mercredi 28 février 2018

La popularité du président vacille [Actu]

L'info est traitée dans la colonne de droite, en haut
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Signe d'une perte sensible de popularité pour Mauricio Macri : on chante désormais des chansons qui le brocardent dans les stades de football. Or le public du football est un public populaire.

Le phénomène que la presse analyse aujourd'hui indiquerait que le virage ultra-libéral et sécuritaire pris par le gouvernement après le triomphe aux élections de mi-mandat en octobre, joint à l'avalanche des augmentations de début d'année (complémentaires santé, électricité, gaz, carburant, sans parler des fournitures scolaires), à la tragédie du sous-marin ARA San Juan dont l'équipage disparu n'a toujours pas reçu d'hommage officiel, à l'inflation que l'exécutif ne parvient pas à dompter, malgré ses promesses, aux scandales des comptes off-shore de plusieurs ministres (et non des moindres) sans qu'il y ait de sanctions, et de la nouvelle vague de licenciements dans le secteur public ont eu raison de l'insolente cote de popularité du président qui était restée au beau fixe pendant les deux premières années d'exercice du pouvoir.

Et ce qui est encore plus significatif peut-être, il se trouve que Mauricio Macri s'est lancé en politique après son succès comme président du club Boca Juniors, à Buenos Aires. Le stade, il connaît !

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Légende
A cause de la violence, il n'y a plus de visiteurs dans le stade, mais seulement des supporters du club local
A cause de leurs chants, il n'est plus permis aux supporters du club local d'aller au stade
A cause de leurs postures idéologiques
et de leurs origines
Traduction © Denise Anne Clavilier


Contrairement à ce que dit ce dessin de Miguel Rep et le reste de la rédaction de Página/12, le gouvernement ne souhaite pas réprimer les supporters qui manifestent leur mécontentement politique, tout en prenant très au sérieux ce symptôme inquiétant pour lui.

Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 (opposition) sur les aspects juridiques du phénomène (le président peut-il ou non compter sur la justice pour faire taire les railleurs ? La réponse est bien entendu non : les chants dans les stades relèvent de la liberté d'expression).
lire l'article de Página/12 sur les intentions peu démocratiques prêtées aux pouvoirs publics
lire l'article de La Nación (majorité)

Mort d'un des derniers criminels de la dictature militaire argentine [Actu]

"L'assassin parfait", titre le journal de gauche

L'ex-général Luciano Benjamín Menendéz vient de mourir d'un cancer à l'hôpital militaire de Córdoba, à l'âge de 90 ans. Il faisait partie de ces criminels qui avaient bénéficié d'une détention à domicile, en l'occurrence chez lui à Córdoba, alors que sa dernière comparution devant un tribunal pénal datait de l'année dernière, à Mendoza, pour des crimes commis entre 1976 et 1978, à San Rafael (vingt-trois victimes reconnues par la cour).

Cet officier dégradé avait été condamné à perpétuité à treize reprises pour des crimes imprescriptibles commis sous la dictature militaire de 1976-1983. Tous les journaux reviennent aujourd'hui sur ce décès qu'on a appris hier, certains d'une manière assez ambiguë, comme Clarín qui met en ligne une galerie de photos comme il le ferait pour une vedette du cinéma ou de la chanson. Página/12 en fait sa une, avec un article intitulé "Puisse-t-il ne pas reposer en paix".

C'est une page sinistre d'histoire qui se tourne mais l'épisode tragique n'est toujours pas dépassé dans l'opinion publique, qui continue de se diviser profondément sur ce qu'il s'est passé au cours des années de plomb. Il y a, hélas, encore des gens pour approuver le coup d'Etat et la dictature sanglante qui s'en est suivie.

Clarín est plus sobre
La nouvelle est traitée sur le côté, en bas
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Ce condamné était particulièrement provocateur. Il affirmait que Videla s'y était pris d'une manière trop douce avec les opposants ! Lui-même a été reconnu coupable de la disparition de 2 200 personnes et d'avoir fait incarcérer illégalement 8 000 opposants. 800 dossiers judiciaires avaient été ouverts contre lui. Il détenait le record judiciaire pour les criminels de cette triste époque en nombre d'affaires et de condamnations. Autre record : son âge à son accession au généralat. Il n'avait que 45 ans lorsqu'un gouvernement anticonstitutionnel l'avait promu général en 1972, peu avant le retour de Perón au pouvoir puis le renversement de sa veuve, en mars 1976, par la Junte conduite par Rafael Videla, disparu il y a déjà plusieurs années (en prison).

