lundi 16 janvier 2012

La Tana habille Macri pour l'été... et le reste de l'année [Actu]

La chanteuse Susana Rinaldi, dite La Tana, qu'on ne présente plus, en tout cas au public sud-américain, a été élue en juillet à la Legislatura de Buenos Aires, où elle siège dans le groupe (bloque) d'opposition Frente Progresista Popular (d'obédience socialiste ou social-démocrate) depuis l'ouverture de la nouvelle session en décembre 2011 (pour un mandat de 4 ans).

Página/12, journal de gauche s'il en est, publie ce matin une interview où elle descend en flèche Mauricio Macri, le très libéral et peu légaliste Chef du Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires. Le quotidien rappelle que les engagements politiques de l'artiste ne datent pas d'hier, qu'elle avait même été condamnée à mort par la Triple A (Alliance Anti-communiste Argentine, mise en place au milieu des années 70 par Isabel Perón), ce qui lui valut de s'exiler pour toute la durée de la Dictature de 1976-1983 et davantage (25 ans) en Europe.

Le titre de l'article le résume assez bien : Macri est le père du veto universel, en référence aux très nombreuses lois, votée par la Legislatura, toujours sur des sujets sociaux ou de liberté d'expression, dont Macri s'est opposé à l'entrée en vigueur depuis le début de son second mandat, en décembre dernier. Depuis sa prise de fonction initiale en décembre 2007, Página/12 en a comptabilisé 84. Ce qui fait beaucoup pour le fonctionnement démocratique d'une ville autonome dotée d'un pouvoir exécutif et d'un pouvoir législatif distincts l'un de l'autre.

–Si Macri fuera un tango, ¿cuál sería?
–“Estás desorientado y no sabés qué trole hay que tomar para vivir.” “Desencuentro”, porque ese desencuentro es el que explicaría el 60 por ciento que lo votó nuevamente. También su cara de “yo no fui” frente a tanto acontecimiento de todo tipo, color y forma. Y que hay cierta gente en mi querida ciudad que parecería haber pasado el tiempo sin darse cuenta de que el tiempo tiene un peso sustancial, al cual no le hacen caso.
Susana Rinaldi, citée par Página/12

- Si Macri était un tango, ce serait lequel ?
- "Tu es désorienté et tu ne sais pas à quel saint te vouer pour vivre" (1). Desencuentro (mésentente), parce que cette mésentente c'est celle qui pourrait expliquer les 60% de votes pour sa réélection (2). Et aussi son expression qu'il a du "J'y suis pour rien" face à tant et tant d'événements de toutes les couleurs et de toutes les tailles (3). Et qu'il y a certaines personnes dans cette ville que j'aime tant qui sembleraient avoir passer leur temps sans se rendre compte que le temps a un poids substantiel, duquel elles ne font aucun cas.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–¿Qué piensa del debate sobre el aumento de la tarifa del subte?
–El aumento es propio de alguien que parece vivir colgado de la parra. ¿Viste cómo son esos alumnos de escuela de ricos que miran siempre a la distancia? Es como que se están tocando las bolas para saber qué hacer con ellas. Sus funcionarios parecen tan ausentes de la realidad como él mismo.
Susana Rinaldi, citée par Página/12

- Que pensez-vuos du débat sur l'augmentation du tarif du métro ? (4)
- Cette augmentation, c'est le fait de quelqu'un qui a l'air de vivre aux frais de la princesse (5). Tu as vu ces élèves des écoles de riches qui regardent toujours de loin ? (6) On dirait une poule qui a trouvé un couteau. Ses ministres ont l'air d'être aussi à côté de la plaque que lui.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

–Entre los últimos vetos estuvo el de la jubilación de los músicos...
–Veta lo de los músicos porque a él no le importa nada. ¿Qué lo conmueve? El habla de Antonia y estoy segura de que no le ha visto nunca la cara a la niña. Tiene que mirar el futuro en esa niña y él parecería no tener futuro. El tiene un presente vetador.
Susana Rinaldi, citée par Página/12

