La
presse généraliste francophone en faisant depuis hier
soir tout un fromage (sans doute fort éphémère, les élections en Allemagne vont vite nous chasser toutes ces "pieuseries"), je vais faire ici le service minimum, ça
va me reposer !
Or
donc, comme vous le savez désormais, le Pape François a
donné une nouvelle interview, cette fois-ci au Directeur de
Civiltà Cattolica, pour l'ensemble des revues jésuites
à travers le monde. Nouvelle interview qui, comme la
conférence de presse improvisée dans le vol Rio-Rome de
cet été, revient sur certains points de doctrine morale
qui excitent beaucoup la gent médiatique.
Página/12,
qui a mené pendant les dix ans de la decada ganada (1) de
Néstor et Cristina une campagne hargneuse contre l'ancien
archevêque de Buenos Aires, avait progressivement changé
de cap depuis son élection à la Chaire de saint Pierre
le 13 mars. Ce matin, ce n'est pas à la Une mais c'est tout de
même en bonne place dans l'édition du jour : Página/12
titre en pages intérieures "Je
n'ai jamais été de droite, dit le Pape François".
Pour que la couleuvre ne soit pas trop dure à avaler, le
titreur reprend le nom pontifical et non le patronyme de
l'ex-cardinal Bergoglio (ça adoucit tout de même le coup) mais le journaliste ne finasse pas : il
entame son papier avec les accusations politiques que son propre
journal adressait il n'y a pas longtemps encore au précédent
Primat d'Argentine, dont le Pape s'attribue au moins une partie de la responsabilité. La rédaction a même été beaucoup plus loin en choisissant cette photo où le Saint Père apparaît particulièrement chaleureux et accueillant...
Le
cessez-le-feu a donc retentit et on s'assoit pour fumer le
calumet de la paix. En Argentine et dans le monde, Página/12
ne manquera pas de sitôt de matière pour lutter,
militer, se fâcher contre l'ordre établi et alimenter
ses éditions quotidiennes tout au long des années à
venir.
Le
chemin courageux qu'a parcouru cette rédaction en seulement
six mois, quand bien même elle y aurait été
contrainte par son lectorat ou, plus largement, par l'opinion
publique à Buenos Aires ou en Argentine, mérite qu'on
le salue. Pour ce que j'ai vu de mes yeux à Buenos Aires, je
suis certaine que sur François l'ancien discours de Página/12
est tout simplement devenu inaudible et, pire, insupportable. Tant
mieux ! En démocratie, la calomnie sectaire est une
plaie. Or la démocratie avance à grands pas en
Argentine même si le citoyen lambda a bien du mal à s'en
rendre compte, plongé qu'il est dans des enjeux électoraux
court-termistes et donc souvent plus que brouillés.
Pour
en savoir plus :
lire
l'article de Página/12 (qui découvre dans l'interview
publiée hier des prises de position qui étaient déjà
publiques depuis longtemps mais les journalistes de Página/12
n'ont jamais ouvert les ouvrages du cardinal Bergoglio)
lire
la traduction intégrale en français de cette interview
donnée en italien, sur le site d'Etudes, la revue des jésuites
de France (l'interview paraîtra dans le numéro
d'octobre de cette revue plus que centenaire).
(1)
La décennie gagnée (sur la droite et le capitalisme
sauvage mais aussi gain de dignité intérieure et internationale, de restauration de l'Etat et de la souveraineté du pays face au FMI et aux créanciers de la dette nationale) : 2003-2013, depuis l'arrivée de Néstor
Kirchner à la Casa Rosada.