de la demande qui caractérisaient les gouvernements Néstor puis Cristina Kichner au profit d'une politique de l'offre.

Les moyennes secteur par secteur selon la CAME
de haut en bas :
Informatique-portables et électronique / articles de sport et de loisir
Articles pour la maison / Gadgets / Electroménager et arts de la table
Bijouterie fantaisie / Chaussures et maroquinerie / Fleurs et plantes
Gastronomie et restauration / Accessoires et lingerie / Bijouterie et horlogerie
Librairie / Parfumerie et cosmétique / Salons de beauté et de coiffure
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Pourtant, comme tous les ans, les commerçants n'ont pas été avares en promotions et en rabais. Parmi les mesures commerciales adoptées cette année : -40% pour un payement en liquide (les commerçants argentins adorent être payés en liquide, cela leur permet de faire toute sorte de cachotteries aux services fiscaux et d'éviter les coûts de traitement monétique), des offres 2 pour le prix d'1 et des tickets-cadeaux pour des achats ultérieurs (qui auraient dû être d'autant plus appréciés que viennent bientôt les cadeaux non pas de Noël mais de l'Epiphanie. En Argentine, ce sont les rois mages qui garnissent le bas du sapin – car sapin il y a, même si Noël se fête au début de l'été).

Le montant d'achat moyen a été de 800 pesos, soit seulement 19,4% de plus que l'année dernière alors que l'inflation sera sans doute de 40% en 2018 (elle était de 7% rien que pour le mois de septembre). Les montants d'achat ont donc fortement baissé de date à date.

Pour aller plus loin :

dimanche 21 octobre 2018

Une lettre de San Martín rejoint les Archives nationales de la République Argentine [Actu]

La lettre objet de la donation apparaît sur la une de La Nación
(titre secondaire en bas au centre)
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Un descendant d'un cabildante de San Juan fait donation aux Archives nationales argentines d'une lettre manuscrite du général José de San Martín que sa famille conservait depuis près de deux cents ans. Il s'agit d'une missive que San Martín a adressée au Cabildo (hôtel de ville d'Ancien Régime) depuis Valparaíso, au Chili, à la veille du départ de son expédition libératrice du Pérou, qui prit la mer le 20 août 1820.

A cette époque, la ville de San Juan, sous-capitale provinciale de Cuyo alors, avait déjà versé dans la guerre civile qui ravageait l'Argentine depuis une bonne année. San Martín y avertit ses compatriotes des dangers auxquels ils s'exposent avec ce conflit fratricide, comme il le faisait dans tous les documents qu'il a écrits à ces dates-là. Il n'y a donc aucune révélation dans cette lettre même si La Nación en fait tout un fromage, tentant comme d'habitude de coller la leçon de morale politique de San Martín à la réalité contemporaine, avec les interprétations partisanes distordues qui caractérisent la lecture des documents historiques en Amérique du Sud.

Il s'agit d'un temps où les possédants (et un membre du Cabildo en était un) confondaient encore allègrement leurs archives privées et les archives publiques.

Il est donc dommage que ce propriétaire ait choisi de remettre ce document aux archives nationales et non pas aux archives de l'actuelle province de San Juan auxquels il n'aurait jamais dû échapper. Je profite donc de cet article pour saluer les archivistes et les agents publics qui m'y ont accueillies en août 2016 et qui y font un excellent travail de conservation et d'exploitation historique. Dans les règles de l'art.

Pour en savoir plus :
lire l'article de La Nación

Ajout du 23 octobre 2018 :
lire cet éditorial de La Nación où le journaliste en rajoute sur la sur-interprétation anachronique et moralisatrice de cette lettre vraiment très courte, alors qu'à la même époque San Martín a lancé un appel à l'unité des Argentins bien plus argumenté et développé qu'en général, les intellectuels argentins ne prennent pas la peine de découvrir.

Ajout du 24 octobre 2018 :
lire ce nouvel article de La Nación qui semble exploiter le filon pour des raisons commerciales (la brièveté du texte n'autorise pas de tels développements et les autres quotidiens nationaux continuent à ne rien dire sur cette donation).