Pour en savoir plus :

mardi 27 février 2018

Le CETBA ouvre les inscriptions [Actu]


C'est la rentrée en Argentine comme partout ailleurs dans l'hémisphère sud.

Le CETBA, centre de formation au tango de Buenos Aires, ouvre les inscriptions après-demain, 1er mars, pour l'année 2018.

Le cours d'histoire du tango est confié à la chercheuse Ema Cibotti, une véritable historienne à la démarche très rigoureuse que j'ai le bonheur de compter parmi mes amies et en plus, elle parle un français irréprochable...
Elle tient un blog en espagnol que vous pouvez consulter sous ce lien.

samedi 24 février 2018

Le Congrès argentin entame le débat sur l'avortement [Actu]

Página/12 a adopté la couleur verte,
symbole de la campagne pour la dépénalisation de l'IVG

En Argentine, l'avortement est interdit. Il relève de la justice pénale tant pour la femme enceinte que pour l'avorteur, qu'il soit médecin ou non. Dans certains cas, très peu nombreux, le viol, l'inceste, la minorité d'âge de la future mère, surtout s'il y a eu violence, la femme peut -et c'est en soi une épreuve épouvantable- demander à la justice le droit de mettre fin à sa grossesse. La jurisprudence est très variable sur le sujet. On a vu, il y a quelques années, un juge refuser le droit à l'IVG à une gamine de 11 ans violée par son beau-père et enceinte de ses œuvres, sous prétexte que la famille pouvait prendre en charge le nouveau-né. Il y a 43 femmes, le plus souvent des adolescentes, tous les ans qui meurent d'avortement clandestin. Il y a aussi beaucoup de patientes qui se présentent dans certains hôpitaux avec des symptômes suspects et pas mal de médecins qui ferment les yeux.

La Nación joue la sobriété avec un gros titre non illustré
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Depuis quelques semaines, le monde politique tourne autour de l'idée de légiférer sur ce sujet qui divise profondément la société entre droite et gauche et, plus subtilement encore, entre différentes sensibilités politico-sociales dans le monde catholique, qui reste majoritaire dans le pays, qui est aussi celui du Pape François, qui se refuse à y faire une visite pastorale au point qu'il vient de survoler le pays pour aller au Chili en envoyant un télégramme en anglais à Mauricio Macri. Il était question d'inclure l'IVG dans une réforme plus large du Code Pénal.

Après bien des hésitations, le gouvernement a décidé de poser sur le bureau du Congrès un projet de loi indépendant et donc de lancer le débat politique, à l'intérieur de l'hémicycle, dans la rue et dans les média, plutôt que de la traiter en catimini, par la voie des ordonnances (DNU), comme la rumeur s'en était répandue. La dépénalisation irait jusqu'à la 14ème semaine de grossesse.

Les deux voisins de l'Argentine, l'Uruguay et le Chili (celui-ci en l'entourant de très nombreuses conditions), ont déjà voté une dépénalisation totale ou partielle de l'avortement, malgré l'opposition de l'épiscopat.

Clarín a préféré mettre en une la position de la CEA
Et la photo illustre la multiplication des toilettes publiques communes hommes-femmes
dans la ville de Buenos Aires
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Le bureau de la Conférence Episcopale Argentine (CEA) vient de prendre position en demandant que le débat soit sincère et ouvert, qu'il permette à toutes les voix de se faire entendre, à tous les arguments d'être examinés. Elle fait donc preuve d'une grande prudence, elle qui réclame depuis des années une réconciliation dans le pays, un rapprochement des différentes parties qui s'y opposent depuis l'indépendance. Seul l'archevêque de La Plata, Monseigneur Héctor Aguer, toujours aussi rentre-dedans, a pris des positions fortes, dans lesquelles il en appelle beaucoup à des faits scientifiques qu'il ne précise pas plus que cela et où il met le gouvernement en accusation, en lui attribuant un manque de principes éthiques. Héctor Aguer est un habitué de ces prises de positions polémiques et outrancières. Il vient d'atteindre l'âge de la retraite épiscopale et devrait se voir bientôt remplacé à La Plata (1). On attend la décision du pape à ce sujet.

La Pensa a fait le même choix éditorial et politique : celui de prendre parti contre.
Depuis plusieurs semaines, le site Internet du journal présente une une floue.
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Si la dépénalisation est votée, ce sera considéré comme la première réforme progressiste de Mauricio Macri et la gauche sera obligée de le reconnaître. Ce serait aussi la troisième grande réforme des mœurs (plutôt que sociétale) depuis le retour à la démocratie, après la loi sur le divorce sous le mandat de Raúl Alfonsín (le divorce était jusqu'alors impossible en Argentine, il a fait bien du chemin depuis, et Mauricio Macri n'est pas le dernier à en avoir bénéficié) et le mariage égalitaire (entendez ouvert aux couples de même sexe) sous Cristina Kirchner. Il n'est pas sûr à ce jour qu'il y ait une majorité dans le pays ni au Congrès pour voter une telle mesure. Il n'est pas écarté que l'annonce serait une diversion pour faire oublier les problèmes sociaux, l'échec de la politique économique qui devait mettre fin à l'inflation et qui l'a fait croître et les scandales de corruption qui entachent plusieurs ministres.

