jeudi 14 février 2019

Manifestations en plein été [Actu]

La photo représente Avenida 9 de Julio, noire de monde hier
avec toutes les bannières des différentes organisations
ou mouvements qui appelaient à manifester
Le gros titre joue sur les mots comme d'habitude :
"ça bouge" mais aussi "grâce aux mouvements"

Hier, malgré la traditionnelle trêve de l’été austral, les organisations sociales et syndicales ont envahi les rues des principales villes et bloqué le centre de Buenos Aires. La gigantesque avenue du 9 de Julio était pleine à craquer. Et il en faut du monde pour remplir cette artère de 140 mètres de large !

La Prensa, c'est le quotidien de la droite catholique réactionnaire
La une fait part d'un certain soulagement : une fuite au Vatican a montré
que François ne soutenait pas Maduro, ce qu'on a beaucoup cru et critiqué en Argentine.
En bas, la photo laisse entendre qu'il y avait peu monde à la manifestation
Le titre joue les légendes : "Le Club de la Bagarre"
L'hostilité a le mérite de la clarté.
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Les manifestants défilaient en dénonçant la faim (le taux de pauvreté a bondi), les augmentations démentielles de l’énergie (électricité, gaz et carburants) et réclamaient du pain et un toit pour tous. Ils réclamaient des vivres pour les restaurants sociaux (comedores), où notamment le secteur public reçoit les enfants des familles pauvres pendant les longues vacances d’été (et tout au long de l’année), des retraites et des allocations familiales, AUJ (1), attribuées sous plafond de revenus (très bas). Résultat : le gouvernement vient d’augmenter celles-ci de 11 % quand l’inflation de l’année 2018 tutoie les 50 %.

La Nación a résolu le problème autrement :
pas de photo de la manifestation
et un gros titre comme une taloche à un garnement
"Les grévistes ont rompu la trêve avec le gouvernement
et ont bloqué le centre de Buenos Aires"
Au centre, la photo du président du conseil espagnol
mis en échec lors du vote du budget hier
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Le ministère du développement social, qui vient de reconnaître qu’il s’attendait à une nouvelle augmentation de la pauvreté et de l’indigence au cours de cette année, a fait mine de trouver que la manifestation était un échec, qu’il y avait finalement peu de monde. Ben voyons !

Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12 (pour l'occasion, Página/12 a intégré des vidéos dans son article en ligne)
lire l’entrefilet de La Prensa (plutôt hostile aux mots d’ordre des manifestations et au chaos automobile que celle de Buenos Aires a provoqué)
lire l’article de Clarín (en ligne hier, non repris aujourd’hui)
lire l’article de La Nación sur le niveau lamentable du salaire des enseignants argentins, que le quotidien de la droite libérale a comparé à ceux d’autres pays, certains classés parmi les pays très développés, dont la France, d’autres classés parmi les émergents, comme le Mexique. L’Argentine arrive bonne dernière (la France n’est pas très bien placée non plus, ce qui est bien connu à l’Education Nationale).



(1) Asignación universal por hijo : allocation universelle par enfant. On parle d’universalité parce que la somme est versée quelque soit le statut du parent affectataire : salarié (déclaré ou au noir), retraité, indépendant (que ses revenus soient déclarés ou non). C’est l’enfant qui compte. A son instauration par Cristina Kirchner en 2010, cette AUH avait considérablement amélioré le sort des enfants défavorisés. On avait vu les petits mendiants disparaître de la voie publique et des wagons de métro pendant les jours de semaine, parce qu’ils allaient enfin à l’école. Et puis le versement était aussi soumis à une surveillance médicale régulière, ce qui avait fait progresser l’état sanitaire de cette population.