L'affiche de l'exposition. Dans la bulle : "j'ai été contaminé par un Lichtenstein" |
Le
peintre et humoriste Miguel Rep, que mes lecteurs connaissent pour
les vignettes très drôles dont il gratifie tous les jours les
lecteurs de Página/12, a composé une exposition livrant sa vision
de l'histoire de l'art aux visiteurs du très beau Museo Nacional de
Bellas Artes, à Recoleta.
Bien
entendu, à l'image de la photo choisie pour faire la couverture des
pages culturelles de Página/12 (ci-dessus), le regard adopté est délibérément
sarcastique, moqueur et iconoclaste. Faces de carême, s'abstenir et
tenants du didactisme pédant et ampoulé aussi.... Parfois, Rep y va
si peu avec le dos de la cuillère qu'on pourrait le taxer de mauvais
goût comme c'est le cas pour cette explication abracadabrante au Cri
de Munch (la réaction du quidam de la rue devant un exhibitionniste
en plein action)...
L'exposition,
inaugurée hier et qui se tient jusqu'au 15 juin, se double d'un
livre, que Rep avait déjà présenté à Tecnopolis et qu'il
présentera à nouveau ce soir, au musée des beaux-arts, avenida del
Libertador 1473.
La vignette choisie par la Secretaría de Cultura |
L'événement donne ce
matin à Página/12 l'occasion de publier une longue interview de son
artiste fétiche, où celui-ci s'explique sur sa démarche
artistique. Verbatim succinct :
–Y quien aún no leyó su libro, ¿qué
encontrará en él?
–Básicamente es la historia del arte
con humor. Cuando comencé, quería hacer los momentos de la historia
del arte que más me interesaban, que cuando lo empecé a hacer era
anárquico. Hacía una de Velázquez y después una de Picasso, otra
de las cavernas, algo de Giotto...
–Seguía el camino de sus
reflexiones.
–Sí, exactamente. O lo que mi ojo me
dictaba: “Quiero dibujar esto”. Y cuando tuve que hacer el libro,
hace diez años, decidimos ordenarlo en línea de tiempo. Ahora se
meten los dibujos nuevos. A mí en estos diez años me pasó de todo
en el mundo del arte.
–¿Qué cambió en este tiempo?
–Cuando hice eso
era para meterme en ese mundo, que siempre a los de este género nos
fue adverso. Siempre íbamos como acomplejados. Sin embargo,
inmediatamente presenté el libro con los originales en el Malba y
empecé a meterme en el mundillo y a desmitificarlo y
dessolemnizarlo. Yo creo que hay que dessolemnizar una historia que
está muy solemnizada, que es la del arte, las artes mayores, y toda
esa pelotudez.
Miguel Rep, in Página/12
- Celui qui n'a pas encore
lu votre livre, qu'y trouverait-il ?
- Essentiellement,
l'histoire de l'art avec de l'humour. Quand j'ai commencé, je
voulais marquer les moments de l'histoire de l'art qui
m'intéressaient le plus et au début, c'était anarchique. Il y
avait une œuvre de Velázquez et puis une de Picasso, une autre de
l'âge des cavernes et quelque chose de Giotto...
- Vous suiviez le
cheminement de vos réflexions.
- Oui, tout à fait. Ou ce
que mon œil me disait : Je veux dessine ça. Et quand il a
fallu faire le livre, il y a dix ans, nous avons décidé d'organiser
tout ça par ordre chronologique. Maintenant les dessins nouveaux
viennent s'y ajouter. Au cours de ces dix ans, il m'est arrivé toute
sorte de choses dans le monde de l'art.
- Qu'est-ce qui a changé
pendant ce temps ?
- Quand j'ai travaillé sur
ce projet, c'était pour entrer dans cet univers [académique], qui
nous a toujours été hostile, à nous, les artistes du genre [les
dessinateurs d'humour, les dessinateurs de bd, etc]. Nous étions
toujours un peu complexés. Pourtant, j'ai tout de suite présenté
le livre et ses planches originales au MALBA (1) et j'ai commencé à
faire mes premiers pas dans ce cercle fermé (2) et à le démythifier
et à la "désolenniser". Je crois qu'il faut désolenniser une
histoire qui est très solennisée, celle de l'art, des arts majeurs
et toutes ces couillonnades... (3)
(Traduction Denise Anne
Clavilier)
Une des vignettes de l'exposition. A comparer avec l'œuvre originale, intitulée Sin pan y sin trabajo, le chef d'œuvre du peintre argentin Ernesto de la Cárcova (voir à ce propos mon article du 7 mai 2013 sur l'exposition de la Casa del Bicentenario) |
Pour lire la suite,
reportez-vous à l'article de Página/12
Lire aussi la dépêche de Telam sur l'exposition
ainsi que le communiqué de la Secretaria de Cultura, ministère de tutelle du MNBA.
(1) Prestigieux musée
d'art moderne à Buenos Aires, dans le quartier de Palermo.
(2) Miguel Rep enseigne
maintenant et travaille beaucoup dans ce domaine, notamment grâce à
la télévision publique.
(3) En Argentine, les
classes dominantes se sont approprié depuis très longtemps des arts
dits majeurs, tout ce qu'on peut classer sous les étiquettes grande
littérature, grande peinture, arts contemporains, musique classique,
opéra, etc. Et il y a très peu de tentatives pour mettre ces œuvres
à la porté de l'homme de la rue. C'est vrai aussi en Europe mais en
Amérique du Sud, c'est encore plus prononcé. Il n'y a qu'à se
rendre au Malba pour se rendre compte que cette ségrégation sociale
est inscrite dans l'architecture même du bâtiment. Alors bien
entendu, un militant de gauche comme Rep ne peut être que vent
debout devant cette réalité politico-culturelle de son pays. Ces
positions sont à comparer avec celles de l'historien Felipe Pigna,
qui appartient au même courant idéologique et politique (voir mon article du 22 juillet 2012 à cet effet).