mardi 31 décembre 2019

Une langue qui fourche et c'est la rigolade générale [Actu]

Axel Kiciloff, le nouveau gouverneur de la province de Buenos Aires, a eu la langue qui a fourché au cours d'une prise de parole publique hier. Voulant employer le terme haber (avoir, sous la forme impersonnelle), il a mélangé la troisième personne du subjonctif de deux verbes irréguliers : haber et hacer (faire). Ce qui a donné le barbarisme haiga (un croisement entre haya et haga).

La belle affaire ! Il n'y a pas mort d'homme mais c'est la ruée dans les médias hégémoniques pour se payer la tête du gouverneur qui impose à nouveau une politique sociale de gauche (redistributive, pensez donc !) dans une province dont le taux de pauvreté est un scandale, à si courte distance de la capitale fédérale, beaucoup plus riche mais pas très généreuse avec sa proche banlieue sud...

Daniel Paz et Rudy n'ont donc pas loupé l'occasion de railler la bonne société des gens bien qui ne manquent de rien et qui planquent leur fortune à l'étranger plutôt que de l'investir dans le pays pour le faire prospérer.

Ce qui donne ce matin à la une de Página/12 un dialogue entre les deux Marie-Chantal qui prennent le thé dans les beaux quartiers :


Celle à gauche : Tu as vu ? ce qu'a dit Kiciloff ? Une horreur !
Celle à droite :Ah, ce truc, haiga au lieu de haya ?
Sa copine : Mais non !!!! Quand il a dit que les gens qui ont plus (1) devraient aider ceux qui ont moins !
Traduction © Denise Anne Clavilier

De quoi rigoler pendant le réveillon... Et bonne année à tous !



(1) Les « premiers de cordée » sont les mêmes partout sur la planète...

Vice-présidente ou pas, Cristina Kirchner passera en jugement [Actu]


Entêtement furieusement anti-démocratique d'un juge partisan de droite, comme on le pense à gauche, ou indépendance d'une magistrature miraculeusement équanime, comme on s'en flatte à droite, il est bien difficile de se prononcer tant la presse, de tout côté, traite cette affaire sous un angle partisan et vindicatif.

Toujours est-il que le juge d'instruction fédéral Claudio Bonadio vient de clore le dossier concernant l'affaire dite des carnets, des photocopies de cahiers qu'aurait tenus au jour le jour pendant des années le chauffeur de taxi qui emmenait les ministres à des rendez-vous discrets pour remettre et retirer des enveloppes en lien avec de gros chantiers de travaux publics commandés par l'Etat sous les mandats de Néstor et Cristina Kirchner. On n'a jamais retrouvé les originaux de ces cahiers qui impliquent en cascade 52 personnes dont l'actuelle vice-présidente et plusieurs de ses ministres.

Dans un dossier connexe à cette affaire, une autre juge, Madame Servini, a prononcé hier un non-lieu en faveur de Maximo Kirchner, fils aîné de Néstor et Cristina et présentement président du groupe majoritaire à la chambre basse, celle que ne préside pas sa maman.

Le juge Bonadio vient de renvoyer tous ces prévenus devant l'instance de jugement dont les débat devraient commencer dans le courant de l'année prochaine.

Pour aller plus loin :
lire l'article de La Nación, qui en fait sa une.

samedi 28 décembre 2019

Le ministre de l’Éducation nationale annonce son programme [Actu]

Le ministre devant le portrait de Sarmiento
Sarmiento est une figure révérée par Cambiemos, en paroles seulement
Regardez le caractère défraîchi des murs de ce ministère

Après ses collègues de la culture et de la sécurité, c’est le ministre de l’Éducation, Nicolás Trotta, qui a communiqué les grandes lignes de son action dans le cadre d’interviews accordées à Página/12, Clarín et La Nación, les deux premiers ajoutant des vidéos à leurs articles sur leurs sites Internet.

Les chantiers sont nombreux tant le secteur public a été délaissé pendant le mandat de Mauricio Macri qui avait entamé sa présidence en plaignant les gens qui « tombent dans l’école publique » au lieu de fréquenter les établissements privés, que par ailleurs il a subventionnés en réduisant les budgets alloués aux écoles et lycées publics.