Pour en savoir plus :
lire l'article principal de Página/12, ouvertement favorable à la mesure
lire l'article de Página/12 sur la position de la CEA (et c'est Washington Uranga qui s'y colle, un journaliste en général très hostile à la doctrine morale de l'Eglise, dont il ne comprend ni la logique ni la cohérence, ni l'histoire)
lire l'article de La Nación sur la mesure et la situation au Congrès
lire l'article de La Nación sur la situation dans le gouvernement où la majorité des ministres est hostile à la dépénalisation (la plupart d'entre eux, président compris, ont fait leurs études dans le privé confessionnel et ont obtenu leurs diplômes à la UCA, l'université catholique d'Argentine)
lire l'article de La Nación sur la déclaration du Bureau de la CEA
lire l'article de Clarín sur la prise de position de Mgr Aguer, en vidéo intégrée (13 mn).

Ajout du 25 février 2018 :
lire cet article de La Prensa sur la prise de position de Lino Barañao, le ministre de la Recherche et de la Technologie, un physicien de renom international qui a accepté de renoncer à sa carrière scientifique pour servir l'ensemble du secteur. L'article est suivi d'un premier commentaire anonyme particulièrement bas de plafond ! Ce matin, La Prensa fait sa une sur les déclarations de Mgr Aguer.

Ajout du 26 février 2018 :
lire cet article de La Prensa sur la prise de position du gouverneur socialiste de Santa Fe, Miguel Lifschitz (il est favorable à la dépénalisation qui rétablira l'égalité entre les différents niveaux économiques, les femmes riches et aisées pouvant se payer le voyage vers l'hémisphère nord, aux Etats-Unis, au Canada, en Espagne ou en Grande-Bretagne pour se faire avorter, les pauvres devant elles se contenter d'avorteurs clandestins dans des conditions d'hygiène parfois épouvantables, sans parler du risque pénal).

Ajouts du 27 février 2018 :
lire cet article de Página/12 selon lequel le président Macri a pris position contre la dépénalisation, tout en affirmant que toutes les positions étaient légitimes à ses yeux, lors d'une réunion gouvernementale à la résidence de Olivos (en grande banlieue nord)
lire cet article de La Prensa sur la position du sénateur national étiqueté Cambiemos (majorité) Esteban Bullrich, ancien ministre de l'Education dans la Ville autonome de Buenos Aires et au gouvernement national (il est contre la dépénalisation)
lire cet article de La Nación sur l'analyse de Pablo Avelluto, le ministre national de la Culture, quant aux déclarations de Mgr Aguer (assez surprenant de voir un membre de ce gouvernement se distancier du prélat) - vidéo à regarder et écouter en ligne
lire cet article de La Nación sur l'éducation sexuelle et la prévention de la grossesse indésirée à l'école publique que le gouvernement entend renforcer

Ajouts du 4 mars 2018 :
lire cet article de Clarín sur un sondage qui révèle qu'une majorité d'Argentins est en faveur de la dépénalisation
lire cet article de Clarín sur la mise en place, en cette rentrée scolaire, d'une option d'étude sur l'avortement, à la faculté des Sciences Sociales de la UBA (l'Université de Buenos Aires, d'origine maçonnique et fondée en 1821, mais néanmoins réputée de droite, à juste titre).



(1) Ceci dit, ses déclarations ne sont pas dénuées de fondement théologique et anthropologique, lorsqu'il dit que l'homme n'a pas le droit de faire n'importe quoi avec son corps, ce qui est une constante de la théologie morale catholique depuis la naissance de cette religion au 1er siècle.

jeudi 22 février 2018

Rentrée sociale chaud-bouillant en Argentine [Actu]

Ce matin, la une de Página/12 a été déformée par la numérisation
mais elle porte son jeu de mot habituel : masiva veut dire massive (la manifestation)
et IVA, c'est le sigle espagnol de la TVA
Au milieu, la avenida 9 de Julio pleine à craquer sur au moins deux kilomètres
jusqu'à l'échangeur qui conduit à l'autoroute aérienne du côté de Nueva Pompeya

Le leader historique de la GCT argentine, Hugo Moyano, le secrétaire général de la section des chauffeurs de poids-lourds, qui avait il y a deux ans fait alliance avec Mauricio Macri, a appelé hier à une grande manifestation sociale qui a eu un franc succès, toute la presse le reconnaissait en texte et en photos ce matin. C'est en effet une marée humaine qui a envahi l'immense avenue du 9 de Julio, dans le cœur de la capitale fédérale, autour de l'Obélisque, à côté duquel était dressée la scène où les leaders ouvriers ont pris la parole.

