jeudi 26 septembre 2013

L'église San Ignacio profanée par des petits crétins du CNBA [Actu]

Hier matin, on a découvert dans l'église San Ignacio, qui fait partie de l'historique Manzana de las Luces, du mobilier incendié (un banc et le fauteuil présidentiel qui faisait face à la nef et où prenait place le prêtre qui présidait la messe) ainsi que des inscriptions imbéciles, pseudo-anarchistes, peintes sur le très beau sol en marqueterie de marbre dans cette église qui est la plus ancienne encore debout à Buenos Aires. Les vandales ont écrit des insultes et ajouté le slogan Ni Dieu ni maître orthographié "NI D1OS NI AMO" (or D10S, c'est le surnom de Diego Maradona, c'est vous dire le niveau de stupidité et d'inculture des intrus).

Il se trouve que les malfaiteurs pourraient être des élèves du Colegio Nacional de Buenos Aires (CNBA) voisin, qui se seraient introduits nuitamment dans l'église en empruntant les souterrains (1) qui relient les deux institutions depuis le début du XVIIIe siècle, au moment où l'église et le collège San Carlos, comme il s'appelait alors, appartenaient tous deux à la Maison provinciale de la Compagnie de Jésus, avant que cette dernière ne soit expulsée des terres du roi d'Espagne en 1767.

Depuis quelques jours, comme c'est souvent le cas depuis l'arrivée au pouvoir de Mauricio Macri à la tête du gouvernement de la ville de Buenos Aires, les lycéens ou tout au moins une partie d'entre eux occupent leur école pour protester contre une réforme des cursus scolaires annoncée par le Gouvernement portègne.

En apprenant ce qui s'était passé, le recteur du CNBA, titre dû au fait qu'il s'agit là non seulement d'un lycée d'élite mais d'un véritablement département de l'Université de Buenos Aires (UBA), a déclaré que les sanctions seraient exemplaires, allant jusqu'au renvoi définitif des élèves fautifs (c'est la moindre des choses quand on sait l'avenir brillant qui s'ouvre à ces adolescents grâce à leur scolarité dans cet établissement, qui joue en Argentine le rôle qui est en France celui des Grandes Ecoles, inexistant en Argentine où tout passe par l'Université). L'association des élèves a elle aussi condamné ces actes de vandalisme anti-patrimonial et sacrilège.

On voit ici la nef centrale de San Ignacio, avec son choeur or et bleu.
Ce qu'il faut voir aussi, ce sont les chapelles latérales, dans le plus pur style guaranistique.
Sur cette photo que j'ai prise en 2012, on voit ce sol magnifique
qui a été souillé au pied du maître-autel.

San Ignacio a été construite par les jésuites dans les années 1712 à 1734. Elle a été longuement restaurée pour les fêtes du Bicentenaire en 2010 et ses ornements à la feuille d'or font malheureusement depuis les délices des voleurs. L'intérieur de cette église n'en conserve pas moins son style si typiquement fastueux du baroque jésuite dit des Missions, ces vastes territoires gérés par la Compagnie de Jésus de 1620 à 1767 qui y développait le travail du cuir, la culture de la yerba mate et l'artisanat des instruments de musique, ce qui lui valut une immense richesse qui suscita la jalousie et l'inquiétude de Carlos III qui préféra donc chasser ces prêtres aux enseignements un peu trop libres et critiques à son goût. La visite de l'église San Ignacio est inscrite au tout prochain programme du voyage culturel à Buenos Aires que je vous propose avec l'agence française Human Trip et dont la commercialisation démarrer dans le courant de la semaine prochaine (2).

Heureusement, les photos publiées dans la presse montrent que les dégâts occasionnés par les lycées sont réparables mais les réparations devraient coûter très cher : il faut reconstruire le mobilier brûlé (le siège présidentiel avait une assise de velours rouge et un dos très haut en bois ouvragé) et nettoyer un sol ancien, très fragile et inégal, car le cours du temps l'a fait bouger.

Pour en savoir plus,


(1) D'autres souterrains relient aussi la Manzana au Cabildo et à la Cathédrale, d'autres passent sans doute sous la Plaza de Mayo pour rejoindre ce qui était autrefois la forteresse, siège du gouvernement du Vice-Roi, et où se tient maintenant la Casa Rosada. Espérons qu'aucun de ces adolescents, livrés à eux-mêmes dans ce vaste lycée où ils interdisent l'accès à son bureau à leur proviseur ou préfet (rector en Argentine) et ne reçoivent aucune consigne de leurs parents singulièrement absents du débat, n'aura l'idée de s'y aventurer. Ces passages, qui ont été fort utiles pendant les événements révolutionnaires en mai 1810, sont à moitié effondrés et interrompus par les fondations des immeubles avoisinants et les tunnels des cinq lignes de métro qui convergent sous Plaza de Mayo.
(2) J'y ai travaillé une partie de la journée au Salon International French Travel Market de la Porte de Versailles à Paris, avec le gérant de Human Trip et les responsables de l'agence réceptive à Buenos Aires.