Tout est à revoir : les salaires des enseignants doivent être ajustés, les programmes modernisés, les locaux sécurisés et restaurés. Il y a eu deux accidents mortels au cours du mandat (des explosions dues à un mauvais état de l’alimentation en gaz pour le chauffage) et peu avant la fin de l’année scolaire des incidents graves, avec des plafonds tombant sur la tête des élèves.

Comme l’a dit le nouveau ministre, après la lutte contre la faim, l’éducation est une priorité pour ce gouvernement qui doit rattraper les inégalités creusées non pas depuis cinq ans mais depuis l’indépendance, il y a deux cents ans. Et lui, qui doit conduire une politique péroniste, a accepté de poser près d’un portrait du père de l’école publique argentine, le très libéral, très oligarchique  et très philo-européen Domingo Faustino Sarmiento (1811-1888), l’une des figures historiques les plus honnies de sa famille politique. Là aussi, il s’agit de refermer le fossé idéologique (cerrar la grieta) afin de travailler au bien du pays.

Pour en savoir plus :

La ministre de la Sécurité reprend l’enquête Nisman envers et contre tout [Actu]



Les deux scénarios selon les expertises incompatibles entre elles
En haut, celui de la gendarmerie en 2017
En bas, celui de la police portègne en 2015
Schéma La Nación
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Après une première salve d’interviews conciliantes, la nouvelle ministre de la Sécurité, Sabina Frederic, entre dans le vif du sujet.

Elle vient d’annuler les protocoles de sa très agressive et assez violente prédécesseuse, Patricia Bullrich (1), qui autorisait l’utilisation du taser et autres armes dangereuses dans le cadre des missions de maintien de l’ordre et la poursuite des malfaiteurs et elle a récemment annoncé qu’elle allait procéder à de nouvelles nominations à la tête des deux corps de police que Bullrich a choyés,souvent d’une manière très partisane et contre les enquêtes judiciaires, pendant tout le mandat, notamment autour de deux affaires qui sentent le souffre pour les kirchneristes : la gendarmerie pour l’affaire Alberto Nisman, le procureur décédé le dimanche 18 janvier 2015, alors qu’il s’apprêtait à dénoncer le lendemain matin la présidente Cristina Kirchner d’avoir entravé le cours de la justice dans l’instruction d’un attentat, laquelle a aussitôt été soupçonnée a priori par son opposition d’être la commanditaire de cette disparition violente (qui pourrait n’être qu’un suicide, comme tend à l’indiquer le désistement irrévocable de la mère des filles du magistrat -elle-même juge fédérale en exercice- qui s’était constituée partie civile au nom des deux mineures) et la préfecture (police fluviale et maritime) pour la disparition de Santiago Maldonado, retrouvé mort dans une rivière glacée en plein hiver qu’il tentait de traverser pour échapper, pensent les kirchneristes, à des effectifs préfectoraux et gendarmesques qui auraient été en train de le poursuivre pour la seule raison qu’il s’opposait à la privatisation de territoires que certains groupes mapuches revendiquent comme terres ancestrales.

Les deux schémas dans le même ordre
Schémas Clarín
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Sabina Frederic, qui a le parcours d’une universitaire de valeur, a aussi annoncé qu’elle allait faire réexaminer l’expertise réalisée par la gendarmerie sur la mort de Nisman, une expertise qui laisse entendre que le magistrat a été assassiné par deux sicaires dont on n’a jamais retrouvé la trace. Qui plus est, cette expertise a été réalisée sur une scène du crime reconstituée (l’appartement ayant été libéré et remis en location), sans aucune capacité de faire des prélèvements biologiques ou de relever des empreintes digitales ou palmaires qu’on n’a pas trouvé à la découverte de la scène. Or cette expertise fait partie d’un processus judiciaire dans lequel l’exécutif ne devrait pas pouvoir s’immiscer, ce que la magistrature a rappelé très rapidement par des déclarations publiques. Cette expertise a été évaluée de façon contradictoire par différentes instances juridiques et elle fait maintenant partie du dossier même si elle contredit les premières expertises qui avaient été diligentées par la justice portègne, avant que l’affaire ne soit transférée à la justice fédérale. La tenue de ce dossier rappelle furieusement chez nous l’affaire Grégory, avec une dimension plus clairement politique encore.