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Pour les syndicats, il s'agissait de se compter en manifestant contre la politique sociale du gouvernement, qui a multiplié les licenciements dans le secteur public tout l'été, n'a pas su faire face à la tragédie du ARA San Juan et a vu son image salie par l'affaire Chocobar et plusieurs scandales de corruption (évasion fiscale et autres révélations de société off-shore pour certains ministres et hauts responsables à la Casa Rosada, dont certains ont été écartés et d'autres restent en poste).

La Nación a préféré une photo de la tribune à une autre de la foule
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La rentrée est pour la semaine prochaine. Mais le Président Mauricio Macri reste droit dans ses bottes, comme dirait l'autre, et il en remet une couche sur une modification de la répartition de l'argent public aux œuvres sociales, qui ne sont décidément pas sa tasse de thé.

Pour aller plus loin :
lire l'article de La Nación sur la manifestation
lire l'article de La Nación sur la réaction du gouvernement qui la minimise
lire l'article de Clarín sur la manifestation
lire l'article de Clarín sur la réaction du Président

mardi 20 février 2018

Cucuza fait sa rentrée ce soir à Villa Urquiza [à l'affiche]



Le chanteur Cucuza Castiello fait sa rentrée ce soir, mardi 20 février 2018, à 20h30, au Centro Cultural 25 de Mayo (ex-teatro homonyme), avenue Triumvirato 4444, dans le quartier de Villa Urquiza, dans l'ouest de Buenos Aires. Ce sera dans la grande salle.

Entrée libre et gratuite. Encore faut-il retirer les places, une heure avant le spectacle, au guichet du théâtre. Prévoyez une longue file d'attente. Allez-y sans trop attendre !

Habanera et Tango : quand Cuba influençait la musique à Paris, à Buenos Aires et à Montevideo [ici]



Le samedi 10 mars 2018, à 16h, à la Maison de la Culture et des Loisirs de Gretz-Armainvilliers (77), dans le cadre des Journées Culture du Monde, je donnerai une conférence sur l'histoire du tango et de la habanera dans la musique populaire et la musique savante (Habanera et tango - quand Cuba influençait la musique à Paris, à Buenos Aires et à Montevideo).

A l'issue de la causerie, vente et dédicace de mes livres sur la culture et l'histoire argentines. Il est recommandé de faire l'appoint ou d'établir son chèque à l'ordre des Editions du Jasmin (les prix des livres sont annoncés sur les page Livres de mon site internet, sous le lien ci-dessus)

Entrée libre et gratuite.

Cette année, les Journées Cultures du Monde ont Cuba comme pays invité d'honneur.

Au programme : plusieurs conférences, un exposition, des repas thématiques, un concert, une dégustation gastronomique sur le thème des Caraïbes.

Les informations sont à lire sur le site Internet de la ville et sur l'affiche.

Autres dates à retenir dans cette reprise, après la trêve de l'été austral :

Jacqueline Sigaut et Victor Simón vendredi à Pista Urbana [à l'affiche]



Après-demain, vendredi 23 février 2018, à 21h30, la chanteuse Jacqueline Sigaut et son accompagnateur attitré, le pianiste Victor Simón, se produiront à Pista Urbana, un petit café concert de la rue Chacabuco, à Monserrat.

Leur répertoire mêlera le tango et le folklore de cet immense pays encore à moitié en vacances d'été qu'est l'Argentine.

L'établissement n'est pas grand. Mieux vaut réserver à l'avance à l'adresse mail annoncée sur l'affiche.

samedi 17 février 2018

La chambre d'accusation maintient l'inculpation de Chocobar [Actu]

Página/12 utilise une image figée de la vidéo de surveillance
des faits incriminés

Malgré l'appui constant du gouvernement pour légitimer l'acte de violence homicide commis par le policier Luis Chocobar, la justice argentine a décidé de confirmer l'inculpation de ce dernier. Une bonne nouvelle pour la démocratie dans ce pays et la séparation de pouvoirs.

La chambre d'accusation (Cámara del Crimen) a alourdi le chef d'inculpation, qui passe d'excès de légitime défense, choisi par le juge d'instruction, à homicide aggravé et abus de l'accomplissement du devoir.

