Hier, montrant une nouvelle fois que ses autorités sont remarquablement informées, l’Ukraine a dénoncé une huitaine de pays étrangers qui se sont impliquées dans les simulacres de référendum dans les oblasts ukrainiens partiellement occupés par les Russes. Parmi ces pays dont des ressortissants se trouvent dans les zones d'occupation en qualité de pseudo-observateurs des scrutins illégaux, il y a un détenteur de passeport uruguayen (1). Il s’agit d’un responsable du Frente Amplio, la formation uruguayenne qui rassemble toute la gauche du pays et qui a tenu pendant quinze ans la présidence du pays juste avant l’élection de Luis Lacalle Pou, l'actuel président de droite libérale. Cet homme jeune, qui arbore fièrement un fin collier de barbe, fait partie du comité des relations étrangères du FA. Il bénéfice actuellement d’un congé qu'il emploie à faire des études à Moscou d’où il s’est rendu en zone de guerre. Il a tenté de se justifier avec des déclarations qui relèvent soit d’un cynisme odieux soit d’une incompétence crasse.
Ce matin, le ministère des
Affaires étrangères d’Uruguay a dû publier un communiqué
tout ce qu’il y a de plus officiel pour se désolidariser
publiquement de la démarche personnelle illégale effectuée dans un
pays étranger par ce représentant de l’opposition. A l’ONU, à
l’occasion de l’assemblée générale, le ministre a même
réclamé très officiellement que la Russie se retire de l’Ukraine ;
c’est sans doute la prise de position solennelle la plus nette de
la part de ce pays depuis le début de l’attaque à grande échelle
contre Kiyv, il y a sept mois. Il est vrai que tout récemment, à Samarcande puis à New-York, la Chine
s’est clairement désolidarisée de la Russie, le gouvernement
uruguayen n’a donc plus à craindre de mettre en danger ses
négociations avec Beijing au sujet d’un prochain accord de
libre-échange entre les deux pays. Depuis la dénonciation
officielle, le personnel diplomatique et consulaire ukrainien a dû
se démultiplier à Montevideo pour apaiser la situation.
Le gros titre dit : "Le parquet décide ce mardi s'il inculpe ou non le chef des gardes du corps de Lacalle" Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution |
Aujourd’hui, devant la gravité des faits, les réactions des opinions publiques dans le pays et hors de ses frontières et la crédibilité internationale désormais acquise par l’Ukraine, le Frente Amplio lâche son militant russophile.
Au même moment, alors que le
monde entier a depuis une semaine les yeux fixés sur les files d’attente formées par
les insoumis russes aux frontières de leur pays, un scandale inouï
et connexe éclate à Montevideo : le chef de la sécurité du
président Luis Lacalle Pou est compromis dans un trafic de faux
papiers qui permettaient à des citoyens russes d’obtenir un
passeport uruguayen ! Ce week-end, le garde du corps
accompagnait le président à l’étranger pour un week-end de
détente. Il a été arrêté hier à la descente de l’avion à la
stupéfaction du chef de l’État qui assure qu’il ignorait tout (la stupéfaction se lit sur son visage).
Pourtant le bonhomme n’est pas blanc-bleu. De façon assez difficilement compréhensible pour une personne de confiance si proche d’un chef d’État, il accumule les antécédents délictueux : une vingtaine d’affaires louches qui l’impliquent ont pu être identifiées dans les archives policières et judiciaires uruguayennes. Voilà vingt-trois ans que ce type fait partie du personnel de la famille Lacalle qu’il avait commencé à servir en 1999 en qualité de chauffeur de maître.
Une instruction judiciaire est lancée. L’homme est en garde à vue et sera sans doute placé sous écrou sous peu.
Pour aller plus loin :
lire l’article de El País (droite libérale)
lire l’article de El Observador
lire l’article de La Nación (journal argentin de la droite libérale)
Ajout du 28 septembre 2022 :
Le
Frente Amplio a préféré hier s’abstenir de prendre la moindre
mesure contre ce directeur de son conseil des Affaires étrangères,
parti faire des études à Moscou et envoyé par la Fédération de
Russie pour légitimer son occupation du territoire ukrainien.
L’organisation politique reste dans l’ambiguïté
même si son président a affirmé que sa formation n’avait aucune
responsabilité dans le rôle que le militant a joué dans la
procédure russe en Ukraine. Il parle lui-même d’« invasion
russe ».
Pour aller plus loin :
lire l’article de El País
lire l’article de El Diario R/GrupoRmultimedio
(1) Outre l’Uruguay, les pays concernés sont la Russie (on n’est jamais mieux servi que par soi-même !), la Biélorussie, la Syrie, l’Égypte, le Brésil, le Venezuela, le Togo et l’Afrique du Sud. Rien que des pays crédibles pour fournir des observateurs impartiaux aux yeux de Poutine.