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Premier épisode, aujourd'hui à 23h30 Pour une haute résolution, cliquez sur l'image |
Hier, le président élu a
annoncé qu’il mettrait en œuvre son programme et qu’il le
ferait d’un coup, sans mesure intermédiaire destinée à atténuer
le choc et à permettre à tout le monde de s’adapter. Si le
Congrès lui en laisse la possibilité (ce que sa nouvelle
composition rend peu probable, d’autant que l’élu d’avant-hier
ne veut pas d’une coalition de gouvernement), il commencera par
privatiser YPF, la société publique centenaire qui exploite les gisements de
pétrole en Patagonie et commercialise en Argentine les produits
raffinés qui en sont issus (ça a déjà été fait dans les années
1990 au grand bonheur du pétrolier Repsol qui rapatriait tous les
bénéfices en Espagne, comme au bon vieux temps des colonies). Les
seconds sur la liste des condamnés sont les médias nationaux :
l’agence de presse Telam et le groupe audiovisuel que forment TV
Pública et Radio Nacional.
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L'équipe du tournage au grand complet Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Ce que TV Pública va diffuser ce
soir est donc l’une des toutes dernières productions que nous
pourrons apprécier du service public argentin. Il s’agit d’une
série de quatre épisodes d’un peu moins d’une heure chacun qui
raconte, sur un mode romancé, les derniers mois de Enrique Santos
Discépolo (1900-1951), le poète et compositeur génial de tangos
comme Uno,
Cafetín de Buenos
Aires, Cambalache
ou Chorra
(1).
Anarchiste convaincu toute sa vie, le poète finit, une dizaine
d’années avant sa mort, par se laisser convaincre, comme presque
tout le secteur tanguero de son époque (2),
par le projet souverainiste et social de Juan Domingo Perón dont il
servit la campagne électorale pour son deuxième mandat, en 1951.
Dans ce cadre, il écrivit une série de conversations imaginaires
avec un opposant dont on n’entend jamais les arguments et qu’il
surnomme Mordisquito (ce qui sonne un peu comme « Mais c’est
qu’il me mordrait ! »). Ces sketches, qui n’ont pas
pris une ride, il les interpréta lui-même à la radio à laquelle
seuls les partisans de Perón avaient alors accès pendant la
campagne (3).
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Les quatre interprètes principaux dans le décor Au mur on reconnaît les portraits du couple présidentiel, Evita et Perón (Je pense que le bas filé au premier plan a échappé au regard du service de presse) Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Mordisquito, a mí no me la
vas a contar
(Mordisquito, tu ne vas pas me la faire à moi !) est donc un
travail éminemment péroniste, avec une reconstitution très fidèle
des décors des années 1940-1950, et on n’est pas prêt d’en
revoir de sitôt tant que le dingue occupera la Casa Rosada (4).
Ce ne sont pas les médias privés qui iront dans ce sens. Si le
groupe Octubre résiste économiquement à la tempête qui s’annonce,
il sera bientôt le seul à s’y consacrer.
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"Soutiens la sélection sur TV Pública", dit le gros titre Aujourd'hui, à partir de 19h30 Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
En première partie de soirée,
la chaîne diffusera le match entre la Scaloneta et la Seleçao, qui
se jouera au stade de Maracana, au Brésil. Tant qu’elle est encore
en vie, TV Pública a en effet les droits de retransmission des
matches de l’équipe nationale.
© Denise Anne Clavilier
Pour aller plus loin :
(1) Une dizaine de ses textes,
soit autant de classiques du répertoire, sont disponibles en version
bilingue dans l’anthologie que j’ai publiée aux Éditions
du Jasmin,
Barrio de Tango,
recueil bilingue de tangos argentins.
(2) On exclura de cette vague
Osvaldo Pugliese qui resta toujours fidèle au parti communiste,
lequel était hautement suspect aux yeux de Perón puisque suspecté
non sans raison de recevoir ses ordres du Kremlin.
(3) Napoléon III faisait la même
chose : seuls les candidats dits officiels, les siens, avaient
le droit de tenir des réunions politiques. Sous De Gaulle et
Pompidou, la France gardait encore bien des traits du Second Empire.
(4) Façon de parler car Mileí a
fait savoir hier qu’il vivrait et travaillerait à Olivos, dans la
résidence présidentielle de campagne, devenue la résidence
habituelle du chef de l’État sous les Kirchner mari et femme, et
qu’il ne mettrait pas les pieds à la Casa Rosada. Cela vaut
peut-être mieux pour lui : cela lui évitera d’entendre, sur
Plaza de Mayo, les cris des manifestants qui ne tarderont pas, avec
autant d’insultes qu’il en a dites au cours de ses campagnes
électorales, à lui exprimer leur mécontentement, dès la rentrée
de mars et même peut-être avant, dès qu’ils auront constaté
tout ce qu’ils ont perdu en l’ayant élu !