Le gouvernement et tout particulièrement son chef, Mauricio Macri, a renouvelé son appui à l'inculpé. De la part de l'exécutif, cela constitue incontestablement un manque de respect pour la magistrature et la justice et une conception plus que douteuse de la séparation des pouvoirs, pourtant rappelée solennellement par le chef de l'Etat lors de sa prestation de serment le 10 décembre 2015.

Rappelons que la victime, un jeune délinquant armé d'un couteau dont il s'était servi contre un passant pour lui dérober ses biens, avait dix-sept ans et que le Président Macri avait osé recevoir le policier mis en cause au lendemain de son inculpation par un juge des mineurs (la justice des mineurs étant compétente parce que la victime n'avait pas 18 ans).
Le gouvernement est donc pour la peine de mort, sans limite d'âge, et surtout sans procès ! Même si le coupable n'a pas lui-même donné la mort.

Clarín a préféré traiter l'affaire dans un tout petit titre
en bas à droite
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Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 sur le verdict de la chambre d'accusation
lire l'article de Página/12 sur les commentaires du président et de sa ministre de la Sécurité
lire l'article de La Prensa sur le verdict
lire l'article de La Prensa sur les commentaires de la ministre
lire l'analyse parue dans La Prensa pour justifier le comportement du policier à base de mensonge sur les procédures respectées entre autres en France et en Angleterre, où selon l'auteur, ces faits ne seraient pas poursuivis par la Justice (quel mensonge et quelle volonté de tromper le citoyen argentin pour justifier l'injustifiable... Ignoble !)
lire l'article de La Nación sur les commentaires du président
lire l'article de La Nación sur les commentaires de la ministre
lire l'article de Clarín sur le verdict
lire l'article de Clarín sur les commentaires du gouverneur de Salta, Juan Manuel Urtubey, un péroniste ligne historique (dans l'opposition) qui cultive le dialogue avec le gouvernement : il dénonce le fait que l'exécutif commente des décisions de justice

Ajouts du 18 février 2018 :
lire l'article de Página/12 qui analyse les désaccords qui se développent entre les membres du gouvernement, les alliés de Cambiemos et entre les deux pouvoirs, exécutif et judiciaire, après le soutien présidentiel renouvelé au policier inculpé, thème traité en manchette sur la une de ce dimanche
lire l'article de Página/12 sur l'analyse du verdict par deux associations de droits de l'homme qui approuvent la nouvelle qualification
lire l'article de Clarín sur la nouvelle stratégie de Mauricio Macri contre le juge argentin Raúl Eugenio Zaffaroni, qu'il ne peut démettre de la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme (quelque envie qu'il en ait), et contre les "garantistas", les partisans du respect des droits de tous, y compris des hors-la-loi, à une justice démocratique et équitable, comme les appelle avec mépris la droite sécuritaire, vers laquelle penche clairement le président.

Ajout du 20 février 2018 :
lire l'article de Página/12 sur les commentaires de l'Association des Magistrats, une organisation professionnelle proche de Cambiemos (alliance de gouvernement au pouvoir), qui critique la prise de position partisane hostile à la Justice de la part du président

jeudi 15 février 2018

Un autre géant en Patagonie [Actu]

Authentique panneau d'accueil à Villa El Chocón
Photo Alex Rebolledo

Un nouveau dinosaure gigantesque a été trouvé en Patagonie, dans la province de Neuquén, et il est partiellement exposé depuis hier au Museo Ernesto Bachmann, de Villa El Chocón, un très beau musée municipal de paléontologie à la lisière entre la Province de Neuquén et celle de La Pampa, au cœur de la "Steppe des Dinosaures" (Estepa de los Dinosaurios), puisqu'un important gisement de fossiles y a été découvert dans les années 1990.


Ce musée est l'une des perles touristiques et culturelles de la Patagonie, à 80 km de la capitale provinciale, dans une ville nouvelle érigée en 1969, pour accueillir le personnel d'un complexe hydro-électrique tout proche et tout ce qui accompagne ce genre d'infrastructure : écoles, commerces, services... La bourgade, à côté de son grand lac de retenue, est si petite qu'elle n'a pas de site Internet et son musée non plus ! Administrativement, elle dépend de la ville de La Confluencia, actuellement en plein festival de musique. Tout près de là, se trouvent les fameux Cerros Colorados, un massif montagneux connu pour les multiples couleurs des roches qui le composent.