Pour aller plus loin :
le 27 décembre
lire l’article de Clarín, très nettement favorable à la thèse de l’assassinat, comme La Nación
lire l’article de La Nación, qui a pris d’emblée fait et cause pour la famille de Alberto Nisman contre Cristina Kirchner
le 28 décembre
lire l’article de Página/12, qui défend la thèse du suicide



(1) Peu avant le vote de la loi d’urgence alimentaire et sociale au Congrès nationale, Patricia Bullrich avait appelé l’opposition parlementaire à rassembler des pierres pour empêcher le vote de la mesure… Attitude bizarre de la part d’une responsable politique qui prétend défendre la démocratie menacée par l’actuelle majorité ! De plus, elle vient de publier un livre de propagande sur son action à la tête de son ministère qui vient de paraître avec une couverture qui lui donne un cachet officiel, gouvernemental, comme si elle était toujours aux affaires alors que le nouveau gouvernement a prêté serment le 10 décembre. Pour le respect de la démocratie, il reste une grosse marge de progrès.

Un pacte social est signé [Actu]

"C'est avec presque tous"
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Hier, à la Casa Rosada, dans le salon Eva Perón, le président Alberto Fernández, entouré du chef du Gouvernement et de quelques ministres, a réuni les partenaires sociaux, syndicats ouvriers et organisations patronales, pour conclure un pacte social qui permette aux forces vives du pays de s’unir pour affronter ensemble l’adversité et mettre en place une politique de développement dans cette nouvelle crise économique du surendettement national, de la tutelle du FMI et de la complexe négociation de la restructuration de la dette.

Dans un engagement pour le développement et la solidarité (Compromiso para el Desarrollo y la Solidaridad), les partenaires sociaux ont accepté de coopérer pour mettre en place la politique d’urgence économique et appuyer le gouvernement dans ses négociations avec les créanciers de l’État.

« Nous vivons dans un pays qui subit depuis deux ans sans solution de continuité la chute de la consommation et depuis plus de vingt mois celle de l’activité industrielle. Ces courbes, il faut les inverser rapidement. Pour cela, il faut que les industriels investissent, que la production croisse, que nous puissions exporter de façon à créer des sources de travail, que l’économie se remette à évoluer dans le sens dont nous rêvons tous et l’idée est de s’y mettre tous ensemble », leur a dit le chef de l’État, d’après le communiqué officiel.

Signe encourageant, représentants patronaux, dirigeants syndicaux et ministres ont accepté de se mêler tout autour de la table au lieu de se regarder en chiens de faïence, comme c’est si souvent le cas, surtout lorsque les pouvoirs publics sont classés à gauche. L’avenir nous dira ce qu’il en sera de cette belle volonté patriotique et humaine.

Pour en savoir plus :

Après le premier succès de la majorité, le premier échec de l’opposition [Actu]

Jeu de mot habituel à la une de Página/12 (24.12) :
aguante signifie résistance et comporte le mot agua (eau)

A peine deux semaines après sa prise de fonction, le nouveau gouverneur radical (1) de Mendoza et sa majorité à la chambre provinciale (coalition Juntos por el Cambio (2), ex-Cambiemos, désormais dans l’opposition nationale) ont déclenché une guerre-éclair de l’eau qu’ils viennent de perdre dans les grandes largeurs. Sans doute avaient-ils cru que tout leur était permis parce que le président Alberto Fernández avait dit, dans son discours inaugural, le 10 décembre, que l’activité minière avait toute sa place dans l’économie nationale.

Gros titre : "Secteur minier :
le gouvernement assurera les contrôles
et promet qu'on veillera sur l'eau"
Cliquer sur l'image pour une haute résoluton

Par le biais de la suppression de la loi 7722, qui réglemente l'activité minière et protège l’environnement contre les pollutions industrielles, il s’agissait d’autoriser, par la loi 9209, les exploitants de mines d’or, de véritables puissances financières, à utiliser des produits dangereux, entre autre du cyanure, pour extraire les métaux dans des gisements à ciel ouvert, au risque de polluer l’air, le sol et surtout l’eau, que ces poisons auraient pu rendre impropre à la consommation humaine et à l’agriculture... Le tout dans une province semi-désertique et très agricole, largement couverte de vignobles qui produisent des vins qui sont, avec les splendides paysages andins, l'un des atouts économiques et touristiques de la région et une source non négligeable de devises (hélas complètement privatisées) favorablement accueillie par la balance commerciale argentine ! Et reconnaissons qu’avec la crise que traverse l’Argentine, cet atout n’est pas un luxe dont ni le pays ni la province ne peuvent se passer...

