Comme mes fidèles lecteurs l’auront remarqué, depuis deux ans, la culture populaire argentine, qui est le sujet principal de ce blog, ne se porte pas à merveille.
Il y a deux ans, dans un scrutin
national, une majorité d’Argentins a fait un choix aberrant et
indigne, sans doute très mal éclairé aussi, celui d’abdiquer
leur liberté politique et de mettre en péril leur État de droit et
la souveraineté de leur pays après quarante ans de démocratie
continue qu’ils avaient difficilement installée à l’issue de la
plus terrible dictature que le pays ait jamais connue. Le résultat
est désormais une catastrophe dans toutes les dimensions qui
constituent la culture populaire : la vie artistique, l’école,
la santé, la recherche scientifique, les droits sociaux, les droits
de l’Homme, la constitution, le patrimoine, vendu au plus offrant,
l’histoire et même la mémoire, menacée par un révisionnisme
gouvernemental de plus en plus agressif. Il est à craindre que ce
pays, qui a été un phare pour son continent, s’achemine vers une
nouvelle forme de dictature, celle de l’argent le plus cynique, de
la rentabilité dérégulée au profit d’un tout petit nombre de
privilégiés et au détriment de la majorité des habitants du pays.
Il y a près de 20 ans, j’ai
fondé Barrio de Tango
pour rendre compte des
efforts du pays pour construire sa démocratie, pour s’approprier
et revendiquer une culture nationale en cours d’élaboration depuis
deux siècles, un phénomène qui s’étale toujours et partout sur
une vingtaine de générations. L’Argentine avait alors beaucoup de
choses à nous dire, nous, Français et Européens, qui dormions
alors sur nos lauriers. Nous étions sans crainte pour notre liberté
politique et nos cultures nationales respectives. Ce n’est plus le
cas aujourd’hui, ni pour ce que l’Argentine, pillée de
l’intérieur, a à nous dire (parce qu’elle est devenue aphone)
ni pour ce dont nous avons besoin alors que se fissurent de partout
notre avenir démocratique et la paix dans laquelle, sur notre sol,
nous vivons depuis 80 ans, soit un peu plus de trois générations.
Au cours de cette vingtaine d’années de recherche originale et de vulgarisation de la culture argentine, à travers la musique, l’humour, le théâtre, le cinéma et l’histoire, j’ai trouvé un vrai bonheur à découvrir et vous faire découvrir des répertoires d’une richesse que, vue d’ici, nous n’imaginons pas et des géants de l’histoire comme les généraux Manuel Belgrano (1770-1820) et José de San Martín (1778-1850). Il est hors de question pour moi d’abandonner à leur triste sort les acteurs de la vie culturelle argentine qui sont devenus mes amis. Je vais donc continuer à rendre compte de leur lutte pour ramener dans leur magnifique pays des mœurs politiques civilisées. Sous le coude, issues de mes recherches dans les archives, j’ai encore quelques éléments inédits sur San Martín. Je songe à les publier sans doute en français et en espagnol, à coup presque sûr dans Barrio de Tango au cours de l’année qui vient.
Toutefois il est peu probable
que, dans un avenir
prévisible en tout cas,
ce blog renoue avec le rythme de parution d’avant
le Covid, au moins tant que Javier Mileí restera au pouvoir, puisqu’il a
entrepris de tout détruire avec un acharnement pervers. « Une
tragédie », m’a dit l’un de mes amis de Buenos Aires en
octobre, après ce scrutin de mi-mandat, où Trump a pu, in
extremis, relancer le
succès électoral du bonhomme dont la cote de popularité était
pourtant au plus bas. Ce qu’il se passe également aux États-Unis
est pour le moins très préoccupant pour le monde démocratique. Et
le reste de la planète aussi puisque l’odieuse ingérence de Trump
dans les pays tiers est peut-être en train de redonner de la
légitimité même à un leader comme Maduro.
A la rentrée, courant janvier, bien entendu sans abandonner Barrio de Tango, je lancerai un autre blog qui portera sur des problématiques historiques similaires mais ailleurs sur la planète. Mes préoccupations ne changent guère : qu’est-ce que la démocratie ? Qu’est-ce que la souveraineté d’un peuple ? Comment un pays s’extirpe-t-il de l’emprise coloniale ? Sans oublier la culture populaire et toutes ses dimensions : la musique, la poésie, la littérature, le théâtre, la langue elle-même, l’humour, la cuisine et la gastronomie, le patrimoine à constituer ou à reconstituer, le soft-power à bâtir et à déployer… Quels rapports dialectiques entretiennent la mémoire et l’histoire ? Quelles articulations entre la démocratie et l’organisation de l’économie permettent à toute une société de vivre mieux et de progresser ?
En lisant ce blog depuis tant
d’années ou tant de mois, vous avez dû le constater : je
nourris une égale passion pour l’histoire et pour les langues.
J’en exploite quelques unes dans mon travail quotidien. Je savoure
les autres dans mes loisirs. Cette fois-ci, tout se passera en
Europe. Là encore, il s’agit d’une culture que nous, les
Européens, nous connaissons très mal et sur laquelle nous faisons
contresens sur contresens, aidés en cela par des médias assez
paresseux, de moins en moins rigoureux et rarement polyglottes. Une
culture riche et passionnante dont les mille ans d’histoire ont
beaucoup à nous enseigner.
Cette fois-ci, la pause de fin d’année sur Barrio de Tango sera totale, quoi qu’il se passe. Pour mieux me consacrer à ce nouveau projet, tout en profitant des fêtes en famille, je ne publierai rien pendant la pause des confiseurs.