Edith Simón (photo communication de la découverte)

Le nouveau mastodonte, baptisé Choconsaurus Baileywillisi, a pu être découvert grâce à une habitante de Villa El Chocón qui, un jour de 1995, l'année même de l'inauguration du musée, a retrouvé un morceau d'os fossilisé dans le sol mais ce n'est qu'en 2001 qu'un chantier de fouille a été ouvert, sous la direction de la paléontologue Edith Simón et par la volonté des autorités municipales. Il aura fallu trois campagnes de fouille pour dégager 54 os, soit 25% du squelette de l'animal vivant, qui mesurait entre 18 et 20 mètres de long, balançait sa petite tête d'herbivore à 20 mètres d'altitude et pesait 25 tonnes tout mouillé. Le spécimen découvert est vieux de 91 à 93 millions d'années. Son nom combine le nom de la localité et celui de Bailey Willis (1857-1949), un géologue nord-américain qui, au début du XXe siècle, avait conseillé au gouvernement argentin l'exploitation hydroélectrique du Río Limay.

Pour aller plus loin :

Prochaine dédicace à Bussy-Saint-Georges [ici]



Le samedi 3 mars 2018, de 10h à 18h, à Bussy Saint-Georges (77), retrouvons-nous autour d'un bon mate argentin pour découvrir la culture et l'histoire de ce pays sur le stand des Editions du Jasmin où je dédicacerai mes livres.

La manifestation est coorganisée par la ville de Bussy St-Georges et le Lions Club local, au Gymnase Maurice Herzog, 21-23 bld des Genêts.

Entrée libre et gratuite.

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Le samedi suivant, 10 mars, je sera à nouveau dans le département, cette fois-ci à Gretz-Armainvilliers, aux Journées Cultures du Monde, pour y donner, à 16h, une conférence sur les liens entre habanera, tango et opéra, dans un week-end consacré à Cuba.
Plus d'informations dès que la communication municipale sera prête !


Extrait de la partition de la habanera de Carmen, de Georges Bizet

samedi 10 février 2018

La rentrée des classes se lance dans l'économie collaborative [Actu]

Image institutionnelle d'une organisation sociale (syndicat du secteur public)
qui distribue des kits scolaires à ses affiliés


Après s'être intéressé il y a quelques jours au succès du modèle coopératif, le journal de droite libérale La Nación se penche aujourd'hui sur l'apparition de l'économie collaborative dans la préparation de la rentrée des classes qui aura lieu à la fin de ce mois.

Tout existe sur ce marché parallèle de troc, d'achat collectif et de revente d'occasion : fournitures scolaires, blouses blanches pour les uniformes (en vigueur dans l'enseignement public) (1) et vêtements de tous les jours.

Cette montée de l'économie alternative semble un assez bon symptôme de l'échec jusqu'à présent de la politique économique du Gouvernement qui promettait, il y a deux ans, d'apporter la prospérité à tous les secteurs sociaux. Ce n'est clairement toujours pas le cas.

Pour en savoir plus :



(1) A l'école publique, l'uniforme traditionnel est la blouse blanche, portée par les élèves et les professeurs. Dans la plupart des écoles privées, il existe aussi des uniformes. Ils s'inspirent souvent de la tradition des public schools anglaises. Les enfants et adolescents portent du vert et du bleu marine, avec des coupes très strictes, qui ne correspondant pas du tout à la culture argentine.

La justice argentine en zig-zag : deux pas à droite, deux pas à gauche [Actu]


Deux affaires occupent actuellement les observateurs judiciaires en Argentine :
  • qu'adviendra-t-il du sous-officier Luis Chocobar, inculpé pour mauvais usage de la légitime défense ayant abouti à la mort d'un délinquant et criminel mineur d'âge ?
  • et jusqu'où le ministre de l'Agriculture sera-t-il poursuivi pour le paiement d'une soi-disant prime, aussi généreuse qu'apparemment fictive, qu'il a récemment remboursée en intégralité à la Sociedad Rural, la fédération patronale agraire dont il était le président avant de se voir attribué, il y a deux ans, le portefeuille de l'Agriculture ?