- Parmi les derniers vetos, il y a eu celui de la retraite de musiciens...
- Il met son veto sur ce qui concerne les musiciens parce qu'il s'en contremoque. Qu'est-ce qui le touche, lui ? Il nous parle d'Antonia (7) et je suis sûre qu'il n'a jamais vu le visage de la petite. Il doit voir l'avenir avec cette petite et on dirait qu'il n'a pas de futur. Il n'a qu'un présent, qui crache du veto.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

L'interview continue sur ce que la députée pense de différents courants politiques à l'intérieur de la gauche argentine et elle se montre un peu moins féroce qu'envers Macri mais gare aux coups de griffe tout de même... Ses collègues députés n'ont qu'à bien se tenir ! Mais le mauvais caractère de l'artiste est connu de tous et elle-même en joue en toute lucidité, sur scène et dans les interviews. Et puis, personnellement, j'aime bien ce langage très direct qu'ont bon nombre de personnalités argentines sur qui l'insipidité du politiquement correct n'a pas encore déteint et qui continuent à tenir des propos vigoureux, avec lesquels on peut ne pas être d'accord mais au moins il y a du contenu...

N'empêche que ça sent toujours l'été et l'actualité politique vaguement étale...

Pour aller plus loin :

(1) Première phrase du tango Desencuentro de Aníbal Troilo et Cátulo Castillo. Pour accéder à l'ensemble du morceau, cliquez sur ce lien vers la page du tango sur Todo Tango, site encyclopédique argentin sur le sujet. Susana Rinaldi fait ici une variante dans sa citation. Le texte original semble être "que trolé hay que tomar para seguir" (pour continuer ta route). Traduction littérale : tu ne sais pas quel tramway prendre pour [vivre ou continuer].
(2) Voir à ce sujet mon article du 1er août 2011.
(3) Allusion à les innombrables refus d'assumer ses responsabilités dans des affaires de droits de l'homme, pour lesquelles il a été poursuivi par la justice, d'effondrements d'immeubles, de délabrement des services publics sociaux et culturels (écoles, hôpitaux, théâtres, musées), dont je vous entretiens régulièrement dans ce blog à la rubrique GCBA de la présente section Actu (voir les mots-clés du bloc Pour chercher, para buscar, to search, ci-dessus, ou les raccourcis thématiques de la Colonne de droite, en partie supérieure).
(4) C'est un sujet dont je ne vous ai pas encore rendu compte parce que le transfert de gestion de l'Etat fédéral à la Ville Autonome de la régie du métro portègne s'est faite depuis ma "mise en disponibilité" de ce blog pour cause de préparation de mes prochains bouquins... La faute à mon manque de don d'ubiquité. Mais il se trouve que dès que le transfert a été réalisé, ce qui devait arriver est arrivé. Le prix du billet s'entraîne dare dare au saut en hauteur (à la perche, s'il vous plaît), pour remporter une médaille aux Jeux Olympiques de Londres ! Il est passé de 1,1 $ (arg) à 2,5 pour un voyage, rien que ça... Depuis, les syndicats du métro mettent régulièrement les personnels en grève de tourniquet aux heures de pointe en semaine : l'usager entre sans payer, les tourniquets de compostage ne foncionnant pas. C'est le cas ces jours-ci.
(5) Traduction littérale : "vivre accroché à la treille".
(6) Idiosyncrasie portègne : le journaliste, très révérencieux (c'est Susana Rinaldi qu'il interviewe tout de même, pas n'importe quelle cracheuse dans un micro !), dit vous, elle lui répond en le tutoyant.
(7) Antonia Macri Awada, sa fille née juste après sa réélection (voir mon article du 11 octobre 2011 à ce sujet). Cette naissance a donné lieu au même barnum médiatique que celle de Giulia Sarkozy en France. Pauvres gamines, hochets électoraux de leurs papas respectifs !