vendredi 20 septembre 2013

Página/12 : la paix des braves ! [Actu]

La presse généraliste francophone en faisant depuis hier soir tout un fromage (sans doute fort éphémère, les élections en Allemagne vont vite nous chasser toutes ces "pieuseries"), je vais faire ici le service minimum, ça va me reposer !

Or donc, comme vous le savez désormais, le Pape François a donné une nouvelle interview, cette fois-ci au Directeur de Civiltà Cattolica, pour l'ensemble des revues jésuites à travers le monde. Nouvelle interview qui, comme la conférence de presse improvisée dans le vol Rio-Rome de cet été, revient sur certains points de doctrine morale qui excitent beaucoup la gent médiatique.

Página/12, qui a mené pendant les dix ans de la decada ganada (1) de Néstor et Cristina une campagne hargneuse contre l'ancien archevêque de Buenos Aires, avait progressivement changé de cap depuis son élection à la Chaire de saint Pierre le 13 mars. Ce matin, ce n'est pas à la Une mais c'est tout de même en bonne place dans l'édition du jour : Página/12 titre en pages intérieures "Je n'ai jamais été de droite, dit le Pape François". Pour que la couleuvre ne soit pas trop dure à avaler, le titreur reprend le nom pontifical et non le patronyme de l'ex-cardinal Bergoglio (ça adoucit tout de même le coup) mais le journaliste ne finasse pas : il entame son papier avec les accusations politiques que son propre journal adressait il n'y a pas longtemps encore au précédent Primat d'Argentine, dont le Pape s'attribue au moins une partie de la responsabilité. La rédaction a même été beaucoup plus loin en choisissant cette photo où le Saint Père apparaît particulièrement chaleureux et accueillant...

Le cessez-le-feu a donc retentit et on s'assoit pour fumer le calumet de la paix. En Argentine et dans le monde, Página/12 ne manquera pas de sitôt de matière pour lutter, militer, se fâcher contre l'ordre établi et alimenter ses éditions quotidiennes tout au long des années à venir.

Le chemin courageux qu'a parcouru cette rédaction en seulement six mois, quand bien même elle y aurait été contrainte par son lectorat ou, plus largement, par l'opinion publique à Buenos Aires ou en Argentine, mérite qu'on le salue. Pour ce que j'ai vu de mes yeux à Buenos Aires, je suis certaine que sur François l'ancien discours de Página/12 est tout simplement devenu inaudible et, pire, insupportable. Tant mieux ! En démocratie, la calomnie sectaire est une plaie. Or la démocratie avance à grands pas en Argentine même si le citoyen lambda a bien du mal à s'en rendre compte, plongé qu'il est dans des enjeux électoraux court-termistes et donc souvent plus que brouillés.

Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 (qui découvre dans l'interview publiée hier des prises de position qui étaient déjà publiques depuis longtemps mais les journalistes de Página/12 n'ont jamais ouvert les ouvrages du cardinal Bergoglio)
lire la traduction intégrale en français de cette interview donnée en italien, sur le site d'Etudes, la revue des jésuites de France (l'interview paraîtra dans le numéro d'octobre de cette revue plus que centenaire).


(1) La décennie gagnée (sur la droite et le capitalisme sauvage mais aussi gain de dignité intérieure et internationale, de restauration de l'Etat et de la souveraineté du pays face au FMI et aux créanciers de la dette nationale) : 2003-2013, depuis l'arrivée de Néstor Kirchner à la Casa Rosada.