"Suárez traître !" affirme la pancarte à Mendoza
Derrière, sur le pont, une banderole noire :
"Pas touche à la loi 7722"
Photo Uno

De surcroît, le problème de l’eau est lié au réchauffement climatique et à la raréfaction planétaire de l’or bleu puisque, depuis de nombreuses années, malgré de nombreuses retenues d’eau sur les rivières provenant de la cordillère, Mendoza est en stress hydrique presque continu et peine à vivre sans restriction.

"Suárez promulgue aujourd'hui la nouvelle loi
sur les mines, malgré les manifestations"
Sur la photo : le slogan "Pas touche à la loi 7722"
Los Andes, 24 décembre
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Le 23 décembre, une foule considérable s’est rassemblée à Mendoza, sous les fenêtres du gouverneur Rodolfo Suárez, pour exiger qu’il mette son veto à cette mesure imbécile, égoïste et dangereuse. Cela n’a pas empêché celui-ci de promulguer cette loi scélérate dès le lendemain, avec un cynisme, un aplomb et une arrogance qui peuvent rappeler quelque chose ici, en France. Malgré les préparatifs du réveillon, cette décision qui ignorait délibérément la volonté populaire manifestée la veille dans la rue a provoqué de nouvelles manifestations monstres, cette fois-ci, dans plusieurs villes de la province, et des prises de position de nombreux secteurs sociaux et militants, y compris de la part des reines de la Vendange. Prenant très à cœur leur mission de représentantes des enjeux culturels et économiques de leur ville, reçue au moment de leur élection l’année dernière, ces jeunes femmes, organisées en commission officielle, la Corenave (voir sa page Facebook), ont suggéré d’annuler la Fiesta de la Vendimia, temps fort culturel et touristique pour toute la province pendant tout l’été.

"Une loi qui fait eau"
En haut, le ministre de l'Éducation nationale en interview

Depuis Buenos Aires, le ministre fédéral du développement durable a commenté cette actualité provinciale en signalant que si la province était libre de légiférer comme elle le souhaitait, l’eau était le bien de tous les Argentins et que son devenir ne pouvait pas dépendre d’un revirement législatif d’une seule province (3). En inaugurant ainsi l’action politique de son ministère, Juan Candambié a reconnu que l’accès à l’eau était un droit de l’homme, il en a fait par conséquent un droit inaliénable, ce qui n’est pas encore acté dans la législation nationale mais le sera peut-être un jour.

"San eau, il n'y a pas de Vendange"
L'écharpe rouge barre toutes les dates des festivals ville par ville
Le tract numérique de la Corenave repris par Uno

Avant-hier, en conférence de presse, défait et entouré d’une partie de son gouvernement, Suárez a reculé en faisant des déclarations en pure langue de bois, du caroubier massif 40 carats au moins (4). Invitation au dialogue si insincère que les organisations écologistes ont refusé de jouer un jeu qu’elles estimaient truqué. La Corenave a maintenu son appel à annuler les fêtes (au cours desquels les reines sont élues). Un appel entendu par au moins six villes, dont Maipú, San Carlos et Tuñuyán, dont les vignobles sont parmi les plus prestigieux du pays.

Les reines, reçues par le gouverneur.
La réunion n'a pas abouti et elles ont maintenu leur appel à l'annulation

Hier enfin, en réunion avec l’ensemble des maires de la province, qui ont pouvoir de décider de maintenir ou non le programme des festivités sur leur commune (5), le gouverneur a dû annoncer qu’il ne promulguerait pas la loi ainsi votée par son assemblée godillot puisque « les Mendocins sont contre les mines » (6) et qu’il enverrait lundi un nouveau projet de loi à la chambre provinciale pour rétablir les dispositions de la loi 7722.

