C’est une interview donnée en France il y a plusieurs mois qui vient de ressurgir en Amérique hispanophone où elle enflamme les réseaux sociaux avec la violence des incendies de Los Angeles. Cet entretien se serait sans doute perdu si Emilia Pérez n’avait pas récemment obtenu autant de nominations aux prochains Oscars, ce musical français doté d’une distribution internationale et de dialogues en espagnol, dont l’action se passe dans un Mexique convenu, ravagé par les cartels de la drogue et encore plus par les stéréotypes et les préjugés et dont l’aspect superficiel avait vocation à passer inaperçu grâce au caractère transgenre de la comédienne en haut de l’affiche, censée suffire à lui seul à faire saluer ce film comme un chef-d’œuvre audacieux et dans le coup.
Au cours de cet entretien, le réalisateur, Jacques Audiard, étale un indécent mépris pour le Mexique lui-même, qu’il avoue n’avoir même pas étudié avant d’en faire son décor-prétexte, et pour la langue espagnole dont il reconnaît avec une fatuité d’un autre âge ne pas parler un traître mot. Féconde ignorance, se vante-t-il, grâce à laquelle il aurait pu diriger le tournage sans rien comprendre aux dialogues, ce qui lui aurait laissé la possibilité de se livrer au rêve et à l’imagination, ce qui lui est interdit en français, puisqu’il comprend tout ce qui se dit sur le plateau. Outrecuidant et arrogant comme un Donald Trump, le cinéaste français ajoute que la langue espagnole est une langue de pauvres et de migrants qui fuient des pays sous-développés.
Un certain Cervantes dont, avec
une bonne dose de chance, certains d’entre vous auront peut-être entendu
parler, la poétesse chilienne Gabriela Mistral, prix Nobel de
littérature, les Argentins Jorge Luis Borges et Julio Cortazar (de la petite bière !),
l’Espagnol Manuel Vázquez Montalban, dont les romans policiers
sont devenus des classiques à l’échelle mondiale, Gabriel García
Márquez, prix Nobel de littérature colombien, et bien entendu le
Mexicain Carlos Fuentes, pour ne citer que quelques écrivains
disparus, vous saluent bien !
Le scandale a droit à la Une : ci-dessus, en bas, tout à gauche ! Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution |
Depuis quelques jours, écœurés par l’image que le film donne de leur pays et chauffés à blanc, par-dessus le marché, par la Maison Blanche nouvelle version, les Mexicains se répandent sur Internet pour vouer aux gémonies cet insupportable discours qui pue le colonialisme à 9 000 km à la ronde et son auteur. Des spectateurs qui ont déjà vu le film exigent d’être remboursés. La presse argentine et les Argentins eux-mêmes leur embrayent le pas en vomissant leur mépris et leur rancœur au point que c’est maintenant le français que les journalistes, les écrivains et les particuliers dénoncent en retour comme langue impérialiste. Le français dont le rayonnement décroît pourtant à la vitesse grand V dans le monde entier depuis qu'Emmanuel Macron a quasiment abandonné à leur sort les Alliances Françaises, ces associations locales liées au Quai d’Orsay qui jouissaient partout d’un incroyable prestige jusqu’à ce que sa condescendance s’installe à l’Élysée en 2017.
Il ne manquait plus que cela !
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