"Morales est capable de tout" Le gros titre est tiré des déclarations de Milagro Sala sur l'antenne de C5N, hier, lorsqu'elle a appris la révocation de sa liberté |
Depuis
janvier 2016, la dirigeante politique de gauche Milagro Sala a maille
à partir avec la justice de sa province, la province de Jujuy. Sa
mise en cause dans plusieurs instructions pour faits de corruption, concussion,
abus d'argent public et même violence ayant entraîné la
mort, lui vaut d'avoir été incarcérée à titre provisoire puis
condamnée dans une première affaire (pour laquelle elle a fait
appel).
Milagro
Sala étant une députée kirchneriste au Parlasur, la chambre
législative d'une Amérique du Sud qui développe une coopération
continentale (sans aucune concession des souverainetés nationales),
et la justice provinciale n'ayant tenu aucun compte de la moindre
immunité parlementaire, les leaders d'opinion de l'opposition
dénoncent régulièrement, depuis janvier 2016, la partialité
des magistrats jujégnes, attribuée à leur soumission au Gouverneur Gerardo Morales (majorité nationale).
Jusqu'à
il y a quelques semaines, cette partialité ne me sautait pas aux
yeux, dans la mesure où les arguments développés par l'opposition
n'étaient pas toujours exempts d'aveuglement partisan, ce qui est un euphémisme. Or en août, de longues, très longues semaines
après un avis de la Commission Interaméricaine des Droits de
l'Homme (CIDH) qui réclamait la mise en liberté de Milagro Sala,
dont l'intégrité physique aurait été menacée dans
l'établissement pénitentiaire où elle était détenue dans une
cellule individuelle, nettement plus confortable qu'à l'ordinaire,
la militante a été mise en liberté surveillée mais d'une manière
pour le moins singulière, ce qui a mis en évidence l'arbitraire des
juges et leur volonté d'humilier la prisonnière. D'abord, parce
que le magistrat en charge de cet aménagement du régime carcéral a
voulu l'installer dans un immeuble en ruine sans aucun confort (ni
eau courante, ni électricité, ni chauffage, ni sanitaires). Le procédé était
tellement grossier (et contraire aux engagements internationaux de
l'Argentine) qu'il a dû faire machine arrière et se rabattre
finalement sur un placement dans la maison familiale qui fut dès
avant le retour de la mère de famille entourée d'un important
détachement de forces de l'ordre pour surveiller la demeure nuit et
jour alors que les criminels de la dictature définitivement
condamnés et qui obtiennent ce traitement de faveur à cause de leur
grand âge ou de leur état de santé (réel ou supposé) vivent sans
surveillance et profitent souvent d'une liberté de mouvement dont on
a peine à croire qu'elle existe pour des criminels de cette
envergure. Ils sont censés respecter une peine de prison à domicile
mais ils sortent dans la rue, vont faire leurs courses, s'attablent
aux bonnes tables de leur quartier (en général assez chic) pour
prendre un café, une collation, déjeuner ou dîner, vont au cinéma.
Bref, ils mènent, de façon illégale, une vie normale, ce qui était refusé de façon
évidente à une femme, d'origine indigène, élue du peuple,
normalement protégée par une immunité et toujours présumée
innocente puisque aucun jugement définitif n'est encore intervenu –
et, vu les lenteurs de la justice argentine et la complexité du code
de procédure pénale, le jugement définitif n'est pas pour demain
matin !
L'affaire Milagro Sala est traitée en gros titre, à droite Le gros titre principal est consacré à la "non-venue" du Pape François Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Contre
cette levée d'écrou et cet aménagement du régime carcéral, qui dérogent délibérément aux usages en vigueur dans le pays, le
procureur de Jujuy a fait appel et la Cour d'appel vient
de lui donner raison en prononçant la révocation du régime de
prison domiciliaire (ou résidence surveillée) pour Milagro Sala. Au terme de cet arrêt, elle devrait retourner derrière les barreaux.
Elle a toutefois la capacité de se pourvoir en cassation, ce que ses
avocats vont sans doute faire, ne serait-ce que pour gagner du
temps, un temps précieux qui sera mis à profit par l'opposition
argentine pour sensibiliser les ONG et les instances internationales
(Amnesty International, Human Right Watch, ACAT, CIDH, ONU, et tutti
quanti).
Quelles
que soient les infractions dont Milagro Sala a pu se rendre coupable
et pour lesquelles elle n'a toujours pas été condamnée, ce nouveau
rebondissement montre assez clairement que la justice de Jujuy s'est
engagée dans un règlement de compte partisan avec elle et avec
l'organisation qu'elle dirige, la Tupac Amaru, qui se veut
révolutionnaire et qui a été soutenue financièrement par le
gouvernement précédent, avec de l'argent public.
Pour
en savoir plus sur l'affaire :
lire
l'article de Página/12, qui ne mâche pas ses mots et accuse sans
ménagement les gouvernements, provincial et national
lire
la reprise des propos de Milagro Sala à l'antenne d'une télévision
kirchneriste, C5N, dans La Nación, journal favorable à la majorité
actuelle
lire
l'article de Clarín
Ajouts du 14 octobre 2017 :
Milagro Sala vient d'être remise sous écrous dans le même établissement pénitentiaire que celui où la CIDH lui avait rendu visite et avait estimé que son intégrité physique était mise en danger. L'arrestation s'est réalisée dans des conditions très brutales et humiliantes pour la militante politique, emmenée de chez elle menottée et en pyjama, à l'aube.
Lire l'article que Horacio Verbitsky a publié sur le site de Página/12, dès que la nouvelle a été connue
lire l'article de La Nación rédigé à partir de dépêches d'agence
lire l'article de Clarín
Ajouts du 14 octobre 2017 :
Milagro Sala vient d'être remise sous écrous dans le même établissement pénitentiaire que celui où la CIDH lui avait rendu visite et avait estimé que son intégrité physique était mise en danger. L'arrestation s'est réalisée dans des conditions très brutales et humiliantes pour la militante politique, emmenée de chez elle menottée et en pyjama, à l'aube.
Lire l'article que Horacio Verbitsky a publié sur le site de Página/12, dès que la nouvelle a été connue
lire l'article de La Nación rédigé à partir de dépêches d'agence
lire l'article de Clarín