"Suárez a suspendu la loi sur le secteur minier
et le PJ demande maintenant son annulation"
Los Andes, 27 décembre
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La loi 9209 est donc morte. Paix à son âme. Les écologistes et le peuple mendocin ont gagné la guerre. Quant à Suárez, il entame son mandat sur un échec cuisant accompagné d’un scandale qui risque d’être son sparadrap du capitaine Haddock pendant les quatre ans à venir et qui expose à la lumière la plus crue son inféodation dénuée de sens moral à des capitalistes d’une cupidité sans fond.
Les villes qui avaient annulé leur festival le reprogramment normalement.

Los Andes ce matin
« Suárez annule la loi du secteur minier :
"Ecoutons le peuple !" »
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Curieusement, alors que l’affaire retient depuis mardi toute l’attention de Página/12, quotidien de gauche favorable à l’actuelle majorité nationale. La Prensa ne s’y est intéressée qu’à partir d’avant-hier, quand le pouvoir politique (certes contraint et forcé) a enfin résisté devant les exigences d’un grand capital sans aucune éthique, ni dans le domaine de l’écologie ni dans celui de la justice sociale et économique. La Nación, quant à elle, a réagi dès le 26 mais uniquement sur son site Internet et il a fallu attendre de longues heures après le bouclage de l’édition papier du 27 pour voir un article sur celui de Clarín.

"Cou-lée"
Página/12 ce matin

Pour en savoir plus :
Depuis Buenos Aires
lire l’article de Página/12 du 24 décembre 2019
lire l’article de Página/12 du 26 décembre sur la seconde manifestation
lire l’article de Página/12 de ce matin
lire l’article de La Prensa d’avant-hier soir, après le recul de Suárez
lire l’article de Clarín d’hier
lire l’article de Clarín de ce matin
lire l’article de La Nación du 26 décembre
lire l’article de La Nación de ce matin

A Mendoza
le 24 décembre
lire l’article de Los Andes sur les opposants à la loi déterminés à continuer la lutte pendant les deux réveillons
lire l’article de Los Andes sur le premier appel de la Corenave, la commission des reines
hier
lire l’article de Los Andes sur la Corenave, qui maintient son appel à annuler les fêtes de la Vendange qui se succèdent tout l’été à travers la province pour aboutir en mars à celle de la capitale qui se tient en mars
lire l’article de Los Andes sur les six villes qui avaient décidé d'annuler leur fête pour continuer de faire pression sur le gouverneur
lire l’article de Uno sur le même sujet
lire l’analyse politique de Uno sur la pression exercée sur le gouverneur à travers les menaces pesant sur les fêtes de la Vendange (« Le principal missile contre Suárez s’appelle Vendange »)
aujourd’hui



(1) Petit rappel historique : le parti radical, l’UCR, est né en 1891 pour lutter contre la corruption des grands propriétaires fonciers et grands détenteurs de capital qui confondaient les intérêts de la République argentine avec ceux de leurs comptes en banque.
(2) Ce qui signifie « Ensemble pour le changement » au lieu de « Changeons ». Slogan que les électeurs semblent avoir pris au pied de la lettre en s’unissant pour changer en effet de gouvernement.
(3) D’ailleurs au moins deux provinces andines, Salta au nord et Chubut au sud, sont venues à la rescousse des manifestants et ont épousé leurs exigences contre le racket des lobbies miniers.
(4) Il appelait au dialogue sur la question pour garantir la paix civile. Y croyait-il seulement lui-même ?
(5) En Argentine, on parle de départements.
(6) Ce qui n’est pas exact. Ils sont contre le fait de les autoriser à détruire le pays. Ce qui est assez différent.

mercredi 25 décembre 2019

Alberto préfère les bergers à Hérode ou Tibère [Actu]

Le président (chemise blanche à droite, avec l'enfant) pose avec quelques convives
et l'un des prêtres de la paroisse
La première dame se trouve au centre, avec la longue robe blanche.

Comme les anges de la Nativité se sont rendus auprès des bergers qui gardaient les troupeaux aux alentours de Bethléem, évitant soigneusement les palais d'Hérode à Jérusalem ou Césarée, et autres lieux de pouvoir liés à la puissance coloniale de Tibère, le président Alberto Fernández s'est rendu hier soir au réveillon paroissial de San Cayetano, dans le quartier ultra-prolétaire de Liniers, tout à l'ouest de la capitale argentine, l'un de plus éloignés qui soient du centre-ville qui, à Buenos Aires, se trouve à... l'est !

