L'évêque de Río Gallegos à Rome, avec le pape à la fin d'une audience publique du mercredi place Saint-Pierre (photo AICA) |
Au lendemain du 25 mai, où le
cardinal Mario Poli, actuel archevêque de Buenos Aires
démissionnaire parce qu’il a atteint la limite d’âge, a
prononcé, devant les représentants des pouvoirs publics fédéraux,
son dernier sermon du Te Deum national, le Vatican a fait connaître
le nom de son successeur : l’actuel évêque de Río Gallegos,
la ville dont le président de gauche Néstor Kirchner était
originaire et où il est enterré depuis sa mort en octobre 2010.
A droite, ce choix a tout de
suite fait grincer des dents : le prochain archevêque, Jorge
Ignacio García Cuerva, qui a 55 ans et va donc gouverner le premier
diocèse d’Argentine durant les vingt prochaines années, si Dieu
lui prête vie, est avocat et théologien. Il a engrangé une grande
expérience auprès des plus pauvres qu’il a toujours défendus
avec courage et cohérence. Dans la très chic et très élégante
ville de Tigre, au nord-ouest de Buenos Aires, il a été en mission
dans un bidonville au début de son ministère et c’est à ce titre
qu’il a noué des relations amicales et confiantes avec l’actuel
ministre de l’Economie, Sergio Massa, qui était à la même époque
le maire de Tigre, un maire dont tout le monde reconnaissait alors
qu’il faisait du bon travail.
Le nouvel archevêque a droit à la vedette sur la une Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Il est clair que García Cuerva exerce son ministère d’une manière innovante et qu’il est proche des périphéries : il est favorable à l’accueil des couples homosexuels dans les communautés paroissiales, il accorde en particulier le baptême aux enfants de ces couples ; il innove dans sa pastorale pour parler à tout le monde, syndicats et coopératives ouvrières compris. Il s’intéresse au sort des prisonniers. Bref, tout ce que la droite politique argentine attribue à une Église qu’elle estime de gauche. Ajoutez à cela qu’on l’accuse (car il s’agit bien d’une accusation) d’être péroniste (et alors ? Il est aussi un citoyen et dispose de sa liberté de pensée).
Le jour de la Pentecôte, a
filtré un discours incendiaire qu’un ancien aumônier militaire,
qui exerce maintenant son ministère dans la province de Buenos
Aires, a tenu dans un groupe Whatsapp, dont un membre l’a publié.
Ce prêtre prétend connaître très bien le nouvel archevêque pour
avoir étudié à ses côtés dans le même séminaire. Il l’accuse
d’être lui-même efféminé et homosexuel et, ô crime
impardonnable, d’être amis avec Madres et Abuelas de Plaza de
Mayo, les deux associations les plus emblématiques de la lutte des
droits de l’homme contre la défunte dernière dictature militaire.
Dans sa rage, ce prêtre a aussi craché son rance venin idéologique
sur l’archevêque de La Plata, autre prélat nommé par François
pour remplacer cette fois-là un épouvantable réactionnaire, Héctor
Aguer, qui trouve encore à s’exprimer dans le quotidien La
Prensa.
Le prêtre colérique a dû
présenter des excuses publiques. Il semblerait que sa hiérarchie a
trouvé le propos irrévérencieux ou indiscipliné.
"Le Pape a choisi le pire du pire", une citation tirée de la diatribe tenue pour un groupe privé Whatsapp et rendue publique par l'un des destinataires Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution |
En observant le ton général dans la presse, entre l’enthousiasme de Página/12 et la prudence, entre embarrassée et hostile, des trois autres quotidiens, tous trois de droite, on peut d’ores et déjà imaginer que le nouvel archevêque va avoir du fil à retordre pour imposer son autorité dans son diocèse et que l’Église catholique s’approche dangereusement de la fracture pour des motifs politiques et non pas religieux.
Pour aller plus loin :
lire l’article de La Nación
les 29 et 30 mai, les déclarations incendiaires whatsappiennes et leurs suites
lire l’article de Página/12 qui en a fait sa une (en pleine campagne électorale, ne l’oublions pas)
lire l’article de La Prensa
lire l’article de La Nación
les 29 et 31 mai, quelques éditoriaux sur les divers aspects du sujet
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Nación avant-hier
Clarín a publié plusieurs opinions mais, même en ligne, elles sont réservées aux abonnés (d’où leur absence dans les références ici).