mardi 30 septembre 2008

Buenos Aires se cherche un nouveau symbole [actu]

El Faro de Agua (le Phare d'eau), un projet de tour de 20 étages et de 100 m. dans lequel circulerait un flot d'eau perpétuel. Photo Clarin (30.09.08)


Depuis 1936, c’est-à-dire depuis le 400e anniversaire de la première fondation de la capitale argentine, qui en eut deux..., le symbole de Buenos Aires, c’est l’Obélisque, élevé sur l’emplacement de la Torre San Nicolás, là où fut hissé pour la première fois le drapeau national le 23 août 1812, pendant la Revolución, entendez la guerre d’indépendance entamée en 1810.

Dans le cadre des préparations de ce Bicentenaire du pays, la capitale veut se choisir un nouveau symbole, un monument dont l’ambition est d’accéder à une gloire universelle, à l’instar de Big Ben, de la Tour Eiffel, de la Statue de la Liberté ou de l’Opéra de Sydney, ce qui n’a pas été le sort de l’Obélisque, certes très connu hors des frontières, mais uniquement des gens qui s’intéressent déjà à l’Argentine et à sa capitale. En juin de cette année, un puissant promoteur immobilier a donc lancé, avec l’agrément de la Ville et de l’Etat fédéral, qui a tout de même son mot à dire (merci !) une opération pharaonique intitulée 2010 - una nueva postal para la Argentina (2010, une nouvelle carte postale pour l’Argentine).

Un concours international d’architecture a été ouvert le 10 juin par cette société immobilière, cotée en bourse, à Buenos Aires et à New-York, l’IRSA (Inversiones y Representaciones SA), à laquelle s’est jointe la Société Centrale des Architectes (SCA), association professionnelle sans but lucratif. Le ou les projet(s) retenu(s) sera ou seront réalisé(s), de manière conforme aux plans soumis au jury ou avec des adaptations dont l’IRSA aura toute la maîtrise, sur une zone immense située le long du Río de la Plata entre la Costanera Norte (une terre gagnée sur le fleuve par la technique des polders) et les abords du quartier populaire de La Boca. Cette zone couvre donc un petit bout de Palermo et l’intégralité de Puerto Madero, ce quartier en pleine transformation urbaine où les vieux docks désaffectés par le déclin de l’activité fluviale se métamorphosent depuis quelques années en une zone résidentielle, hôtelière et commerçante ultra-chère et ultra-chic où l’on vient d’inaugurer, en début d’année, un Monument au Tango, très touristique mais franchement pas à sa place dans ce décor qui est l’envers du port populeux où débarqua un jour de mars 1893, au Dique 1, Berthe Gardés, portant dans ses bras son fils de deux ans (1).

Puerto Madero touche le quartier de La Boca et lorsque vous passez de celle-ci à celui-là, le contraste est pour le moins violent !

Aujourd’hui, 30 septembre et jusqu’au 20 octobre, avec un mois de retard par rapport aux conditions prévues initialement par le concours (15 au 22 septembre), les 12 projets finalistes retenus par le jury sont exposés au Centre Commercial de l’Abasto (dans le centre de Buenos Aires).

Ce bâtiment majestueux, construit en 1934, a longtemps abrité la halle aux fruits et légumes de Buenos Aires, les grossistes au rez de chaussée et les détaillants à l’étage. Cet immense marché aux primeurs s’était installé là, dans cette esquina Corrientes y Agüero, vers 1893. Carlos Gardel tout enfant y a déchargé des cageots pour se faire quelques sous, Aníbal Troilo y a fait ses débuts de bandonéoniste, entre les étals des maraîchers, quand il avait une dizaine d’années... En 1994, quelques années après la cessation des activités du marché central, l’IRSA a acheté le bâtiment et en a fait l’un des nombreux centres commerciaux qui lui appartiennent. Le Centre Commercial de l’Abasto a ouvert ses portes en 1998. L’IRSA possède et gère également le célèbre Buenos Aires Design de la Recoleta et tous les centres commerciaux Alto dans la capitale et sa banlieue proche. Dans son portefeuille qui couvre tous les aspects de l’immobilier de prestige, des immeubles résidentiels et des immeubles de bureaux, notamment dans la City (le centre financier de Buenos Aires, avec ses gratte-ciels en verre et en acier). A elle aussi les murs de trois palaces, deux à Buenos Aires, l’Inter-Continental à Monserrat et le Libertador à Palermo, et le trosième dans la station de ski de San Carlos de Bariloche en Patagonie. A elle enfin différentes friches industrielles dont le Dique 4 (la Division 4) du Port de Buenos Aires.
Les habitants qui visitent l’exposition à l’Abasto sont invités à voter de manière très officielle : impossible d’accéder à l’isoloir sans avoir produit ses papiers d’identité. Dans l’isoloir, le vote est électronique.
L’exposition elle-même est organisée par l’IRSA qui prend aussi en charge la logistique de la consultation populaire (ce qui nous paraît surréaliste, à nous autres Européens) et affirme bien haut, par la voix de sa Responsable de Communication externe, sa volonté de faire participer la population au choix final.

Les résultats du scrutin devraient être connus fin octobre (le règlement officiel initial du concours prévoyait de clore le scrutin le 22 septembre et d’ouvrir les enveloppes le 30. Il est probable qu’eu égard à la formidable puissance économique de l’IRSA, le système de vote électronique a été adopté pour limiter les soupçons d’irrégularité qui auraient pu entacher un scrutin manuel avec urne et bulletins papier).

Le jury comptait parmi ses membres la Présidente de la République, Cristina Fernández de Kirchner, et le Chef du Gouvernement de la Ville de Buenos Aires, Mauricio Macri, qui représentent chacun des positions antagonistes sur l’échiquier politique argentin, ainsi que le président de l’IRSA (la moindre des choses !) et un représentant de la SCA.

(1) Carlos Gardel. Un autre chanteur arriva de la même manière deux ans plus tard, lui aussi dans les bras de sa mère, une autre fille-mère, venue de Sardaigne. C’était Ignacio Corsini.

Guitarras del Mundo 2008 [à l’affiche]


Au Centro Cultural de la Recoleta (photographié ci-contre en août 2007) débute ce soir, 30 septembre, à 20h, le 14ème Festival de guitares du Monde dans la salle Villa Villa.

Pendant tout le festival, l’entrée est libre et gratuite dans la limite des places disponibles (cela va de soi). Outre le centre culturel de la Recoleta qui accueillera la plupart des concerts, il y aura aussi 3 shows à la Biblioteca Nacional (calle Agüero).

Depuis 14 ans, l’événement rassemble dans la capitale argentine des interprètes de tous horizons, de tous âges, de tous styles, de tous pays. C’est une manière pour les guitaristes de se rencontrer, de confronter leurs expériences, leurs esthétiques, les pédagogies en vigueur.

Cette année, sont représentés outre l'Argentine, la France, la Turquie, Cuba, l'Uruguay, le Japon, l'Italie et le Paraguay. Côté tango, participent le Quinteto Ventarrón (inscrit aussi en floklore et en musique sud-américaine) et le duo Enrique Gule y Analía Rego. Le Grupo Montserrat participera au titre de la musique rioplatense et représentera les deux voisins, l'Argentine et l'Uruguay. Le jazz est aussi présent avec Diego Mizrahi (Argentine) et Serkan Yilmaz (Turquie), la musique classique aussi avec Roberto Aussel (franco-argentin), Victor Villadangos (argentin), le groupe Alter Ego (cubain), Masao Tanibe (japonais), Real Duo (italien) et le Cuarteto Estampas (argentins)...

Depuis la création de la manifestation, 700 musiciens ont tenu à participer et 36 pays ont été représentés, d’Amérique, d’Europe, d’Asie et d’Afrique. A noter l’absence étonnante de guitaristes australiens ou néo-zélandais...

Le festival Guitarras del Mundo édition 2008 prendra fin le 12 octobre, avec un méga-concert auquel participeront tous les musiciens inscrits, dans l'Auditorium Buenos Aires de Buenos Aires Design, un centre commercial et d'exposition et de congrès voisin du Centro Cultural de La Recoleta.

Casting pour le programme 2009 des Bares Notables [actu]

La programmation des 50 concerts officiels qui auront pour décor le réseau des Bars historiques de Buenos Aires, connus là-bas sous l’appellation de Bares Notables, sous la responsabilité de la Comisión de Protección y Promoción de Cafés, Bares, Billares y Confiterías Notables de la Ciudad de BsAs, dite CBN pour faire court, se déterminera sur appel à candidatures dont le déroulé est tout ce qu’il y a de plus sérieux.

Les musiciens intéressés devaient télécharger et imprimer les documents relatifs à l’organisation du concours et à son règlement sur le site Internet de la ville de Buenos Aires entre le 8 et le 19 septembre (aucun autre moyen de se les procurer : ça fait faire des économies d’encre et de papier à la ville et évite de distribuer inutilement des documents à des gens qui n’ont pas le profil recherché). Du 6 au 10 octobre, de 11h à 17h, les inscriptions proprement dites auront lieu à la Casa de la Cultura, avenida de Mayo 575, au bureau 309 (3ème étage), dans ce qui fut le siège social du quotidien La Prensa et qui est devenu le Ministère de la Culture de la Ville de Buenos Aires. Les candidats doivent se présenter en personne avec un dossier comportant les formulaires d’inscription renseignés, un CV, un CD d’au moins 6 titres exécutés par eux-mêmes, les éventuels articles de presse qui mentionnent leur travail, la photocopie d’un document d’identité et un justificatif de domicile, un numéro de téléphone et, dans toute la mesure du possible, une adresse email (99,99% des artistes à Buenos Aires possèdent une adresse email et même souvent deux, c’est plus prudent ! même quand ils n’ont pas d’ordinateur : les locutorios, c’est pas fait pour les chiens !)

Pour se présenter à ce casting, il faut être un musicien professionnel confirmé(ce n’est pas une mise à l’étrier de jeunes amateurs, même talentueux, on n’est pas à la Star Ac’), être majeur et n’avoir encore jamais été présenté dans le cadre de la programmation artistique organisée par la CBN. En fait, les artistes doués, dès lors qu’ils ont participé à ce programme, peuvent démarcher seuls avec un peu plus de facilité les bars historiques et obtenir, si leur talent le leur permet, de s’y produire dans le cadre des soirées ou matinées organisés par l’établissement lui-même qui a la maîtrise de sa propre saison. Tous les genres musicaux et toutes les formations, du duo au quintette, sont admis à concourir (le musicien solitaire ne peut toutefois donc pas se présenter). Le jury se prononcera sans faire acception de genre (autrement dit, il n’y a pas de politique de quotas réservés qui au tango, qui à la musique classique, qui au rock, qui au jazz...)

