mardi 2 septembre 2025

Pour faire baisser la fièvre, le mieux ne serait-il pas de casser le thermomètre ? [Actu]

Opération cadena, dit le gros titre
Comme La Nación, Página/12 s'interroge
sur l'opportunité pour le président de se rendre
aux Etats-Unis ces jours-ci pour aller applaudir
le spectacle d'une de ses ex en tournée chez Tonton Donald
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Pour tenter de limiter les conséquences, notamment électorales, du scandale de corruption qui implique actuellement l’entourage le plus proche du président Javier Mileí, sa sœur et son avocat personnel imprudemment nommé par lui à la tête de l’agence du handicap dont il vient d’être révoqué, le gouvernement a obtenu d’un magistrat pour le moins suspect une interdiction de rendre publics les enregistrements audio qui prouvent que des dessous de table ont profité à différentes personnes, dont la sœur du chef de l’État, qui agit depuis toujours comme l’âme damnée de son frère.

Le gouvernement attribue l'audiogate à la Russie
et au Venezuela, dit le gros titre
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De quoi s’agit-il ? De surfacturation par un seul grossiste de médicaments vendus à l’agence et destinés aux handicapés, avec redistribution aux proches du président des sommes ainsi volées à l’État argentin, client du grossiste peu scrupuleux. Cette affaire de corruption a donné lieu à des conversations entre les corrompus. Or elles ont été enregistrées, certaines au sein même du palais présidentiel, ce qui a déclenché une enquête en interne : le président cherche à identifier le traître parmi le personnel de ses services (ce n’est donc pas une infox montée par le Kremlin ou par Caracas comme le président s’efforce de le proclamer depuis cette nuit).

Depuis plusieurs jours, ces documents audio sont publiés au compte-gouttes dans la presse, alors que la campagne de mi-mandat bat son plein et vient d’aboutir à une défaite sévère du camp présidentiel dans la province de Corrientes. Et cela ne s’annonce guère mieux dimanche prochain dans la province de Buenos Aires puis au niveau national en octobre.

L'affaire a droit à un titre secondaire, en haut
à droite : "Décision de justice polémique : elle interdit
de diffuser les audios de Karina Mileí"
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Le juge qui a prononcé l’interdiction est lui-même poursuivi, entre autres, pour des faits de violence contre sa compagne, ce qui devrait lui valoir d’être révoqué du corps des magistrats s’il est reconnu coupable.

Les observateurs, les juristes, les constitutionnalistes, de nombreux élus surtout de l’opposition et bien entendu un grand nombre de journalistes voient dans cette réaction de l’exécutif une violation gravissime de la liberté d’expression et de la liberté de la presse. Un nouveau pas du président vers l’instauration d’un régime autoritaire, pour ne pas parler de dictature.

"Le gouvernement a obtenu une décision judiciaire
pour empêcher la diffusion d'autres audios de Karina Mileí"
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Dans le paysage médiatique argentin, parmi les titres nationaux, on observe ce matin que Clarín évoque à peine l’affaire tant il est occupé par son actualité maison et la grande soirée d’hier au Teatro Colón avec tout le gratin mondain pour les 80 ans de la fondation du quotidien et que La Prensa, qui défend le point de vue de la droite catholique réactionnaire, s’émeut le moins de ces initiatives liberticides. En revanche, Página/12 et La Nación, qui sont à l’opposé idéologique et politique l’un de l’autre, dénoncent les mêmes faits, souvent dans les mêmes termes : opération judiciaire critiquable voire illégale, atteinte à la liberté d’informer, invraisemblance de l’argument officiel pour dénoncer une opération de désinformation de la Russie et du Venezuela (alors qu’on sait que les faux russes sont très faciles à détecter en OSINT, ne serait-ce que par la mauvaise maîtrise de la langue dont les faussaires font preuve) et situation peu crédible, sur les plans personnel et professionnel, du juge ayant pris cette décision.

A suivre…

© Denise Anne Clavilier


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