vendredi 21 janvier 2022

Un ex-jésuite uruguayen dénonce le double langage de l’Église catholique [Disques & Livres]

Me connaître m'a rendu libre, dit le titre
Cliquez sur l'image pour une haute résolution


Página/12 a choisi aujourd’hui de consacrer la une de son supplément de culture contestataire Soy (je suis) à un élu municipal de Montevideo, la capitale de l’Uruguay voisin (1). Avant de retrouver son actuel état laïc, l’homme a été jésuite et, à ce titre, il a vécu à Rome où il est allé faire des études de théologie. Dans la compagnie de Jésus, c’était donc un homme brillant auquel était promise une trajectoire intellectuellement des plus riches.

Homosexuel, il a pu constater que, dans la capitale du pape, son orientation sexuelle était largement partagée par de nombreux clercs réguliers et séculiers, tout comme, en français, Frédéric Martel l’a lui aussi décrit il y a plusieurs années dans Sodoma.

En août dernier, Julio Boffano a donc publié un ouvrage autobiographique où il assume son homosexualité et revendique sa liberté dans ce domaine. Comme Martel, il fait état des mêmes rendez-vous clandestins de la gare de Termini et d’autres anecdotes tout aussi sordides. Le livre est sorti chez Planeta Uruguay qui en propose les premières pages en lecture gratuite. Comme on peut l’imaginer aisément, Boffano dénonce, de l’intérieur cette fois (2), le double langage du magistère catholique sur la sexualité et la discordance entre l’écheveau de règles strictes et d’interdits de toutes sortes et les mœurs cachées de nombreux prélats et autres responsables de haut niveau qui sont, selon son témoignage, les premiers à les enfreindre.

Après le récent scandale chilien de pédo-criminalité qui a impliqué de près ou de loin tous les évêques du pays, dont les prédécesseurs étaient eux-mêmes fortement suspects de complicité avec la dictature de Pinochet, c’est un gros pavé dans la marre !

Une du supplément de Página/12
Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution

Pourtant, cet ouvrage a beau avoir été soutenu par la municipalité de Montevideo, il n’a fait que très peu parler de lui dans la presse en Uruguay, comme ailleurs dans le monde hispano-américain. D’où cette mise en lumière brutale par un Página/12 de tradition anticléricale bien ancrée et qui s’attarde aussi aujourd’hui sur les soupçons pesant sur le pape émérite depuis la découverte il y a quelques jours de plusieurs crimes contre des mineurs dans le diocèse de Munich à l’époque où Benoît XVI en était l’archevêque.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12 qui interviewe Julio Boffano
lire l’article de El País en date du 20 septembre 2021 (l’un des très rares quotidiens uruguayens à avoir abordé le sujet dans ses colonnes) : il y dénonce le silence qui règne sur ce thème en Uruguay tout en assurant que son cas n’y est pas une exception
lire la présentation de Planeta Uruguay (on peut acheter le livre directement sur le site, où les prix s’affichent en pesos uruguayens)
lire (et écouter) la présentation que Boffano a faite de son livre en septembre dernier sur le site de la Ville de Montevideo



(1) Dirigée par une maire du Frente Amplio (l’ensemble des partis de gauche), soutenue par le Parti Communiste uruguayen, dans un pays centralisé gouverné depuis deux ans à droite toute. La maire de Montevideo est une ancienne ministre des trois gouvernements successifs du Frente Amplio qui ont dirigé le pays pendant 15 ans jusqu’en 2019.

(2) Frédéric Martel, pour revenir à lui, est tout à fait extérieur à l’Église dont manifestement il connaît et comprend de manière très superficielle l’histoire (récente comme ancienne), les dogmes et les pratiques sacramentelles. Il fait ici et là d’énormes contresens.