Le jury, de huit membres, est composé pour l’essentiel de personnalités ayant quelque autorité dans le monde de la musique. Ainsi en est-il du Maestro Juan Carlos Cuacci, co-directeur de la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires (aux côtés des Maestros Raúl Garello et Néstor Marconi) comme du Chango Farias Gómez (le Moufflet Farias Gómez), qui fut Directeur National de la Musique de 1989 à 1991 et est l’un des grands musiciens du folklore argentin, ce qu’on appelle aussi la música nativa et qui rassemble sous un même intitulé les différentes traditions musicales régionales de l’intérieur du pays. Sur son site, le cher homme brouille coquettement les cartes pour cacher son âge mais comme sa carrière a débuté en 1960, vous vous doutez bien que son surnom va finir un jour ou l’autre par être un brin usurpé... (1)

Cette année, c’est le 5ème concours ouvert pour cette programmation des bars historiques. Les 50 concerts proposés par les Bares Notables font partie de la Programación Cultural annuelle de la Ville, dont fait aussi partie le cycle Todas las Músicas. Pour connaître la liste des Bares Notables, vous pouvez cliquer sur ce lien.

(1) dans un spectacle parodique (Les conférences du professeur Rantanplan) que je n’ai pas pu voir en direct mais dont Walter Alegre m’a montré une vidéo, un soir, lors d’une soirée entre amis chez lui, le Centro Cultural de la Cooperación (Ciudad del Tango) s’était gentiment payé sa tête en habillant l’acteur censé jouer son rôle en culottes courtes, avec le micro tenu en main comme une sucette et une voix de pré-adolescent bêbête au timbre suraigu... L’ensemble de la fausse conférence, au ton pédant et au contenu savamment crétin, était à mourir de rire !

Dernier jour du concours Vivre à Buenos Aires [actu]

La couverture du numéro en cours de Todo es Historia (sur les Polonais en Argentine)

Vivir en Buenos Aires, tel est le titre du concours organisé par le Sous Secrétariat du Patrimoine Culturel au Ministère de la Culture du Gouvernement de la Ville de Buenos Aires (GCBA), la Commission de Sauvegarde du Patrimoine historico-culturel de la Ville et la revue Todo es Historia (tout est histoire) : pour participer, il fallait présenter, au siège de la revue, Viamonte 773, avant ce soir à 18h, un mémoire de recherche qui illustre les changements intervenus dans les modes de vie des habitants de la capitale.

Les travaux retenus mettront l'accent sur la vie sociale et familiale dans Buenos Aires en fonction des évolutions socio-urbanistiques que la Ville a connues, plus particulièrement depuis 1880, quand l’explosion démographique du raz-de-marée migratoire a provoqué une croissance anarchique de la ville, avec sa mosaïque de maisons particulières de plain-pied (les traditionnelles casas bajas), l’invention de la casa de chorizo (la maison avec demi-patio), les conventillos (ces immeubles où s’entassaient des familles et des migrants désargentés dans un décor rappelant nos immeubles squattés ou loués par des marchands de sommeil), l’arrivée, plus tard, des immeubles d’appartements, par exemple à Balvanera, mais aussi à Palermo et à la Recoleta, nettement plus chics, et ce phénomène de la fin du 20e siècle et du début du 21e que sont les villa miseria, ces bidonvilles de périphérie, qui existent à La Boca entre autres. Les candidats doivent montrer à travers leur mémoire comment les différents habitats induisent différents modes de vie en société et comment le modèle social d’une époque influence l’urbanisme de son époque.

Le jury, dont la décision est sans appel et ne pourra être révoquée, est composé d’un architecte, d’une professeur d’université et de Felix Luna, le Directeur de la revue Todo es Historia (c’est un spécialiste de l’histoire contemporaine argentine).

Le premier prix se monte à 1500 $ Arg, le second à 700, le troisième à 500 et il y a deux lots de consolation de 150 $ chacun. Les lauréats se verront décerner des diplômes d’honneur et les mémoires seront publiés par la revue Todo es Historia, en novembre 2008, dans le cadre de la Semana de Buenos Aires.

lundi 29 septembre 2008

María de Buenos Aires au Teatro Nacional Cervantes [à l’affiche]

Horacio Ferrer et Julia Zenko, Teatro Nacional Cervantes avril 2008


A l’occasion des 40 ans de sa création, le 8 mai 1968, dans la capitale argentine, le Teatro Nacional Cervantes reprend María de Buenos Aires, dans la version créée en avril de cette année. La operita María de Buenos Aires est la première oeuvre commune d’Astor Piazzolla et Horacio Ferrer. Elle figure en première place dans le Teatro Completo, María de Buenos Aires y otras obras, de Horacio Ferrer, el Duende, publié l’année dernière par la Editorial del Soñador. Bien qu’il se soit essayé à l’écriture dramatique avant 1967, le Maestro Ferrer considère que cet opera-tango est sa première oeuvre théâtrale. L’écriture de María fit immédiatement suite à la publication du son premier recueil poétique (Romancero Canyengue, réédité il y a peu aux Editions Continental, 1999, BsAs). Depuis plusieurs années, Astor Piazzolla rêvait de faire sur et pour Buenos Aires la comédie musicale que West Side Story était déjà pour New York. Et Horacio Ferrer savait fort bien qu’il caressait ce projet. Les deux hommes se connaissaient depuis 20 ans ! Au fur et à mesure que leur amitié avait grandi, notamment à partir de 1955, quand Horacio Ferrer organisa un concert de Piazzolla à Montevideo, dans les locaux de l’association qu’il présidait alors (déjà !), el Club de la Guardia Nueva, Piazzolla avait eu maintes fois l’occasion d’en parler avec et devant lui. Qui plus est, Ferrer tentait de convaincre Piazzolla de composer des tangos cantables. Jusqu’en 1967, à part une douzaine de morceaux avec des textes de Jorge Luis Borges - excusez du peu ! et créés -excusez du peu ! (bis), par Edmundo Rivero, le compositeur livrait presque exclusivement des pièces instrumentales.

Toujours est-il qu’emballé par la découverte du talent de poète de son ami uruguayen, talent qui lui était resté inconnu jusque là, Piazzolla, que Pichuco avait surnommé El Gato (le chat ou le petit-chose), lui passa commande d’un livret pour cet opera-tango qu’il appelait de ses voeux. Et comme Horacio Ferrer en rêvait sans doute tout autant que lui, il se mit au travail sur le champs et quelques temps plus tard, Piazzolla débarqua pour venir découvrir chez Horacio Ferrer, à Montevideo, le résultat. Chez lui, il trouva son ami dans ses petits souliers, bigrement inquiet de savoir ce que lui allait penser du projet (c’est Piazzolla qui raconte l’anecdote). Au moment de la création, celui déclara à la presse qu’il considérait qu’Horacio Ferrer (qui était uruguayen et pas encore bi-national à cette époque) avait déjà sa place parmi les classiques de la littérature portègne ! C’est vous dire s’il avait aimé cet argument délirant et fastueux, historique et irrationnel, où Horacio Ferrer s’est composé un rôle qui lui va comme un gant et qu’il a visiblement un immense plaisir à jouer encore et toujours (il suffit d’écouter le son de sa voix et de voir son regard quand il en parle), le rôle terriblement romantique du Duende, l’esprit du tango, en redingote, canne et chapeau melon, amoureux fou et chaste de María durant sa vie misérable et au-delà de sa mort, lorsque son ombre, cet esprit éthéré, symbolise la ville et sa féminité tout en érotisme contenu et tendu. C’est ce rôle qui lui vaut son surnom, el Duende, dont Astor Piazzolla s’est bien amusé à l’affubler et dont lui s’amuse beaucoup.

Ce rôle parlé qu’il va reprendre en ce mois d’octobre au Cervantes, avec cette diction tirée au cordeau qui le caractérise, y compris quand il bavarde avec vous...

Partagent la scène avec lui la chanteuse Julia Zenko dans le rôle-titre et le chanteur, qui est aussi parolier et compositeur, Guillermo Fernández dans le rôle du Cantor, le rôle masculin chanté. L’orchestre est placé sous la direction de Marcelo Lombardero. Les chanteurs Laura González y Marcelo Tommasi (le chanteur titulaire de la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires) (1) assureront les remplacements en cas d’indisponibilité de Julia Zenko ou de Guillermo Fernández.

En avril, la place coûtait 20 $ et 15 en tarif réduit le jeudi. Le prix peut varier pour cette reprise (inflation de 25% l’an oblige).

Discographie :
il existe une version de María de Buenos Aires avec Julia Zenko (María), Jairo (el Cantor), Horacio Ferrer (El Duende) sous la direction de Gidon Kremer (Teldec Classic, 1999),
une version enregistrée en public, en septembre 2003, au Centro Cultural Borges, avec Patricia Barone, José Angel Trelles (qui fut le dernier chanteur de Piazzolla) et Juan Vitali (avec aux percussions le petit-fils d'Astor, le musicuen de rock Daniel "Pipi" Piazzolla) éditée par la Fondation Astor Piazzolla et les Editions Milan Music,
une version flamenca enregistré en mars à Grenade et sortie en août avec María Rey-Joly, Enrique Moratalla et Horacio Ferrer avec Versus Ensamble (Naxos 2008) dont je vous ai parlé en août dans Chroniques de Buenos Aires,
et, last but not least, la version originale jouée (et dirigée) par Astor Piazzolla au bandonéon, avec Amelita Baltar, Héctor de Rosas et Horacio Ferrer, une version multi-rééditée par Trova.

María de Buenos Aires a également tourné au printemps en Europe, notamment en Italie, avec Patricia Barone dans le rôle-titre.

(1) A noter, en marge de María de Buenos Aires, que Marcelo Tomassi s’apprête à sortir pour le début de l’année 2009, un nouvel album qui s’intitulera Buenos Aires es tu fiesta et sera composé de morceaux écrits par le duo (la dupla, dit-on à Buenos Aires) Raúl Garello et Horacio Ferrer (donc des tangos,des valses et des milongas de première qualité et dont il existe -pour l’heure- que de rares enregistrements).