Ajout du 8 novembre 2018 :
lire cet article de La Nación qui porte sur la donation effective et les conditions posées : que la lettre soit authentique, ce qui va donner lui à une expertise qui prendra, ce qui est normal, deux à trois mois. Il est très étonnant de constater à quel point cette question de l'authentification est rarement posée dans ces affaires-là et dès qu'il s'agit de San Martín ou de Belgrano. Enfin une démarche sérieuse, compatible avec le niveau d'exigence scientifique internationale.

mercredi 17 octobre 2018

Ma prochaine conférence tango : le 27 octobre à Albi [ici]

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Mon deuil récent m'a fait retarder au-delà de mes habitudes l'annonce de ma prochaine conférence que je donnerai le samedi 27 octobre à 18h15, à Albi, dans le cadre du festival annuel Arte Tango.

Ce sera à la MJC, 13 rue de la République.
Entrée libre et gratuite.

La conférence, intitulée Gardel y su después, le répertoire du tango chanté de 1917 jusqu'à nos jours, portera sur les textes et les poètes et insistera sur ce qui s'est développé après Carlos Gardel (1890-1935), puisque le répertoire du chanteur est quelque peu connu en France mais ce qu'il s'est passé ensuite l'est beaucoup moins.

En fait, la disparition de Gardel n'est pas un repère pertinent dans l'histoire du tango stricto sensu. S'il l'est pour nous, c'est parce que, n'étant pas argentins, nous ne sommes pas plongés dans cette réalité que le tango exprime, reflète et participe à construire. Pour les Argentins contemporains de Gardel et ceux d'aujourd'hui, le tango a tout simplement continué sa course grâce aux auteurs que le grand artiste avait découverts et suscités, comme Homero Manzi, Enrique Santos Discépolo ou Enrique Cadícamo. Puis d'autres sont venus comme José María Contursi et Homero Expósito et enfin Horacio Ferrer, qui a révolutionné le genre en 1967 avec María de Buenos Aires, le premier opéra-tango, une idée géniale et mégalomane de Piazzolla. De là surgit une nouvelle génération de poètes avec des gens comme Raimundo Rosales, Alejandro Swarczmann et le regretté Alorsa.

La conférence sera suivie d'une vente de mes ouvrages (voir la Colonne de Droite de ce blog) et d'une dédicace puis d'une dégustation d'empanadas argentines, ces chaussons fourrés à la viande [de bœuf] ou à d'autres délices (poisson, œufs, légumes ou purée de maïs).

Pour en savoir plus sur le programme du festival, ses concerts, ses milongas, ses cours et ses pratiques, consulter son site Internet et sa page Facebook.

Página/12 dénonce l'entrisme du privé dans l'école publique [Actu]

C'est le dessinateur Daniel Paz qui a fait la une
Dans la barque, le lobbyiste à l'Education publique :
"Tu sais quoi ? Eh bien, si je t'aide, tu n'apprendras jamais à nager"
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Hier, le journal de gauche Página/12 dénonçait l'introduction des enjeux du privé dans l'école publique, l'un des totems de la nation argentine depuis qu'elle a été rendue publique par la loi de 1883, promue par Domingo Sarmiento (1811-1888), l'un des intellectuels les plus brillants entre les hommes d'Etat que l'histoire du pays a suscités.

Ces intérêts privés sont portés par des fédérations-lobbies qui rassemblent de grandes entreprises qui tâchent de contrôler l'école pour faire de l'éducation une marchandise comme les autres ou mettre l'institution au service de l'économie plutôt que du savoir émancipateur qui construit des citoyens libres et responsables.

La rédaction a donc mis en vedette dans son édition d'hier une interview avec Adriana Puiggrós, une universitaire qui a étudié ce phénomène apparu après l'élection de Mauricio Macri à la présidence et qui vient de publier un livre sur le sujet.

Pour en savoir plus :
Sur un sujet connexe, le manque de ressources budgétaires de l'école publique :
lire cet article de Página/12 sur la solution trouvée par la province de Tierra del Fuego pour doter ses établissements scolaires de mobiliers dans un schéma de développement durable qui donne du travail aux locaux tout en respectant le milieu naturel (ce sont des artisans fueginos qui travaillent le bois produit sur place). Or cette province de l'extrême sud est particulièrement frappée par la crise économique nationale.

Les artistes bientôt interdits dans la rue ? [Actu]

Depuis plusieurs mois, un projet de loi du gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires suscite l'inquiétude des milieux artistiques, notamment des musiciens, dans la capitale argentine. Il s'agirait de pénaliser les musiciens de rue.

