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L'affaire
Nisman, du nom de ce procureur retrouvé mort dans son appartement au
soir d'un étrange dimanche d'été, le 18 janvier 2015, à la veille
de sa comparution devant le Congrès où il devait exposer les
raisons qu'il avait de vouloir poursuivre en justice la présidente
Cristina Kirchner (alors en exercice), vient de changer de cours pour
la seconde fois.
Il
y a quelques mois, l'affaire, qui dépendait jusque-là de la justice
de la Ville Autonome de Buenos Aires, est passée à la justice
nationale, qui a confié à la gendarmerie la tâche de refaire
toutes les expertises, dans des conditions difficiles puisque la
scène de crime n'a pas été conservée (l'appartement a été
reloué à d'autres occupants quelques mois après le drame).
Dans
le dossier d'instruction confié à la procureure portègne, Viviana
Fein, partie à la retraite depuis, les pistes suivies privilégiaient
la piste du suicide, ce que la famille du défunt, sa mère et son
ex-épouse, la mère de ses enfants (elle-même juge fédérale), contestait formellement.
D'après
ces nouveaux examens, dont les résultats ont été rendus publics
hier comme cela était annoncé depuis le début de la semaine, on
aurait affaire à un assassinat : le magistrat aurait été
drogué par deux personnes puis exécuté dans sa salle de bain par
deux personnes qui auraient ensuite faire croire à un suicide et
nettoyé les lieux avant de disparaître sans être vus (il s'avère
que plusieurs caméras de surveillance de l'immeuble ne
fonctionnaient pas ce soir-là et que les gardes du corps du juge ont
gardé toute la journée une étrange inertie). Elisa Carrió, l'une
des leaders de l'anti-kirchnerisme, ne cache pas ses convictions et
ne s'embarrasse pas de conditionnel. Elle affirme tout de go
qu'Alberto Nisman aurait été assassiné sur ordre de la présidente
(il existe entre les deux femmes une formidable haine réciproque).
Aujourd'hui,
Cristina Kirchner a choisi de faire la une de l'actualité en se
prêtant à une nouvelle et retentissante interview sur une radio et
avec un journaliste qui lui sont ouvertement favorables. Elle y
accuse amplement le gouvernement en place de manipuler l'opinion
publique pour imposer son modèle néo-libéral. Elle cherche ainsi à
reprendre l'avantage (ou à ne pas perdre ses électeurs) alors que
la campagne électorale bat son plein (renouvellement des chambres en
octobre).
Comme
on pouvait s'y attendre, la presse se partage en deux camps : la
presse de droite (La Nación et Clarín) étalent les
conclusions des experts dans tous les sens tandis que le titre de
gauche, Página/12, critique autant qu'il est possible la
gendarmerie, qui aurait agi sous pression politique. C'est d'ailleurs
le discours permanent de ce quotidien sur cette institution depuis la
disparition d'un militant de gauche, le 1er août dernier, alors que
la gendarmerie tâchait d'inspecter un terrain patagonien que les
Mapuches considèrent comme sacré.
De
toute évidence, l'affaire Nisman est relancée. Elle restera une
pierre de discorde entre la gauche (kirchneriste) et le reste du
spectre politique et en termes de procédure pénale, elle va devenir
ce qu'est en France l'affaire Grégory ou en Belgique l'affaire
Dutroux, une enquête ratée, un scandale judiciaire et une source à
fantasmes et à rumeurs de toutes sortes, appréciée de tous les
complotistes.
Pour
en savoir plus :
lire
l'article secondaire de La Nación, qui confirme une série
d'échanges téléphoniques entre membres des services spéciaux
pendant et après la commission du meurtre
lire
l'article de Clarín, qui avait déjà annoncé ces conclusions,
comme un scoop, au début de cette semaine.
Ajout du 22 septembre 2017 :
lire cet article de Página/12 sur le lâchage du corps des médecins légistes par la Cour Suprême, auquel ce corps, qui appartient à la Police fédérale, est subordonné. Or ce sont des médecins légistes qui avaient établi les premières expertises dans l'affaire, alors instruite par la procureure Fein.
Si l'on rapproche la rapidité de ce lâchage avec la ténacité qu'a montrée la ministre de la Sécurité, Patricia Bullrich, pour défendre la gendarmerie (qui est sous ses ordres), alors que cette institution est montrée du doigt dans la disparition de Santiago Maldonado au début du mois d'août, il y a de quoi se poser des questions quand on est dans l'opposition et en pleine campagne électorale.
Ajout du 22 septembre 2017 :
lire cet article de Página/12 sur le lâchage du corps des médecins légistes par la Cour Suprême, auquel ce corps, qui appartient à la Police fédérale, est subordonné. Or ce sont des médecins légistes qui avaient établi les premières expertises dans l'affaire, alors instruite par la procureure Fein.
Si l'on rapproche la rapidité de ce lâchage avec la ténacité qu'a montrée la ministre de la Sécurité, Patricia Bullrich, pour défendre la gendarmerie (qui est sous ses ordres), alors que cette institution est montrée du doigt dans la disparition de Santiago Maldonado au début du mois d'août, il y a de quoi se poser des questions quand on est dans l'opposition et en pleine campagne électorale.