Dans l'affaire Chocobar, le procureur et l'avocat de la défense font la même requête à la Chambre criminelle devant laquelle ils ont fait appel de la décision du juge d'instruction (de la justice des mineurs car la victime, et non l'auteur, est un mineur) : un non-lieu pour le policier !
Incroyable mais vrai : le ministère public et la défense ont la même interprétation des faits, alors qu'il y a eu mort d'un adolescent par un policier qui n'était ni en service ni en uniforme.
De surcroît, la nouvelle doctrine que la ministre de la Sécurité veut mettre en place, à savoir le libre exercice de la violence par la police à qui le doute devrait toujours profiter (ce qui est contraire à toute l'histoire du droit pénal démocratique partout sur le globe), semble avoir déjà été appliquée, à Quilmes, dans la banlieue sud et populaire de Buenos Aires, par une formation d'élite de la Bonaerense qui a, à nouveau, tué, de nuit, un adolescent de 17 ans. Sans doute encore une fois tout le contraire d'un enfant de chœur mais néanmoins c'était un mineur.
Le garçon a été abattu de trois balles, dont l'une dans le dos et une autre dans la jambe, et laissé agonisant sur le sol, sans que les secours soient appelés pour le soigner, lui sauver la vie et lui permettre plus tard de comparaître devant les tribunaux pour les faits dont les policiers le soupçonnaient. Quant au fonctionnaire qui a tiré, il n'est pas question pour l'instant d'un procès à son encontre et pourtant, il faudrait qu'une action judiciaire soit ouverte, pour faire la lumière sur ce qu'il s'est passé.
Il semblait bien, pourtant, que la Gouverneure, María Eugenia Vidal, n'était pas tout à fait d'accord avec cette politique du tout répressif qu'un autre cacique de Cambiemos, Esteban Bullrich, connu pour ses déclarations inconsidérées (1), vante à temps et à contretemps.

Página/12 fait sa une avec une photo du ministre de l'Agriculture
et un calembour maison (le remboursement : le retour, comme pour une série cinématographique)
et une manchette sur la grimpette politique de la ministre de la Sécurité
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Dans le scandale de corruption Etchevehere, comme se nomme ministre de l'Agriculture, un juge a osé l'inculper pour soupçon d'enrichissement illégal et le siège de la Rural a été perquisitionné pour comprendre l'opération incriminée et qui porte sur le transfert, sur le compte personnel du ministre, d'un demi-million de pesos argentins (ce n'est pas rien !). Nous verrons bien jusqu'où ira l'instruction et si l'affaire aboutira ou non devant une instance de jugement.

Dans le même temps, la justice a mis en prison des membres de l'ancienne majorité, élus municipaux de la ville de Curuzú Cuatiá (2), dans la Province de Corrientes, pour malversations et abus d'argent public. Traitera-t-on avec la même sévérité les deux dossiers ? Wait and see, comme on dit dans un autre pays...

Le meilleur dans tout cela, c'est le propos de Graciela Fernández Meijide, une militante des droits de l'homme qui reste à part, éloignée des associations chouchoutées par les Kirchner pendant les douze années de leurs trois mandats respectifs : intervenant dans une émission d'actualité à l'antenne de La Nación, elle a rappelé que les forces de police ne peuvent pas perdre leur sang-froid en intervention, que leurs membres ne peuvent pas se comporter comme des citoyens lambda qu'ils ne sont pas, qu'ils doivent d'abord et avant tout respecter la loi, que la ministre ne devrait pas soutenir systématiquement  et avec autant d'emphase n'importe qui et n'importe quoi avant même que les enquêtes aient permis de comprendre le déroulement des faits et qu'au lieu de prendre parti pour la police, avec précipitation comme elle le fait, elle serait plus avisée de se pencher sur la qualité de l'instruction initiale qui est dispensée aux agents des forces de sécurité et celle de leur entraînement physique et psychique au long cours.
Comme quoi, les Argentins sont tout à fait capables de raisonner sur ces sujets et que l'emballement actuel n'est pas une fatalité de je ne sais quel tempérament national passionné ! A écouter avec attention sur le site Internet de La Nación (ce n'est pas long, cela dure environ 2 minutes).

Pour aller plus loin :
sur l'affaire Chocobar
lire l'article de Página/12 sur les événements de Quilmes
lire le billet de Claudio Avruj, secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme, publié aujourd'hui dans La Nación, où il soutient que la procédure suit son cours (en ce moment, c'est assez difficile à croire)
lire l'article de La Prensa sur l'invraisemblable ligne commune entre le parquet et la défense de l'inculpé
lire l'article de La Nación sur l'équilibre des forces politiques au sein du gouvernement où Patricia Bullrich semble avoir gagné du poids depuis l'énonciation de sa doctrine sur la légitime défense (elle vient en plus de négocier un accord de coopération internationale entre la PFA, Policia Federal Argentina, avec le FBI, qui va former les officiers de la Federal – une bonne chose, car le FBI a une longue tradition, constitutionnelle et en partie légendaire, de lutte contre le crime)
lire l'article de Clarín sur l'invitation de Claudio Avruj adressée à la mère, célibataire, du jeune homme tué par Chocobar
lire l'article de Página/12 sur le refus que cette femme, issue du prolétariat, oppose au ministre puisqu'elle veut être reçue par le Président de la Nation puisqu'il a reçu en audience le meurtrier de son fils (il semble bien que cette mère ait été complètement dépassée par le comportement de son rejeton et qu'elle l'est tout autant par le raffut médiatique orchestré autour de sa mort. Il fait assez peu de doutes qu'elle soit plus ou moins manipulée par des formations d'opposition qui s'emparent de cette tragédie comme elles l'ont fait en août, en pleine campagne électorale, avec l'affaire Maldonado)
Sur l'affaire Etchevehere :
lire l'article de La Nación, qui a le grand mérite d'aborder cette information qui ne doit pas lui plaire (La Nación est historiquement proche de la Rural)
Sur l'affaire de Curuzú Cuatiá :
lire l'article de La Nación, qui illustre complaisamment avec le menottage de ces anciens élus, piétinant sans aucun scrupule toute présomption d'innocence, comme le fait généralement la presse argentine.

