En 1978, une jeune femme enceinte et déjà maire d’un petit garçon, Eduardo, de deux ans disparaissait, enlevée par les sbires du régime putschiste. Un peu plus tard, elle a été fusillée dans une exécution extra-judiciaire comme il y en avait tant sous la dictature militaire, connue aujourd’hui sous le nom de « Masacre de la calle Belén » (le massacre de la rue de Bethléém). Son corps a été détruit par le feu pour qu’il ne reste pas une seule trace du crime. Son compagnon a été assassiné au cours du même massacre.
Le petit Eduardo est devenu un cacique de la branche du péronisme qui est actuellement au pouvoir. A gauche, il est même un présidentiable potentiel assez connu pour ne pas être ridicule (de là à être éligible, c’est autre chose dans le contexte actuel, très défavorable aux sortants). Il est actuellement ministre de l’Intérieur du gouvernement fédéral. Il est surtout connu par son surnom plutôt que par son prénom. Il s’appelle Wado de Pedro. Sa maman s’appelait Lucila Révora. Ce matin, sa photo fait la une de Página/12 (qui, au comble de la contradiction, continue de soutenir Poutine au nom de la lutte contre l’impérialisme et en faisant silence sur les crimes contre l’humanité qui se commettent de nos jours en Ukraine – et ailleurs sous l’autorité du dictateur kagébiste).
Dans l’article, le journal met côte à côté la photo en noir et blanc de la maman et celle, en couleurs, du ministre presque cinquantenaire que l’on connaît aujourd’hui : la ressemblance est frappante. Elle est donc aussi très émouvante.
Wado de Pedro a appris le sort réservé à sa mère grâce à l’audition d’un ancien gendarme dans un procès contre les crimes de la dictature. L’homme, qui a participé à la commission des faits, répondait aux magistrats à travers une connexion Zoom.
Il y a quelques temps, le ministre s’était rapproché d’un collectif qui permet aux enfants des criminels de la dictature qui renient le régime militaire de leurs parents de rencontrer les victimes de ce régime : cette institution milite pour une réconciliation à la sud-africaine, dans une démarche de vérité de la part des bourreaux ou de leurs descendants. En complément de son article de tête sur Lucila Révora, Página/12 a donc choisi de publier l’interview d’un des membres du collectif, Analía Kalinec.
Pour aller plus loin :
lire l’interview de Analía Kalinec, fille d’un sbire de la dictature.