Avant-hier,
le président uruguayen Tabaré Vázquez n'avait qu'une hâte :
refermer au plus vite la parenthèse du désastre politique que
constitue, depuis dimanche, la démission contrainte de Raúl Sendic,
le premier vice-président de son actuel mandat, cerné par les
scandales de malversation et d'usurpation de titre universitaire. Cet
épisode spectaculaire, qui a tourné tous les regards du
sous-continent vers Montevideo, s'intègre dans une longue histoire
d'avatars touchant les vice-présidents uruguayens, qui président
aussi le Sénat, comme dans l'Argentine voisine et selon le modèle
offert par la constitution des lointains Etats-Unis.
La une de El País hier, 12 septembre 2017 Vázquez se rend au pupitre pour délivrer son discours au pays devant le gouvernement Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Devant
le conseil des Ministres, Tabaré Vázquez, qui n'était pas sorti de
chez lui dimanche, a engagé tout son gouvernement à regarder vers
l'avant, sans plus s'attarder sur le passé. Circulez, il n'y a rien
à voir, comme l'a titré El Observador à la une dans son édition
d'hier, illustrée par une photo-caricature du chef de l'Etat.
Vásquez a interprété la campagne d'opinion qui a abouti à la
démission de Sendic comme un épisode brutal, un harcèlement tel
qu'on en a jamais vu dans le pays. Toute la presse a repris ces
propos qui ne reflètent évidemment pas l'opinion du citoyen lambda,
écœuré par l'attitude de ce vice-président qui s'était embourbé
dans ses mensonges et ses dénégations depuis de nombreux mois.
Une de La República de ce matin de gauche à droite : Mujica, Topolansky et Vázquez Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Aujourd'hui,
la nouvelle vice-présidente prête serment et prend ses fonctions,
après avoir laissé son siège sénatorial à un autre membre du
MPP, son parti d'origine, fédéré dans le regroupement de toute la
gauche gouvernementale, le Frente Amplio, organisation politique de
la gauche plurielle (1) qui structure la majorité nationale
actuelle, depuis le premier mandat de Tabaré Vázquez, et qui a été bien mis à mal par ce fort peu glorieux incident.
La une de El Observador d'hier On peut traduire le gros titre par notre expression : Circulez, il n'y a rien à voir ! Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Lucía
Topolansky est la première femme à accéder à ces fonctions dans
l'histoire de la République Orientale de l'Uruguay. Elle a
soixante-treize ans. Elle est l'épouse de l'ancien président José
Mujica, connu pour son verbe haut et la frugalité de sa vie
quotidienne, qui n'est pas sans rappeler certains héros
désintéressés de l'époque indépendantiste, l'époque fondatrice
pour ces pays du Cono Sur. Lucía Topolansky est agricultrice et,
comme son mari, elle exploite sa propre entreprise agraire, en
parallèle avec son action politique, dans un pays où l'agriculture
est source de prestige pour qui possède ses terres (2). C'est une
militante de gauche de très longue date, à l'engagement
incontestable de ce côté-là du spectre idéologique national (et
continental). Bien entendu, pour cette même raison, elle n'est ni
aimée ni respectée par de (trop) nombreux citoyens de droite qui
l'insultent copieusement dans les commentaires qu'ils laissent sur
les sites Internet des quotidiens, dissimulant avec courage leur
identité dans l'anonymat de leurs pseudos.
Une de La República hier Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Lucía
Topolansky se veut un pont entre les gens (3) et une négociatrice au
service du pays, pour ce qu'il reste à couvrir du second mandat du
Président Vázquez, qui avait gouverné avant son mari, avant de lui
succéder, puisque la constitution uruguayenne, qu'il a refusé de
faire modifier, interdit au chef de l'Etat d'exécuter deux mandats
consécutifs.
Pour
en savoir plus :
hier
lire
l'article de El País
lire
l'article de LR21 (journal en ligne)
aujourd'hui
lire
l'article de El País
lire
l'article de une de El Observador, qui publie une interview de Lucía
Topolansky
(1)
pour utiliser une expression qui fit florès en France mais qui ne
reflétait pas une réalité politique bien solide, à en croire les
résultats électoraux successifs et l'actuel paysage éclaté de la
gauche nationale.
(2)
C'est une réalité sociale et symbolique dans toute l'Amérique du
Sud, Brésil compris.
(3)
Remarquez l'emploi de la sémantique du Pape François, le pape
argentin qui a mis ses paroles en actes sur le continent, en
s'impliquant à Cuba et, la semaine dernière, à nouveau, en
Colombie !