Nouvelle tournée européenne de Daniel Melingo [ici]

Daniel Melingo par Philippe Cabaret

Le chanteur, compositeur et multi-instrumentiste à la voix cabossée Daniel Melingo, qui se présente lui-même comme "un aventurier furieux, délirant et halluciné", était la semaine dernière (le 26 septembre) au festival Musikelle de Meaux, dans la Seine et Marne en Ile de France.
Il sera présent sous nos latitudes pendant tout le mois d’octobre.

Le 2 : au Linhart Hall de Ljubljana en Slovénie, à 20h15 (places de 18 à 9 €) dans le cadre du Festival Musci of the World

Le 5 : au Bee Flat, à Berne, en Suisse, à 20h30 (place 30 FCH)

Le 7 : à l’Espaço d’Orfeu, à Águeda au nord du Portugal, dans l’arrière-pays (place 3€), dans le cadre du Festival O Gesto Orelhudo

Le 10 : au Palac Akropolic de Prague en République Tchèque, à 19h30 (place : 385 Kč *~* 1€ = 24,4 couronnes tchèques au 29 sept. 08) (1)

Le 11 : à l’Alhambra à Paris, 10e arrondissement (place 28 €), dans le cadre du Festival JVC Jazz

Le 15 : à l’Epicerie Moderne, place René Lecot à Feyzin dans la banlieue de Lyon (Rhône) à 20h30 (places à 13 et 20€) dans le cadre du cycle Musique actuelle

Le 18 : au Da Roma à Anvers, en Belgique néerlandophone, à 20h30 (places à 16 et 14 €)

Le 20 : à Union Chapell à Londres, en Grande-Bretagne, à 20h (place à 17 £, 1£ = 1,24 €)

Le 21 : au Warwick Arts Centre, à Coventry, près de Londres, à 20h (place à 15,50 £)

Le 24 : au Théâtre Durance, à Château-Arnoux, dans les Alpes Maritimes, à 21h (place à 20 €)

Cette tournée permet à Melingo de présenter le répertoire de son dernier album Maldito Tango (ed. Mañana), lequel fait suite à Santa Milonga. La damnation après la béatitude...

Melingo est distribué en Europe, et particulièrement en France, par Naïve.
Il est présent sur Internet par son site par sa page My Space.
(1) La République Tchèque doit abandonner la couronne et passer à l'Euro en 2010.

Horacio Molina dans un cena-show... raisonnable [à l’affiche]

Horacio Molina est un chanteur de tango relativement bien connu en Europe où il est possible de trouver ses disques sans difficultés insurmontables... dans les grandes villes. Il est aussi membre de la Academia Nacional del Tango.

Il se produit tous les samedis d’octobre, à 21h, à la Biblioteca Café dans le quartier de la Recoleta (Marcel T. de Alvear 1155) au prix raisonnable de 100 $Arg (la plupart des cena-shows ne descendent pas en-dessous de 300 $).

Il rentre d’une tournée en Europe où il a partagé la scène avec la grande chanteuse de musique nativa (la musique régionale argentine) Mercedes Sosa. Si vous n’avez aucun de ses disques, vous pouvez découvrir sa manière de chanter sur son site internet.

Si sos brujo, le documentaire [Troesma]


Sortie mercredi 1er octobre du documentaire de la cinéaste américaine Caroline Neal, intitulé Si sos brujo Una historia del tango (Si tu es magicien Une histoire du tango), sur les grands écrans en France .

Caroline Neal, une passionnée de tango, nous raconte à travers ce film de 1h20 la naissance en 2000 de la Orquesta Escuela de Tango Emilio Balcarce, fondé par le compositeur et bandonéoniste Emilio Balcarce sur une idée du musicien Ignacio Varchausky (le contrebassiste et l'un des compositeurs du groupe El Arranque) que la réalisatrice avait rencontré en 1999 au Festival de Tango de Londres.

A l’articulation des deux siècles, il y a huit ans, il s’agissait, 17 ans après le retour de la démocratie en Argentine, de reconstruire une transmission inter-générationnelle entre les musiciens issus de la grande époque des années 40, ceux qui avaient été formés par les Pichuco, Pugliese, D’Arienzo, Di Sarli et la jeune génération d’instrumentistes et de nouveaux compositeurs qui, quelques années après la mort d’Astor Piazzolla, s’enthousiasmait pour le tango, en découvrant et en se réappropriant cette tradition profondément inscrite dans la culture et l’histoire de leur région, une transmission que la Dictature Militaire avait failli détruire complètement au profit d’une invasion musicale du pays par la grosse artillerie de l’industrie discographique des Etats-Unis.

Il faut savoir par exemple que dans les années 70 on a détruit, dans plusieurs grandes maisons de disques argentines, passées ou non aux mains de multinationales, les matrices des vieux disques des années 30 et 40 !!!! Aujourd’hui beaucoup de ces disques peuvent être réédités par remasterisation de vieux disques aux mains de certains collectionneurs.... Il en va de même des partitions dont les épreuves ont été passées au broyeur. La création par Horacio Ferrer et Gabriel Soria du Museo Mundial du Tango, la transformation en musée de la maison de Carlos Gardel dans la rue Jean Jaurés et la création de la OET sont trois démarches pour sauvegarder ce passé et cette tradition qui auraient été des chefs d’oeuvre en péril sans la persévérance des maestros que vous pourrez découvrir dans le documentaire de Caroline Neal.

Le documentaire a été tourné en Argentine, à Buenos Aires, en 2005.

Les artistes de tango qui interviennent dans le film sont :
Emilio Balcarce, qui s’est retiré de la direction de la OET à la fin 2007 (il a 90 ans maintenant), Ignacio Varchausky, Julián Plaza (le compositeur entre autres de Danzarin), feu Pepe Libertella, Leopoldo Federico, Ernesto Franco, Atilio Stampone (actuel président de la Sadaic), Néstor Marconi qui a pris la suite d’Emilio Balcarce à la tête de l’OET, Wynton Marsalis, Raúl Garello (fondateur et co-directeur de la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires), Víctor Lavallen, Mauricio Marcelli, Roberto Alvarez (un musicien de chez Pugliese, fondateur et directeur de Color Tango, un ensemble qui continue le style du Maestro disparu), Horacio Gomo, Ramiro Gallo (1er violon et prof de la OET), Pedro Pedroso et Eva Wolf.

Le film est sorti le 20 avril 2006 à Buenos Aires et fait déjà là-bas l’objet d’une distribution sous forme de DVD. DVD dont le site Musicargentina (de Paris) a suspendu la diffusion pendant l’exploitation en salle en France.

Ce film est un excellent complément à l’autre documentaire, sorti sur les écrans le 10 septembre dernier, Café de los Maestros et vice versa...

samedi 27 septembre 2008

Pablo Grinjot au CAFF [à l'affiche]

Pablo Grinjot est un chanteur-compositeur-interprète (on dit cantautor à Buenos Aires) qui s'accompagne à la guitare et se produit à la tête de l'orchestre Ludwig Van, un ensemble de cordes, piano et percussion, dont il est le chanteur et le compositeur principal.

Le groupe se produit ce soir, 27 septembre, au Club Atlético Fernández Fierro, la salle de la Orquesta Típica Fernández Fierro, calle Sánchez de Bustamante au numéro 764 (ce qui correspond au quartier qu'on appelle l'Abasto, le quartier de Gardel et de Pichuco).

Ouverture des portes du Club à 21h (on peut venir dîner avant le spectacle) et concert à 22h. Entrée à 20$ à une table, à 15$ pour une simple chaise.

Au-delà du concert de ce soir, Pablo Grinjot et la Ludwig Van seront :

à La Plata le 5 octobre à 21h30, dans la salle Ciudad Vieja (entrée 15$),
à Buenos Aires à nouveau, le 17 octobre, à 21h30, à El Nacional, une salle de San Telmo (esquina Estados Unidos y Balcarce), entrée 15$,
à Buenos Aires, le 7 décembre, à 21 h 30, à No Avestruz (traduisez : les autruches ne sont pas admises dans l'établissement) à Palermo (Humboldt 1857), entrée 15$.

Pablo Grinjot est un de ces trentenaires qui font doucement leur trou dans le monde très peuplé de la musique et du spectacle vivant à Buenos Aires. Il a fait ses études (direction orchestrale et chorale) à l'Université Catholique Argentine, la puissante UCA, installée aujourd'hui sur les quais du Río de la Plata, à Puerto Madero. Il est aussi violoniste et pianiste, encore qu'il ne joue que très rarement de cet instrument en public. Il a déjà sorti deux disques, Pablo Grinjot, en 2003, et Canciones para Criolla y Ensamble, en 2007. Il s'est aussi produit avec Melingo, avec le Alvy Singer Big Bang et d'autres, dans des registres qui ne se limitent pas au monde du tango.

Vous pouvez le découvrir sur le site de la Ludwig Van et sur My Space, il y présente 6 de ses morceaux originaux et vous pouvez même l'y voir sur une vidéo chanter en s'accompagnant au piano...

De son côté, la OTFF réinvestira ses propres locaux dès mercredi avec son cycle régulier de concerts tous les mercredis soir et un samedi soir sur deux, aux mêmes heures et aux mêmes tarifs.

El día de Almagro [actu]

Carte du quartier d'Almagro sur le site de la Ville de Buenos Aires
Le 28 septembre, c’est la fête du quartier d’Almagro parce que c’est à cette date-là, en 1839, que Julián (d’autres sources l’appellent Juan) de Almagro y de la Torre a acquis la partie nord d’une immense propriété terrienne qui appartenait alors à un certain Carlos dos Santos Valente. L’Argentine sortait alors et des guerres d’indépendance (la Revolución) et des guerres civiles qui l’avait suivie et Juan Manuel de Rosas régnait en dictateur consommé sur Buenos Aires et sa région depuis 1834. Ce Julián ou Juan de Almagro y de la Torre était un puissant personnage puisqu’il avait été, du temps de l’Empire colonial, ministre d'un Vice-Roi du Río de la Plata, le Marquis de Loreto, qui occupa ces hautes fonctions de 1784 à 1786.

L’immense propriété fut très vite connue comme "la Quinta de Almagro" et ce nom resta attaché au lieu. Le maître de céans et sa famille vécurent quelques années dans ce domaine, dans un manoir situé à peu près là où aujourd’hui se croisent les avenues Rivadavia et Medrano et où se trouve donc la célèbre Confitería Las Violetas, qui fait partie du réseau des Bares Notables, les grands cafés historiques de la ville.

