Pour tenter de limiter les
conséquences, notamment électorales, du scandale de corruption qui
implique actuellement l’entourage le plus proche du président
Javier Mileí, sa sœur et son avocat personnel imprudemment nommé
par lui
à la tête de l’agence du handicap dont
il vient d’être révoqué,
le gouvernement a obtenu
d’un magistrat pour le
moins suspect une
interdiction de rendre publics les enregistrements audio qui prouvent
que des dessous de table ont profité
à différentes personnes,
dont la sœur du chef de
l’État, qui
agit depuis toujours comme
l’âme
damnée de son frère.
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Le gouvernement attribue l'audiogate à la Russie et au Venezuela, dit le gros titre Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
De quoi s’agit-il ? De surfacturation par un seul grossiste de médicaments vendus à l’agence et destinés aux handicapés, avec redistribution aux proches du président des sommes ainsi volées à l’État argentin, client du grossiste peu scrupuleux. Cette affaire de corruption a donné lieu à des conversations entre les corrompus. Or elles ont été enregistrées, certaines au sein même du palais présidentiel, ce qui a déclenché une enquête en interne : le président cherche à identifier le traître parmi le personnel de ses services (ce n’est donc pas une infox montée par le Kremlin ou par Caracas comme le président s’efforce de le proclamer depuis cette nuit).
Depuis plusieurs jours, ces
documents audio sont publiés au compte-gouttes dans
la presse, alors que la
campagne de mi-mandat bat son plein et
vient d’aboutir à une défaite sévère du camp présidentiel dans
la province de Corrientes. Et cela ne s’annonce guère mieux
dimanche prochain dans la province de Buenos Aires puis au niveau
national en octobre.
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L'affaire a droit à un titre secondaire, en haut à droite : "Décision de justice polémique : elle interdit de diffuser les audios de Karina Mileí" Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Le juge qui a prononcé l’interdiction est lui-même poursuivi, entre autres, pour des faits de violence contre sa compagne, ce qui devrait lui valoir d’être révoqué du corps des magistrats s’il est reconnu coupable.
Les observateurs, les juristes,
les constitutionnalistes, de nombreux élus surtout de l’opposition
et bien entendu un grand nombre de journalistes voient dans cette
réaction de l’exécutif
une violation gravissime de la liberté d’expression et de la
liberté de la presse. Un nouveau pas du
président vers
l’instauration d’un régime autoritaire, pour
ne pas parler de
dictature.
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"Le gouvernement a obtenu une décision judiciaire pour empêcher la diffusion d'autres audios de Karina Mileí" Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Dans le paysage médiatique argentin, parmi les titres nationaux, on observe ce matin que Clarín évoque à peine l’affaire tant il est occupé par son actualité maison et la grande soirée d’hier au Teatro Colón avec tout le gratin mondain pour les 80 ans de la fondation du quotidien et que La Prensa, qui défend le point de vue de la droite catholique réactionnaire, s’émeut le moins de ces initiatives liberticides. En revanche, Página/12 et La Nación, qui sont à l’opposé idéologique et politique l’un de l’autre, dénoncent les mêmes faits, souvent dans les mêmes termes : opération judiciaire critiquable voire illégale, atteinte à la liberté d’informer, invraisemblance de l’argument officiel pour dénoncer une opération de désinformation de la Russie et du Venezuela (alors qu’on sait que les faux russes sont très faciles à détecter en OSINT, ne serait-ce que par la mauvaise maîtrise de la langue dont les faussaires font preuve) et situation peu crédible, sur les plans personnel et professionnel, du juge ayant pris cette décision.
A suivre…
Pour aller plus loin :