Il était accompagné de sa compagne, l'actrice et désormais première dame Fabiola Yáñez, et du chef de gouvernement, Santiago Cafiero.

Le président dans les allées du sanctuaire haranguant la foule des convives

Visite présidentielle impromptue qui a donné lieu à un surcroît de liesse parmi les paroissiens et de nombreux selfies, sans compter un certain nombre de photos souvenirs qui ont été utilisées par la communication politique de la Casa Rosada.

Quelques instants avant de partir pour Liniers, dans ses vœux de Noël diffusés sur son compte Twitter, le président argentin avait appelé ses compatriotes à tendre la main à ceux qui souffrent alors que les mesures fiscales qui renchérissent les séjours à l'étranger (1) font grincer des dents.

Le sanctuaire n'a pas été choisi au hasard parmi les quartiers qui souffrent de la misère à Buenos Aires : San Cayetano (saint Gaëtan pour les francophones) est en effet le saint patron des travailleurs modestes, ceux qui comptent sur leur travail pour obtenir leur pain.... On le prie, surtout le 7 août, pour obtenir du travail et trouver du pain pour nourrir sa famille.

Les sites Internet des grands quotidiens en ont parlé.

Quelques uns des supporters de Chacarita qui ont organisé le réveillon de solidarité

Au même moment, quoique avec un moindre retentissement médiatique, un certain nombre de club de quartier ont organisé pour leurs membres ou pour des gens moins favorisés du quartier des festins de plein air sous le ciel d'été. Tel fut le cas du Club Atlético Chacarita Juniors qui offrait hier un grand asado et des paniers de spécialités de saison aux habitants vulnérables de leur quartier...


Pour aller plus loin :
Lire l'article de Clarín sur le repas de fête offert par Chacarita Juniors

Ajout du 26 décembre 2019

La Prensa a fait sa une d'aujourd'hui avec ce réveillon particulier du chef de l'Etat.


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(1) Il s'agit d'une taxe de 30% qui s'applique désormais aux retraits d'argent en devise étrangère et donc aux achats par carte bancaire ou de crédit effectués hors des frontières. Taxe qui vise à éviter de vider les réserves nationales en dollars et en euros et à obliger les Argentins à privilégier le marché intérieur pour s'équiper, notamment de biens technologiques qu'ils n'ont que trop tendance à aller acheter en dehors des frontières, notamment au Chili, ce qui participe à faire s'effondrer la demande intérieure et par conséquent l'intégralité du marché de l'offre et de la demande, provoquant des fermetures d'entreprise et du chômage à grande échelle.

dimanche 22 décembre 2019

Le ministre de la Culture expose son programme [Actu]

Prestation de serment de Tristán Bauer le 10 décembre après-midi

Tristán Bauer, le nouveau ministre de la Culture, a accordé jeudi dernier deux interviews, l’une à Página/12, l’autre à La Nación, et il y a exposé les grandes lignes de ce qu’il veut développer à la tête de son ministère : faire revivre les deux canaux culturels de l’audiovisuel public, Pakapaka, pour les petits, et Canal Encuentro, la chaîne des documentaires, faire revivre le cycle de Zamba, garçonnet intrépide qui servait de support à des incursions pédagogiques dans tous les domaines du savoir (un peu à la manière de C’est pas sorcier, à la télévision française).

En parcourant Tecnópolis, Bauer, sur l'image, a eu la désagréable surprise
de retrouver l'effigie de Belgrano décapitée
Or nous sommes à la veille de l'année du bicentenaire de sa mort et des 250 ans de sa naissance !

Il reprend en main le CCK (Centro Cultural Néstor Kirchner) et Tecnópolis, le parc thématique et pédagogique sur la science et la technologie, passablement vidé de son contenu par le gouvernement antérieur et où il a été très choqué de trouver les effigies de San Martín et Belgrano (1) vandalisées et gisant au sol.

Zamba revient / Interview de Tristán Bauer

L’interview de Página/12 a été enregistrée au Museo Histórico Nacional, à San Telmo, et offre une belle photo du ministre admirant le sabre de San Martín visible de tous les côtés dans sa vitrine située, tel un tabernacle, au fond d’un couloir plongé dans la pénombre.