Dès 1857, peu de temps après la chute de Rosas (3 février 1852), aux environs de cette esquina, on construisit l’une des premières gares de Buenos Aires, aujourd’hui disparue, la estación Almagro. Plus tard, la esquina devint un arrêt majeur de tramway, la célèbre ligne Lacroze, qui parcourait la ville d’est en ouest, depuis le cimetière de la Chacarita (créé en 1871 pendant l’épouvantable épidémie de fièvre jaune) jusqu’à Plaza de Mayo, le long de l’actuelle Avenida Rivadavia. La construction des parcelles dessinées dans ce vaste ensemble date des années 1870.

Le quartier d’Almagro est connu dans le répertoire du tango pour un très beau morceau, qui porte ce nom, Almagro, composé par Vicente San Lorenzo (nom de plume d’un musicien espagnol). Il est aussi connu pour son club, el San Lorenzo, dont les couleurs sont bleu et grenat et dont l’équipe de foot (professionnelle, s’il vous plaît) a été plusieurs fois championne d’Argentine. Au début de cette année, Osvaldo Requena a sorti un disque pour marquer le centenaire de la fondation de ce club de quartier (Milonga del Centenario, j’en ai parlé dans un article de juillet : vous y trouverez Almagro et plusieurs versions de Boedo, le tango du quartier limitrophe au sud-est). Et j’ai eu déjà l’occasion de vous parler un petit peu d’Almagro aussi dans Chroniques de Buenos Aires, où je vous ai notamment entretenus de la basilique María Auxiliadora y San Carlos (construite en 1901) qui a reçu tout à la fois Carlos Gardel et le premier bienheureux argentin post-indépendance, le jeune Ceferino Namuncurá, qui y fit sa première communion.

Et le lendemain, c’est la fête du quartier Parque Chas, à l’autre bout de la ville !!!!!

La Chicana au CC Torquato Tasso [à l’affiche]


Vendredi et samedi soir, les 19 et 20 puis 26 et 27 septembre, le groupe de tango La Chicana se produit au Centro Cultural Torquato Tasso dans le quartier de San Telmo. Le show commence à 22h, l’entrée est à 40$.

La Chicana (inutile de traduire, c’est la même chose en français à une voyelle près) est un groupe animé par la chanteuse Dolores Solá (dite Lola Solá) et l’auteur-compositeur-interprète et guitariste Acho Estol. Le quotidien portègne Página/12 dit du groupe qu’il est "heureusement inclassifiable" (felizmente inclasifiable). Dont acte. La première collaboration entre la chanteuse et le guitariste remonte à 1990, quand lui était son arrangeur à elle et l’accompagnait dans ses tours de chants. Depuis ils se sont mariés, ils ont eu des chiens (et pas d’enfants, "faut s’en occuper, c’est compliqué. Un chien au moins, ça a l’élégance d’être indépendant" balance délicatement Acho Estol dans l’interview qui concluait ce vendredi l’article que leur consacrait Página/12, édition du 26 septembre). Chacun d’eux développe aussi une carrière de soliste, indépendamment de l’autre.

Avec d’autres musiciens d’une dizaine d’années leurs cadets, ils ont tous les deux fondé en 1995 un ensemble atypique (bandonéon, percussion, guitare basse, violon et guitare), qui joue volontiers sur le registre de la provoc gothique. Dans leur répertoire, se côtoient à part égale les grands classiques revus et corrigés par leurs arrangements tout à la fois orthodoxes (et très respectueux de la tradition et des auteurs) et un brin punks (gothiques, quoi !) et des compositions originales assez décoiffantes, dont l’essentiel (texte et musique) est d’Acho Estol.

Si vous aimez les frissons, dans l’un de leurs derniers disques, vous adorerez Frankenstein, un tango hors norme, dont la musique est d’Acho Estol et la letra (un poème en fait) de Luis Alposta et vous pouvez vous offrir votre dose de frayeurs en cliquant tout de suite sur le titre pour voir ce que ça donne sur leur site. Ils y offrent quelques clips à regarder et quelques extraits de morceaux à écouter, ça vaut le coup. Entrez en cliquant sous la gueule du clébard (1), là où ils vous laissent le choix entre "Ingresar" et "English version". Sur le disque qui apparaît alors (celui qui figure en haut de cet article), vous cliquez sur la vignette médiévale barrée par le bord du couvre-chef du chef, à 3h15.

En admirant ce superbe disque frappé en son centre des armes de Buenos Aires, vous aurez remarqué qu’ils sont punks, gothiques, pas sortables, mais en couleurs et quelles couleurs !

La Chicana a déjà à son actif plusieurs disques, dont trois sont disponibles (ils en ont en fait enregistré cinq ensemble). L’un d’entre eux est relativement facile à trouver en Europe, il s’intitule Tango Agazapado (Tango à l’affût), précisément celui qui présente le fameux Frankenstein dont je vous traduis ci-après le premier couplet (avec l’autorisation de Luis, dont je sais bénéficier par avance de toute l’indulgence...).

Entre el horror y el espanto
hago de mi grito un canto
mi drama es no tener madre
y ser engendro (2) de un padre
que ahora reniega (3) de mi.

Frankenstein, Luis Alposta

Entre l’horreur et l’épouvante
Je fais de mon cri un chant
C’est mon drame que ne pas avoir de mère
Et d’être le monstre d’un père
Qui maintenant me donne des noms d’oiseau.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Le 4 octobre, La Chicana, qui était au mois de mai en tournée en Europe, se produira à La Plata, la capitale de la Province de Buenos Aires, au Tango Criollo Club, à 22h (25 $ l’entrée).

(1) clébard, clebs, cador : perro en argot parisino.
(2) engendro : c’est à la fois le fétus, le nouveau-né mal formé, aux proportions anormales, et toute personne très laide. Et dans le genre, Frankenstein est assez réussi...
(3) renegar : renier mais aussi en langage quotidien insulter, "habiller pour l’hiver"

Vamos Tango sur Radio Belgrano [radio]


Vamos Tango est une émission conçue et produite par le chanteur et compositeur Mony Lopez. Originellement émission télévisée, le concept se démultiplie sur différents media. Tous les jeudis, on peut donc l’écouter désormais en direct, même quand on vit en Europe, donc "à mille miles de toute terre tanguera". Il suffit de se connecter au streaming du site internet de Radio General Belgrano, une station patchwork qui diffuse tout un chapelet d’émissions dont plusieurs sont consacrées à notre cher tango, sur des créneaux horaires très variés.

Vamos Tango, c’est de 8h à 10h du matin, donc en journée pour l’Europe francophone (l’heure de Paris, dite CET, à laquelle vivent la France, la Belgique, la Suisse, le Luxembourg, l’Espagne, l’Italie etc... est de 5 heures en avance sur celle du Río de la Plata en été septentrional, de 3 en hiver).

Sur Radio General Belgrano, l’émission est co-animée par Mony Lopez et la chanteuse Yasmin Ventura. C’est elle qui m’a envoyé l’affiche ci-dessus.

Bonne écoute à tous ceux qui pourront en bénéficier.

(Attention : ne pas confondre Radio General Belgrano avec Radio Belgrano, sans doute plus connue mais qui n’a rien à voir avec sa quasi-homonyme. Et de toute manière, ce n’est pas la même longueur d’onde et c’est noté sur les deux sites qui affichent chacun sa fréquence AM. Ceci dit, Radio Belgrano, c’est intéressant aussi...)

Au menu des enfants à l'école [actu]

Il y a des symboles politiques qui se digèrent mal. Ne voilà-t-il pas que le Ministre de l’Education du gouvernement de la ville autonome de Buenos Aires, qui est dans l’opposition au gouvernement fédéral, les premiers étant des libéraux, les seconds des péronistes et alliés de gauche, a décidé de remplacer, dans les menus des cantines scolaires, le bon vieux steak si typiquement national par un brouet de blé et de soja, sans doute pour soutenir le secteur agraire, en lutte ouverte contre le gouvernement sur la question des exportations de soja, dont l’Argentine est le premier exportateur au monde.

Une rente de situation pour le puissant secteur agraire, prétend le Gouvernement, qui veut donc taxer ces ventes hors des frontières selon un barème indexé sur le cours mondial du soja.
Un investissement intelligent et le fruit d’un travail honnête, rétorque les producteurs qui tiennent la dragée haute au Ministre autour d'une table de négociation sans fin depuis la mi-juillet.

Or la gamelle de blé et de soja, les gamins ne veulent même pas y toucher. En voyant arriver ça dans leurs assiettes, ils ont tous émis des beurks qui ont fait le tour de la ville et refusé d’avaler la moindre bouchée de la mixture. Aller faire ouvrir la bouche à une marmaille de 5, 6, 7, 10 ans qui a décidé que "c’était pas bon" ! Résultat, les enfants ont le ventre vide... L’affaire fait d’autant plus scandale qu’à Buenos Aires, les cantines scolaires sont principalement fréquentées par les enfants de familles peu fortunées, pour lesquelles ce repas pris à l’école représente une aide considérable et l'assurance d’une nourriture qui couvre à peu près les besoins physiologiques du gamin et le soir, on fait des pâtes et des pommes de terre.
Dès que la famille en a les moyens, la plupart des repas se prennent à la maison, parents et enfants ensemble, même à midi...

Ainsi donc, au nom des parents d’élèves scandalisés, un élu de l’Assemblée législative de la Ville (on dit là-bas un legislador) a tout simplement porté plainte en justice contre le Ministère de l’éducation portègne pour obtenir que la viande soit réinscrite au menu des réfectoires scolaires. Et c’est parti pour une bataille d’experts entre nutritionnistes, pour ou contre l’intégration des fibres et des oligo-éléments contenus dans ce brouet spartiato-argentin dans la diète des enfants pour leur apporter tous les nutriments que réclame une saine croissance...

Dans un discours récent où elle cherchait à ridiculiser les protestations du secteur agraire, la Présidente Cristina de Kirchner avait eu un mot qui avait ému ses partisans et fait enrager les autres : elle avait proclamé que la production de soja était superflue au pays puisque "nous les Argentins, nous ne mangeons pas de soja". Eh bien, ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd ! Même les gamins sont d’accord avec Cristina...