Le groupe de tango-rock dans la rue Defensa un dimanche d'août 2018

Pourtant, cette pratique de la musique est une invariante de la culture populaire de la ville depuis plusieurs siècles. Aujourd'hui, elle est usuelle tous les jours dans la rue Florida, une grande rue piétonne du centre-ville, sur les places du quartier de Palermo (Italia, Francia) et le dimanche, dans la rue Defensa et à la Feria de Mataderos Il est vrai aussi que la pratique a toujours paru détestable aux possédants et suscite parfois des plaintes de riverains mal embouchés.

A l'époque coloniale, c'était les esclaves noirs qui dansaient, jouaient et chantaient sur les parvis des églises le dimanche, avant et après la messe, qui gênaient les oreilles des commerçants bon teint qui habitaient le centre-ville. Lorsque le tango est apparu, dans les années 1880, ce sont ses petites formations de violons, de flûtes et de bandonéons qui déplaisaient au patronat local, d'autant plus que nombre de ces musiciens étaient des immigrés de fraîche date, des étrangers venus d'Italie, d'Espagne, de Grèce, de Syrie ou d'ailleurs, le contraire des immigrants que l'oligarchie aurait souhaité voir arriver dans le pays : des capitaines d'industrie allemands ou britanniques, des médecins, des architectes et des ingénieurs, qui n'ont jamais fait le voyage puisqu'ils ne manquaient ni de travail ni d'honneurs dans leur pays d'origine.

Le gouvernement actuel de Buenos Aires est de droite. Idéologiquement, il descend en droite ligne de cette élite économique qui, depuis l'époque coloniale, pense en fonction de son tiroir-caisse et de son compte en banque. Les révolutionnaires de 1810 eux-mêmes se fâchaient tout rouges devant les conceptions entièrement mercantiles de la culture, de la vie sociale et de l'éducation que formulait cette élite marchande qui avait pris la place conquise trois cents ans plus tôt par des conquistadors venus là uniquement dans le but de s'enrichir.

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 dans son édition d'hier.

vendredi 5 octobre 2018

Pas d'articles pendant quelques jours [ici]

Pour des raisons familiales très graves, je suspends pour quelques jours l'actualisation de ce blog.

Que mes fidèles lecteurs ne m'en tiennent pas rigueur.

jeudi 4 octobre 2018

María José Mentana à la Academia Nacional del Tango demain soir [à l'affiche]


La chanteuse María José Mentana se produira demain soir, vendredi 5 octobre 2018, à 19h30, dans le cycle de concerts du vendredi intitulé Maestros en Concierto, avenida de Mayo 833.

Participation aux frais : 250 $ ARG.

María José Mentana fait partie du corps des enseignants de l'académie : elle enseigne le chant et l'interprétation vocale.

Nolo Correa et Oscar De Elía demain soir au Celta Bar [à l'affiche]


Le chanteur Nolo Correa, qui est aussi producteur et animateur de radio et de télévision, partagera demain soir, vendredi 5 octobre 2018, à 21h, la scène du Celta Bar, Sarmiento 1702, avec le pianiste, compositeur et chef d'orchestre Oscar De Elía.

Ils ont choisi pour fil rouge de leur récital commun le thème de l'amour. Il y a de quoi faire dans le répertoire du tango !

Le spectacle se tiendra au sous-sol dans la salle Facundo Cabral, du nom d'un grand auteur-compositeur-interprète de folklore argentin récemment décédé de manière tragique.

L'établissement a rejoint il y a cinq ans la famille des Bares notables de la Ville de Buenos Aires.

Jacqueline Sigaut demain à Circe [à l'affiche]


La chanteuse Jacqueline Sigaut continue les récitals de présentation de son nouveau disque. Elle se produira demain, vendredi 5 octobre 2018, à 21h à Circe, avenida Córdoba 4335.

Droit au spectacle : 200 $ ARG

La chanteuse sera accompagnée par Juan Martínez à la guitare et Chino Molina au bandonéon.

Par ailleurs, Jacqueline a invité Noelia Moncada, une autre chanteuse, et le poète Raimundo Rosales (1).



(1) Raimundo Rosales est présent parmi les dix poètes et paroliers que j'ai réunis et traduits dans Deux cents ans après, le bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango, que j'ai publié en 2010 comme numéro spécial thématique de la revue Triages chez Tarabuste Editions.