Ajout du 12 février 2018 :
lire, dans Página/12, cette longue interview du prix Nobel de la Paix Adolfo Pérez Esquivel où le vieux sage analyse, avec inquiétude, la dérive du gouvernement argentin, de ses décisions et de ses éléments de langage qui renouent avec des relents du dix-neuvième siècle. Le regard précis et lucide d'un homme de 86 ans respecté de tous les côtés (sauf les gens de très, très, très mauvaise foi).



(1) Pendant la campagne électorale, alors qu'il se présentait comme sénateur pour la Province de Buenos Aires, l'ancien ministre national de l'Education (et ministre portègne auparavant) a lancé devant Vidal qu'il se réjouissait de vivre dans un pays qui mettait chaque jour un gamin de plus en prison ("un pibe más que está preso"). Les 15 secondes vidéo de cette déclaration aussi sotte que méchante s'est viralisée dans la journée et reste en Argentine un grand classique de You Tube. Vous la trouverez facilement en tapant le morceau de phrase que je viens de citer. Et on a vu la gouverneure se retourner en sursautant pour le regarder avec une mine effarée. Plus tard, Esteban Bullrich a pris conscience de sa bévue et il est parti dans des explications embarrassées qui n'ont convaincu que ceux qui étaient ses inconditionnels. Le mal était fait et Sátirale complément satyrique de Página/12, s'en amuse aujourd'hui pour cette entrée en carnaval.
(2) Curuzú Cuatíá est pourtant une ville fondée en 1812 par l'un des plus intègres des fondateurs de l'Argentine indépendante, Manuel Belgrano (1770-1820). Le pauvre doit se retourner dans son urne, dans son gigantesque monument, sur le parvis de la Basilique du Saint-Rosaire, à Buenos Aires !

vendredi 9 février 2018

Amores Tango sort un nouveau disque pour le Carnaval [Disques & Livres]



Le quatuor Amores Tango présente son troisième album, intitulé Fronteabierta, ce soir, vendredi 9 févier 2018, à 21h, à La Tangente, Honduras 5317, dans le quartier de Palermo. Les réservations sont déjà presque épuisées. Amores Tango est une formation de clavier, violon, guitare et accordéon. Ce soir, ils ont invité le chanteur el Negro Falótico (pour le tango portègne) et Ibrahim Ferrer junior (pour la musique brésilienne).

Entrée : 250 $ ARG.

Le nouveau disque, en écoute libre sans téléchargement sur le site Internet du groupe, prend en effet l'accent brésilien sur quelques morceaux, celui du jazz manouche et de la musique klezmer sur une Milonga Gypsie et marie ailleurs le tango avec diverses traditions du folklore de l'Intérieur argentin. Un album qui bouscule les habitudes sans scandaliser personne.

Comme le disent les artistes dans l'interview publiée ce matin dans Página/12, « le tango s'entend bien avec les autres musiques ». Il s'agit là cependant d'une tendance récente car le genre a longtemps cultivé son quant-à-soi musical...

La chanteuse de tango Julia Zenko a accepté de prêter sa voix à leur arrangement du grand classique tanguero qu'est Nada, de José Dames et Horacio Sanguinetti (1944). Autre classique qui s'invite sur cet album : Vuelvo al sur, le morceau composé par Astor Piazzolla pour un film de Pino Solanas, qui a signé les paroles et qu'a créé Roberto Goyeneche el Polaco (1).

Après le concert de carnaval de ce soir, les quatre musiciens s'envolent pour une tournée en Europe.

Disque à découvrir sur le site Internet du quatuor.

Pour aller plus loin :
découvrir le groupe sur Facebook



(1) Vuelvo al Sur fait partie du corpus que j'ai traduit dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, publié aux Editions du Jasmin, en 2010.