A la pizzeria Tio Felipe, le 29 août dernier, lorsque j’avais réuni pour le banquet final une bonne partie de mes amis, Alorsa avait eu la gentillesse de chanter pour moi une chanson de sa composition, La pesadilla (le cauchemar). Et il en avait adapté sa conclusion à l’actualité.
Au lieu de chanter comme il le fait toujours depuis 2002 :

soñé que en el país de la vaca, estaba muy caro el kilo de carne

je l’ai distinctement entendu dire :

soñe que en el país de la soja, estaba muy caro el kilo de carne

J’ai rêvé qu’au pays du boeuf/soja, le kilo de viande se vendait très cher

¡Que pesadilla, Mamá, no me dejes solo!...
Quel cauchemar Maman, ne me laisse pas tout seul...
(Traduction Denise Anne Clavilier)

mardi 23 septembre 2008

Mony Lopez et Yasmin Ventura au Bar Quintino [à l’affiche]


Le chanteur et compositeur Mony Lopez, la chanteuse Yasmin Ventura et toute l’équipe de l'émission Vamos Tango seront au Bar Quintino ce vendredi 26 septembre, à l’angle entre les rues Carlos Calvo et Quintino Bocayuva, dans le quartier de Almagro.

Vamos Tango est une émission de télévision, diffusée le mercredi à 21h30, par Argentinísima Satelital et Canal 5 Telecreativa. L’émission est aussi relayée par plus de 400 canaux sur toute l’Argentine. Conçue par Mony Lopez qui l’anime, elle présente toutes les semaines des chanteurs, des musiciens et des danseurs.

Mony Lopez est un chanteur-compositeur qui a derrière lui une ample discographie. Il est originaire du Gran Buenos Aires (la petite et grande ceinture de la capitale argentine) et reste attaché à la banlieue sud, la banlieue ouvrière, populaire. Il a composé plusieurs tangos en commun avec le poète Alejandro Szwarcman, dont j’ai déjà eu l’occasion de vous entretenir dans ce blog. Mony Lopez a un site internet sur lequel vous pouvez d’ores et déjà découvrir sa voix et sa musique. Il y propose, dans une interprétation sobre, quelques grands classiques comme Fangal, Percal, Nostalgias, Afiches, Ninguna et des morceaux plus contemporains comme Pompeya no olvida ou Romance del aeropuerto.

Yasmin Ventura est une chanteuse brésilienne de Buenos Aires qui s’adonne à beaucoup de genres différents : la musique populaire brésilienne, le tango, le jazz, les musiques italiennes, espagnoles et portugaises, la musique juive aussi. Elle a représenté le Brésil au 3e Sommet mondial du tango à Montevideo il y a plusieurs années. Elle a chanté aux Etats Unis avec un orchestre de ce pays. Elle s’est produite en Argentine sous les auspices de la Fondación Astor Piazzolla (fondée par la veuve du compositeur)... La plupart de ses disques ont été édités au Brésil et quelques uns l’ont été aux Etats-Unis. Elle a donc un profil pour le moins atypique dans l’univers du tango argentin. Elle aussi a son propre site où vous pourrez l’écouter chanter du tango et plein d’autres choses bien sûr (cliquez sur le mot Discografía). En écoute, il y a sa version de Balada para un loco (Piazzolla-Ferrer), bon test pour juger d’un artiste (il ne faut imiter ni Amelita Baltar ni Roberto Goyeneche mais ne pas non plus chercher à toute force à se distinguer d'eux. Le dosage n’est pas facile à trouver).

lundi 22 septembre 2008

¡Viva el Tango! [à l’affiche]


¡Viva el Tango! C’est le nom du festival qu’organise au début du printemps, au mois d’octobre, qui est le mois du tango en Uruguay, l’association montevidéenne Joventango.

C’en sera la 21e édition, une tous les ans sans discontinuer depuis 1987.
Il s’agit d’un festival international auquel participeront beaucoup de voisins argentins (on s’en doute) mais aussi des groupes, des artistes, des écoles, des spectateurs de tout le continent et même d’ailleurs. Le festival se déroulera du 10 au 19 octobre 2008, dans Montevideo et plusieurs autres villes d’Uruguay et une cérémonie solennelle saluera le début du festival dès le vendredi 3 octobre, à 11heures du matin, à l’Amphithéâtre Artigas du Ministère des Affaires étrangères en présence de représentants du Gouvernement uruguayen et du bureau de Joventango au grand complet.

Le Festival est appuyé par de nombreuses institutions officielles, comme les ministères de l’Education, de la Culture, du Tourisme, des Affaires étrangères, l’Ambassade d’Argentine, la Municipalité de Montevideo et plusieurs sponsors commerciaux.

Le siège de Joventango sera mis à contribution le dimanche 12 octobre, puisqu’il accueillera une rencontre de professeurs de tango le matin à 11h, suivie d’une table-ronde à 14h. Du 13 au 17 octobre, il y aura tous les jours une pratique libre de tango-baile, à 16h30 à laquelle succèderont de 17h30 à 21h différents stages animés par les professeurs de l’association.

Les spectacles organisés par Joventango se répartiront sur trois points de la capitale uruguayenne, les salles Goitiño et Zitarrosa et le Teatro Solis. Un grand bal de gala aura lieu le 18 octobre.

Parmi les artistes invités, la Orquesta Matos Rodríguez, importante formation orientale (1), du nom d’un célèbre compositeur uruguayen... l’auteur de la partition de La Cumparsita vers 1913. La Orquesta Sans Souci viendra d’Argentine, tout comme le sextuor féminin China Cruel et la chanteuse Marisa Vázquez. Du Brésil, du nord, on attend le groupe De puro guapo. Un grand hommage à Francisco Canaro, né en Uruguay en 1888 puis émigré en Argentine dont il finit pas prendre la nationalité, aura lieu au teatro Maccio de San José...

Joventango a été fondé en 1977 par quatre étudiants en droit, déterminés à monter et émettre leur propre programme de radio sur le tango et qui ont fini avec le temps par constituer autour d’eux un petit groupe de passionnés très actifs. Aujourd’hui Joventango, c’est un salón de baile avec deux milongas régulières le vendredi et le dimanche soir (à des heures beaucoup moins tardives qu’à Buenos Aires, 21h30 le vendredi et 20h le dimanche), c’est une école de tango qui fonctionne tout au long de l’année avec 17 professeurs (dont 16 enseignent en couples), 13 cours par semaine sur trois niveaux techniques, un petit site fonctionnel et sans prétention, un festival à dimension internationale au printemps et c’est l’une des entités fondatrices de la Fédération uruguayenne du Tango (Futango). Le tout avec un bureau de 5 personnes en tout et pour tout, présidé depuis 2006 par Juan Pedro Rubinstein.

(1) oriental, sur les rives du Río de la Plata, ça veut dire uruguayen. Parce que l’Uruguay est situé sur les rives est du Río de la Plata et surtout d’une des deux grandes rivières qui s’y jettent, l’Uruguay, qui sert de frontière avec l’Argentine.

dimanche 21 septembre 2008

Alorsa, China Cruel et Marisa Vázquez sur Fractura Expuesta [à l'affiche]

Je vous ai déjà présenté la radio Fractura Expuesta qui émet tous les lundis soir à Buenos Aires sur un créneau horaire que lui cède la Radio de las Madres (l'antenne de l'association des Mères de la Place de Mai). Cette émission est difficile à écouter en direct depuis l'Europe à cause du décalage horaire (5 heures pour encore quelques jours, 3 heures d'ici peu) mais vous pouvez la télécharger depuis le site de Fractura Expuesta (entendez Fracture ouverte).

L'émission, qui est diffusée depuis 5 ans à présent, est conçue et animée par deux jeunes gens archi-sympathiques, Germán Marcos et Maximiliano Senkiw, qui, sous des allures givrées et avec un humour très pince sans rire, font montre d'une curiosité intellectuelle, d'une ouverture d'esprit et d'une culture tanguera dont le sérieux ne manquera pas de vous épater.

Ces deux derniers lundis, le 8 et le 15 septembre, ils ont reçu le sextuor féminin China Cruel. Vous pouvez donc écouter l'interview de Viviana Scarlassa (la chanteuse) et Verónica Bellini (la pianiste et l'une des compositrices du groupe), dans le second fichier MP3 du numero 234. L'interview est entrecoupée de morceaux dans leur interprétation vigoureuse et pleine de charme, dont la milonga La Trampera de Aníbal Troilo et le tango Tu muñequito verde, paroles et musique de Verónica Bellini.

Dans l'émission 235, celle de lundi dernier, ils interviewent Alorsa (La Guardia Hereje) par téléphone depuis chez lui (il habite dans la banlieue de La Plata) et dans la seconde partie, ils reçoivent la chanteuse Marisa Vázquez qui se produisait hier samedi, à 23h45, à la Catedral (Sarmiento 4006, dans le quartier d'Almagro). Vous pouvez écouter Marisa chanter quelques grands classiques, dont la valse Flor de Lino d'Héctor Stamponi et Homero Expósito, sur laquelle se clôt l'interview.

Les podcasts téléchargeables se présentent sous la forme d'un dossier zip contenant deux fichiers MP3 qu'il suffit de décompresser une fois qu'ils sont sur votre disque dur.

Pour le reste du contenu, Fractura Expuesta est aussi riche que loufoque. Il y a notamment, en première partie, un Flash informativo de quelques minutes qui peut jouer pour nous -et très bien- le rôle de test de nos connaissances sur l'histoire du tango et l'actualité argentine. Il s'agit d'un vrai-faux journal (qui vaut largement celui de Canal + France) où Germán Marcos et Maximiliano Senkiw vous racontent, avec un débit de mitraillette qu'ils accentuent encore pour l'occasion, la prochaine intervention des Casques Bleus envoyés par l'ONU comme force d'interposition entre les gardeliens, les magdaliens et les corsiniens qui jouent les snipers dans le quartier de l'Abasto (n° 234). Et dans le n° 235, ils racontent le scandale de la valise de tangos.
Bien sûr, pour bien comprendre leur humour un chouia local (1), mieux vaut avoir déjà entendu parler non seulement de Gardel mais encore des deux autres chanteurs solistes que furent Agustín Magaldi et Ignacio Corsini, ses contemporains, et du scandale de la valise de dollars interceptée par la douane des Etats-Unis au mois de janvier et qui aurait contenu une amicale et clandestine participation de Hugo Chávez à la campagne électorale de l'actuelle Présidente argentine Cristina Fernández de Kirchner, un scandale dont la droite argentine fait ses choux gras, surgi quelques semaines seulement après la prise de fonction de la Chef d'Etat et qui rebondit en ce moment avec le procès du porteur de valise vénézuélien emprisonné aux Etats-Unis.

