Alors que le président et la vice-présidente s’échangent des noms d’oiseau depuis le 9 juillet, date de la fête de l’Indépendance, voilà que la chancellerie du Trésor (Procuradoría del Tesoro de la Nación), département officiel qui este en justice au nom de la République argentine dans les affaires de gros sous, annonce faire le ménage dans ses rangs.
Une soixantaine de personnes sont
limogées du jour au lendemain, soupçonnées d’avoir transmis des
informations confidentielles à la partie adverse, l’un des deux
fonds-vautour auxquels une juge locale new-yorkaise a récemment
ordonné de livrer les 51 % du capital de la compagnie
pétrolière nationale argentine, YPF, que possède l’État.
Or, le titulaire de ce poste à haute responsabilité, Santiago Castro Videla, nommé en février dernier après le départ inattendu de son prédécesseur, exerçait antérieurement comme avocat dans un cabinet dont il était le dernier de trois associés (selon l’ordre dans lequel les noms apparaissent dans la raison sociale dudit cabinet). Or, avant février, ledit cabinet a été (ô surprise !) consulté par l’un des deux fonds-vautours. Le croiriez-vous si l’on vous disait qu’il s’agit de celui-là même qui aurait bénéficié des fuites dont Castro Videla fait porter le chapeau aux 60 nouveaux chômeurs cités plus haut.
Ce client très particulier aurait demandé à cet honorable cabinet d’avocats de Buenos Aires de lui expliquer le fonctionnement institutionnel argentin et le lien existant entre l’État et YPF. Le résultat du procès en première instance laisserait penser que les trois associés ont fourni du bon boulot et bien mérité leurs confortables honoraires.... Dans un pays civilisé, cela s’appelle un conflit d’intérêts. Pire encore : ce conflit d’intérêts n’est pas né du verdict de la juge new-yorkaise, il ne concerne pas uniquement la phase actuelle du procès avec ce recours en appel. Il date bien de la nomination au poste de directeur de la chancellerie. La presse, de gauche comme de droite, parle de « purge ».
Maintenant le bonhomme, qui a la
tête idéale pour jouer les traîtres visqueux dans un film de série
B dopé aux stéréotypes, tente de faire porter la responsabilité
de ses actes et de ses propres trahisons envers son pays sur le
personnel subalterne de son département, n’hésitant pas par
là-même à affaiblir l’ensemble de la structure qui doit porter
la défense de l’Argentine devant la cour d’appel locale
new-yorkaise. Non content de réduire les effectifs qui peuvent
s’atteler à cette tâche lourde et complexe, il va désormais
faire travailler tout le monde dans la terreur d’une nouvelle
rumeur entraînant une autre vague de limogeage. Le meilleur moyen
sans doute pour rendre tous ces juristes et les agents administratifs
qui les assistent plus efficaces… Castro Videla ne s’y prendrait
pas autrement s’il voulait que l’Argentine perde son procès.
Surtout quand on sait que, depuis de nombreuses années, la justice
des États-Unis est fort
peu respectueuse de la souveraineté des autres États,
qu’elle s’est octroyé en bien des domaines une compétence
extra-territoriale exorbitante et qu’elle n’hésite jamais à
favoriser toujours et en toutes circonstances les intérêts publics
et privés des États-Unis
et/ou de ses entreprises et/ou de ses citoyens et le reste de la
planète peut bien aller au diable. Et pour faire bonne mesure, le bonhomme annonce aussi qu’il supprime l’institut qui formait
les avocats de l’État. Comme cela, n’importe qui va pouvoir
exercer ces fonctions qui requièrent pourtant une spécialisation
technique.
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"YPF : clin d'œil des Etats-Unis et plainte pour une fuite de données en faveur du Fonds Burford" Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Cependant, dans la politique des petits copains qui règne dans les deux pays, tout comme Trump s’était entremis auprès du FMI pour que celui-ci accorde un prêt disproportionné et hors des règles statutaires à l’Argentine que présidait alors son prétendu pote Mauricio Macri alors en lice pour un second mandat (qu’il n’a pas obtenu), le même Trump, second mandat cette fois-ci, a annoncé qu’il allait, avec sa qualité de président des États-Unis, ester devant la cour d’appel de New-York, en soutien de l’Argentine, dirigée désormais par un membre de son fan-club ! C’est pas mignon, ça ?
Pour aller plus loin :
lire l’article de Clarín, dont on sent les doutes sur la bonne foi de Castro Videla
lire l’article de La Nación, elle aussi assez circonspecte