Bauer a aussi retrouvé à terre l'effigie de San Martín

Pour aller plus loin :



(1) Il s’agissait des statues issues des dessins animés de Zamba, grâce auxquels la série avait permis de faire aimer l’histoire et les pères fondateurs à des milliers de bouts-de-chou à travers tout le pays et dont le gouvernement précédent s’est détourné dans ce qui ressemble beaucoup à une volonté politique de détruire le lien affectif du peuple avec son histoire, tant ce secteur a été délaissé. Symboliquement, Mauricio Macri avait d’ailleurs fait décrocher des murs de la Casa Rosada la galerie de portraits des grands héros révolutionnaires et indépendantistes offerts à l’Argentine par les différents pays d’Amérique latine en 2010 à l’occasion du bicentenaire de la Révolution de Mai.

La loi de Solidarité sociale et de Réactivation productive est adoptée [Actu]

L'hémicycle du Sénat dans la nuit du 20 au 21 décembre pendant le débat

La première loi de la nouvelle majorité vient d’être adoptée par le Sénat, un jour après le vote à la Chambre des Députés : il s’agit d’une loi économique qui permettra une nouvelle distribution des richesses grâce à une nouvelle fiscalité concernant les plus riches, qui sont priés de participer à faire baisser la pauvreté et à relancer la production nationale, qui a beaucoup souffert de l’ouverture aux importations de toutes sortes pendant quatre ans.

Le tableau des votes sur Senado TV en direct, à 3h53, le 21 décembre 2019

C’était la première fois que Cristina Kirchner présidait les débats à la Chambre Haute. Le vote a été acquis par 41 oui et 23 non. Le débat avait commencé vendredi soir, le scrutin a eu lieu à presque 4h du matin samedi…

La droite, dont Mauricio Macri avait promis qu’elle serait une opposition constructive, a fait bloc pour dire non, Patricia Bullrich ayant même appelé à rassembler des pierres contre le gouvernement… Rage folle d’une ancienne ministre de la Sécurité en appelant, même symboliquement, à des actes de violence !

Pour aller plus loin :

La fin des régimes spéciaux… en Argentine [Actu]

Schéma récent des retraites mensuelles versées selon les conventions collectives
ou les dispositions institutionnelles par secteur
A gauche la retraite moyenne
La PUAM est la base de retraite universelle
Ensuite dans le sens de la lecture :
Minimum vieillesse, régime général avec moratoire, régime général sans moratoire,
police et pénitentiaire, anciens combattants des Malouines, enseignants (hors université),
secteur de l'électricité, enseignants dans les universités nationales, secteur pétrolier,
secteur de la recherche et de l'innovation technologique, magistrats, diplomates
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Le président Alberto Fernández a décidé que le Congrès siégerait tout l’été pour traiter l’ample programme de rattrapage social et économique qui doit redonner des droits à toutes les classes sociales, ce qui exige de baisser les dispositions généreuse qui bénéficient aux plus riches. Au premier rang de ces mesures, les régimes de retraite qui s’appliquent aux magistrats et aux diplomates.

A titre d’exemple, le président a signalé hier que le traitement mensuel d'un juge titulaire à la plus haute instance nationale, la Cour Suprême, équivalait à quatre fois l’indemnité de mandat attribuée au chef de l’État lui-même.

Les bénéficiaires de ces régimes particuliers ne bénéficient pas des récentes mesures visant à augmenter les retraites, les montants qui leur sont versés sont actuellement gelés et il va être proposé au Congrès de supprimer ces régimes exorbitants pendant l’été. On va voir si quelques uns de ces privilégiés osent regimber quand l’hôpital et l’école publics se meurent, que le chômage explose et le nombre d’entreprises qui mettent la clé sous la porte détruit le tissu économique du pays. La presse de droite n’est pourtant pas loin d’y voir une injustice...