Dans la deuxième partie de l'émission, vous entendez le bulletin d'informations tout ce qu'il y a de plus sérieux, celui-ci, de la Radio de las Madres, un bulletin qui met l'accent sur la dimension politique et judiciaire de l'actualité du jour (la voix de Las Madres s'intéresse à la bonne administration de la justice, pas aux faits divers en tant que tels).

(1) un chouia (popular) : un poco

Augmentation des allocations familiales [actu]

De gauche à droit, Hugo Moyano, Carlos Tomado et Amado Boudou, à la Casa Rosada, le 12 septembre (photo ANSES)

Par la voix du Ministre du Travail, Carlos Tomada, le Gouvernement fédéral a annoncé le 17 septembre que les allocations familiales versées aux salariés qui cotisent au système et qui sont donc déclarés par leur employeur (ce qui n'est pas le cas de tous les salariés) sont augmentées à compter de septembre d'une manière significative et conforme à l'inflation qui ravage l'économie du pays.

L'organisme de sécurité sociale argentin, l'ANSES (Administración Nacional de SEguridad Social), recueille les cotisations réglées par les employeurs sur les salaires et répartit les allocations, indemnités et pensions aux ayant-droits du régime. Ces droits sociaux, nettement moins nombreux que dans nos systèmes européens, sont pour la plupart soumis à plafond de ressources et ne bénéficient aux salariés des entreprises affiliées au système. Ne sont pas affiliés à l'ANSES les entreprises du secteur agricole et de l'enseignement, la fonction publique, qu'elle soit fédérale ou territoriale, et les particuliers qui salarient des employés de maison. Quelques uns de ces secteurs ont des régimes distincts à couverture équivalente peu ou prou, l'enseignement et les fonctions publiques par exemple. J'ignore si les travailleurs organisés en coopérative (il y en a pas mal en Argentine, et dans tous les secteurs d'activité) sont ou non couverts par l'ANSES, puisque par définition ils ne travaillent pas sous le régime de la soumission hiérarchique (situación de dependencia). L'ANSES a été créée en 1990 par la fusion de différentes caisses, elle a pour autorité de tutelle le Ministère du Travail fédéral et couvre les salariés de l'industrie et des services ainsi que, pour certaines prestations, les travailleurs indépendants.

A compter de septembre, l'allocation (asignación familiar) mensuelle versée par l'ANSES passe de 100 $ à 135 $ par enfant à charge pour les salariés ayant une rémunération comprise entre 100 et 2400 $ bruts/mois (ce plafond était de 2000 jusqu'à présent). Pour la seconde tranche, soit les salaires entre 2400 et 3600 $, l'allocation n'est plus que de 101,30 $ (contre 75 $ jusqu'à présent). Enfin, pour la 3ème et dernière tranche, qui va de 3600 à 4800 $, l'allocation est réduite à 67,50 $ (elle était de 50 $ jusqu'en août).

L'allocation est versée jusqu'à la majorité de l'enfant à charge (18 ans).

Lorsque l'enfant est handicapé, l'allocation, versée sans limite d'âge, est plus élevée. Les montants seront désormais de 540 $ (Tr. 1), de 405 (Tr. 2) et de 270 (Tr. 3). La même allocation est versée pour le conjoint handicapé d'un travailleur touchant une retraite de l'ANSES.

On estime que l'ANSES verse 57 600 allocations mensuelles handicapés au titre de la population de salariés actifs et à 61 500 (pour enfants et conjoints confondus) au titre de la population des retraités.

L'ANSES a bâti son budget sur le recensement de 4 083 000 enfants de salariés actifs, 229 967 enfants de retraités ainsi que 701 588 conjoints handicapés.

Pour les allocations mensuelles, l'augmentation est de 35%. L'élévation de 20% des seuils définissant les trois tranches permet d'élargir le nombre des bénéficiaires. Pour être bénéficiaire, il faut être un salarié titulaire d'un contrat de travail sous autorité hiérarchique (trabajadores en relación de dependencia) ou un chômeur indemnisé (beneficiaros de prestación de desempleo) ou avoir été déclaré invalide du travail (beneficiarios de la Ley de Riesgos del Trabajo).

C'est, a annoncé le Directeur Exécutif de l'ANSES, Amado Boudou, quelque 400 millions de pesos qui seront ainsi redistribués d'ici à la fin de l'année en cours.

Se voient aussi augmentées les primes exceptionnelles versées en une fois au moment du mariage d'un salarié, d'une naissance et d'une adoption. Pour le mariage, la prime (asignación familiar extraordinaria) est de 900 $ (contre 600 auparavant), pour la naissance elle passe de 400 à 600 et pour l'adoption de 2400 à 3600 $. Ces deux derniers montants peuvent paraître exorbitants aux Européens que nous sommes, car nous avons l'habitude de voir au mieux assimiler naissance et adoption en terme de droits financiers, ce qui est chez nous une tendance récente (il n'y a pas si longtemps l'adoption ne donnait aucun droit et, en France, les droits pour adoption n'ont été assimilés à ceux de la naissance que très récemment).

Ceci dit, les chiffres avancés par l'ANSES sont éclairants : l'organisme annonce 5846 primes de mariage (sans préciser s'il s'agit d'un chiffre réel ou d'une estimation pour anticiper l'impact des récentes mesures gouvernementales sur son budget), 15895 primes de naissance et ... 44 primes d'adoption. Il faut donc soutenir l'adoption.

Peuvent toucher ces primes les salariés titulaires d'un contrat de travail,les chômeurs indemnisés et les invalides du travail (comme pour les allocations mensuelles) ainsi que les anciens combattants de la guerre des Malouines (1). Il n'y a pas de conditions de ressources maximum pour ces primes.

Pour les primes exceptionnelles, l'augmentation est de 50%.

On parlait de ces réajustements depuis le mois de juillet, depuis que les partenaires sociaux s'étaient accordés pour relever le niveau du salaire minimum. Et la ligne de partage entre organisations salariales est la même qu'alors : la CGT (confédération générale des travailleurs, péroniste depuis 1945) se dit satisfaite et applaudit la mesure attribuée, par le Premier Ministre Sergio Massa, à la Présidente elle-même. La CTA (un syndicat récent et plutôt radical, type Sud en France) estime l'augmentation insuffisante, elle réclame l'universalisation de l'allocation, c'est-à-dire son extension à tous les enfants de travailleurs, déclarés ou non, en activité ou au chômage et quelque soit leur statut juridique. Quand on sait combien de salariés travaillent au noir dans le pays, on s'imagine sans peine que la revendication est peu réaliste, sur le strict plan de la comptabilité publique en tout cas. Mais la CTA (centrale des travailleurs argentins) estime que les bénéficiaires sont les enfants (et non les parents) et qu'à ce titre, tous doivent être couverts. Le raisonnement a sa logique, même s'il n'est pas applicable dans les faits.

(1) les soldats qui ont combattu aux Malouines (et l'ont très lourdement payé) étaient pour beaucoup d'entre eux de simples appelés, en tout cas en ce qui concerne les soldats du rang. Il n'en va pas de même des officiers. Pour tous ces anciens combattants, a été mis en place tout un système complexe et assez complet de primes et de pensions, y compris d'invalidité. Ceci n'empêchait pas au mois d'août quelques vétérans d'exprimer publiquement certains motifs de grogne. J'en ai vu une petite poignée, dont certains avec des mines et des allures assez patibulaires, genre traumatisés de guerre pas vraiment peace & love, faire quelques jours de sitting sur la place du Congrès avec drapeaux, banderoles et tout l'attirail du parfait manifestant. On trouve aussi, aujourd'hui encore, parmi les bénéficiaires de pensions honorifiques au titre de la participation à ce conflit (cause nationale s'il en est) des officiers supérieurs par ailleurs recherchés pour faits de torture durant la dernière Dictature militaire (ce qu'on appelle des represors en Argentine). Les associations de droits de l'homme, au premier rang desquelles las Madres de Plaza de Mayo, las Abuelas de Plaza de Mayo et H.I.J.O.S, dénoncent la co-existence sur la même personne d'un avis de recherche et du versement d'une pension officielle. D'où actuellement certaines opérations, menées avec plus ou moins de zèle, de de tri entre les bons et les méchants et de radiation d'un certain nombre de personnes.

Le championnat de tango version unisexe [à l'affiche]

Il existe à Buenos Aires une milonga, très célèbre dans les milieux homosexuels, parce qu'elle est l'un des très rares (pour ne pas dire le seul et unique) lieux publics où il est possible de danser indifféremment avec un partenaire du sexe opposé ou du même sexe. Cette spécificité de La Marshall, située rue Maipu 444, en fait le lieu préféré des homosexuels amateurs de tango, hommes comme femmes.

Tous les mercredis soir du mois de septembre, la Marshall tenait son 3ème championnat de tango "sin distinción de sexo en los roles" (et Dieu sait si dans le tango et depuis son apparition à Buenos Aires dans les années 1880, il y a une différence forte de rôles entre les deux partenaires, l'homme et la femme !). La compétition est organisée de façon très sérieuse, avec un règlement précis et complet et un prix en monnaie sonnante et trébuchante (800 $ pour la première place) dans la catégorie Tango Salón. Pour l'autre catégorie, on passe à l'humour gay façon Gay Pride. La catégorie (moquant le titre de Tango Escenario) s'appelle Especial Diversión et le concours y est doté de prix surprises (premios sopresa).

La finale aura lieu le 24 septembre.

Il faut savoir que Buenos Aires est la première ville d'Amérique Latine à avoir légalisé le mariage entre personnes de même sexe. Ce qui en fait une ville pour le moins singulière sur le continent. Cela ne veut évidemment pas dire que l'homosexualité soit là-bas un fait social banalisé. Elle reste très mal vue, elle marginalise et ghettoïse les gens. Et l'existence d'une milonga aussi militante que La Marshall le montre clairement.

La Marshall a été fondée par un danseur professionnel qui est aussi un professeur de tango, Augusto Balisano, et une anthropologue sociale qui a pris le tango comme thème d'étude, Roxana Gargano. Elle est aussi l'organisatrice du Festival Internacional de Tango Queer (1) en Buenos Aires. La Marshall a son DJ attitré et une équipe de professeurs qui font cours avant la milonga.

