Hier
matin, on a découvert dans l'église San Ignacio, qui
fait partie de l'historique Manzana de las Luces, du mobilier
incendié (un banc et le fauteuil présidentiel qui
faisait face à la nef et où prenait place le prêtre
qui présidait la messe) ainsi que des inscriptions imbéciles,
pseudo-anarchistes, peintes sur le très beau sol en marqueterie de marbre dans cette église qui est la plus ancienne encore debout à
Buenos Aires. Les vandales ont écrit des insultes et ajouté
le slogan Ni Dieu ni maître orthographié "NI D1OS NI AMO" (or D10S, c'est le surnom de Diego Maradona, c'est vous dire le niveau de
stupidité et d'inculture des intrus).
Il
se trouve que les malfaiteurs pourraient être des élèves
du Colegio Nacional de Buenos Aires (CNBA) voisin, qui se seraient
introduits nuitamment dans l'église en empruntant les souterrains (1) qui relient les deux institutions depuis le début du XVIIIe
siècle, au moment où l'église et le collège
San Carlos, comme il s'appelait alors, appartenaient tous deux à
la Maison provinciale de la Compagnie de Jésus, avant que
cette dernière ne soit expulsée des terres du roi
d'Espagne en 1767.
Depuis
quelques jours, comme c'est souvent le cas depuis l'arrivée au
pouvoir de Mauricio Macri à la tête du gouvernement de
la ville de Buenos Aires, les lycéens ou tout au moins une
partie d'entre eux occupent leur école pour protester contre
une réforme des cursus scolaires annoncée par le
Gouvernement portègne.
En
apprenant ce qui s'était passé, le recteur du CNBA, titre dû au fait qu'il s'agit là non seulement d'un lycée d'élite mais d'un véritablement département de l'Université de Buenos Aires (UBA), a déclaré que les
sanctions seraient exemplaires, allant jusqu'au renvoi définitif
des élèves fautifs (c'est la moindre des choses quand
on sait l'avenir brillant qui s'ouvre à ces adolescents grâce
à leur scolarité dans cet établissement, qui
joue en Argentine le rôle qui est en France celui des Grandes
Ecoles, inexistant en Argentine où tout passe par
l'Université). L'association des élèves a elle
aussi condamné ces actes de vandalisme anti-patrimonial et
sacrilège.
San
Ignacio a été construite par les jésuites dans
les années 1712 à 1734. Elle a été
longuement restaurée pour les fêtes du Bicentenaire en
2010 et ses ornements à la feuille d'or font malheureusement
depuis les délices des voleurs. L'intérieur de cette
église n'en conserve pas moins son style si typiquement
fastueux du baroque jésuite dit des Missions, ces vastes
territoires gérés par la Compagnie de Jésus de
1620 à 1767 qui y développait le travail du cuir, la
culture de la yerba mate et l'artisanat des instruments de
musique, ce qui lui valut une immense richesse qui suscita la
jalousie et l'inquiétude de Carlos III qui préféra
donc chasser ces prêtres aux enseignements un peu trop libres
et critiques à son goût. La visite de l'église
San Ignacio est inscrite au tout prochain programme du voyage
culturel à Buenos Aires que je vous propose avec l'agence
française Human Trip et dont la commercialisation démarrer
dans le courant de la semaine prochaine (2).
Heureusement,
les photos publiées dans la presse montrent que les dégâts
occasionnés par les lycées sont réparables mais
les réparations devraient coûter très cher : il faut
reconstruire le mobilier brûlé (le siège
présidentiel avait une assise de velours rouge et un dos très haut en bois ouvragé)
et nettoyer un sol ancien, très fragile et inégal, car
le cours du temps l'a fait bouger.
Pour
en savoir plus,
voir
l'article de Página/12.
(1) D'autres souterrains relient aussi la Manzana au Cabildo et à la Cathédrale, d'autres passent sans doute sous la Plaza de Mayo pour rejoindre ce qui était autrefois la forteresse, siège du gouvernement du Vice-Roi, et où se tient maintenant la Casa Rosada. Espérons qu'aucun de ces adolescents, livrés à eux-mêmes dans ce vaste lycée où ils interdisent l'accès à son bureau à leur proviseur ou préfet (rector en Argentine) et ne reçoivent aucune consigne de leurs parents singulièrement absents du débat, n'aura l'idée de s'y aventurer. Ces passages, qui ont été fort utiles pendant les événements révolutionnaires en mai 1810, sont à moitié effondrés et interrompus par les fondations des immeubles avoisinants et les tunnels des cinq lignes de métro qui convergent sous Plaza de Mayo.
(2)
J'y ai travaillé une partie de la journée au Salon
International French Travel Market de la Porte de Versailles à Paris, avec le
gérant de Human Trip et les responsables de l'agence réceptive
à Buenos Aires.