Pour aller plus loin :
lire l’article de La Nación

Ajout du 24 décembre 2019

Aujourd'hui, 24 décembre, à la une de Pagina/12

Macri (en avant) : Je ne vois pas pourquoi ils veulent modifier notre mode de calcul des retraites. C'était pensé pour que personne ne proteste.
L'autre derrière : Vraiment ?
Macri : Ben oui ! Si tu as du mal à te nourrir, si tu ne peux te payer ni médicaments ni bus, tu fais comment pour sortir et aller à la manif ?
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

Ajout du 27 décembre 2019 :
lire l'article de La Nación sur la réaction du syndicat des diplomates qui justifient, entre autres arguments, ces retraites exorbitantes par les interruptions subies par les conjoint(e)s du fait des longs séjours à l'étranger.
Dans ce cas, qu'ils négocient un système de compensation individuelle pour les conjoints, indexée sur les carrières rémunérées interrompues pour obligation de suivre le mari ou la femme, avec acquisition de droits à la retraite. Est-il juste qu'un divorcé, touche une retraite d'un tel montant alors que son ex-conjoint(e) lui a sacrifié sa carrière et ne touche rien à ce titre ? Et des diplomates divorcés, voire remariés, il y en a beaucoup...

Le Salon des Femmes va retrouver sa dignité [Actu]

L'état actuel du salon
On reconnaît très bien au fond entre les deux fenêtres un portrait iconique de Eva Perón
et en face de la dame qui travaille devant son écran celui de l'auteur-compositrice-interprète Mercedes Sosa

En visitant la Casa Rosada, la nouvelle équipe gouvernementale a découvert pourquoi le Salón de las Mujeres ne servait plus jamais de cadre à des manifestations officielles du gouvernement. Le machisme sous-jacent dans l’idéologie de cette droite néolibérale qui tenait le pays ne faisait guère de doute mais de là à découvrir ce qu’ils ont découvert !

La belle salle décorée des portraits de quelques femmes qui ont fait l’histoire politique, sociale et culturelle de l’Argentine, a été transformé en un open-space où se côtoient un standard et des postes de travail administratif, le tout dans une laideur fonctionnelle qui nous en dit aussi long sur le mépris que Macri porte aux agents subalternes de ses services que sur celui qu'il a pour l'émancipation politique et civile des femmes.

Son successeur va donc faire restaurer les lieux et leur rendre leur rôle officiel de salle de négociation et de réception.

Le Salón de las Mujeres sous le mandat de Cristina Kirchner en 2010
(on reconnaît l'emblème du bicentenaire sur le tableau de gauche)
à droite de la fenêtre, la photo iconique de Evita
à droite un portrait décolleté de la chanteuse et actrice Tita Merello

Dans le même ordre d’idées montrant un président Macri sans aucun égard pour l’histoire et l’héritage national, l’équipe Fernández a découvert qu’il avait fait détruire un escalier vénérable dans le palais présidentiel, malgré l’interdiction que lui en avait faite la commission de préservation des monuments historiques. Chef du gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, cet élu vandale avait fait abattre la maison du poète Evaristo Carriego, à Palermo, un artiste urbain et populaire de la première décennie du 20e siècle, qui avait inspiré des écrivains de la stature de Jorge Luis Borges ou de Homero Manzi, le créateur du thème du quartier dans le répertoire du tango.

Quand on ajoute que Fernández, en prenant possession des lieux dans l’après-midi du 10 décembre, a découvert que le système d’air conditionné ne fonctionne pas (ce qui revient à obliger les agents à travailler dans des chaleurs insupportables à partir du mois de novembre jusqu’à celui d’avril) et que certains ascenseurs sont aussi aux abonnés absents (il y a quelques jours, le président a dû emprunter un monte-charge pour arriver à temps à une réunion), on se fait une idée (lamentable) de ce que fut la gestion Macri y compris dans ce domaine tout simple. Dans ce cas, que le pays soit KO, cela n’a rien d’étonnant.

Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12 sur le Salón de las Mujeres
lire l’entrefilet de Página/12 sur la destruction illégale de l’escalier

Une magistrate pour nettoyer les écuries d’Augias [Actu]

Un gros titre qui se comprend tout seul !

Lors de son discours inaugural, Alberto Fernández avait annoncé son intention de réformer en profondeur les services secrets, sources ces dernières années d’un grand nombre de dysfonctionnement de l’État et notamment de la Justice.

A la tête de ces services, il vient donc de nommer une magistrate, présidente d’une association professionnelle de gauche, Justicia Legítima, Cristina Caamaño.

Cristina Caamaño, souriante, posant dans son bureau
décoré de ses diplômes (une coutume largement répandue) et un portrait de San Martín

De toute évidence, il y a chez lui la volonté de mettre mieux en avant les femmes qu’il impose dans des secteurs où elles étaient jusqu’à présent assez absentes.

Pour aller plus loin :