(1) queer : adjectif anglosaxon (USA) dont le sens premier est bizarre, sert dans le langage populaire nord américain à désigner l'homosexualité.

samedi 20 septembre 2008

Dema et son orchestre La Petitera au Torcuato Tasso [à l'affiche]

Le chanteur compositeur Dema accompagné de son orchestre, La Petitera, sera mercredi 24 septembre au Centro Cultural Torcuato Tasso (Defensa 1575, dans le quartier de San Telmo), à 22h. L'entrée est fixée à 20 $.

Pour ceux qui viennent d'arriver sur ce blog et qui n'ont pas pu lire les articles précéndents sur ces artistes, les voici sur My Space (vous pouvez les écouter et les regarder).

Conférence de Javier González au Seminario Homero Expósito [à l'affiche]

La formation de letristas, Taller Homero Expósito, dont je vous ai déjà parlé dans ce blog, comporte un cycle de conférences de différents artistes représentatifs de la tradition tanguera sur le thème Comment écrire une chanson.

Le 30 septembre, à 19h30, c'est le compositeur Javier González qui planchera.

Javier González est une grande pointure de ce qu'on appelle à Buenos Aires le Tango Nuevo pour désigner cet ensemble de courants musicaux apparus dans le tango au cours des années 1990 (à ne pas confondre avec ce que les amateurs européens de tango-baile baptisent du même nom, à savoir une manière de danser tout en déhanchés et en frémissements des pieds à la tête, quasiment inexistant à Buenos Aires).

Le compositeur et guitariste a déjà à son actif 5 disques dont plusieurs avec sa femme, la chanteuse Patricia Barone.

Depuis une dizaine d'années, il a reçu plusieurs récompenses de diverses institutions et festivals et dirige la Orquesta Escuela de Tango du Conservatoire Ginastera de Morón, une ville de la banlieue sud-ouest de Buenos Aires. Ses oeuvres et ses arrangements sont inscrits au répertoire de plusieurs orchestres ou groupes, comme la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires ou le Sexteto Mayor.

Vous pouvez écouter ce qu'ils font sur le site qu'il partage avec Patricia, à la page Repertorio. Ça vaut le clic de souris.

La conférence, qui se tiendra dans les locaux de la Academia Nacional del Tango, est ouverte au public. L'entrée est fixée à 10$.

Le séminaire est placé sous la responsabilité d'Alejandro Martino et Alejandro Szwarcman.

5ème Semaine de l'Art à Buenos Aires [à l'affiche]


Pour ouvrir le programme d'activités gratuites de la Semaine de l'Art du 21 au 27 septembre, la ville de Buenos Aires offre à tout le monde un concert de tango en plein air, au pied de l'Obélisque, point de rassemblement des Portègnes dès qu'il y a quelque chose à fêter ou à partager tous ensemble.

Ce sera à 16h, le dimanche 21 septembre, 1er jour du printemps, un jour que l'on fête en grande pompe là-bas, avec le Cuarteto Esteban Morgado. Bien entendu, c'est un concert gratuit. Le show sera complété par une exhibition d'un couple de danseurs. Le ministre de la Culture et du Tourisme du gouvernement de la ville, Hernán Lombardi, devrait être présent. En cas de pluie, le concert serait reporté au dimanche 28 mais les prévisions sont plutôt optimistes : on prévoit un temps un peu frisquet (17°), et des nuages qui joueraient à cache-cache avec l'astre solaire mais sans verser une seule goutte (la pluie, en l'occurence une llovizna, petite pluie de rien du tout, c'est pour ce soir).

Les samedis 13, 20 et 27 septembre, le guitariste Esteban Morgado se produit aussi à 21h30, à Clasica y Moderna (avenida Callao 892). Pour le connaître mieux, il n'y a qu'à visiter son site (en haut sur la droite, vous avez un petit cartouche qui vous permet d'écouter 4 morceaux, dont Por una cabeza de Carlos Gardel et Alfredo Le Pera).

Après ce concert, c'est plus de 100 galeries d'art, de musées et de centres culturels qui offriront pendant une semaine un circuit de visites guidées et gratuites, de conférences et autres activités en lien avec l'expression artistique. Il s'agit de la 5e édition de cette manifestation qui se concluera par un festival du dessin de 12h à 16h le 27, esquina Mayo y Peru, dans le quartier de Monserrat, pour que les Portègnes puissent y participer en famille.

Par ailleurs, en ce week-end des Journées européennes du Patrimoine, l'Ambassade de France, située dans le quartier de Retiro, ouvre ses portes gratuitement au public !!!

Gabriela Novaro au Bar Notorious dimanche 21 septembre [à l'affiche]


Accompagnée par Hernán Reinaudo à la guitare et Norberto Vogel au bandonéon, la chanteuse Gabriela Novaro présentera en ce premier jour du printemps son premier disque intitulé Otra historia et en profitera pour présenter aussi son nouveau répertoire, qui mélangera des classiques qui n'ont pas été usés à force d'être chantés et des tangos contemporains, la plupart inédits. Elle aime les valses et les candombes qu'elle colore d'un peu de jazz.

Elle sera accompagnée par les auteurs des arrangements qu'elle interprètera, tous trois forment depuis plusieurs années un trio uni par un même projet esthétique.


A moins que vous n'ayiez la possibilité de vous rendre directement au Bar Notorious, ce dimanche. Je vous donne l'adresse à tout hasard : avenida Callao 966 à Buenos Aires. L'entrée est à 15 $. (Le patron n'exige pas que vous preniez en plus au moins une consommation). Le show commence à 18h.

Jacter (1) le lunfardo dans la crèche (2) à Gardel [à l'affiche]

Au Museo Casa Carlos Gardel, calle Jean Jaurés 735 (une adresse aussi mythique que l'homme qui habita cette petite maison avec sa maman dans les dernières années qu'il vécut à Buenos Aires, entre 1927 et 1933), il y a tous les samedis de 16h30 à 18h30 des cours gratuits, ouverts à tous, de lunfardo, cette langue si particulière à Buenos Aires, née comme jargon de voyous des faubourgs, désireux de dissimuler leurs activités illégales à la police en parlant une langue où elle entravait (3) que couic (4), et devenue assez vite l'idiome populaire parlé par toute la ville sans même que les Portègnes y pensent, véritable identité linguistique des 11 millions d'habitants de Buenos Aires et sa région (sans oublier aussi les habitants de la rive est du Río de la Plata, qui utilisent eux aussi le lunfardo dans leur vie quotidienne).

L'atelier est animé par Laura Pozzis et se fixe comme but de faire connaître aux participants le comment de la formation de ce parler et la richesse des significations dont il est porteur. Laura Pozzis aura à coeur de permettre à ses élèves de reconnaître le lunfardo dans les textes de tango, de rock et d'autres genres littéraires car tous les Portègnes ne savent pas toujours distinguer les différents registres de langue dont leur langage de tous les jours et leur culture la plus intime (le tango en fait partie) sont tissés.

Savez-vous que le poète Luis Alposta, qui est membre de la Academia Porteña del Lunfardo, est l'auteur aux éditions Corregidor d'une anthologie du sonnet lunfardo ? Et que parmi les 41 poètes du 20e siècle qu'il a sélectionnés pour en faire partie, il y a Jorge Luis Borges ? Ah, si, je vous assure...

Allez, on s'en descend (5) un petit vers (6) ?

Creeme, viejo, hacete más ranún y piantate
de la sesera el grupo del metejón ingrato
Laburala de guiso como un bácan y armate
de alguna piba otaria pa' no pasar por gato
.
Experiencia (2nd quatrain), Dante A. Linyera

Crois-moi, mon vieux, réfléchis un peu et débarrasse-toi
la cervelle de cette salade d'amour malheureux
Fais trois sous de plat à une môme comme un rupin et pêche-t'en
une petite pas fûtée pour pas passer pour un âne
Traduction Denise Anne Clavilier
(1) Jacter (argot) : hablar
(2) crèche (argot) : casa
(3) entraver (argot) : entender
(4) que couic (argot) : nada
(5) descendre (acá en el significado argótico) : tomar
(6) un vers : juego de palabra. Vers y verre : se escucha lo mismo. Vers = verso. Verre = copa.

mercredi 17 septembre 2008

Tango en Tres au CCC Floreal Gorini [à l’affiche]

Dans le cadre du cycle Tango de Miercoles, Tango en Tres se produit ce soir au Centro Cultural de la Cooperación Floreal Gorini, avenida Corrientes 1543. Tango de Miercoles est le cycle organisé par La Ciudad del Tango, l’un des départements de ce Centre situé en plein quartier des théâtres et coordonné par Walter Alegre.

Tango en Tres est un trio composé d’un guitariste, Julián Graciano, d’un contrabassiste, Santiago Alvarez, et d’un percutionniste, Marcelo Cóceres. Julián Graciano est l’animateur musical du groupe et son compositeur. Issu d’une véritable dynastie de musiciens, adonnés au tango de père en fils, il joue de la guitare électrique à sept cordes. Santiago est issu du Conservatoire Antonio Galván, le département qui, au sein de la Academia Nacional del Tango, forme des instrumentistes fidèles à la tradition du tango de toujours, et il y est à présent assistant pédagogique pour la contrebasse. Quant à Marcelo, c’est le plus autodidacte des trois et il a fait un détour par le jazz avant de venir au tango.

Beaucoup de música propia dans leur répertoire et d’arrangements qui sont les leurs. Le trio se réclame de compositeurs comme Eduardo Rovira et Horacio Salgán.

Pour partager la petite scène de la salle Osvaldo Pugliese, Tango en Tres a invité un quatuor de cordes, Guido Gromadzyn y Anabella Fernandez (violon), Cecilia Rodríguez (alto) et Diana Griot (violoncelle) et un bandonéoniste, Daniel Ruggiero.

Tango en Tres est présent sur My Space. Le trio vous propose d’écouter entre autres Tango en negro de la composition de Julián Graciano et leur arrangement de La llamo silbando, d’Horacio Salgán (1).

Ils profiteront de l’occasion qui leur est donné ce soir pour présenter leur disque Abriendo el juego (pour ouvrir le jeu), sorti l’année dernière, peu après la formation du trio en 2006. C’est un CD de 12 pistes, dont un morceau est dédié à Pichuco, ce qui ne manque ni de piquant ni d’intérêt quand on considère leur trio (assez éloigné des ensembles constitués par Aníbal Troilo, qui préférait la guitare sèche de Roberto Grela à n’importe quel instrument électrique, n’intégrait jamais de batterie et jouait, quant à lui, du bandonéon).

Lundi dernier, Tango en Tres étaient en charge, avec La Biyuya, du moment artistique du Plenario de la Academia Nacional del Tango pour la présentation du projet du Bicentenaire de l’indépendance argentine (2010). Ils seront à nouveau à l’affiche le 29 septembre, à 19h, cette fois, au Centro Nacional de Música (Sala Carlos Guastavino) de Buenos Aires.

Le concert au CCC est prévu à 21h30 mais comme d’habitude rien ne commencera avant 22h. L’entrée est à 15 $.

(1) Et à propos d’Horacio Salgán, un rappel : depuis le 10 septembre, il est possible de voir à l’écran le documentaire Café de los Maestros, dont le grand pianiste et grand compositeur fait partie. Le film passe cette semaine dans 11 salles dans toute la France, dont deux à Paris. A ne surtout pas louper...

lundi 15 septembre 2008

Todas las músicas - septembre 2008 [à l’affiche]

Todas las músicas est le nom du programme de concerts gratuits de la Ville de Buenos Aires.

Pendant la première quinzaine du mois, Buenos Aires a accueilli un festival international d’orgue dont les concerts se sont déroulés dans plusieurs églises de la ville ainsi que dans une école (le Colegio Nacional, l’équivalent du collège en France) de la calle Bolivar. La Cathédrale a accueilli le concert du dimanche 7 septembre à 16h30 (avec l’organiste Enrique Rimoldi) et le dernier concert (Osvaldo Guzmán) a été donné au Couvent San Domingo, le couvent dominicain situé à l’angle des rue Belgrano et Defensa, dimanche dernier, à 17h.

En cette deuxième partie du mois de septembre, c’est un festival de musique klezmer qui investit la Capitale : 1er Encuentro Mundial de Música Klezmer en Argentina. Toute cette semaine, entre mardi midi et samedi, cette rencontre prend la forme de 11 concerts dont cinq en extérieur, sur la scène installée à l’angle entre Diagonal Norte et Plaza de la República (nom du terreplain central où se dresse l’Obélisque). Le concert de mardi soir aura lieu au Teatro Alvear et l’un de ceux de jeudi (18h30) à l’Ambassade de Pologne (ce qui est bien réconfortant, quand on sait l’histoire difficile du judaïsme dans ce pays). Le dernier événement, le samedi, de 17h à 22h, la Klezfiesta, aura pour décor l’amphithéâtre grec de la Costanera Sur, l’une des deux bandes de terre conquises sur le Río et qui servent de promenade romantique (surtout celle du sud) aux amoureux et aux rêveurs de Buenos Aires...

Ce festival a quelque chose d’émouvant puisque la musique du tango, notamment le violon de la Orquesta Típica, doit beaucoup à la musique ashkénaze. La musique juive de l’Europe de l’Est et Centrale a un point commun avec le tango : toutes les deux sont des musiques de gens marginalisés, privés de parole comme de droits sociaux et politiques, une musique qui est la voix des sans-voix. Rien d’étonnant dès lors à ce que du flot considérable d’immigrants juifs qui, de Pologne, de Russie, des Pays Baltes et d’Ukraine, pour fuir les pogroms de la Russie tsariste puis bolchévique (tout aussi racistes l’un que l’autre), immigrèrent à Buenos Aires, surtout entre 1880 et 1920, soient sortis d’excellents artistes de tango, musiciens, danseurs, poètes et compositeurs, depuis des piliers de la Guardia Vieja comme le violoniste Tito Roccatagliatta ou le compositeur et multi-instrumentiste Arturo Bernstein, des artistes des années 30 et 40, les frères Rubinstein, par exemple, plus connus sous leurs noms de plume, Luis Rubistein et Oscar Rubens, jusqu’à nos jours, avec, entre autres exemples, un poète de la taille d’Alejandro Szwarcman.

Sans oublier le grand artiste du fileteado que fut le peintre León Untroib, l’auteur du mural d’hommage à Carlos Gardel à l’entrée de la station de métro à l’Abasto, un véritable fondateur de tradition dans cet art plastique populaire propre à Buenos Aires.

D’ailleurs à Buenos Aires, quand on parle, aujourd’hui encore, d’un "ruso", la plupart du temps il s’agit d’un juif, et ce quelque soit les origines géographiques de sa famille, et sans l’ombre d’une nuance raciste (contrairement à notre lexique où, à part le terme "juif", tous les adjectifs, tous les substantifs sont chargés d’une histoire ignoble, même le très biblique "israëlite", empoisonné par son emploi dans la propagande antisémite de l’Occupation). Aníbal Troilo racontait que lorsqu’il avait 8-9 ans, sa mère avait acheté son premier bandonéon à un ruso, dont il n’a jamais su ni le nom ni le destin. L’homme a un jour disparu et personne n’a jamais su ce qu’il était devenu. Et le petit garçon n’a jamais pu lui régler les 8 dernières échéances du paiement à crédit de l’instrument. Aussi, adulte, regrettait-il de n’avoir jamais revu ce mystérieux inconnu pour lui dire ce qu’il devait à ce premier instrument, dont il a joué toute sa vie.

A côté de ce festival de musique klezmer, la ville de Buenos Aires offre aussi le traditionnel programme de la Orquesta de Tango de la Ciudad de Buenos Aires. Par exemple, et pur ne parler que des concerts encore à venir, jeudi 18 à 20h30, au Teatro 25 de Mayo, la grande formation fondée par Raúl Garello, ruso mais d’origine italienne (c’est encore autre chose), aura pour invitée la chanteuse, elle aussi d’origine italienne, Susana Rinaldi (on la surnomme même La Tana, la Ritale. Et là non plus nulle trace de xénophobie).

La Orquesta de Tango sera à nouveau dans ce même théâtre le 24 à la même heure et le lendemain, elle se produira dans une école, le Colegio Sarmiento (Libertad 1257), le Colegio étant l’équivalent de notre école primaire.

Et à venir aussi, un concert de la Orquesta Escuela de Tango Emilio Balcarce le samedi 27 à 17h dans les locaux de la Bibliothèque Nationale (située rue Agüero 2502).

Plusieurs concerts de musique classique complètent comme toujours la programmation de Todas las músicas.

dimanche 14 septembre 2008

Angel Pulice et Ruth de Vicenzo en format podcast [radio]

Ils sont du podcast n° 123 de Tango City Tour, le premier podcast consacré au tango, lancé par Juan Carlos Espósito dès juin 2005.

Juan Espósito et Mabel Pramparo, avec qui il partage le micro depuis la cinquième émission, proposent dans ce numéro une interview des champions du monde de tango de scène (tango escenario), couronnés le 1er septembre 2008 à Buenos Aires à l'issue des compétitions du Mundial (dont je n'ai rien vu).
L'autre partie de l'émission, d'un peu plus de 57 minutes en tout, est consacrée au chanteur-guitariste et compositeur Angel Pulice et sa compagne Ruth de Vicenzo, qui chante avec lui et s'accompagne à... l'accordéon, moins fréquent que le bandonéon dans l'univers du tango d'aujourd'hui depuis 80 ans. Je vous avais déjà présenté Angel et Ruth lorsqu'ils sont allés en juillet chanter à La Plata avec Alorsa au Tango Criollo Club. Ils ont deux CD dans le commerce : La Carnada (l'hameçon) et Tangos nuevos y usados (Tangos neufs et d'occasion). Ils y ont enregistré des classiques et des morceaux de leur propre composition. A découvrir si ce n'est déjà fait en visitant tout d'abord leur site.

Dans l'émission précédente, le podcast 122, Juan et Mabel traversent l'Atlantique en parlant tango directement avec... Bruxelles ! Côté musical : l'émission est centrée autour des tangos de Piazzolla et Borges, créés par le chanteur (et compositeur) Edmundo Rivero en 1965... Rien que du bon.

Et en plus, ces podcasts par abonnement et téléchargement direct sont une agréable façon de courir deux lièvres à la fois : enrichir sa culture tanguera et se familiariser avec l'espagnol (eux disent el castillano) de Buenos Aires (assez différent de la langue parlée au-delà des Pyrénées). Toutes les émissions sont accessibles directement sur le site de Tango City Tour. Vous pouvez aussi vous abonner depuis i-Tunes, qui vous remontera lors de votre abonnement le dernier numéro posté sur le site.

Et si la radio en portègne vous intéresse, vous avez aussi une passionnante émission tous les dimanches de 10h à 13h (heure de Buenos Aires) sur la 2x4 (pensez au décalage horaire, de 5h en été, de 3 en hiver, saisons de l'hémisphère nord) : cette émission s'appelle Tangos y libros, elle est animée par un pionnier de l'audio-visuel argentin, Antonio Carrizo, LA référence radiophonique nationale en matière de tango dotée d'une diction claire comme de l'eau de source, un régal pour bien comprendre surtout si vous faites vos premiers pas en portègne... La 2x4 s'écoute en direct (pas de podcast), à travers le streaming mis en place sur son site internet (il vous suffit d'installer Windows Media Player et de cliquer sur la mention En vivo qui apparaît dès l'ouverture du site).

Vous pouvez aussi vous brancher sur Fractura Expuesta (Fracture ouverte) pour suivre l'actualité du tango contemporain, les jeunes artistes qui montent, les chanteurs, orchestres, groupes, compositeurs, poètes d'aujourd'hui (ce n'est pas une fréquence sur laquelle vous pourrez entendre les grands classiques des années 40).
Difficile, pour ne pas dire impossible de les écouter en direct depuis l'Europe, à moins d'être travailleur de nuit et autorisé à écouter pendant le temps de travail la radio via une connexion internet (cela fait beaucoup de si) : leur émission est diffusée tous les lundis de 22h30 à minuit sur la Radio des Mères de la Place de Mai (la AM 530), une station militante de gauche, très accueillante à la culture populaire en général.
Les deux animateurs ont interviewé Angel Pulice le 30 juin dernier et l'interview est toujours accessible (en écoute simple). Depuis quelques temps, chaque semaine, les deux producteurs déposent l'émission de la semaine sur leur site internet, en téléchargement gratuit depuis 3 semaines (2 Mp3 par semaine) et en écoute simple et gratuite (sans téléchargement) depuis le 21 avril dernier.
Pour l'heure, le podcast n'offre pas de possibilité d'abonnement. Les auditeurs intéressés doivent aller chercher régulièrement l'émission de la semaine.